La Marquise de Gange/Chapitre X

Jean-Jacques Pauvert (Œuvres complètes, t. XIIIp. 237-250).


CHAPITRE X


Avec une tête aussi vive, avec le souvenir si récent de ses malheurs, il est aisé de concevoir à quelles affligeantes réflexions se livra madame de Gange. Que de soupirs s’exhalèrent de son cœur oppressé ; que de larmes inondèrent ses joues, quand elle se considéra dans cette terrible situation ! Cruellement agitée, elle parcourait cette grande salle, sans pouvoir en discerner les dimensions, lorsqu’elle crut apercevoir une petite porte entrouverte. Il était encore nuit ; et l’endroit où elle se trouvait n’était éclairé que par quelques faibles rayons d’une lune pâle que des nuages fortement agités dérobaient à tous les instants. Elle vole à cette porte ; le malheur saisit ardemment tout ce que le hasard lui présente : une lampe prête à s’éteindre lui laisse entrevoir le cabinet que ferme la porte qu’elle vient de découvrir ; elle entre… Mais quel affreux objet s’offre à ses regards ! Elle voit sur une table un cadavre entrouvert, presque entièrement déchiré, sur lequel vient de travailler le chirurgien du château, dont ce local est le laboratoire. Euphrasie se jette en arrière, en poussant un effroyable cri : elle s’égare, elle chancelle, elle ne doit plus son existence qu’à la frayeur ; elle expirerait, sans l’extrême agitation qui précipite les mouvements de son cœur. Cependant, plus d’issue… plus aucun moyen d’échapper ; et, sans qu’elle y ait participé, la porte qui lui a favorisé l’entrée de ce lieu terrible s’est aussitôt refermée. — Ah ! s’écrie-t-elle en frémissant, c’est une victime de ces monstres, et voilà le sort qui m’attend !… Comment sortir d’ici ?… Droite, immobile, faiblement appuyée contre le mur, à peine ose-t-elle respirer. Tout à coup la lampe s’éteint, mille fantômes lui apparaissent ; et, comme si la nature voulait aggraver l’anxiété de cette infortunée, un orage se déclare… un coup de tonnerre affreux se fait entendre, elle se précipite sur sa droite… C’est donc quelquefois pour notre bonheur que le ciel paraît nous desservir. Le mouvement d’Euphrasie vient de la faire peser sur un ressort dont l’élasticité fait ouvrir une autre porte. Un couloir étroit s’offre à elle. Occupée de fuir le danger présent, sans réfléchir qu’il peut s’en présenter de plus effrayants encore, elle s’élance… Un escalier termine le passage, elle le descend, sans voir ni où elle est, ni où elle va. Elle arrive dans la cour du château ; l’horreur du temps éloigne les portiers ; personne aux grilles ; elle les ébranle, les serrures cèdent, elles s’ouvrent… Euphrasie est libre.

Ah ! comme il est certain que les précautions incertaines du crime le trahissent à chaque instant !

L’orage redouble. Que va devenir Euphrasie, très parée, légèrement vêtue, comme on l’est enfin pour un bal ? Rien ne la garantit des dangers auxquels ce nouvel événement l’expose ; mais elle n’en connaît qu’un, celui qui la menace dans la maison qu’elle quitte ; elle avance avec empressement… Point de chemin, pas un sentier, pas un arbre : c’est derrière elle qu’elle laisse la route qu’elle devrait suivre. L’orage ne s’apaise point ; la foudre ne cesse de gronder ; les étincelles électriques, s’allumant sur plusieurs points à la fois, produisent des chocs sur les masses de matières éthérées qu’elles enflamment, et dont l’image est celle d’un combat dans les cieux. Ces bruits, précurseurs de la mort, retentissent avec fracas dans les vallons au-dessus desquels est situé le château. Presque aveuglée par les éclairs, qui ne scintillent que pour la plonger dans une obscurité plus profonde, Euphrasie ne trouve sous ses pas que ce qui sert à les entraver : ses pieds délicats s’enlacent dans les racines épaisses des ceps de vigne qu’elle parcourt au hasard.

Les nuées se fendent à la fin, et vomissent sur la terre des torrents de pluie, qui n’éteignent point les laves qui tombent avec eux. Les flammes d’une malheureuse chaumière, que consume un éclat de la foudre, à cent pas de là, en redoublant la terreur d’Euphrasie, éclairent tristement les sentiers tortueux qu’elle parcourt, et ne lui offrent que des précipices. À ce spectacle désastreux se joignent les cris plaintifs des infortunés dont ce malheur absorbe l’héritage ; leurs accents douloureux, mêlés au bruit des cloches dont le peuple, par un préjugé dangereux, fait retentir les airs, et aux éclats redoublés de la foudre, semblent avertir que la nature, irritée des crimes de l’homme, va le replonger pour jamais dans le néant d’où la bonté de Dieu le fit sortir.

Euphrasie, chancelante, repoussée tour à tour par les vents et par la frayeur, ressemble au jeune saule battu par la tempête. Elle tombe enfin dans les sillons remplis d’eau qui la font échouer à chaque pas ; elle n’appelle plus à son secours que la mort. Ces foudres dont les éclats l’entourent sont invoquées par elle : c’est la jeune biche poursuivie par des chasseurs, et qui vient expirer dans son dernier asile.

Un bruit se fait entendre ; on approche. L’intéressante et triste créature ne sait si elle doit ou désirer ou craindre ce qui paraît se diriger vers elle. — Que me voulez-vous ? s’écrie-t-elle. Est-ce moi que vous chercher ? Si c’est pour m’immoler, laissez-moi plutôt mourir ici ; le ciel exaucera mes vœux, et j’aime mieux périr par sa main que par la vôtre. — Venez, venez, madame, lui dit-on, vous avez trompé notre vigilance ; vous avez risqué de nous perdre ; mais des chaînes plus fortes vont vous préserver du sort où nous plongeait votre imprudence. À ces mots, deux hommes la saisissent ; ils l’enveloppent dans le manteau qu’ils portent, et ils prennent les meilleures précautions pour la ramener au château. Elle y rentre ; un de ses conducteurs se retire ; le second, après l’avoir remise dans la salle où elle était auparavant, y rentre avec une lumière. Mais qui reconnaît-elle alors ? Il est donc vrai que le ciel n’abandonne jamais la vertu… C’est Victor, ce fidèle valet du marquis de Gange, dont nous avons parlé au commencement de cette histoire, et qui, sorti pour quelques faibles mécontentements, était entré au service du duc de Caderousse : il reconnaît son ancienne maîtresse.. — Quoi ! c’est vous, madame la marquise ? dit-il en se jetant à ses genoux. Ah ! grand Dieu ! Comment vais-je vous tirer des dangers qui vous environnent ? — Où suis-je donc ici ? — Chez le duc de Caderousse, madame, le meilleur maître du monde, sans doute, mais l’homme le plus dépravé de son siècle. Les gens qui vous ont accompagnée m’avaient tout dit, excepté votre nom. Le duc vous a fait enlever à Avignon ; vous le devanciez de quatre heures, et il ne va reparaître ici que pour vous soumettre à ses criminels désirs. Vous êtes perdue, ma respectable maîtresse, perdue, si je ne réussis pas à vous faire sortir de cet enfer ; et comment l’entreprendre ? Hélas ! il me tuera, si je vous laisse échapper, et vous… vous, madame, vous êtes déshonorée si je ne vous sauve. — Ah ! Victor ! — Ne m’implorez pas ; mon parti est pris : entre ma vie et votre honneur je ne dois pas balancer un instant. — Excellent homme !… mes guides sont-ils repartis ? — Ils doivent l’être ; mais comment sortir d’ici dans l’état où vous êtes ? Heureusement ma femme est dans cette maison. Passons à l’instant chez elle ; vous prendrez ses habits ; vous y déposerez les vôtres, et je vous accompagnerai… Mais, en me sacrifiant pour vous, songez que je ne puis plus reparaître après. — Ah ! Victor ! peux-tu penser que je puisse jamais t’abandonner un instant ? — Pressons-nous donc ; il n’y a pas une minute à perdre. On descend chez la femme de Victor, placée comme concierge dans le château. Le changement d’habit n’est pas long ; on se précipite dans la cour ; on passe une seconde fois les grilles. Un moment, dit Victor en s’arrêtant au-delà, gardons-nous de retourner à Avignon par le chemin que le duc a pris pour arriver dans son château : nous le rencontrerions à coup sûr. Descendons lestement la montagne ; gagnons le bac de la Durance, allons droit à Aix, et nous y trouverons des voitures pour Avignon. Mais soutiendrez-vous bien ce long trajet à pied ? Eh ! se fatigue-t-on en fuyant le malheur ? Hâtons-nous seulement, et soyez sûr de moi.

On vole… Madame de Gange n’entend pas un seul bruit qu’elle ne le prenne pour celui de la voiture de son ravisseur. Victor la rassure, et l’on arrive au bac. Mais on ne peut passer le torrent : fortement augmenté par l’orage, il inonde toute la campagne ; et, quelques instances que l’on fasse au batelier, il refuse à des gens qui, d’ailleurs, ne lui paraissent pas d’une grande importance. Il faut attendre que les eaux se retirent, et combien cela durera-t-il ?… Où s’établira-t-on pendant ce temps ?

À deux cents pas, s’offre, sur la droite, une malheureuse taverne de contrebandiers. Entre la prise de possession de ce logis et le retour par le chemin que l’on vient de suivre, point de milieu : si le premier projet fait craindre les inconvénients de la plus mauvaise compagnie, le second présente ceux bien plus dangereux de la rencontre du ravisseur. Madame de Gange voudrait attendre dans le bac ; mais le patron n’y consent que pour une couple d’heures, et les oblige de sortir ensuite. Il fallut donc s’arranger dans la petite auberge. — Ah ! dit Victor, en reconnaissant de loin un personnage effrayant qui fumait à l’entrée de la cuisine. Oh ciel ! où sommes-nous ? L’homme que vous voyez est un des agents du duc, un scélérat, qui, en récompense des services rendus à ce seigneur, a déjà deux fois échappé aux châtiments que lui méritaient ses crimes. Je suis sûr qu’il est envoyé sur nos traces… Où nous cacher ?… Un mauvais appentis se présente sur la gauche de la porte du cabaret ; on pouvait entendre de là tout ce qui se disait dans la maison occupée par ce bandit et deux satellites qui ne le quittaient jamais. — Cachons-nous là, dit Victor, nous saurons au moins à quoi nous en tenir sur le compte de ces hommes redoutables. Euphrasie approuve ce conseil ; tous deux se blottissent sous des bottes de paille, et prêtent avidement l’oreille.

— Nous les avons manqués d’une heure, dit le chef à ses compagnons ; il fallait qu’ils fussent cachés dans le bac… Quelle perte pour nous ! Le duc nous a promis deux cents louis si nous la lui ramenons. Il fera mourir Victor sous le bâton ; mais, pour la marquise, elle est perdue : il n’y a pas grand mal ; ce n’est pas une femme bien honnête. Son mari ne s’est battu avec Villefranche que parce qu’il le trouva dans le lit de son épouse. Et peu auparavant, lorsqu’elle se sauvait de Beaucaire avec cet amant, et que Deschamps, mon capitaine pour lors, la fit descendre dans son souterrain, ne fit-il pas d’elle tout ce qu’il voulut ? Elle y avait consenti… Oh ! c’est une débauchée. — Oui, dit le chef, voilà comme ces belles dames usurpent l’estime du public. Si c’était une de nos femmes, on dirait tout simplement que c’est une coquine : il semble que les pauvres ne doivent pas avoir de réputation ; mais avec ces marquises, ces duchesses, il faut ménager les termes ; elles font pis que les nôtres, et encore faut-il les respecter. — On dit qu’elle est jolie, celle-là, dit le troisième camarade. — Sans cela, repartit le chef, le duc ne paierait pas aussi bien nos services. Oh ! c’est une femme perdue, poursuivit le brigand ; personne ne voudra plus la revoir dans Avignon.

— Eh bien ! dit le troisième satellite, son mari la fera enfermer. Elle est jeune ; on lui donnera le temps de se corriger. Il faudrait que toutes ces femmes-là fussent à l’ombre : ce sont elles qui perdent les autres ; et voilà ce qui occasionne tant de libertinage dans ce pays-ci. Mais poursuivons notre enquête ; allons à l’autre bac ; ils y seront peut-être. — Oh ! ventrebleu ! dit le chef, je vous assure que je la ramènerai de bon cœur au duc : c’est un brave homme, et il n’y a pas de mal qu’il profite de toutes les sottises de ces femmes-là. Pourquoi y est-elle venue ?

Nos bandits payent leur dépense, et passent, en sortant, si près de l’abri où se trouvaient la marquise et son conducteur qu’un d’eux pensa tomber sur les bottes de paille qui les recelaient. Dès qu’ils sont partis, nos deux fugitifs rétrogradent dans la campagne, gravissent une petite élévation, de laquelle ils peuvent observer tout ce qui se passe au second bac, et d’où ils aperçoivent enfin les bandits revenir sur leurs pas, et reprendre la route du château. Ils se dirigent alors sur les bords de la rivière, et demandent à passer. Les eaux s’étant un peu retirées, le patron consent ; puis, les considérant avec attention. — N’êtes-vous pas, leur dit-il, du nombre de ceux que le duc envoie après une femme qui vient de se sauver de chez lui ? Des gens que vous avez dû voir nous ont dit être chargés de les poursuivre, et de les arrêter s’ils venaient. — Parbleu, dit Victor, c’est aussi notre consigne : il dépêche ma femme que vous voyez et moi pour la même chose. Vous savez que nous sommes à son service. — Pressez-vous, dit le batelier, je crois la personne que vous cherchez sur la route d’Aix ; elle est passée par l’autre bac. — Bon, dit Victor, nous allons courir après ; nous ne nous arrêterons pas que nous ne l’avons. — Passez, passez, mes amis, il faut rendre service à monsieur le duc ; c’est un bon seigneur, il paye bien.

On traverse, on aborde, et voilà la marquise sur la route d’Aix.

— Ô ! mon cher Victor, dit Euphrasie, dès qu’elle voit la rivière entre ses ravisseurs et elle, que ne vous dois-je pas pour un tel service ! — Madame, dit Victor, en refusant une bague de prix que voulait lui donner la marquise, celui qui est assez heureux pour préserver la vertu des atteintes du vice ne doit recevoir de récompense que de son cœur. — Mais avez-vous entendu les horribles propos de ces gens-là[1] ? Et voilà donc où la plus légère imprudence peut entraîner une honnête femme[2] ! Ô ! mon cher Victor ! quelle leçon ! — Vous triompherez de tout cela, madame, répondit Victor ; et les éclaircissements que je vais donner me rendront peut-être assez heureux pour y concourir.

La marquise était fatiguée ; ses forces, altérées par l’inquiétude et par le chagrin, commençaient à faiblir ; elle monte avec son protecteur sur une charrette qui faisait la même route, et ce fut dans cet état qu’ils entrèrent dans Aix. Dès qu’ils furent sur le Cours, ils quittèrent ce triste équipage, et Victor conduisit la marquise dans la plus belle auberge de la ville. Ils y étaient à peine que le premier objet qui frappe leurs yeux est le marquis de Gange. Euphrasie est prête à s’évanouir… — Me trompé-je ! dit Alphonse ; quoi ! c’est vous, madame !… en cet état… conduite par un homme que j’ai renvoyé de chez moi ! et c’est sous ce déguisement que vous fuyez ! et, sous le prétexte d’aller au bal, vous allez courir la province ! Vous peignez-vous l’inquiétude où vous avez mis votre mère et toute votre famille ? Ainsi donc, madame, il est décidé que je ne puis vous rencontrer que pour vous couvrir de reproches, que mérite si bien votre inconduite ! — Ah ! monsieur, daignez m’entendre avant que de me condamner. — Eh bien ! passons vite dans mon appartement : là, vous pourrez m’instruire à l’aise d’une aussi singulière aventure… Pour vous, Victor, soyez tranquille ; il vous suffit d’avoir accompagné madame pour que je vous récompense : vous me direz ce qui vous convient. — L’honneur de vous servir, monsieur le marquis… Ah ! soyez sûr que vous avez une épouse bien respectable.

On entre dans la chambre du marquis, et Euphrasie, après avoir versé des larmes bien amères, raconte à son époux, dans le plus grand détail, tout ce qui vient de lui arriver, en dissimulant néanmoins, par prudence, la part que le chevalier avait dans cette histoire.

Que l’on ne taxe pas ici notre héroïne de fausseté : il est permis de cacher ce qu’il serait imprudent de dire ; mais on est toujours très coupable en donnant aux faits une physionomie qu’ils n’ont pas.

Le marquis réprimanda sévèrement sa femme de tomber perpétuellement ainsi dans les pièges que chacun lui tendait. — Vous voyez, dit-il, que vous me mettez encore ici dans le cas d’avoir avec Caderousse la même affaire qu’avec Villefranche. — Gardez-vous-en bien, dit Euphrasie ; laissez oublier une aventure dont l’éclat me perdrait : c’est à ma sagesse à tout prévenir désormais. — Ah ! perfide, vous m’en avez dit autant chez madame de Donis. — Uniquement coupable d’imprudence dans l’un et dans l’autre cas, croyez que je serai maintenant plus sévère que jamais sur tout ce qui pourrait me faire tomber dans les mêmes fautes. Récompensez Victor, monsieur, je vous en conjure ; le motif qui vous le fit renvoyer à Gange ne peut se mettre en compensation avec la belle action qu’il vient de faire. Je vous le recommande.

Victor fut bien payé, placé dans Aix, avec sa femme, et l’on ne s’occupa plus que de retourner à Avignon, où les deux époux arrivèrent sans prononcer une parole.

— Voilà votre fille, madame, dit Alphonse à sa belle-mère ; elle vous instruira de tout, et vous prononcerez. Le marquis se sauve à ces mots, et laisse ces deux femmes s’expliquer.

La première idée qui vint à madame de Châteaublanc fut qu’il y avait encore là quelque piège. — Je n’en doute pas, dit Euphrasie ; et, ce qui me paraît singulier, c’est qu’Alphonse ne revient d’aucune de ses fâcheuses impressions contre moi. Il a été d’un froid glacé pendant le retour. — Quelqu’un l’aigrit, dit madame de Châteaublanc. Vous avez des devoirs à remplir, ma fille ; que rien ne vous en écarte jamais. La vérité se découvrira tôt ou tard, et nous triompherons de nos ennemis. — Je crains, dit madame de Gange, que cette succession ne leur donne de l’humeur à tous. — Et quels droits peuvent-ils y avoir ? En vous laissant cinq cent mille francs, Nochères a voulu qu’ils passassent à votre fils. — Soit ; mais mon mari, peut-être, aurait désiré que ce testament fût autant en sa faveur qu’en la mienne. Peut-être voudrait-il recevoir les revenus jusqu’à la majorité de mon fils. — Avec la conduite de votre époux et de ses frères, notre cher enfant pourrait bien ne pas gagner à l’administration. — Monsieur de Gange est incapable… — Je le crois ; mais il est faible, et ses frères le mènent. — Oh ! maman, je serais désolée de me brouiller avec mon mari… Si vous saviez combien je l’aime ! — Et moi, ma fille, je serais désolée que votre fils n’eût rien. D’ailleurs, usons dans tout ceci de la plus grande politique, et croyez que mes réflexions, et les gens qui nous conseillent, fourniront bientôt les moyens d’établir un juste équilibre dans toutes les branches de cette importante affaire.

  1. Nous avons littéralement rapporté ces propos, afin de faire voir à quel point les ennemis de madame de Gange travaillaient l’opinion publique, pour en venir plus sûrement à leur but perfide.
  2. Si quelques-uns de nos lecteurs demandaient où est le but moral de cet ouvrage, nous leur répondrions par cette sage réflexion de la marquise.