La Mission Marchand (I. Congo - Nil ; II. Fachoda)
Fayard Frères (p. 7-17).

CHAPITRE PREMIER

L’EXPLORATION DU BAHR-EL-GHAZAL


Établie à Port-Desaix, sur le Soueh, la mission avait été péniblement affectée par une nouvelle, mise en circulation parmi les peuplades noires.

Des Européens, disait-on, avaient paru sur le Nil, se dirigeant vers Fachoda, objectif de la colonne Marchand.

Impossible de se renseigner complètement.

Le capitaine Baratier offrit alors de s’enfoncer dans les marais, et quoiqu’il semblât se condamner à la mort, en s’engageant, pendant la saison des basses eaux, dans les solitudes marécageuses du Bahr-el-Ghazal, sa courageuse proposition fut acceptée.

De tous les incidents qui ont marqué les étapes glorieuses de la mission Marchand, aucun peut-être n’a atteint l’intensité dramatique de la reconnaissance du Bahr-el-Ghazal, de Fort-Desaix au Nil par le capitaine Baratier.

Lui-même l’a racontée en soldat que rien n’émeut, que rien n’abat.

C’est un sentiment de respect, nous dirions presque d’affection profonde, qui nous pousse à laisser la parole au héros de cette exploration.

Nul ne pourrait dire mieux.

Nul ne pourrait dire davantage.

C’est une âme de soldat qui palpite dans ces lignes rapides, un soldat dont Marchand lui-même disait à cette époque : « Je suis sans nouvelles de Baratier ; mais je suis tranquille, les hommes comme nous ne finissent pas en Afrique. »

Et maintenant, capitaine Baratier, parlez :

Fort-Desaix, 29 mars 1898.

…Marchand ne pouvait lancer plus de deux cents hommes sans être sûr de ce pays, en somme à peu près inconnu, aussi bien au point de vue de la route elle-même, fort incertaine, qu’au point de vue de l’approvisionnement.

D’après les indications des indigènes, d’après les livres des voyageurs ou des gouverneurs de provinces, du temps de l’occupation des Turcs, je n’avais qu’à descendre le Soueh pour arriver au Bahr-el-Ghazal, et de là redescendre au Sud pour arriver à la Mechra.

C’était un voyage d’une quinzaine, aller et retour, et le pays était riche en vivres.

Oh ! illusion !

Donc, le 12 janvier, je pars avec un seul boat ; Landeroin, vingt tirailleurs et huit pagayeurs sont avec moi.

Dès les premiers jours, je constate que c’est à peine si je trouve de quoi nourrir mes trente hommes, en payant très cher.

De plus, ces populations, qui devaient m’accueillir avec joie, étaient plus que méfiantes ; en certains endroits même on m’invitait à faire demi-tour.

Enfin, après quelques palabres, j’arrivais toujours à passer, mais cela menaçait de devoir être beaucoup plus long que je ne le pensais.

Le 25 janvier, nous n’avions plus de vivres, les Djinquis, ou Dinkas, refusant de m’en vendre.

Le 26, à neuf heures du matin, au détour d’un coude, nous voyons cinq éléphants sur la berge.

Nous sautons à terre et en tuons deux.

Du coup, une nuée de Djinquis arrive. Ils sont très avides de viande, aussi je leur promets les éléphants s’ils apportent de la farine.

Leur méfiance disparaît devant l’appât, et j’ai cinq jours de farine pour tout mon monde ; la Mechra ne peut être loin, je suis paré.

Le 29 janvier, le Soueh se rétrécit, les berges s’abaissent ; par endroits d’immenses marais crèvent la rive.

Le 30 janvier, les berges disparaissent complètement et nous entrons dans un chenal assez profond, circulant au milieu de roseaux.

Ce sont les roseaux que les Nubiens appelaient l’oumn-souf (mère de la laine), à cause de la gaine qui enveloppe la tige, gaine de poils soyeux qui s’accrochent à la peau et causent des démangeaisons cuisantes.

À onze heures du matin, nous trouvons un premier barrage formé de débris de roseaux réunis par une plante verte ayant la forme d’un petit chou.

Nous ouvrons le barrage, puis un deuxième, un troisième, etc…

À midi, nous sommes en face de deux bras.

Une pirogue djinquie nous fait signe de loin de prendre celui de droite.

C’était un chenal très étroit ; le boat se fraye un chemin dans les herbes sur lesquelles se halent les hommes.

À trois heures, le chenal disparait complètement ; il est impossible que les bateaux des Turcs aient jamais passé par là.

Les Djinquis nous ont fait prendre la mauvaise route ; je commande : en arrière, et à sept heures du soir, nous revenons au confluent des deux bras.

Il fait nuit, impossible de trouver un coin de terre, c’est le marais de tous côtés.

Cependant, sur notre droite, les herbes sont tellement épaisses que l’on peut presque se tenir dessus comme sur un plancher. Nous restons là, sur nos cantines, pour ne pas être complètement dans l’eau, on y est encore moins mal que dans le boat.

Il fait très froid. Pas un morceau de bois ; ni feu, ni cuisine, mais en revanche des moustiques…

Le 31 janvier, nous repartons par le bras laissé hier.

À huit heures du matin, le bras entre, lui aussi, dans les herbes ; on recommence à se haler sur l’oumn-souf qui s’accroche aux-mains.

À dix heures, plusieurs pirogues djinquis apparaissent derrière nous. Impossible de les faire approcher. Je me mets à l’eau avec Landeroin et j’arrive près des indigènes.

Pas un ne parie arabe, nous causons donc par gestes.

Une pirogue consent à nous servir de guide ; avec une peur bleue, elle passe à côté du boat et prend les devants.

Les pirogues djinquies sont d’énormes patins, très légers, posant à peine sur l’eau et très relevés aux deux bouts ; elles glissent ainsi facilement sur les herbes immenses.

À midi, nous débouchons dans une succession de mares couvertes de nénuphars.

Il n’y a presque plus d’eau, les hommes tirent le boat sur la vase dans laquelle ils s’enfoncent jusqu’aux aisselles.

C’est le marais à perte de vue ; de la vase se dégage, une odeur effroyable.

À trois heures, il n’y a plus d’eau du tout ; je fais signe aux Djinquis que je m’arrête.

Ils me font signe de leur côté qu’ils reviendront demain, que je puis coucher là.

Coucher où ?

Un banc de vase à peu près asséché est à cent cinquante mètres à gauche ; à grand’peine nous parvenons à décharger le boat sur ce banc et nous couchons sur cette vase.

Il nous reste cent grammes de riz à chacun par jour et pour cinq jours.

Le 1er  février, les guides reviennent à neuf heures.

Impossible d’obtenir qu’ils nous apportent des vivres.

Nous nous traînons sur la vase.

Enfin, à midi, nous débouchons dans un lac. De l’eau ! De l’eau et de l’oumn-souf, mais de terre, point.

À trois heures, les guides nous lâchent.

J’essaye de continuer seul, mais comment trouver le chenal ? où crever les barrages qui se montrent de tous côtés ?

À cinq heures, je m’arrête ; nous trouvons un morceau de vase à peu près sèche, et nous couchons là.

Il fait diablement faim !

Le 2 février, les guides reparaissent encore ; le soir, nous ne trouvons, pour passer la nuit, que le plancher d’herbes et nous restons assis sur nos cantines.

Pas de feu et pas de cuisine !

Le 3, même navigation, nous trouvons un petit îlot ; au moins nous serons au sec, mais la faim ne diminue pas !

Le 4, à midi, nous débouchons dans une vraie mer, mais, hélas ! à cinq heures, nous rentrons dans les herbes.

Campement sur les herbes.

Le 5, les herbes sont plus hautes et plus épaisses que jamais ; elles n’ont pas de racines, on ne peut plus se haler dessus et il y a trop de fond pour les perches.

Qu’allons-nous devenir ?

Impossible de faire approcher les guides.

Exaspéré, je me mets à l’eau, je veux aller à eux leur faire comprendre que nous crevons de faim, mais il y a trop d’herbes, on ne peut nager, et trop de fond, on n’a pas pied.

Ma tentative n’a eu pour résultat que d’éloigner les guides.

À six heures du soir nous avons fait mille trois cent cinquante mètres.

Même nuit qu’hier, il n’y a plus un gramme de vivres à bord.

Le 6, nous repartons.

Qu’allons-nous devenir ? Pas un oiseau ne se montre.

À cinq heures du soir, nous entrons dans une succession de mares couvertes de nénuphars. Nous en arrachons des racines et les dévorons.

De loin les Djinquis nous fout signe que c’est parfait.

Je les tuerais, ces gens-là !

Tu me diras : mais ces Djinquis, où sont leurs villages ?

Il n’y en a pas.

Dès qu’un coin de terre émerge de l’eau, ils construisent une hutte cachée au milieu des herbes, pendant la saison sèche, et rentrent à l’intérieur des terres lorsque les crues commencent.

Donc, le 6, au soir, nous sommes au milieu des mares ; il n’y a même plus le plancher d’herbes des autres jours, nous couchons dans le boat, accroupis sur nos caisses.

Le 7 au matin, nous parvenons à approcher des Djinquis. Je leur montre que nous mourons de faim ; ils se décident à nous déposer sur l’eau un peu de poisson sec ; il y en a bien six rations.

À trois heures les hommes sont fourbus, il faut s’arrêter.

J’ai remarqué, en passant, un banc de sable sur la gauche du chenal, à trois kilomètres en arrière ; nous y revenons et faisons provision de nénuphars.

Le 7, dans la nuit, un homme est pris d’un accès de fièvre très violent, avec coma.

C’est la faim et la fatigue.

Je lui fais une injection de quinine ; j’ai juste deux grammes de bromhydrate et Landeroin, cinq de sulfate.

Fasse le ciel que nous n’ayons pas besoin de plus !

Le 8, je suis obligé de laisser les hommes se reposer sur ce banc sec.

Le 9, nous retrouvons des guides et entrons dans un chenal de deux cents mètres de large.

La Mechra ?

Les Djinquis n’ont pas l’air de connaître ce nom. « Masoin » ? ils montrent le Nord et décrivent un arc de cercle vers le Sud.

Qu’est-ce que cela veut dire ?


en certains endroits même, on m’invitait à faire demi-tour.

Si je pouvais seulement prévenir Marchand, lui faire savoir où je suis et le terrible obstacle que la mission va rencontrer.

Où suis-je ?

Mon levé me dit que je suis au Ghazal, mais je n’ai pas d’instruments pour faire le point.

À onze heures du matin, nous trouvons un bras qui descend au Sud.

Est-ce la Mechra ?

Je crie : « Masouin » aux Djinquis ; ils me montrent le Nord de nouveau.

À une heure, nous sommes dans une vraie mer.

Il est impossible que je ne sois pas dans le Ghazal.


une pirogue consent à nous servir de guide.

Cependant, nous descendons un courant rapide ; or, tous ceux qui ont écrit sur ce fleuve affirment qu’en amont de l’Arab il n’y a pas de courant pouvant être mesuré.

Mon levé est-il donc faux ?

Enfin je continue.

Le 10, mes guides s’en vont en me montrant le Nord. À midi, nous passons au pied d’une île.

Les hommes n’en peuvent plus de fatigue et de faim, et les nénuphars ont l’air de diminuer, il faut s’arrêter et faire provision.

Dans l’après-midi je vois des canards ; je coupe des balles en morceaux et fais des cartouches. Du premier coup je tue trois canards, mais les autres filent au diable.

Heureusement que mon sergent Mariba a tué de son côté un grand marabout égaré par là, et les hommes ont trouvé deux ignames.

C’est un festin !

Le 11, nous repartons. À cinq heures, Mariba me montre un hippopotame ; je tire et le tue, mais il faut attendre qu’il remonte.

J’entre dans un bras latéral, sans courant, pour attendre. Mariba me montre encore un hippopotame.

Je lui dis : « Tire », il lui met une balle dans la tête, l’animal se débat furieusement.

Je l’achève, et comme il n’y a que trois mètres de fond, nous arrivons à l’attacher à la chaîne, mais il n’y a de terre nulle part, nous ne pouvons le tirer de l’eau.

Le 12, nous poursuivons notre route, remorquant notre hippopotame. Vers dix heures, un coin de marais desséché. On se met à dépecer l’animal, mais il n’y a pas de bois : eh ! mon Dieu, nous le mangeons tout cru !

Le 13, à midi, un îlot couvert de jujubiers.

Cela fait un peu de bois pour fumer nos morceaux d’hippopotame.

Le 14, toujours un chenal superbe, mais le vent souffle fort et soulève de vraies vagues qui nous retardent beaucoup.

À cinq heures, nous voyons enfin des arbres au loin.

Alors il y a de la terre !

À cinq heures trente, nous arrivons à un confluent ; la terre doit être là à cent cinquante mètres.

Je commande de traverser pour y arriver.

Au milieu du chenal, une forte secousse nous fait perdre l’équilibre.

C’est un hippopotame qui a crevé notre boat.

Le sergent Mariba me crie.

Dji bé na (l’eau vient). Force ! Force !

L’eau monte avec une rapidité effrayante. Nous sommes à cent mètres de la berge, berge flottante, qu’y trouverons-nous ? six mètres ou un mètre d’eau ?

Les hommes pagayent avec rage ; le boat n’émerge plus que de cinq centimètres.

Nous touchons les herbes, tout le monde saute à l’eau, on n’en a que jusqu’à la ceinture, nous sommes sauvés !

Les charges sont enlevées et portées jusqu’à la terre ferme ; les herbes sont épaisses, il faut une heure pour arriver à la terre.

Pendant ce temps, j’aveugle la voie d’eau avec une couverture, vide le boat et nous l’amenons à terre.

La nuit est venue, à demain la réparation. Le 15, réparation. Le trou a quinze centimètres de long sur dix de large ; le métal est arraché et tordu dans tous les sens.

Nous possédons un marteau pour tout instrument.

Enfin, j’arrive à réparer l’avarie avec deux plaques de bois, une en dessous, une en dessus, serrées à force avec de la peau de notre hippopotame et je calfate le tout.

Le confluent où nous sommes est boisé, mais il n’y a qu’une langue de terre, tous les arbres sont dans l’eau. — Un bras monte vers le Nord, l’autre va vers le Sud-Est.

Je prendrai ce dernier.

Le 16, nous repartons.

Un chenal de cinquante mètres de large et de près de neuf mètres de profondeur.

Le courant est encore plus fort. Suis-je dans la bonne voie ?

Le 17, nous continuons. À cinq heures du soir, nous trouvons un bon campement au confluent d’un gros bras vers le Sud.

Le 18, nous explorons le bras, ou plutôt les bras du Sud ; ils sont tous bouchés par des papyrus, ce ne peut être le chemin.

Le 19, je reprends la marche vers le Nord. Le chenal devient un torrent.

Le 20 au matin, ayant couché sur un banc de sable, je me réveille ; plus de boat.

Le courant l’a entraîné.

Il faut partir à sa recherche, tantôt sur la terre, tantôt dans la vase jusqu’au cou, tantôt à la nage.

Au bout de dix kilomètres, je le retrouve. Nous le ramenons au campement, mais une journée perdue.

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Le 22, nous longeons plusieurs villages, mais les habitants refusent de parler et ne veulent rien nous vendre.

Trouverait-on beaucoup de soldats comme ces noirs qui, crevant de faim depuis près de deux mois, n’iraient pas piller des villages aussi peu hospitaliers ? C’est pourtant ce qu’on peut faire avec nos tirailleurs sans qu’un seul songe à protester.

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Le 24, nous explorons un bras au Sud. C’est une impasse. Plus de doute, je suis bien dans le Ghazal ; mon levé est exact, et j’arrive au lac Nô.

Dans dix jours, huit peut-être, je serai à Fachoda, y trouverai-je les Anglais ?

Non.

— Je rencontre un habitant. Il parle l’arabe celui-là. C’est le premier.

— Y a-t-il des blancs sur le Nil ?

— Oui.

Quel coup. C’est un écroulement, échouer au but. Et je veux savoir, je reviens à mon homme.

— Où sont-ils ? À quelle distance.

Il ne sait pas, bien loin vers le Nord.

Sauvés ! de ses explications il résulte qu’il s’agit d’une armée… Les troupes qui opèrent contre les Derviches… Je puis revenir, et la perspective de repasser ce marais n’était pas rose pourtant.

Le 24, j’ai donc fait demi-tour.

Le 25, un jour de repos pour les hommes, et le 26, nous retournions sur nos pas.

J’avais fabriqué un aviron de queue, en guise de gouvernail, une voile avec deux couvertures ; le vent nous aiderait au moins à remonter le courant.

Je compris alors que le confluent, où nous avions été crevés par l’hippopotame, était celui du Bahr-el-Arab.

Un peu avant d’y repasser, je tuai un éléphant pour avoir quinze jours de vivres, et à l’Arab, je fis provision de bois puisque je savais ne pas en retrouver avant quinze jours.

Le 9 mars, je rentrais dans les marais du Soueh.

Le 13, j’arrivais au point où le chenal se rapproche un peu de la rive droite, quand je vois une pirogue de Djinquis sur le marais. Ils font des signes. J’arrête et ils me lancent une lettre de Largeau.

Le malheureux est à ma recherche depuis douze jours, longeant la limite sud de ce marais qu’il voit sans en connaître ni l’étendue, ni la nature ; il croit que le Soueh coule au milieu et me supplie de m’arrêter pour l’attendre.

Je lui écris que là où je suis on ne peut me rejoindre, qu’il m’attende à la sortie du marais.

Le 14, à huit heures du soir, mon clairon sonne l’appel. « Ô Largeau, entends sa voix ! » s’écrie Landeroin. Il n’a pas terminé sa phrase qu’un coup de feu lui répond. C’est Largeau. « Clairon ! sonne au drapeau ! » Un nouveau coup de feu répond ; Largeau est tout près !

Mais dans quel état il était ! Marchant depuis un jour dans l’eau jusqu’au cou ! Il a fallu que je le prisse avec son convoi dans le boat. Voyez-vous ça d’ici ? cinquante-trois hommes dans le boat ?

Nous nous entassons !

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J’avais pu repasser à travers le marais sans guides, avec mon topo ; j’étais sûr maintenant de pouvoir guider la mission.

Sorti du marais, j’ai trouvé le Soueh baissé de un mètre depuis mon passage ; des bancs de sable de cinq, six, huit cents mètres sans un filet d’eau. Il a fallu lâcher le boat et rentrer à pied. Et c’est drôle, les promenades au pays Djinqui !

Bref, le 26 mars, j’arrivais ici. On me croyait mort. À l’heure qu’il est, je me demande encore si je n’aurais pas dû continuer ! C’est un cauchemar !

Et l’eau monte à peine. Enfin, si à la fin du mois il y en a assez pour les boats, nous filons sans le Faidherbe, qui ralliera plus tard. Mais arriverons-nous à temps ? Ça me semble impossible. Je n’en vis plus.

Nous préparons tout avec Germain pour le départ.

Marchand est à Bia, où vous savez que notre pauvre Gouly est mort. Ç’a été une grande peine pour nous tous.

Mangin est à Ghattos. Dyé aux rapides avec le Faidherbe. Largeau a été constater l’existence contestée du Bahr-el-Home.

Je vais aller faire un tour sur la route de Ziber ; peut-être pousserai-je jusqu’au poste, si j’ai le temps ; car il faut être paré à filer d’ici à un mois. En voilà bien long et pendant ce temps-là je ne travaille pas, les charpentiers, tirailleurs, etc., font peut-être des bourdes. Je m’oublie à raconter mes campagnes, ni plus ni moins qu’un vieux capitaine en retraite.