La Maison dans l’œil du chat (Crès, 1917)/Le petit verger

Georges Crès (p. 145-150).




XXI

LE PETIT VERGER


LE PETIT VERGER



Les groseilliers dans la lumière, doucement abritent les pommes tombées. Et les pommes tombées font des rondes au pied vert des groseilliers.

Les fraisiers sur la terre brune, mêlant leurs feuilles aux pissenlits, côte à côte, rêvent aux petites fraises, qui poussent sur eux pour être mangées.

L’allée du milieu est toute sombre : une raie de soleil la traverse. Sur le mur pousse la vigne, aux grandes feuilles bleues et tranquilles et partout des mauvaises herbes et du plantin pour les oiseaux ! C’est un petit verger si sage au fond d’un bois roux de soleil, un petit verger, où il fait bon rêver à de très vieux contes, à de très vieilles gens. Les pommiers vieux et bossus, sont comme ces grands-pères qu’on n’a pas connus et les pommes tièdes et ridées des petites sœurs qu’on n’a pas eues.

Oh ! dans le petit verger, où l’or foncé d’un tronc vous met la joie au cœur comme une belle chanson.

Oh ! dans le petit verger, où l’on pense à des choses très françaises et très douces, comme la lumière est belle au pied des groseilliers.