La Maison dans l’œil du chat (Crès, 1917)/Le mouton

Georges Crès (p. 75-80).




XI

LE MOUTON


LE MOUTON


Le mouton s’appelle Robin.

Je le sais, j’ai eu le même et je l’avais appelé Robin ; ensuite Blanchot, mais Robin a toujours été plus joli.

On s’en va tous les deux côte à côte, comme deux petits frères qu’on est dans la vie ! Le mouton broute et l’Autre rêve. Tous les deux tournés vers la terre en fleurs. Puis quand on arrive près d’un arbre touffu qui donne beaucoup d’ombre, on s’arrête et l’on serre le mouton sur son cœur.

La laine est douce aux doigts qui s’y accrochent. Le mouton sent le serpolet. Dans ses grandes oreilles duvetées, on lui confie l’histoire d’un prince qui avait trois châteaux ensorcelés. Le mouton écoute en silence, l’air triste et résigné par habitude…

Alors en suivant la rivière, on rentre, comme deux petits frères qu’on est dans la vie.