Plon (4p. 191-193).


XXXIII


Certes, les assiégés n’eussent point résisté longtemps, tant à cause des perrières et des mangonneaux qui battaient la tour que des assauts de Mordret et de ses gens, s’ils n’eussent point été si preux et vaillants. Cependant Mordret mandait à lui les hauts hommes d’Écosse, d’Irlande, de Galles et de beaucoup de pays étrangers qui tenaient leurs terres de la couronne de Logres ; et, d’abord qu’il les voyait, il leur faisait de si riches dons et de si grands honneurs qu’ils en restaient tout ébahis : grâce à quoi il se les attachait très bien et ils disaient qu’ils ne l’abandonneraient pas et le défendraient contre tous, voire contre le roi Artus en personne, s’il revenait au monde. C’est ainsi que Mordret dépensait les trésors que le roi lui avait donnés à garder.

Un jour qu’il revenait d’assaillir la tour, on lui dit que le roi Artus s’était embarqué pour reconquérir le royaume de Logres, et il en fut tout éperdu, car il craignait que sa déloyauté ne lui nuisît s’il y avait une bataille. Il requit ceux à qui il se fiait davantage de le conseiller.

— Sire, lui dirent-ils, nous n’avons d’autre avis à vous donner que celui de rassembler vos forces et de marcher contre Artus en lui mandant de vider cette terre dont les prud’hommes vous ont saisi. Ses gens sont las et blessés : ils ne sauront durer contre les vôtres qui sont beaucoup plus nombreux et très dispos, car il y a longtemps qu’ils n’ont porté les armes.

De ces mots, Mordret eut un grand réconfort. Il manda tous ses barons et ses hauts hommes, et, quand ils furent à Londres, il leur promit de les récompenser selon son pouvoir si Dieu lui donnait l’honneur de la bataille, de manière que tous résolurent de se mettre en marche le lendemain pour aller à la rencontre du roi Artus.