Plon (4p. 116-118).


VIII


Or, il est dit en cette partie qu’en quittant Camaaloth, Hector et Lionel allèrent droit à Escalot où ils pensaient avoir des nouvelles de leur seigneur. Le vavasseur les hébergea et, quand ils entrèrent dans la chambre où était pendu l’écu de Lancelot, ils le reconnurent très bien : c’était le dernier qu’on lui eût fait faire.

— Bel hôte, dit Lionel, je vous conjure par ce que vous aimez le mieux de nous apprendre où se trouve présentement le chevalier qui laissa céans cet écu. Et si vous ne voulez nous le dire pour nos prières, assurez-vous que nous vous combattrons et nuirons autant que nous pourrons.

— Si c’est pour son bien que vous le cherchez, je vous enseignerai où il est. Autrement, nulle menace ne m’y contraindra.

— Par tout ce que je tiens de Dieu, je vous jure que nous sommes ceux qui l’aiment le plus au monde !

Alors le vavasseur leur apprit qu’il était chez sa sœur, non loin de Winchester. Et le lendemain il leur donna pour les conduire son fils aîné, de manière que le soir même ils arrivèrent au manoir de la dame.

Quand il les vit entrer dans la cour, ne demandez pas si Lancelot fut joyeux ! Il courut les accoler, car il pouvait marcher assez bien, mais non pas encore chevaucher. Et ils lui demandèrent s’il serait bientôt rétabli.

— Prochainement, répondit-il, s’il plaît à Dieu. Mais la plaie était si profonde que j’ai été longtemps en péril de mort ; et si je puis connaître le chevalier qui me la fit et le retrouver en quelque tournoi, il sentira que mon épée est capable de trancher un haubert d’acier !

À ces mots, Hector se mit à rire et à battre des mains, et il dit à Lionel :

— On verra donc comment vous vous comporterez, car celui à qui vous aurez affaire n’est pas le plus couard du monde !

— Hélas ! beau sire, dit à son cousin Lionel tout dolent, vous étiez déguisé en nouveau chevalier, vous qui avez porté les armes durant plus de vingt-cinq ans, de sorte que je ne vous avais pas reconnu !

Lancelot répondit à Lionel que, du moment qu’il en était ainsi, il ne lui savait pas mauvais gré de la blessure qu’il avait reçue.

— Beau sire, fit alors Hector, sachez que vous m’avez fait éprouver l’acier de votre lance à un moment où je ne le désirais nullement !

Ainsi causant à grande joie du tournoi de Winchester et d’autres choses, ils demeurèrent chez la tante des deux chevaliers d’Escalot toute la semaine, tant qu’enfin Lancelot se trouva guéri. Alors il voulut regagner la cour, car Lionel n’avait pas osé lui répéter les cruelles paroles que la reine avait dites de lui. Mais le conte retourne maintenant au roi Artus.