Librairie académique Perrin (p. 217-263).

III

LA NUIT DU 4 BRUMAIRE


I


Un vieux et sordide bâtiment quadrangulaire, murs lézardés, planchers pourris, encadrant une cour intérieure autour de laquelle s’étend, à la hauteur du premier étage, un balcon servant de dégagement, — telle est la prison de Saint-Brieuc en l’an VI de la République. Quarante détenus n’y tiendraient pas à l’aise : on en a encaqué près de trois cents, voleurs, prêtres, femmes, chouans, déserteurs, nobles, paysans, inculpés, condamnés, ou simples suspects, qui vivent là, pêle-mêle, dans une promiscuité sans répit. Sauf en cas de mise au secret dans un réduit particulier, tout cela grouille, mange, circule, complote, s’espionne et se moucharde, sans l’ombre de discipline ou de règlement autre que le caprice du geôlier-concierge Pierre Peyrode, sorte de dompteur menant son monde à la trique et prenant par la faim les insoumis.

Peyrode n’a de sympathies ou d’aversions ni pour les Bleus ni pour les Chouans ; nulle opinion politique ; il administre sa prison comme une gargote ; on y est traité selon la dépense. Le commissaire du Directoire considère ce geôlier comme un être «  profondément immoral » et dont « tous les principes sont viciés » ; l’Administration du Département réclame même sa destitution, sans l’obtenir ; car Peyrode est une puissance ; d’ailleurs « fonctionnaire infiniment précieux » ; comme il a taxé tous ses pensionnaires, il veille de près à ce qu’aucun d’eux ne s’évade ; « il n’est pas de nuit où il ne se lève deux ou trois fois pour faire sa ronde : son dieu est l’argent ; l’ennemi de la Révolution, l’homme riche, sont par lui fêtés, flattés, pourvus… La fortune brillante qu’il a su se faire est une garantie de sa gestion[1]. »

Le châtelain de Bosseny et ses complices furent, comme on s’en doute, bien accueillis par le rapace Peyrode : il les savait copieusement fournis d’argent et leur entrée dans son domaine lui ouvrait de grasses perspectives. Le Gris-Duval surtout, dont le tour d’esprit narquois assaisonnait les situations les plus tragiques d’un revirement de comédie, devint vite, grâce à ses largesses, le roi de la prison ; il voyait et traitait journellement ses amis du dehors ; plus la tablée comptait de couverts, plus le concierge se déridait, de sorte que Le Gris incarcéré était mieux tenu au courant de ce qu’il lui importait de connaître qu’au temps où il habitait son lointain château du Mené. D’autant plus que Peyrode, redoutant de perdre un locataire si généreux, le mettait en garde contre les obséquiosités louches et les curiosités indiscrètes ; il lui signalait les bavards dont il fallait se méfier. Et ils pullulaient les bavards ! On imagine mal le nombre d’inculpés, dépourvus d’âmes héroïques, qui, à peine sous les verrous, subitement convertis par la perspective du châtiment, se déclaraient pris de contrition et disposés à racheter leur erreur par une confession générale des forfaits de leurs codétenus. Le chef de brigade Palasne-Champeaux, président du Conseil de guerre, encourageait ces délations : — « Tous les moyens sont bons pour avoir les renseignements dont nous avons besoin », écrivait-il au ministre de la Police, Lecarlier, récemment nommé, « et votre prédécesseur[2] m’ayant laissé le soin de choisir les individus propres à espionner… je tire d’eux tout le parti possible[3] ».

La carrière de Palasne-Champeaux avait été, sinon brillante, du moins rapide ; fils d’un député à la Constituante, il était, à vingt et un ans, chef de bureau de la liquidation générale. Il marqua le pas durant la Législative dont son père ne faisait point partie ; mais quand celui-ci fut élu à la Convention, le fils entra dans l’armée et conquit allègrement les grades : sous-lieutenant en janvier 1793, il était capitaine en mars et adjudant général en mai ! Suspendu par Bouchotte, suspect à Hoche, réintégré cependant, il fut employé à diverses missions délicates au cours desquelles on le surveilla de près. C’est ainsi que, chef de brigade au 15e régiment de chasseurs à cheval, il se trouvait présider, en l’an VI, le Conseil de Guerre permanent de la 13e division militaire séant à Saint-Brieuc. Correspondant directement avec le ministère de la Police, il adoptait sans vergogne les procédés de cette administration, conduisait lui-même les enquêtes et suscitait les délateurs. Grâce aux dénonciations de Mairesse, il réussit, comme on l’a vu, à prendre au piège les Le Gris-Duval, les Du Lorin, les Kerigant et une cinquantaine de leurs partisans. Maintenant qu’on les tenait il fallait instruire le formidable procès, établir l’accusation sur des faits avérés, labeur ardu, car les témoins se dérobaient avec une prudente unanimité, nul n’ignorant que Carfort et Dutertre, les plus actifs lieutenants de Duviquet, tenaient encore la campagne ; on assurait même que, de sa prison, Le Gris-Duval dirigeait leurs opérations[4] et la peur de ses ressentiments fermait les bouches. Il fallait donc recourir aux mouchards : Mairesse était démonétisé ; on avait même dû l’éloigner de la maison d’arrêt pour le soustraire à la vengeance de ses anciens amis. Palasne-Champeaux mit à sa place un autre espion, Joseph Giraudeau, déserteur du 10e bataillon du Var[5] : pour gagner sa grâce, Giraudeau accepta la besogne.

D’ailleurs, chez certains inculpés se manifestaient des velléités de confidences. L’accord ne régnait pas entre les coaccusés : soit que la prison eût aigri les cœurs, soit qu’on fût divisé par quelque grief dont il n’est pas possible de discerner l’origine, deux camps s’étaient formés dans cette société naguère si unie, le camp des Le Gris-Duval et des Kerigant d’une part ; de l’autre celui des Du Lorin. Jalousies de femmes, rivalités d’amour, dissentiments politiques ? On ne sait ; mais on a quelques raisons de supposer que Joséphine de Kercadio, l’ex-fiancée de Boishardy, devenue madame Hervé Du Lorin, était, involontairement sans doute, la cause de cette rupture. La première elle mérita l’indulgence du président Palasne-Champeaux ; autorisée à quitter la prison, elle se logea en ville ; elle allaitait, il est vrai, son petit garçon, âgé de quelques mois ; le séjour de l’hôtellerie du concierge Peyrode convenait mal à ce baby, et peut-être est-ce là simplement le motif de la faveur dont bénéficia la jolie maman de dix-neuf ans. Son mari, tout aussi jeune qu’elle, se lassa vite de la captivité : il sollicita de Palasne-Champeaux un entretien et déclara la résolution d’abandonner le parti des rebelles : il était las de cette guerre de guet-apens, d’exactions et d’assassinats. N’ayant plus à ménager les Kerigant et les Le Gris-Duval dont l’animosité lui rendait intenable le séjour de la prison, il ne dénonça personne nominativement ; il indiqua seulement les maisons où se rassemblaient le plus souvent les chefs de chouans et où on aurait chance de les surprendre. Il obtint ainsi de quitter la maison d’arrêt pour l’hôpital militaire[6]. Madame de Kerigant, à son tour, eut la permission d’habiter la maison de son beau-frère, rue des Bouchers ; tous, bien entendu, payaient, pour cette faveur, une redevance à Peyrode. La fière madame Le Gris-Duval elle-même entra en pourparlers avec Palasne-Champeaux : — moyennant « une forte récompense » et la promesse formelle de la liberté pour elle et pour son mari, elle offrait « de faire prendre Puisaye et son conseil ». L’affaire méritait attention et la proposition, transmise au ministre de la Police, fut soumise par lui au Directoire. Que répondre ? Le Directoire accorda « 4.000 francs et la liberté[7] », récompense subordonnée, bien entendu, au succès de l’opération. Restait à s’exécuter, et madame Le Gris, à son tour, ayant versé au concierge « un cautionnement », sortit de prison[8] pour se mettre en mesure de tenir sa promesse.

Or, à l’heure où elle se flattait d’indiquer le refuge de Puisaye[9], celui-ci était, depuis six mois, en Angleterre, et, bourrelé de dégoûts, se préparait à passer au Canada avec quelques rares fidèles associés à son naufrage. La madrée prisonnière l’ignorait-elle ? Jouait-elle Palasne-Champeaux en compliquant par sa négociation frustratoire l’imbroglio de faux rapports et de révélations incohérentes où s’empêtrait l’instruction ? Car le déserteur Giraudeau montrait du zèle : introduit dans la prison, il se vantait d’avoir enjôlé par ses bonnes façons et le récit de ses malheurs imaginaires les plus compromis des détenus, lesquels, en effet, se montraient avec lui d’autant plus loquaces, que le concierge Peyrode, peu désireux que l’enquête aboutît, mettait ses pensionnaires en garde contre le double jeu du nouveau venu[10]. En sorte qu’on le gavait des confidences les plus extravagantes qu’il absorbait pour les resservir au président du Conseil de guerre : tantôt, à l’entendre, circulait dans la prison une fiole d’opium destinée à endormir Peyrode et toute sa famille, afin de faciliter l’évasion en masse des prisonniers ; tantôt c’était l’entrée imminente, dans Saint-Brieuc, d’une armée de brigands qui s’emparerait de tous les services publics et mettrait à mal les patriotes ; quarante-cinq barils de poudre étaient mis en réserve, aux environs de Moncontour, en vue de ce coup de force ; — une autre fois tous les détenus allaient s’habiller en femmes et profiter de ce déguisement pour sortir en masse de la geôle ; — ou bien encore il annonçait « le soulèvement de cinquante-quatre départements, un jour de marché » ; et Giraudeau se faisait fort de « sauver la République », se vantant de « tenir les fils de cette formidable insurrection » et de « purger la Bretagne, la Normandie et les provinces du Midi de tous les ennemis du gouvernement[11] ». Ainsi se distrayait-on à persifler Palasne-Champeaux par l’intermédiaire de son mouchard attitré, manigance vaudevillesque qui paraît être imaginée par Le Gris-Duval. Celui-ci, superbe de calme, de dédain pour ces basses intrigues, observe, recueille, note tout et proteste contre ces indignes procédés de justice. Du ton de goguenarderie qui lui est habituel, il s’adresse au général Michaud, commandant la division militaire : c’est à ce chef estimé « qu’il veut devoir l’obligation de chérir une République que l’on cherche en vain à lui faire haïr contre le vœu de son cœur, de ses soumissions et de ses serments… » N’a-t-il pas, depuis deux ans, déposé les armes ? Quand donc a-t-il trahi cette promesse solennelle ? Qui l’accuse ? Un misérable bandit auquel on a promis la vie pour qu’il dresse le réquisitoire ! Le président Champeaux s’est acharné contre les inculpés : il veut « s’en tirer avec une sorte d’honneur et trouver partout des coupables » ; bref Le Gris-Duval récuse, pour partialité manifeste, la compétence du Conseil de guerre, dont le président, d’ailleurs, n’a pas trente ans, âge requis par l’article 209 de la Constitution[12]

Palasne-Champeaux en perdait la tête, car si les nombreux amis de Le Gris-Duval se plaisaient à le considérer comme un Fouquier-Tinville, les purs jacobins de Saint-Brieuc l’accusaient, au contraire, de pactiser avec les brigands et de mener son enquête de façon à sauver les plus avérés criminels. Le farouche ergoteur Besné le dénonçait pour ce crime au ministre de la justice : il voyait avec dépit cette cause célèbre lui échapper ; il estimait sienne cette affaire à sensation où allait figurer la Kercadio dont il avait été le premier à signaler les forfaits. Quel beau panier de têtes il eut procuré au bourreau s’il avait pu tourner les foudres de son éloquence contre ces vils séides de l’infâme Boishardy ! — « Je trahirais votre confiance, écrivait-il[13], si je vous taisais la conduite scandaleuse d’un fonctionnaire public qui se dit ouvertement honoré de votre confiance… » Et, tout de suite, il ouvre les écluses de sa bile qu’il déverse à flots sur le citoyen Champeaux, — « un de ces intrigants qui ne cherchent que leur intérêt particulier… et servent toujours le parti qui leur paraît le plus avantageux… Il tranche les difficultés, incarcère, met en liberté à tort et à travers quiconque lui plaît ou lui déplaît… » — « Demain commence une affaire des plus importantes puisqu’il s’agit de juger toute une famille de conspirateurs », les auteurs et complices des affreux massacres de la Mirlitantouille… Besné qui voit rouge dès que la petite châtelaine de La Ville-Louët est en cause, donne libre cours à sa rage : — « Joséphine Kercadio, la bonne amie du monstre Boishardy, protectrice d’émigrés, de chouans, faisant le coup de fusil, pillant, volant avec ces scélérats, s’est mariée, depuis l’amnistie, avec le fameux Du Lorin, connu par ses assassinats nombreux. Aujourd’hui ils sont tous deux traduits au Conseil militaire comme complices de Duviquet. Pour les soustraire au glaive de la loi, leur faire des partisans en ville et notamment dans le tribunal, le président Champeaux a mis en liberté la Kercadio, sous le prétexte qu’elle nourrissait un enfant ; il a fait aller à l’hôpital le monstre Du Lorin, alléguant qu’il était malade : ces deux prétextes sont absolument faux : la Kercadio s’amuse en ville et Du Lorin s’occupe à l’hôpital à faire des armes. Je l’ai vu moi-même… Le citoyen Champeaux répand le bruit qu’il tire parti de ses liaisons avec la Kercadio : il se trompe, ou plutôt il veut tromper… La Kercadio est bien ce qu’on peut appeler la scélératesse personnifiée qui rend Champeaux dupe de certaines parties de plaisir dans des maisons d’ex-nobles… On s’en convaincra par le jugement qui va intervenir… »

Tout le Penthièvre l’attendait, ce jugement, dans une anxiété fiévreuse. Le procès s’ouvrit le 2 juillet, à onze heures du matin, et se prolongea, en une seule audience de quatre-vingts heures, jusqu’au 5, à sept heures du soir[14] : au nombre des quarante qui prirent place sur le banc des accusés, étaient Le Gris-Duval et son beau-frère Kerigant, leurs femmes, Hervé Du Lorin et Jacques Villemain, les deux amis que Boishardy, naguère, avait convoqués pour être les témoins de ses épousailles, Joséphine de Kercadio, Du Lorin père et sa fille Pélagie… Mairesse avait gagné de ne pas être là et son absence fit scandale : les témoins qui se présentèrent à la barre furent hésitants : déjà ils avaient été menacés de mort si leurs dépositions chargeaient les inculpés : l’un d’eux, même, se refusa à paraître, Le Gris-Duval ayant juré, disait-on, qu’il tirerait une vengeance éclatante du président Palasne-Champeaux, de Mairesse et de tous ceux qui « parleraient mal ». L’arrêt fut rendu le 6 juillet : il prononçait la mort contre Le Gris-Duval, ainsi que contre Dutertre, contumace ; Jacques Villemain, Kerigant, madame Le Gris, sa sœur, leurs domestiques Marie et Jeanne Chantard et François Hidrio, s’entendaient condamnés à la déportation jusqu’à la paix ; 24, dont madame de Kerigant et les Hervé Du Lorin, étaient envoyés en surveillance dans leur commune ; les autres bénéficiaient de l’acquittement et parmi ceux-ci Joséphine de Kercadio et Pélagie Du Lorin. En adressant l’extrait de ce verdict au ministre[15], Palasne-Champeaux se flattait que « le jugement était de la plus grande justice » ; — « tout de même, ajoutait-il, il serait à désirer que le tribunal de révision ne s’appesantît pas trop sur les formes de l’instruction[16]. » Une loi de l’an IV ordonnait, en effet, que les décisions des tribunaux militaires fussent soumises à un conseil composé de quatre officiers supérieurs jugeant en appel[17]. C’était, pour Le Gris-Duval, cinq ou six semaines de répit : on le savait d’imagination malicieuse et nul ne doutait qu’il ne tirât de son sac quelque tour d’adresse pour se dispenser de payer sa dette à l’échafaud. On s’attendait généralement à une évasion ingénieuse et théâtrale.

Pourtant il restait en prison, ainsi que sa femme, Kerigant et les autres condamnés à la déportation. Son sang-froid n’était pas atteint, non plus que son goût pour l’ironie : il attendit les événements avec une placidité singulière. Palasne-Champeaux paraissait moins tranquille : d’abord, il ne savait que faire de Mairesse et de Giraudeau qu’il n’osait mettre en liberté et au sujet desquels le ministre refusait de prendre une décision[18]. Et puis, quinze jours à peine après le procès, il recevait de ses chefs hiérarchiques une forte semonce : on lui reprochait, en termes sévères, « des mesures arbitraires, des liaisons avec les ennemis de la République et une faiblesse criminelle à l’égard de certains accusés[19] ». La dénonciation de Besné faisait son chemin. Champeaux répondit « victorieusement » ; le commissaire du Directoire à Saint-Brieuc prenait sa défense, — vainement. Sur un ordre venu de Paris le président du Conseil de guerre dut cesser ses fonctions et retourner sans délai à son régiment. On se souvint des menaces de Le Gris-Duval ; et peut-être la vengeance des Chouans ne se contenta-t-elle point de cette disgrâce. Toute sa vie, qui fut longue, Palasne-Champeaux en allait porter le poids[20].

Quelque temps après vint le tour du capitaine Veingarten, commissaire du Directoire auprès du Conseil de guerre : il avait requis contre Le Gris-Duval la peine de mort ; lui aussi, cassé sans ménagement, se vit obligé de quitter son emploi. L’Administration départementale ne dissimula pas son regret du départ de cet officier, « républicain probe et énergique, victime, — insinuait-elle timidement, — du ressentiment de quelques individus[21] ». L’étonnement s’accrut lorsque Mairesse mourut, ce qui arriva le 3 août[22] : afin de ne pas propager la panique, les autorités cachèrent que le mouchard avait été empoisonné[23], ce qui n’empêchait qu’on s’alarmât de cette fatalité acharnée contre les ennemis de Le Gris-Duval, et un frisson secoua les patriotes quand, le 3 septembre, on apprit l’assassinat du citoyen Robin, agent municipal de la commune de Plessala, tué dans sa maison, la veille, à sept heures et demie du soir, par deux chefs de brigands, dont l’un, assurait-on, était Carfort. Robin, au cours de l’enquête, avait fourni des renseignements défavorables à Le Gris-Duval. Même désagrément advint quelques jours plus tard à un citoyen de Trebry, coupable d’avoir figuré dans le procès parmi les témoins à charge[24].

Les bourgeois de Saint-Brieuc vécurent, en cet automne de 1798, des jours émouvants : vers le 10 octobre, le jugement condamnant Le Gris-Duval à mort et ses complices à la déportation est annulé pour incompétence par le tribunal de revision. Les quarante prévenus sont renvoyés au tribunal criminel des Côtes-du-Nord. Besné triomphe ; il les tient enfin, et, déjà, on présage une hécatombe. Le 13, à quatre heures et demie du matin, la diligence de Paris à Brest est arrêtée à une lieue de Saint-Brieuc[25] par neuf ou dix chouans « revêtus de l’habit national ». L’homme qui les commande, — Carfort, toujours…[26], — porte les épaulettes de chef de division. En apercevant les brigands, le postillon prend le galop ; fusillade : deux chevaux sont blessés ; les chouans s’élancent et exigent du conducteur la livraison d’un colis « qu’ils désignent par son numéro[27] » : c’est un baril contenant 22.000 livres en numéraire appartenant à la République. Ils chargent l’un des chevaux du précieux colis, saluent les voyageurs et disparaissent avec le butin. Pour cette nuit-là, l’un des condamnés à la déportation, Villemain, avait obtenu du concierge Peyrode l’autorisation de « découcher », et l’on présuma qu’il était allé, pour se dégourdir, prendre sa part à l’attaque de la voiture. Quant à Le Gris-Duval, il se gardait bien de quitter la prison, où il vivait « entouré d’une cour de partisans[28] ». Nullement déprimé par sa captivité, d’ailleurs plantureuse, il montrait cette mine intimement amusée des gens d’esprit qui méditent une plaisanterie de haut goût. De quoi ses fidèles s’étonnaient, car Besné n’était pas homme à se laisser berner. « Le pauvre M. Le Gris » ne s’en tirerait point, cette fois, par un tour d’adresse, et l’on prévoyait que sa seule tête ne satisferait pas la haine de l’intraitable accusateur public : combien d’autres allaient tomber avec elle !

Besné dut recevoir le dossier de l’affaire dans la matinée du 18 octobre : le jour même il rendait une ordonnance longuement motivée et concluant à la mise en liberté immédiate et définitive de tous les inculpés, reconnus par lui parfaitement innocents ! L’ordre fut sans délai transmis au concierge Peyrode qui, navré, dut ouvrir ses portes aux plus profitables de ses pensionnaires. Pour qu’un coup de théâtre produise son plein effet, il est indispensable qu’il soit quelque peu préparé : celui-ci, trop imprévu, ne trouva d’abord que des sceptiques : ce fut, par toute la ville, un mouvement général d’incrédulité ; puis, le bruit s’affirmant, et comme, le soir-même, un grand dîner improvisé par madame Le Gris-Duval, réunit, dans sa maison de la rue des Bouchers, la plupart des libérés, on se rendit, non sans peine, à l’évidence[29]. Mais on attendait avec une curiosité avide l’explication de cette étourdissante péripétie : on l’eut, dès le lendemain, car les autorités judiciaires et départementales passèrent la nuit à enquêter : ce qu’elles apprirent frappa de stupeur les républicains et désopila leurs adversaires : Besné, l’intègre Besné, s’était vendu ! Adroitement pressenti par madame Le Gris-Duval, il avait évalué sa conscience de bon magistrat, ses convictions démocratiques, sa probité de patriote, — tout compris, — à mille louis, — 24.000 francs en numéraire, une fortune en ce temps de papier sans valeur. Le Gris-Duval, non plus qu’aucun des prévenus, ne possédait une telle somme ; la République seule pouvait la fournir, et l’ami Carfort s’était chargé, on l’a vu, de l’emprunter à l’État, sans autre formalité d’encaissement qu’un léger retard imposé à la diligence de Brest. C’est même pour assurer la réussite de ce virement de fonds que Besné avait accordé, le 13 octobre, au condamné Villemain, la permission de la nuit. Le baril d’écus et d’or porté par les Chouans à Quintin et déposé chez le banquier Mazurié[30], ami de Besné, était mis le jour même à la disposition de l’accusateur public. Il s’en fallait, il est vrai, de deux mille francs que la somme fût complète, mais il en passait des diligences sur la grand’route, et, sous peu, l’une d’elles devait fournir l’appoint[31].

Il est difficile d’imaginer la stupéfaction, l’effroi même causés chez les patriotes des Côtes-du-Nord par cette flétrissante concussion : — « Tous les amis de l’ordre et du gouvernement sont dans la consternation : c’est une calamité publique, c’est le coup de massue le plus terrible qu’on pouvait porter aux départements de l’Ouest. L’impunité de pareils délits augmente l’audace des ennemis de la République… » ; ainsi s’exprimait dans son rapport le commissaire du Directoire[32]. Aux malheureux fonctionnaires qui, depuis tant d’années, luttent, au risque quotidien de leur vie, le courage manque subitement ; de toutes parts s’élève une lamentation désespérée. Ceux surtout qui, isolés dans des bourgs lointains dont tous les habitants leur sont hostiles, se trouvent plus exposés aux persécutions et à l’assassinat, perdent leur dernier espoir et vont se résigner à servir les brigands. Pour parer au désastre, le commissaire près le tribunal de Saint-Brieuc se pourvoit sans tarder contre l’ordonnance de Besné ; dans la nuit même qui suit l’événement il donne l’ordre de réincarcérer tous les prévenus ; mais ceux-ci sont mieux servis que les magistrats ; « un billet anonyme, déposé par une main inconnue » les avertit du danger et quand les gendarmes se présentèrent à la maison de la rue des Bouchers, Le Gris-Duval et Kerigant avaient disparu[33]. On arrêta madame Le Gris, ses deux servantes, Hidrio et Du Lorin fils[34], maigre gibier à présenter devant un tribunal ; au reste l’absence des principaux inculpés rendait d’avance caduque toute nouvelle instruction.

Sous l’avalanche de récriminations, d’anathèmes, de brocards, d’invectives, Besné essaye d’abord de tenir bon, protestant « qu’il n’a trouvé dans les pièces de la procédure aucune preuve des crimes imputés aux accusés » — « il s’est rapproché des juges pour connaître leur avis ; ils lui ont observé que cela le regardait seul » — « Il connaît, il est vrai, le citoyen Mazurié, mais jamais il n’a reçu de lui un écu pour manquement à son devoir[35]. » Pourtant un tel flot de réprobation le submerge que, le 22 octobre, il démissionne. Aucune sanction ne peut l’atteindre avant qu’on ait reçu les ordres du ministre, et la correspondance est lente, entre la Bretagne et Paris. Vers la fin de novembre, seulement, arrive du ministère une verte réprimande[36], bientôt suivie d’un arrêté du Directoire Exécutif[37] ordonnant l’arrestation de Besné et de sa comparution devant les Directeurs ; à cet arrêté est joint un mandat d’emprisonnement, et, ce soir-là, l’accusateur public couchait à la geôle de Peyrode. Avant de quitter les siens il a dicté à sa femme une supplique émouvante adressée au citoyen La Revellière-Lépeaux, président du Directoire, où est tracé le tableau des treize enfants serrés contre leur père au moment des adieux : — « Si les angoisses pouvaient donner la mort, nous ne serions plus ! — Vivez, nous dit-il, je reviendrai à vous ! Ceux à qui j’ai affaire sont justes ; ils ne trouveront point en moi un criminel[38]. »

Le 13 décembre, il se mettait en route, accompagné de l’aîné de ses fils[39] ; le 24, arrivé à Paris, il annonçait aux Directeurs qu’il se tenait à leur disposition[40] ; le 25 il était incarcéré à la Tour du Temple, et, sur son écrou, après ses noms, au nombre de ses qualités, il exigeait que le greffier mentionnât : père de treize enfants[41]. Le lendemain, conduit par les gendarmes devant un juge qui l’interrogea, il protesta de sa parfaite intégrité, oubliant qu’il a dénoncé lui-même comme étant des scélérats et des criminels ces massacreurs de La Mirlitantouille mis par lui en liberté. Quant aux vingt-quatre mille livres, il répondit « comme Epaminondas, que tout l’or et l’argent de la terre ne suffiraient pas à le corrompre[42]. » Le 27, les gendarmes revinrent et l’emmenèrent au ministère de la Police. Puis on le réintégra au Temple et on le laissa « mariner » dans son cachot.

Les malheurs l’ont laissé fécond épistolier et il n’a pas perdu son ton déclamatoire : au Directeur Merlin, il écrit : — « Je suis républicain et je suis au Temple ! J’ai treize enfants et je suis au Temple ! J’aime la Révolution et je suis au Temple ! » Il sollicite l’admission de son fils aîné au Prytanée français ; il a apporté, pour le citoyen La Révellière-Lépaux, qui n’aime pas les curés, un petit cadeau : c’est un « recueil des pièces saisies sur Hercé », l’ancien évêque de Dol, fusillé à Vannes, après Quiberon. Et puis, il insinue qu’il voudrait bien « retourner dans ses foyers ». Il y revint, escorté par les gendarmes, renvoyé devant le tribunal civil de son département qui allait statuer sur sa prévarication[43]. Redevenu, dès son arrivée, l’hôte de Peyrode, il attendit près d’un mois son jugement. Le 20 février, enfin, le jury d’accusation le proclamait innocent et ordonnait sa mise en liberté[44]. Et on en arrive à penser, ou bien que l’ex-accusateur public, connaissant trop de secrets et affilié par ses opinions à nombre de gens redoutés, trouva en ses collègues des juges indulgents, ou bien que le malheureux, victime d’une de ces intrigues de tragi-comédie auxquelles excellait Le Gris-Duval, était aveuglément tombé dans quelque chausse-trappe ouverte par l’habile châtelain de Bosseny. Besné déclara pompeusement, qu’il découvrirait l’auteur de cette infamie et confondrait ses dénonciateurs[45] ; mais il était à jamais discrédité[46]. Réduit au titre de simple « homme de loi » il essaya de gagner le pain de sa nombreuse famille en s’occupant de ventes et d’achats de biens nationaux, comme procurateur de nobles dépossédés[47] ; il devait mourir à la peine quelques mois plus tard[48].

Ainsi tombaient l’un après l’autre tous ceux que Le Gris-Duval avait marqués du signe fatal. Lui, il courait la campagne et, bien que l’Administration départementale eût lancé contre lui ses meilleurs espions[49], nul ne découvrit sa retraite. Lui-même, en fugitif dilettante, prenait soin d’avertir le ministre qu’on ne le trouverait pas : — « Ce serait être bien ennemi de moi-même que d’aller offrir ma tête au fer de mes bourreaux, et puisque j’ai pu mettre, entre eux et moi, une heureuse distance, je suis décidé à la conserver et à voir de loin les résultats[50]. » On le chercha en vain dans la région de Landerneau, ville où il était né et où il comptait beaucoup de parents et d’amis. Le ministre dépêcha de Paris des limiers réputés, l’agent B…, l’agent C.-L…, l’agent C.-H…[51], un autre encore, qui signe C.-B… et qui s’appelait Brunot, voyageant sous le nom de Charles Villeroy ; il poussait le scrupule professionnel jusqu’à s’affilier, en arrivant dans une ville, à la loge maçonnique, afin d’espionner les « frères[52] ». Mais Le Gris-Duval déjouait toutes les ruses ; son beau-frère Kerigant, Villemain et Carfort qui avait pris la succession de Duviquet, restaient également introuvables.

À Paris, on commençait à s’inquiéter de cette interminable affaire de La Mirlitantouille ; l’acte inqualifiable de Besné avait attiré sur elle l’attention du gouvernement. La tentative avortée de Duviquet sur la prison de Saint-Brieuc, le massacre du 17 juin, le procès des quarante et leur acquittement scandaleux formaient un enchaînement de circonstances décelant une organisation ténébreuse et puissante. Un arrêté du Directoire[53] ordonna de diriger sur les prisons de la Capitale tous les prévenus et complices de ces méfaits, aux fins d’une nouvelle instruction qui serait suivie loin des influences locales. Le nouvel accusateur public des Côtes-du-Nord, Ropartz, en s’excusant grandement sur les difficultés de sa tâche, expédia le peu qu’il tenait, c’est-à-dire madame Le Gris-Duval et ses deux servantes, Jeanne et Marie Chantard. Pour corser l’envoi il y joignit l’espion Giraudeau, inutile à la prison de Saint-Brieuc, mais qui, au contact des mouchards parisiens, se formerait peut-être et deviendrait un « mouton » présentable.

De brigade en brigade, la dame de Bosseny est donc transférée à Paris ; elle quitte Saint-Brieuc le 24 décembre ; le 27 elle est à Rennes, à la geôle de la Tour Le Bat ; elle en repart avec ses compagnons, le jour de l’an 1799 ; au terme du rude voyage, elle est écrouée à la prison de la Petite Force, dont la monumentale et sinistre porte s’ouvrait rue Pavée au Marais. Madame Le Gris-Duval allait être là cuisinée de main de maître, les policiers du ministère mettant leur coquetterie à montrer leur supériorité sur les timides magistrats départementaux, et se faisant fort de débrouiller en un tournemain les mystères de cette longue conspiration qui met depuis des mois en défaut la police briochine. Et, tout d’abord, on place auprès de la prisonnière une compagne de cachot, prétendue fervente royaliste que les iniquités révolutionnaires ont privée de tous ses biens et qui languit depuis des années dans les prisons de la Terreur et du Directoire où elle est détenue pour ses opinions. Au vrai, c’est une femme Marianne Potiquet que l’inspecteur général de la Police, Veyrat, a prise à Saint-Lazare. Elle est chargée d’espionner la Bretonne. Deux autres filles, choisies également dans la plèbe de la prison des femmes, les citoyennes Marquet et Humblet, passeront pour ses servantes et feront parler Jeanne et Marie Chantard.

Mais madame Le Gris a vu le piège ; de longue date elle connaît tous les tours ; ainsi que son mari elle se plaît aux mystifications. Ah ! comme elle se livre, comme elle bavarde ! Elle en a assassiné, des Bleus ! Elle ne pourrait pas en dire le nombre. Et quels exploits ! Un jour n’a-t-elle pas enivré toute une troupe de républicains pour prendre leurs fusils et en armer ses partisans ?… Elle dit où sont déposés les armes, les habits militaires que revêtent les Chouans ; elle révèle le mystérieux mot d’ordre « qui se donne quand on les engage » ; elle dispose de sommes immenses et elle indique les endroits où ces trésors sont cachés. Elle ne borne pas ses confidences au passé, elle annonce aussi l’avenir : Le Gris-Duval est en Espagne ; mais, avant cinq jours, — la date est fixée, — il sera à Paris, muni d’un faux passeport, et viendra la voir à la Force, sous un déguisement qu’elle décrit. Tout cela s’opère par l’active entremise d’un grand nombre de religieuses, qui « ayant fait partie des bandes de Chouans », sont actuellement à Paris et servent la cause royale.

La fille Potiquet, ébahie, emmagasine ces racontages et les ressert fidèlement à Veyrat qui s’évertue et combine avec le ministre le moyen d’en tirer parti : il propose qu’un commissaire de police soit adjoint en permanence au concierge de la Force, afin de saisir Le Gris-Duval lorsque, à son arrivée d’Espagne, il se présentera à la prison ; tout est concerté : défense de laisser le bandit communiquer avec sa femme ; recommandation de le fouiller, aussitôt pris ; et, comme une religieuse doit aussi incessamment visiter la femme Le Gris, il faudra la laisser entrer et ne l’arrêter qu’à la sortie pour saisir sur elle les pièces que la détenue lui aura remises[54]. Mais les jours, les semaines passent, Le Gris-Duval ne paraît pas ; aucune religieuse ne réclame la faveur d’un permis de visite ; les filles Chantard sont restées muettes ; les citoyennes Humblet et Marquet s’ennuient en la société de ces pieuses et sévères domestiques ; elles demandent à retourner à Saint-Lazare et Veyrat en vient à soupçonner que la fille Potiquet elle-même a, pour se faire valoir, exagéré, sinon imaginé les confidences de la prisonnière. Quant à Giraudeau, détenu à la Grande Force[55] et dont on espérait d’importantes révélations, il n’a rien voulu ou pu dire. La police parisienne avait hâte d’être débarrassée de ces intraitables Bretons qui ne connaissaient rien aux usages. Le 5 mars 1799, madame Le Gris-Duval et ses servantes, livrées à la gendarmerie, reprenaient la route de Rennes ; le 1er avril elles rentraient à la Tour Le Bat[56]. Giraudeau, qu’on ne savait comment utiliser, fut reconduit directement à la prison de Saint-Brieuc[57].

Durant ces quatre mois perdus en transfèrements sans résultat, chaque semaine, presque chaque jour, le ministre recevait de son agent des Côtes-du-Nord le rapport de quelque attentat. Jamais les Chouans n’avaient montré tant d’audace : la concussion de Besné, le désarroi de la justice leur conférait l’impunité : dès le début d’octobre 1798, au Dresnay[58], quarante à cinquante brigands envahissent à sept heures du soir la cour de La Guillerné, percepteur. Leur chef est à cheval ; il range sa troupe en bataille, détache quatre hommes qui pénètrent dans la maison : — « Au nom de Louis XVIII, soldats, feu ! » — Le fils du percepteur, un garçon de dix-huit ans, tombe mort. La Guillerné et son personnel ont pris les armes ; ils font une belle défense ; la bataille dure deux heures ; les Chouans se replient enfin, emportant 700 francs et laissant le corps d’un de leurs officiers, — un petit homme d’environ trente ans, jolie figure, gilet rouge à boutons de cuivre, pantalon de casimir, — dont jamais on ne put établir l’identité[59]. Le 13 octobre, à Loudéac, au moment même où est attaquée sur la grand’route la diligence de Brest, les brigands s’introduisent chez le receveur des contributions et lui prennent 15.000 francs. Cinq jours plus tard, à Troguery[60], le citoyen Legac, agent de la commune, est fusillé, sa maison pillée, son mobilier dévasté[61]. Le 13 novembre, à Loudéac encore, tandis que le citoyen Morel, fondé de pouvoirs du receveur général, soupe avec sa famille, quinze à vingt hommes entrent par les derrières de la maison, isolée au bout de la ville : poignards levés, pistolets au poing, ils immobilisent les gens terrifiés et raflent la caisse, — 14.700 francs. Ils étaient vêtus de costumes militaires, sauf le chef, qu’on croit être Saint-Régent et qui portait une carmagnole grise et un chapeau haut de cuve[62]. Dans la nuit du 20 au 21 onze maisons de Pledran, aux portes de Saint-Brieuc, sont mises à sac[63]. Le lendemain, à Vieux-Marché, en Plouaret, vol de 5.000 francs, massacre du juge de paix et d’un pauvre cordonnier qui passe pour patriote ; les brigands se rendent ensuite chez le citoyen Tassel, curé constitutionnel, et le sollicitent d’ouvrir sa porte « pour administrer les Saintes Huiles à un malade » ; le curé qui comprend, se sauve par le toit, son presbytère est ravagé[64]. Le jour suivant, toujours à Loudéac, — ville de garnison cependant, — chez le receveur des finances, 10.000 francs[65]. Le 16 décembre, à Cavan[66], onze heures du soir, quinze Chouans, coiffés de bonnets à poil, réveillent l’agent de la commune, le tirent hors du lit vacillant de peur, et l’obligent à les conduire chez le curé intrus dont ils vident la maison[67]. La terrifiante énumération se poursuivra durant toute l’année 1799, et l’on ne dira pas tout, car l’effroi glace les plus intrépides et les fonctionnaires menacent d’abandonner leur poste s’ils ne sont pas protégés. Ceux mêmes qui résident au chef-lieu osent à peine, dans leurs rapports officiels, citer un nom suspect ; la malle-poste qui portera ces pièces peut être attaquée et c’est la mort pour tout signataire d’un document dénonciateur. Car, la belle saison revenue, les arrestations de diligences seront fréquentes ; mais qui se hasarde à courir les grands chemins ? Un espion du Directoire[68] note que « les brigands ne laissent passer les voyageurs qu’après avoir visité leurs passeports, sur lesquels, vraisemblablement, des fonctionnaires perfides signalent, par des marques convenues, ceux qui doivent devenir victimes de leur attachement à la Révolution[69] ». La chose se fait au grand jour : le 11 juin 1799 une bande de douze à quinze brigands arrête la diligence de Saint-Brieuc à peu de distance de Lamballe ; ils rançonnent tous les occupants de la voiture : la récolte se fait dans un chapeau où chacun doit jeter son argent. À l’un, Nicolas Guerrin, qui vide sa bourse contenant 36 francs en monnaie blanche : — « Tiens, dit le chef, reprends tes sous ; tu as l’air d’un pauvre bougre qui n’est pas riche… » Aux autres il laisse 12 ou 15 francs « pour faire la route[70] ». Une escorte de soldats ne protège plus les voitures publiques : — « c’est un moyen insuffisant et même nuisible, car ces escortes ne peuvent être nombreuses et les brigands combinent leurs forces en conséquence » ; et puis, « la présence de militaires autour d’une diligence ou d’une malle-poste annonce en quelque sorte que cette voiture transporte des fonds[71] ». D’ailleurs où sont les soldats de la république ? On n’en voit plus ou bien, ceux qu’on rencontre traînent sur les routes leurs uniformes en lambeaux et leurs mines affamées. Dans peu, un correspondant du ministre pourra écrire : — « Les officiers et les soldats sont dans la plus grande détresse : privés de paie depuis cinq à six mois, sans bas, sans chemise, sans habits, couverts seulement d’une mauvaise capote… La désertion est à son comble : ils vont rejoindre les chefs chouans qui donnent 200 francs d’engagement[72]. »

À qui imputer ces forfaits ? Comme il faut mettre des signatures à ces crimes anonymes, on désigne les plus fameuses, celles qui sont des épouvantails : Le Gris-Duval, Carfort, Saint-Régent. Ces trois hommes sont invisibles et pourtant on croit partout les reconnaître ; ainsi des légendes se forment que les magistrats désemparés adoptent : tous leurs rapports désormais signaleront « l’exécrable Carfort », « le scélérat Saint-Régent », « l’infâme Legris-Duval » comme les grands fauteurs des massacres et leur néfaste renommée s’empirera de tout ce que la peur ajoute aux réalités. De spécifier, même arbitrairement, les coupables, cela permet aux autorités de sévir, et l’on emprisonne au hasard les parents des Carfort, « parce que leur fils est à la tête des brigands[73] » ; on arrête aussi sa sœur et son beau-frère ; la famille de Carfort habite à quelque cents pas de La Mirlitantouille, et, depuis que l’endroit a reçu une consécration sanglante, les Administrateurs du Département soupçonnent que, dans ce repaire, toutes les conspirations se trament, toutes les expéditions s’organisent. En juillet 1799, sur cette route qui va de Loudéac à Moncontour, Dujardin et Saint-Régent enlèveront 32.000 francs que le receveur de Loudéac expédie à Saint-Brieuc ; neuf soldats escortant le courrier seront tués[74] ; c’est donc toujours des hauteurs du Mené que descend la terreur sur les deux versants de la montagne ; aussi proposera-t-on de démolir l’estaminet tragique afin qu’à jamais disparaisse jusqu’au souvenir de ce nid de Chouans.

En cet été de 1799, les magistrats briochins, désespérant d’atteindre les grands rebelles, se contentent des maigres captures que leur procurent des trahisons, grassement payées. Parfois, la prise est bonne, comme ce jour où l’on s’empare de Villemain, dit Papa Blanc, le vieux soldat de Boishardy, l’un des condamnés à la déportation absous par Besné : aussi les rapports célèbrent-ils avec fracas l’arrestation de « ce monstre, affilié à la bande de Carfort et couvert de crimes atroces[75] ». On se félicite du moindre succès comme d’un triomphe : un jour, on trouve sur la route de Moncontour à La Mirlitantouille le corps d’un chouan : c’est Nivet, dit La Pointe, et tout de suite les fonctionnaires se congratulent du trépas de ce scélérat obscur, « l’un des assassins les plus sanguinaires de la bande de Carfort, infiniment redouté des habitants de Moncontour et des environs parce qu’il connaissait toutes les personnes et leurs opinions ». L’enquête établit que ce Nivet, caché dans quelque maison de correspondance, est mort de la petite vérole et que, pour se débarrasser de son cadavre compromettant, ses camarades l’ont, de nuit, exposé sur le grand chemin[76]. Souvent même, on crie victoire sur un simple bruit, et c’est ainsi que, au début d’octobre on annoncera, « comme un succès très important », la mort du trop fameux Le Gris-Duval, « atteint d’une balle qui lui a traversé les reins au cours d’un combat entre sa bande et un détachement de Bleus, dans la forêt, non loin du château de Lorges[77] ». Personne ne songera que, pour se délivrer des poursuites, le madré chef de division peut avoir lui-même inventé ce dérivatif dénouement.

Un autre succès des Bleus, plus réel, fut, en mai 1799, l’arrestation de madame Le Frotter de Kérilis[78], ardente royaliste, dont on a déjà cité le nom. Alors âgée de quarante ans, femme d’un gentilhomme pauvre qui, avant d’émigrer, exerçait à Pontivy l’emploi d’expert-priseur, madame Le Frotter, restée seule avec ses trois fils, consacra sa vie à la défense de la cause royale ; sa maison était un asile toujours ouvert aux Chouans et à leurs courriers ; son fils aîné, Étienne, combattait parmi les rebelles ; elle-même avait été dénoncée plusieurs fois et arrêtée pour embauchage. C’est autour de cette femme énergique et malheureuse que vont se grouper, pour un dernier épisode, plusieurs des personnages qui ont figuré dans ce récit.

Surprise, par un détachement de grenadiers de la 58e demi-brigade, en flagrant délit de recrutement pour les bandes de Mercier et de Georges, madame Le Frotter, incarcérée à Saint-Brieuc avec son fils cadet, Honorat, comparut, le 27 juillet, devant le Conseil de Guerre qui prononça l’acquittement du jeune homme et la condamnation à mort de la mère. Ce verdict émut toute la Bretagne : les Le Frotter étaient unanimement estimés et tenaient à nombre de familles marquantes dans les fastes de la Chouannerie. Sauf quelques fanatiques satisfaits de voir enfin, à défaut de Le Gris-Duval en personne, une de ses complices atteinte par ce qu’ils appelaient encore « la vengeance nationale », on déplorait le sort de cette mère de famille qui, privée de son mari par l’émigration, avait courageusement élevé ses trois fils dont l’un était encore un enfant ; le jugement ordonnait la confiscation de ses maigres biens et déjà les administrateurs du Morbihan prescrivaient qu’il fût procédé à la vente de ses meubles au profit de la république[79]. On espérait généralement que la condamnation capitale serait annulée par le tribunal de révision, siégeant à Rennes, et qu’une nouvelle juridiction se montrerait plus clémente. Le tribunal de révision confirma la sentence de mort. Il ne restait plus qu’à dresser l’échafaud.

Bien que tant d’années de luttes, de drames, de haines et de larmes, tant de sang versé eussent usé la pitié et durci les cœurs, on s’offusquait de l’implacabilité des juges, frappant, à défaut des vrais coupables qu’ils ne parvenaient pas à saisir, une femme dont la faute paraissait vénielle au regard des grands crimes impunis. On s’indignait aussi des procédés de l’instruction, des pièges tendus à la malheureuse : pour la perdre on avait utilisé Giraudeau et d’autres « moutons » admis à déposer contre elle, et déjà se manifestait un soulèvement d’opinions en faveur de la condamnée. Madame Le Gris-Duval, toujours emprisonnée à Rennes, ne pouvait agir ; mais sa sœur, madame de Kerigant, quoique contrainte à se cacher en sa qualité de contumace, mettait en mouvement toutes ses relations, afin de sauver la condamnée, et l’on a la certitude que ni Kerigant, ni Le Gris-Duval ne restaient inactifs ; du jour où l’on apprit à Saint-Brieuc que le subtil cabaleur de Bosseny s’intéressait à la prisonnière, le cachot où celle-ci était enfermée « au secret et sous verrous » fut gardé par huit hommes armés[80].

C’est bien certainement à l’instigation de madame de Kerigant que l’avocat Laënnec était passé, « par hasard », à Saint-Brieuc le jour où madame Le Frotter comparaissait devant les juges militaires. Ayant assisté à l’interrogatoire de l’accusée, il était sorti de l’audience « tellement pénétré de son innocence » qu’il avait aussitôt sollicité l’honneur de défendre sa cause en appel. Théophile Laënnec, ex-président du tribunal criminel du Finistère, peu suspect, par conséquent, de tendresse pour les royalistes, était de ces hommes dont tous les partis vénèrent la droiture. Par malheur, avant que sa requête fût admise, le tribunal de révision, faisant hâte, rendait son arrêt ; la sentence de mort était définitivement confirmée.

Laënnec conseille à madame Le Frotter de se déclarer enceinte ; ce faux prétexte assure à la condamnée un sursis de trois mois. Mettant à profit ce délai, il adresse au ministre de la justice un exposé du procès et réclame « amnistie en attendant justification ». — « La citoyenne Le Frotter n’a pu obtenir ni à Saint-Brieuc, ni à Rennes, la latitude nécessaire à sa défense. Sur trente et un témoins requis par l’instruction, deux seulement, deux faux témoins, reconnus faux par le Conseil de guerre, ont chargé l’accusée : l’un, déserteur, — c’est Giraudeau, — a voulu racheter sa vie par celle d’une femme ; l’autre, — un concussionnaire, — a fait le commerce des poudres appartenant à la République. C’est dans les dépositions de ces hommes dégradés que les juges d’une mère de famille ont puisé ce qu’ils nomment « leur intime conviction[81] » ! » Il observe que l’inculpée n’a pas été défendue, « le dérangement des courriers de la poste ayant empêché ses avocats de recevoir les éléments de justification ». Au nombre des militaires qu’on accuse la citoyenne Le Frotter d’avoir embauchés, se trouve son fils aîné, Étienne. Ne doit-on pas attendre, avant d’exécuter le terrible arrêt, qu’il rentre dans le devoir ? « En quelque endroit que ce jeune homme ait été entraîné, la condamnée a lieu de croire qu’il a les yeux ouverts sur le danger de sa mère… » Il y avait comme une menace dans ce dernier argument et peut-être, pour cette raison, déplut-il au ministre. Vers le 1er octobre on connut sa réponse : il n’apercevait aucun moyen de surseoir à l’exécution de la sentence ; — « aucune autorité ne peut ni ne doit maintenant examiner si les charges produites ont été assez fortes pour entraîner la conviction ; la loi est inexorable et nul, aux termes de la Constitution, ne possède le droit de grâce[82]. »

Est-il situation plus dramatique ? Cette mère va-t-elle mourir pour ne pas livrer son fils ? — Ou, pour sauver sa mère, le fils viendra-t-il offrir sa tête ? Quel juge sera de taille à terminer le conflit suscité par cette alternative : une maman et son enfant se disputant l’échafaud. À l’un et à l’autre ce déchirant débat devait être épargné. Étienne Le Frotter, ainsi que le préjugeait Laënnec, « avait les yeux ouverts sur le danger de sa mère ».

Où se trouvait-il ? Peut-être servait-il dans les bandes de Georges Cadoudal ; commandait-il un canton, une légion, ou faisait-il partie de l’État-major de Mercier La Vendée ? On ne peut le dire exactement. L’organisation de la Chouannerie, volontairement mystérieuse, ne comportait ni contrôles ni archives et peut-être n’est-il point paradoxal de remarquer, avant d’entreprendre le récit de l’un des épisodes les plus marquants des guerres de l’Ouest, que l’histoire des Chouans n’est connue, à proprement parler, que par les documents émanés de leurs adversaires. Par hasard, par l’attestation tardive d’un survivant de ces temps de troubles, on sait que, à l’époque où madame Le Frotter attendait la mort dans la prison de Saint-Brieuc, Le Gris-Duval qui, décidément, vivait encore, commandait en chef le département des Côtes-du-Nord[83] ; il avait sous ses ordres cinq chefs de division : pour Guingamp, Keranflech, dit Jupiter, ancien officier noble de l’armée de Condé, résidant ordinairement en son château de Quellenec, près de Mur-de-Bretagne[84]. Le district de Lannion était à Guezno de Penanster, cousin d’un conventionnel, ancien élève de la marine royale, puis, jusque en 1794, soldat de l’armée républicaine du Rhin ; rude homme et terrible partisan[85]. Carfort, avec son lieutenant Dutertre, tous deux survivants de la bande de Duviquet, régnaient sur la région de Moncontour et de Saint-Brieuc ; Kerigant avait Dinan et l’un de ses principaux officiers était un marchand de bestiaux, nommé Olivier Rolland, dit Justice. Le Gris-Duval se réservait l’arrondissement de Loudéac avec, comme lieutenants principaux, le jovial Saint-Régent et un échappé de Quiberon, Félix Dujardin, simple chef du canton de La Nouée, mais dont le nom grandira. Quand Étienne Le Frotter leur eût fait connaître sa détermination de soustraire sa mère à l’échafaud, tous, — sauf Guezno de Penanster alors emprisonné à Saint-Brieuc, — acceptèrent avec entrain un rôle dans l’expédition. Étienne est, en outre, assuré du concours de Mercier La Vendée qui promet quatre cents de ses Morbihannais. Sa prévoyance et son sang-froid sont réputés : du consentement unanime c’est lui qui prendra la direction de l’opération : il s’agit de réitérer la tentative de Duviquet contre la prison de Saint-Brieuc ; seulement ce n’est plus une patrouille, c’est toute une armée — douze à quinze cents hommes — qu’on mettra en mouvement ; on s’emparera, par surprise, de la ville et, tandis que des forces imposantes tiendront la garnison en respect, on donnera l’assaut à la geôle de Peyrode et on en ouvrira les portes à tous les détenus. Projet téméraire, de prime abord impraticable : mobiliser une troupe si nombreuse, l’amener en armes du fond de la Bretagne, la concentrer aux portes du chef-lieu sans donner l’alarme, sans susciter sur la route l’étonnement ou les soupçons d’une municipalité, sans éveiller l’inquiétude des chefs militaires de la région, cela paraît irréalisable à qui ne sait le dégoût, l’affaissement moral de tous les serviteurs de l’État. La machine administrative, léguée à la France par la Convention, est pourrie après quatre ans d’usage ; elle se disloque ; elle ne fonctionne plus. Les bourgeois de Saint-Brieuc vivent dans une « perpétuelle terreur » ; les marchés chôment ; plus de blé pour les moulins, plus de cuir pour les souliers, plus de bois, plus de savon, plus de vin. Les courriers manquent une fois sur deux ; faute de fourrage le maître de poste n’a plus de chevaux ; les soldats volent dans les boutiques ; les malades périssent à l’hospice où les médicaments font défaut ; les paysans ne se risquent plus à porter leurs denrées à la ville, et les Briochins n’osent pas pousser leurs promenades hors des murs jusqu’au pont de Douvenant qui est à un quart de lieue des barrières[86]. La ruine de la navigation et la cessation des pêcheries ont causé une détresse générale[87] ; les artisans, les ouvriers en toile, ont cessé de travailler faute de débouchés[88]. Presque toutes les communes avoisinant Saint-Brieuc sont « en état d’hostilité avec la République » ; des rares paysans qui lui sont attachés l’effroi est tel « qu’ils s’abstiennent de pleurer le parent et l’ami que les brigands ont enlevé ou tué[89] ». Si la débâcle des services publics est achevée, l’organisation des Chouans est parfaite : ils ont des complices dans toutes les administrations ; les uns secrètement affiliés à leurs bandes, les autres ouvertement dévoués à leurs chefs[90]. Le Directoire du département les connaît ; mais il est sans force pour sévir ; aussi chacun prévoit, attend, en arrive à désirer même l’imminente et inéluctable catastrophe qui mettra fin, d’une façon ou d’une autre, à cet état de torpeur et de dissolution.

Mercier La Vendée concertait donc en toute liberté son audacieux plan de campagne. Rolland dit Justice, le lieutenant de Kerigant, fut chargé de recueillir dans Saint-Brieuc même les informations indispensables : — importance de la garnison, nombre des postes, composition de la garde de chacun d’eux. Les royalistes comptaient dans la ville beaucoup d’amis et il lui fut facile de se renseigner. Il redevint, pour la circonstance, marchand de bestiaux ; précaution presque inutile ; qui songerait à le gêner ? Il pénétra même dans la prison et s’aboucha avec l’un des émigrés détenus, Morin de Villecorbin ; on convint que, le soir de l’attaque, les prisonniers se tiendraient prêts et, dès les premiers coups de fusil, s’empareraient du concierge Peyrode et désarmeraient les six ou huit gardes nationaux composant chaque nuit la garde de la geôle[91]. Le chouan Justice fit mieux encore, si, toutefois, c’est lui qui, grâce à de discrètes influences, obtint de la municipalité cet arrêté vraiment opportun, interdisant aux habitants de la ville de se montrer non armés dans les rues durant la nuit. Or, comme, depuis longtemps, on avait enlevé aux Briochins toutes leurs armes par voie de réquisition, les chouans étaient sûrs de n’être point gênés par la foule dans l’exécution du grand projet[92].

La date en fut fixée à la nuit du 26 octobre, — 4 brumaire. On sauverait ainsi la vie à un chouan, Yves Hamon, pour qui l’échafaud devait être dressé le 27 à sept heures du matin[93]. Ce 27 octobre coïncidait aussi avec l’échéance des trois mois de sursis accordés à madame Le Frotter ; l’arrêt qui la condamnait à mort étant désormais sans appel, on pouvait craindre qu’elle fût livrée au bourreau en même temps que Hamon, ce matin-là. Son fils Étienne, l’ardent promoteur de l’expédition, dut mettre tout en œuvre pour obtenir que la tentative de délivrance ne fût pas reculée au delà du délai fatidique. Tout étant ainsi convenu, l’habile et dévoué Justice, estimant son rôle d’éclaireur terminé, jugea qu’il serait plus utile aux assaillants en demeurant à Saint-Brieuc qu’en prenant place dans leurs rangs ; il fallait un homme averti et de sang-froid pour diriger le mouvement à l’intérieur de la prison et distribuer aux détenus les rôles qu’ils auraient à jouer au moment de l’attaque décisive. Il se fit donc tout simplement incarcérer, puisque, pour obtenir cette faveur, il lui suffisait de décliner son nom[94]. Ceci établit jusqu’à l’évidence sa confiance absolue dans le succès de l’affaire en préparation.

Déjà Mercier La Vendée s’était mis en route avec ses quatre ou cinq cents Morbihannais, renforcés d’une compagnie de transfuges autrichiens, dite « compagnie des déserteurs[95] ». Des forêts de Camors et de Floranges où, sans doute, s’effectua le rassemblement, la petite armée suivit à peu près la route parcourue, quatre ans auparavant, par l’Armée rouge de Tinténiac et qui n’était autre que la vieille piste de correspondance, toujours en usage depuis l’époque lointaine du marquis de La Rouerie. À Bignan elle s’augmenta d’un détachement des bandes de Guillemot, passa par La Trinité et Coëtlogon, gagna la forêt de Loudéac. Comment se ravitaillait-elle ? Rien ne l’indique. Les Chouans n’étaient plus ces soldats des bons prêtres et du roi que la ferveur des paysans fournissait naguère sans compter : il fallait, maintenant, payer tout sur la route et, peut-être, les 32.000 francs enlevés en juillet par Saint-Régent et Dujardin au courrier du receveur de Loudéac, avaient-ils été mis en réserve pour parer aux frais de l’expédition. Encore ne pouvait-on acheter des vivres en suffisance que dans les villes ou, du moins, dans des bourgades importantes : cette insolite affluence de consommateurs bien armés n’attira-t-elle l’attention d’aucun agent national ? Comment ne se trouva-t-il pas un fonctionnaire assez soucieux de son devoir pour sauter à cheval et courir au chef-lieu afin de signaler cette invasion en marche ? Personne ne s’étonna ; rien ne bougea ; les Chouans opérèrent leur concentration avec plus de méthode et de sécurité que l’aurait pu faire une brigade des soldats de la République.

De la forêt de Loudéac l’armée de Mercier atteignit le bourg de La Motte où elle se grossit des hommes de Saint-Régent et de Dujardin, rassemblés aux environs de Laurenan[96]. Puis elle s’enfonça dans la longue forêt de Lorges. On signale un conseil tenu par Mercier chez un chef de canton, nommé Le Helloco, au Toulmin, en Allineuc[97]. C’est là que rejoignit Keranflech, dit Jupiter, venu, sans embarras, avec sa petite troupe, de son château de Quellenec. Le 26 octobre, on était à Plaintel, — trois lieues de Saint-Brieuc, — où l’on rencontrait la bande nombreuse, — trois ou quatre cents hommes, — rassemblée par Carfort dans les landes de La Mirlitantouille, et descendue des hauteurs désertes du Mené par Plémy, Hénon et Saint-Carreuc[98]. Ce même jour, à neuf heures du soir, on se remit en marche et on s’arrêta, vers minuit, à quelque cent pas des premières maisons de Saint-Brieuc.

Mercier La Vendée réunit ses principaux officiers pour un dernier conseil, sur la plate-forme du manoir de Robien, qui touche aux faubourgs de la ville : autour de lui, Saint-Régent, de Bar, Kerenflech, Carfort, J.-J. Coroller du Faou de Kerdaniel, Étienne Le Frotter et d’autres, tous chefs de légion ou de détachement. Le Gris-Duval, plus librettiste qu’exécutant, n’est pas là ; il ne reconnaît pas l’autorité de Mercier, qu’il jalouse et qu’il accuse d’empiéter sur son commandement[99]. Les instructions sont données à voix basse : — l’attaque à deux heures précises du matin ; toutes les montres réglées sur celle de Mercier ; les hommes marcheront pieds nus pour éviter le bruit des sabots sur les pavés ; ils passeront les pans de leur chemise par-dessus la culotte afin de se reconnaître dans l’obscurité[100]. Ordre d’éviter, autant que possible, les collisions, et, sous les peines les plus sévères, de n’entrer dans aucune maison[101].

À pas silencieux, les Chouans vont occuper leurs positions d’attaque ; ils encerclent la ville profondément endormie. Sauf Justice et ceux de ses compagnons de geôle qu’il a discrètement avertis, personne dans Saint-Brieuc, — et c’est incroyable, — ne se doute qu’une armée d’un millier d’hommes au moins est prête à se ruer sur la ville. Dans cette population de près de 8.000 habitants, dans cette garnison d’environ 300 hommes, il n’y eut donc, cette nuit-là, ni un promeneur attardé, ni une sentinelle aux écoutes ? — Si, pourtant ; quelqu’un sait le danger, et c’est Giraudeau, le déserteur, l’espion placé naguère dans la prison pour « moutonner » les détenus. Il est toujours incarcéré ; dans la matinée, il a reçu, au parloir du concierge Peyrode, la visite d’une femme Le Valois qui lui sert de commissionnaire : elle lui a fait part du projet des Chouans ; d’abord il fut incrédule ; puis comme la chose le tracasse, il en a parlé à l’un des détenus politiques : celui-ci joua l’ignorance, puis finit par avouer : — depuis trois jours il était avisé que les royalistes entreraient dans la nuit du 26 au 27 à Saint-Brieuc et s’empareraient de la prison. Or, pour Giraudeau, la délivrance par les Chouans, c’est la mort. Il les sait bien renseignés et implacables dans leurs vengeances : il a mouchardé les Le Gris-Duval, les Kerigant, les Du Lorin ; il a témoigné contre madame Le Frotter : s’il tombe entre leurs mains, il est perdu.

Sans tarder, il écrit au citoyen Denoual, commissaire du pouvoir exécutif près l’Administration départementale ; il lui rapporte en termes émus ce qu’il vient d’apprendre : l’invasion d’une armée de brigands pour la nuit prochaine ; « leur but est de délivrer un très grand nombre de gens de leur parti ; ceux de qui je le tiens sont prévenus ». Son souci est si grand qu’il se permet de conseiller : — « Expédiez sur-le-champ des ordonnances pour alerter les troupes des villes circonvoisines… Faites délivrer des munitions aux bourgeois… Faites poster une colonne assez nombreuse autour de la maison d’arrêt… » — C’est là, surtout, ce qui l’intéresse. La lettre écrite, comment la faire parvenir ? Si l’on apprend dans la prison qu’il communique avec le commissaire du Directoire, son cas sera empiré. Il guette donc l’heure où, chaque jour, un soldat de la garnison vient à la prison apporter la soupe aux militaires détenus : l’homme chargé de cette mission est, le 26, le chasseur Bourvellec. Giraudeau lui confie sa lettre, en lui recommandant de la remettre sur-le-champ à un de ses camarades, Yverneau, qui la posera à son adresse[102].

Bourvellec enfouit le papier dans sa poche et se lança consciencieusement à la recherche d’Yverneau, — sans le rencontrer ; recherche bientôt interrompue, du reste, car il fut commandé d’escorte pour accompagner la malle-poste de Brest à Paris qui passait dans l’après-midi. Il plaça dans son portemanteau, sous sa selle, la lettre de Giraudeau, — « crainte de la perdre », dit-il plus tard, — monta à cheval et partit, galopant à la portière de la voiture vers Lamballe, pour ne reparaître que le surlendemain, et emportant ce précieux billet auquel, sans qu’il s’en doutât, étaient suspendues tant de vies humaines.

On se représente les transes de Giraudeau dans cet après-midi du 26. Sa lettre partie, il s’attend à être convoqué chez le commissaire du Directoire. Les heures passent, angoissantes ; rien ne vient. Quand la nuit tombe, il guette les bruits du dehors : n’entend-on point battre le rappel, sonner le tocsin ? Des troupes ne se massent-elles point autour de la prison ? Non ; la garde coutumière n’est même pas renforcée. Le temps s’écoule ; pas un bruit ; — une heure du matin : tout demeure silencieux. — Deux heures sonnent à l’horloge de la cathédrale…

À ce moment précis, une femme traînant un homme ivre entrait en ville par la rue Cordière. Suivant les rues de la Vinaigrerie et de la Vicairie, le couple titubant parvint à la place de la Liberté. Là étaient l’Hôtel de Ville et le poste central, occupé par la garde nationale. Tout dormait. Devant le poste veillait, seule, une sentinelle. L’ivrogne et sa compagne traversèrent la place, se dirigeant vers le soldat qui les laissait approcher sans méfiance[103].

  1. Le commissaire du Directoire Pouhaër au ministre de la Police, 6 ventôse, III. (Archives nationales, F7 6147.)
  2. Dondeau.
  3. Archives nationales, F7 36692.
  4. « Le concierge de la maison d’arrêt de Saint-Brieuc était très lié avec Le Gris-Duval. Celui-ci l’avait gagné par ses largesses… de sorte que, de sa prison, il concertait encore avec ses complices les pillages et les assassinats. » Note sans date. Archives nationales, F7 6147.
  5. Il avait vingt-quatre ans et était originaire de Mauzé, Deux-Sèvres. Archives nationales, F7 6147.
  6. « Du Lorin, écrivait Palasne-Champeaux, est très faiblement inculpé dans la procédure et l’espoir de s’en tirer sain et sauf le force d’être utile quand même il n’en aurait pas l’intention, ce que je suis bien éloigné de croire, d’après les conférences que j’ai eues avec lui, et ses démarches que j’ai fait soigneusement surveiller… » 30 prairial VI. Archives nationales, F7 36692.
  7. Archives nationales, F7 6147.
  8. Le 12 germinal, Palasne-Champeaux invitait le commandant de la gendarmerie départementale « à faire rentrer dans la maison d’arrêt la citoyenne Le Gris-Duval, la citoyenne Garnier-Kerigant, la citoyenne Du Lorin, actuellement logées en ville sous cautionnement par raison de santé » ; il semble que cette invitation resta sans effet. Extrait des ordres d’écrou, communication de M. A. Brohan, Procureur de la République à Saint-Brieuc.
  9. Février 1798.
  10. Archives nationales, F7 6147.
  11. Déclaration de Giraudeau. Archives nationales, F7 6147.
  12. Les détenus de la maison d’arrêt de Saint-Brieuc au citoyen Michaud, général en chef de la 13e division. Archives nationales, F7 36691
  13. La pièce est en copie, non signée, au carton F7 6147. Quand on est familiarisé avec la prose de Besné, je pense qu’il suffit de la lire pour ne pas hésiter un moment à déterminer son auteur.
  14. Archives nationales, F7 36692.
  15. Archives nationales, F7 36692.
  16. Même dossier.
  17. « Le 9 germinal, an IV, Dubois-Crancé s’était plaint aux Cinq-Cents de mille actes arbitraires des Conseils militaires et de mille jugements contraires aux formes d’une bonne législation. Il fit voter une résolution d’après laquelle tout jugement militaire devait, avant son exécution, être transmis au général qui formerait un conseil des trois plus anciens officiers supérieurs sous ses ordres. Ceux-ci examineraient le jugement et ordonneraient la révision dans le cas de violation des formes, ou lorsque la peine prononcée était plus forte que celle indiquée par la loi. » Georges Michon, La justice militaire sous la Révolution.
  18. Archives nationales, F7 6147.
  19. Même dossier.
  20. Chassin, Pacifications, III, p. 170 et 171. Sur la carrière de Palasne-Champeaux après la révolution, voir Mémoires de Mademoiselle Aglaë, comédienne, courtisane et femme de bien. 1 vol., chez Albin Michel.
  21. Sur la disgrâce de Palasne-Champeaux et de Veingarten, voir Archives nationales, F7 6147 et F1b II, Côtes-du-Nord, i.
  22. État civil de Saint-Brieuc. L’acte porte le nom d’Ignace Méraisse (sic) sans aucun autre renseignement.
  23. Archives nationales, A F111 559, Dossier 3774.
  24. Archives nationales, BB18 253 et A F111 559.
  25. L’attaque eut lieu « près de la montagne Saint-Barthélemy » entre Saint-Brieuc et Chatelaudren. Archives nationales, F7 36692.
  26. « Le scélérat Carfort paraît avoir été le commandant de ce pillage. » Archives nationales, F7 36692.
  27. Archives nationales, F7 6147.
  28. Archives nationales, F7 6147.
  29. « Il est de notoriété publique qu’il s’est donné dans cette commune en réjouissance de cette liberté, une grande fête où beaucoup de Chouans ont figuré. » Minute, sans date. Archives nationales, F7 6147.
  30. Jean-Baptiste Mazurié, négociant et banquier à Quintin. C’était un républicain de nuance foncée car, pendant la Terreur, il s’était surnommé Mazurié-la-Montagne. L. Dubreuil, La vente des biens nationaux dans les Côtes-du-Nord, p. 109.
  31. Telle est la version officielle de cet incident ; elle fut soumise au ministre par un rapport dont la minute se trouve aux Archives nationales, F7 6147 : — « … Besné a rendu son ordonnance de mise en liberté de cette horde de brigands. Cette libération avait été achetée au poids de l’or et Besné est prévenu d’avoir reçu le prix de cette iniquité chez le citoyen Mazurié, banquier à Quintin avec lequel il est lié d’amitié… Cet acte d’autorité arbitraire est d’autant plus répréhensible qu’il s’agissait d’une horde de Chouans qu’il revomissait sur le sol de la République où ils avaient commis nombre de massacres, que leur chef avait été condamné à mort et ses complices à la déportation… » Dans une lettre du capitaine Delain à Palasne-Champeaux, — même dossier, — on lit : — « Les républicains disent qu’on veut renvoyer du renfort aux voleurs de diligences, car Villemain, qui était de cette bande scélérate, a été sorti pour aller voler les 22.000 livres… Les forces me manquent ; je ne puis en dire davantage. » M. de Kerigant dans ses souvenirs, — Les Chouans, p. 76, — relate que sa mère « combla de cadeaux la famille de Palasne-Champeaux, président du Conseil de guerre : des dentelles précieuses lui furent offertes et aussi un huilier en vermeil, artistement travaillé. Cet huilier figura plus tard dans une vente de mobilier et fut acheté à la famille Champeaux par celle de M. Varin, ancien procureur général à la Cour de Rennes. Pour « l’achat » de Besné, M de Kerigant assure que l’on compta à l’accusateur public, dix-huit mille francs contre l’ordre de mise en liberté. Six mille francs furent versés ultérieurement. Les Chouans, p. 89.
  32. Archives nationales, AF111 559 et F7 6147.
  33. « Ils s’étaient échappés par le jardin. » Kerigant, Les Chouans.
  34. Quelques jours après son acquittement, le 16 juillet, Du Lorin, mettant à profit les bonnes dispositions de Palasne-Champeaux, avait sollicité et obtenu, pour sa femme et pour lui, un passeport l’autorisant à aller se fixer à Rennes. P. Hémon, Le comte du Trévou, p. 78. Il faut bien croire qu’il n’avait pas cependant, trois mois plus tard, quitté Saint-Brieuc, puisqu’il y fut arrêté en octobre. Archives nationales, F7 6147.
  35. Archives nationales, F7 6147, BB18 253 et AF111 559, dossier 3774.
  36. « Vous avez rédigé une longue ordonnance que l’on prendrait plutôt pour un plaidoyer en faveur des prévenus… et vous les avez rendus à la liberté sans avoir rempli à leur égard les formalités les plus essentielles… Je ne puis vous dissimuler que la conduite que vous avez tenue dans cette circonstance est peu digne d’un magistrat attaché à son devoir… » Archives nationales, BB18 253.
  37. 8 frimaire, VII. — « Il est ordonné à tous exécuteurs de mandements de justice d’amener par devant le Directoire exécutif en se conformant à la loi, le citoyen Besné, accusateur public près le tribunal des Côtes-du-Nord, pour être entendu sur les inculpations dont il est prévenu. AF111 559, dossier 3774.
  38. Archives nationales, F7 6147.
  39. Il semble qu’il voyagea librement. En arrivant à Paris, il se logea chez le citoyen Agroy, restaurateur, rue Dominique, faubourg Germain, 199.
  40. « … Et vous jugerez qu’un républicain malheureux, et le premier qui proclama la République dans son département,… est digne de votre estime. »
  41. Archives de la Préfecture de Police. Écrous du Temple.
  42. Archives nationales, F7 6147.
  43. Extrait du Temple le 11 janvier 1799, il était à Saint-Brieuc le 28. La lenteur du trajet donne à penser qu’il fut reconduit en Bretagne « de brigade en brigade ».
  44. « Saint-Brieuc, 20 février 1799… L’acte d’accusation dressé contre Besné par le plus âgé des présidents du tribunal civil, aux termes de l’article 297 du Code des délits et des peines, a été présenté le 30 pluviôse au jury d’accusation. Sa déclaration a été, Non, il n’y a pas lieu. Le Directeur du jury, en conséquence, a ordonné la mise en liberté de Besné. » Archives nationales, F7 6147.
  45. Archives nationales, AF111* 101.
  46. Les historiens les mieux informés de la tradition locale sont sévères pour Besné, mais restent cependant dans le doute. M. L. Dubreuil écrit : — « Besné,… ouvre de sa propre autorité la porte des prisons aux deux chefs Chouans Le Gris-Duval et Kerigant, « par bêtise », dira Pouhaër, qui, visiblement, le ménage, mais plutôt « par intérêt ». La Vente des biens nationaux, p. 303. P. Hémon dit : — « Besné ne se tira pas sans peine de ce mauvais pas. On s’aperçut que l’accusation qui pesait sur lui n’était encore sanctionnée par aucune loi ; ensuite on eut égard à ses antécédents patriotes et à la situation de sa nombreuse famille. Il fut acquitté, faute de preuves. » La Légende de Leroux-Chef-du-Bois, p. 34.
  47. L. Dubreuil, ouvrage cité, 276, note.
  48. Le 7 mai 1801. P. Hémon, loc. cit.
  49. « J’avais mis à sa poursuite l’homme du département le plus propre à le capturer. » Le Commissaire du Directoire près les tribunaux des Côtes-du-Nord au ministre de la Justice. Archives nationales, BB18 253.
  50. Le citoyen Le Gris-Duval au ministre de la Police, 19 janvier 1799. Archives nationales, F7 6147.
  51. Archives nationales, F7 7532B.
  52. Archives nationales, F7 36692.
  53. 8 frimaire, VII. Archives nationales, AF111 559, dossier 3774.
  54. Archives nationales, F7 6147. Au nombre des pièces de cette singulière machination policière, se trouve une lettre très digne et très correcte de madame Le Gris-Duval au ministre, le priant de lui faire connaître le motif de sa détention : — « Vu l’état de grossesse où elle se trouve, elle vous prie d’avoir la bonté de la faire transférer au Temple, lieu qu’elle croit plus salubre et plus sain que celui de La Force… etc. » 5 février 1799.
  55. Sous le nom de Joseph Giraudon. Archives de la Préfecture de Police, Écrous de La Force.
  56. Registre d’écrou de la maison d’arrêt de Force Le Bat. Archives d’Ille-et-Vilaine. De fatigue ou d’émotion, l’une des servantes de madame Le Gris, Marie Chantard, mourait, un mois plus tard, le 4 mai, à La Tour Le Bat.
  57. Archives de la Préfecture de Police, A B/328, 16 floréal, VII.
  58. Commune de Longuivy-Plougras, canton de Plouaret.
  59. Archives nationales, F7 36692.
  60. Canton de La Roche-Derrien.
  61. Archives nationales, F7 36692.
  62. Archives nationales, BB18 253.
  63. Archives nationales, F7 36692.
  64. Archives nationales, F7 36692.
  65. Idem.
  66. Alors canton de Prat, aujourd’hui canton de La Roche-Derrien.
  67. Archives nationales, F7 36692.
  68. Le citoyen Louason, en mission dans les départements de l’Ouest, à l’effet de renseigner le gouvernement sur la situation de ces départements.
  69. Archives nationales, F7 7577A.
  70. Archives nationales, BB18 253.
  71. Archives nationales, F7 7840.
  72. Archives nationales, F7 6229. Cette pièce est de l’an VIII et porte l’intitulé : Extrait d’une correspondance du Morbihan.
  73. Archives nationales, F7 7639.
  74. Habasque, Notions historiques…, III, p. 55, n.
  75. Archives nationales, F7C III, Côtes-du-Nord, 10.
  76. Archives nationales, F7 7532B.
  77. Archives nationales, F7 7643A.
  78. Née Marie-Gabrielle Thibault.
  79. É. Sageret, Le Morbihan sous le Consulat, I, p. 276.
  80. Archives nationales, BB18 253.
  81. Laënnec au ministre de la Justice, 10 fructidor, VII. Archives nationales, BB18 253.
  82. Archives nationales, BB18 253.
  83. D’après M. de Kerigant, dans sa brochure souvent citée, Les Chouans, Le Gris-Duval aurait été nommé à ce commandement par le Comte d’Artois, qui lui conféra, en même temps, « le cordon rouge ».
  84. É. Sageret, Le Morbihan sous le Consulat, I, p. 191.
  85. Idem, I, p. 190.
  86. Habasque, Notions historiques…, II, p. 87.
  87. Lorquin, L’État de la France au 18 brumaire, p. LIX.
  88. Rapport de Barbé-Marbois sur la situation des départements de l’Ouest. Lorquin, p. 122.
  89. L. Dubreuil, Le Département des Côtes-du-Nord, p. 240.
  90. L. Dubreuil, Le Département des Côtes-du-Nord, p. 238.
  91. Kerigant, Les Chouans, p. 112 et 114.
  92. Habasque, II, 86, n.
  93. Levot, Biographie bretonne, article Guezno de Pénanster.
  94. « C’est par erreur qu’on a écrit que Rolland dit Justice, commandait un des détachements de Chouans à l’attaque de Saint-Brieuc. Il était en prison et fut délivré avec les autres prisonniers. Nous tenons du chef près duquel il se tenait dans sa retraite qu’il s’y battit comme un lion, mais isolément, sans commander. » Geslin de Bourgogne et A. de Barthélemy, Études, 203 n.
  95. Même ouvrage, p. 206.
  96. Sur les pentes orientales du Mené.
  97. Geslin de Bourgogne et A. de Barthélemy, Études, p. 203 n.
  98. Le chiffre total des assaillants est difficile à établir : — l’Administration centrale des Côtes-du-Nord le fixe à 700, dont 600 armés. Chassin, Pacifications, III, p. 406. — Geslin de Bourgogne et A. de Barthélemy l’évaluent à 400. — Kerigant, dans Les Chouans, l’estime à 1.000. — Habasque à 1.700 ou 1.800.
  99. Sur les effets postérieurs de cette rivalité entre Le Gris-Duval et Mercier La Vendée, voir É. Sageret, Le Morbihan sous le Consulat, tome IV, p. 93 et suiv.
  100. Geslin de Bourgogne et A. de Barthélemy, Études, p. 203.
  101. Kerigant, Les Chouans, p. 114.
  102. On n’aperçoit pas pourquoi Giraudeau ne fit point passer sa lettre au commissaire du Directoire par l’intermédiaire du concierge Peyrode. Peut-être voulait-il garder pour lui seul le bénéfice de son importante déclaration.
  103. Geslin de Bourgogne et A. de Barthélemy, Études, 204.