Amyot (p. 165-179).
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XI

La Lune du Mexique.

Après sa visite aux chasseurs, l’Ours-Noir s’était mis en route à la tête de ses guerriers pour se rendre à une île peu éloignée, nommée Chole-Heckel, qui était un des postes avancés des Apaches, sur la frontière mexicaine.

L’Ours-Noir atteignit l’île au point du jour.

En cet endroit, le rio Gila a sa plus grande largeur ; chacun des bras formés par l’île est à peu près de deux kilomètres.

L’île qui s’élève au milieu de l’eau, comme une corbeille de fleurs, a trois kilomètres de long environ sur la moitié d’un de large, et n’est qu’un immense bouquet d’où s’exhalent les plus suaves odeurs et les chants mélodieux des oiseaux qui babillent en nombre incalculable sur toutes les blanches des arbres dont elle est couverte.

Éclairé ce jour-là par les splendides rayons d’un puissant soleil, ce lieu avait un aspect étrange et inusité qui saisissait fortement l’imagination.

Aussi loin que la vue pouvait s’étendre dans l’île et sur les deux rives du Gila, on apercevait des tentes en peaux de bison, ou des huttes de feuillage pressées les unes contre les autres, et dont les couleurs bizarres frappées par le soleil fatiguaient les yeux.

De nombreuses pirogues faites de peaux de cheval cousues ensemble et rondes pour la plupart, ou bien creusées dans des troncs d’arbres, sillonnaient le fleuve dans tous les sens.

Les guerriers mirent pied à terre et rendirent la liberté à leurs chevaux, qui allèrent immédiatement se confondre avec une multitude d’autres.

Le chef s’engagea au milieu des huttes devant lesquelles flottaient au vent les banderolles de plumes et les scalps des guerriers renommés, passant parmi les femmes qui préparaient le repas du matin.

Mais l’Ours-Noir avait été reconnu aussitôt son arrivée, et chacun se ranogeait sur son passage en s’inclinant avec respect devant lui. Une chose que ne pourra croire un Européen, c’est ce respect que, sans exception, tous les Indiens professent pour leurs chefs. Pour ceux qui ont conservé les coutumes de leurs pères, et, dédaignant la civilisation européenne, ont continué à errer libres dans les savanes, ce respect s’est changé en fanatisme et presque en adoration.

Le cercle d’or orné de deux cornes de bison, placé sur le front de l’Ours-Noir, le faisait reconnaître de tous, et à son passage éclatait la joie la plus vive.

Il parvint enfin au bord du fleuve ; arrivé là, il fit signe à un homme qui péchait à peu de distance dans une pirogue ; celui-ci se rendit avec empressement à l’injonction qui lui était faite, et le chef passa dans l’île.

Une hutte en branchages avait été préparée pour lui.

Il est probable que des sentinelles invisibles guettaient son arrivée ; au moment où il mit pied à terre, un chef nommé la Petite-Panthère se présenta devant lui.

— Le grand chef est bien venu parmi ses fils, dit-il en s’inclinant avec courtoisie devant l’Ours-Noir ; mon père a-t-il fait un bon voyage ?

— J’ai fait un bon voyage, je remercie mon frère.

— Si mon père y consent, Je le conduirai au jacal — hutte en roseaux — construit pour le recevoir.

— Marchons ! dit le chef.

La Petite-Panthère s’inclina une seconde fois et guida le chef à travers un sentier tracé au milieu des buissons ; bientôt ils arrivèrent à un jacal qui, dans l’esprit des Indiens, par sa grandeur, l’éclat des couleurs dont il était peint et la propreté, devait résumer l’idéal du confortable.

— Mon père est chez lui, dit la Petite-Panthère en soulevant respectueusement la fressada — couverture de laine — qui fermait le jacal, et en s’effaçant pour laisser passer l’Ours-Noir.

Celui-ci entra.

— Que mon frère me suive, dit-il.

La Petite-Panthère entra derrière lui et laissa retomber le rideau.

Cette habitation ne différât en rien de celles des autres Indiens ; un feu brûlait au milieu ; l’Ours-Noir fit signe à l’autre chef de s’asseoir sur un crâne de bison ; il en prit un lui-même et s’assit auprès du feu.

Après un moment de silence, employé par les deux chefs à fumer gravement, l’Ours-Noir s’adressa à la Petite-Panthère.

— Les chefs de toutes les tribus de notre nation sont-ils réunis dans l’île de Chole-Heckel, ainsi que j’en avais donné l’ordre ?

— Ils sont tous réunis.

— Quand doivent-ils se rendre dans mon jacal ?

— Ceci dépend de mon père ; ils attendent son bon plaisir.

L’Ours-Noir recommença à fumer silencieusement ; un laps de temps assez long, s’écoula ainsi.

— Il ne s’est rien passé de nouveau pendant mon absence ? demanda l’Ours-Noir en secouant la cendre de son calumet sur l’ongle du pouce de sa main gauche.

— Trois chefs des Comanches des prairies se sont présentés, envoyés par leur nation, pour traiter avec les Apaches.

— Ooah ! fit le chef ; sont-ce des guerriers renommés ?

— Ils ont de nombreuses queues de loup à leurs mocksens — chaussures ; — ils doivent être vaillants.

L’Ours-Noir baissa la tête affirmativement.

— L’un, dit-on, est le Moqueur, continua la Petite-Panthère.

— Mon frère est-il certain de ce qu’il m’annonce ? demanda vivement le chef.

— Les guerriers comanches ont refusé de dire leurs noms, quand on leur a appris l’absence de mon père. Ils ont répondu que c’était bien et qu’ils attendraient son retour.

— Bon ! Ce sont des chefs. En quel lieu se tiennent-ils ?

— Ils ont allumé un feu autour duquel ils campent.

— Très-bon. Le temps est précieux ; mon frère préviendra les chefs apaches que je les attends auprès du feu du conseil.

La Petite-Panthère se leva sans répondre et sortit du jacal.

Pendant une heure environ, le chef indien demeura seul, plongé dans ses pensées ; au bout de ce temps, on entendit au dehors le bruit de la marche de plusieurs hommes qui s’approchaient ; le rideau du jacal fut soulevé par la Petite-Panthère, qui se présenta.

— Eh bien ? lui dit l’Ours-Noir.

— Les chefs attendent.

— Qu’ils viennent.

Les chefs parurent.

Ils étaient dix environ, chacun avait revêtu ses plus beaux ornements, ils étaient peints et armés en guerre.

Ils entrèrent silencieusement et se rangèrent autour du feu après avoir respectueusement salué le grand chef et baisé le bas de sa robe.

Aussitôt que tous les chefs furent réunis dans l’intérieur du toldo, une troupe de guerriers apaches se plaça à l’extérieur, afin d’éloigner les curieux et d’assurer le secret de la délibération des chefs.

L’Ours-Noir, malgré son empire sur lui-même, ne put retenir un mouvement de joie à l’aspect de tous ces hommes qui lui étaient entièrement dévoués, et avec le secours desquels il se croyait certain d’accomplir ses projets.

— Que mes frères soient les bienvenus ! dit-il en les invitant d’un geste à prendre place sur les crânes de bisons rangés autour du feu ; je les attendais avec impatience.

Les chefs s’inclinèrent et s’assirent. Alors le porte-pipe entra et présenta le calumet à chaque guerrier, qui tira une ou deux bouffées de tabac. Lorsque cette cérémonie fut terminée et le porte-pipe sorti, la délibération commença.

— Avant tout, dit l’Ours-Noir, je dois vous rendre compte de ma mission. L’Ours-Noir l’a remplie complétement ; il est entré dans la case des blancs ; il l’a visitée dans ses plus grands détails, il connaît le nombre des visages pâles qui la défendent, et, lorsque l’heure sera venue d’y conduire ses guerriers, l’Ours-Noir saura retrouver la route.

Les chefs s’inclinèrent avec satisfaction.

— Cette grande case des blancs, continua l’Ours-Noir, est le seul obstacle sérieux que nous rencontrerons sur notre route, dans la nouvelle expédition que nous entreprenons.

— Les Yoris sont des chiens sans courage. Les Apaches leur donneront des jupons et leur feront préparer leur gibier, dit en ricanant la Petite-Panthère.

L’Ours-Noir secoua la tête.

— Les visages pâles de la grande case de Guetzalli ne sont pas des Yoris, fit-il ; un chef les a vus, ce sont des hommes. Ils ont pour la plupart les yeux bleus et les cheveux couleur de maïs mûr ; ils paraissent fort braves : que mes frères soient prudents !

— Et mon père ne sait pas quels sont ces hommes ? demanda un chef.

— L’Ours-Noir l’ignore ; on lui a dit là-bas, près du grand lac Salé, qu’ils habitaient un pays très-loin d’ici vers le soleil levant : voilà tout.

— Ces hommes n’ont donc ni arbres, ni fruits, ni bisons dans leur pays, qu’ils prétendent nous voler les nôtres ?

— Les visages pâles sont insatiables, reprit l’Ours-Noir ; ils oublient que, de même qu’aux autres hommes, le Grand-Esprit ne leur a donné qu’une bouche et deux mains ; tout ce qu’ils voient, ils le convoitent ; le Wacondah, qui aime ses fils rouges, les a fait naître dans une contrée riche et les a comblés de ses dons ; les visages pâles sont jaloux et cherchent continuellement à les voler et à les déposséder ; mais les Apaches sont des guerriers braves, ils sauront défendre leurs territoires de chasse et empêcher qu’ils soient foulés par ces vagabonds venus de l’autre côté du lac Salé sur des cases flottantes de la grande médecine[1].

Les chefs applaudirent chaleureusement ce discours, qui exprimait si bien les sentiments qui les agitaient et l’animosité dont ils étaient animés contre la race blanche, cette race conquérante et envahissante qui les rejette continuellement dans le désert, ne leur laissant même plus, l’espace nécessaire pour respirer et vivre tranquilles à leur guise.

— La grande nation des Comanches des lacs, celle qui s’intitule la reine des prairies, a député vers notre nation trois guerriers renommés. J’ignore le but de cette ambassade qui, je le crois, ne peut être que pacifique. Vous plaît-il, chefs de ma nation, de les recevoir et de les admettre à fumer le calumet de paix avec nous autour du feu du conseil ?

— Mon père est un guerrier très-sage, répondit la Petite-Panthère ; il sait, quand il le veut, deviner les pensées les plus cachées dans le cœur de ses ennemis ; ce qu’à fera sera bien fait ; les chefs de sa nation seront toujours heureux de régler leur conduite d’après les conseils qu’il daignera leur donner.

L’Ours-Noir jeta un regard circulaire sur l’assemblée, afin de s’assurer si la Petite-Panthère avait bien exprimé la volonté générale.

Les membres du conseil baissèrent silencieusement la tête en signe d’acquiescement.

Le chef sourit avec orgueil de se voir si bien compris par ses compagnons, et s’adressant à la Petite-Panthère :

— Que mes frères les chefs comanches soient introduits, dit-il.

Ces mots furent prononcés avec une majesté égale à celle d’un roi européen siégeant dans son parlement.

La Petite-Panthère sortit, afin d’aller exécuter l’ordre qu’il avait reçu.

Pendant son absence qui fut assez longue, pas un mot ne fut échangé entre les chefs ; assis sur les crânes de bisons, les coudes sur les genoux, le menton dans la paume des mains, ils demeurèrent immobiles et silendeux, les yeux obstinément baissés, plongés en apparence dans de profondes réflexions.

La Petite-Panthère rentra enfin précédant les trois guerriers comanches.

À leur arrivée, les chefs apaches se levèrent et les saluèrent cérémonieusement

Les Comanches rendirent le salut avec une courtoisie non moins grande, mais sans répondre autrement, et attendirent qu’on leur adressât la parole.

Les guerriers comanches étaient jeunes, bien découplés ; ils avaient la tournure martiale, l’œil franc et le front pensif. Dans leur costume national, la tête haute, fièrement campés sur la hanche droite, ils avaient quelque chose de noble et de loyal qui éveillait la sympathie. L’un surtout, le moins âgé des trois — il avait à peine vingt-cinq ans — devait être, à en juger par l’apparence, un homme supérieur ; les lignes sévères de son visage, l’éclat de son regard, l’élégance et la majesté de sa démarche, le faisaient, au premier abord, reconnaître pour un homme d’élite.

Celui-là se nommait le Moqueur ; ainsi qu’il était facile de le deviner au bouquet de plumes de condor fiché dans sa touffe de guerre, c’était un des principaux chefs de la nation.

Les chefs apaches attachèrent sur les arrivants, sans paraître les examiner, ce regard profondément inquisiteur que possèdent à un degré si éminent les Indiens.

Les Comanches, bien qu’ils devinassent la force du regard qui pesait sur eux ne firent pas un geste, ne laissèrent échapper aucun mouvement qui pût déceler qu’ils se savaient le point de mire de tous les assistants.

Machiavel, tout auteur du Prince qu’il soit, n’était, comparé aux Peaux-Rouges, qu’un enfant en fait de politique. Ces pauvres sauvages, ainsi que les nomment ceux qui ne les connaissent pas, sont les diplomates les plus rusés et les plus fins qui existent.

Après un instant, l’Ours-Noir fit un pas au devant des chefs comanches, s’inclina vers eux, et leur tendant la main droite, la paume en avant :

— Je suis heureux de recevoir sous mon totem, au milieu de mon peuple, mes frères les Comanches des lacs ; ils prendront place au feu du conseil et fumeront avec leurs frères le calumet de paix.

— Qu’il en soit ainsi, répondit le Moqueur d’une voix austère ; ne sommes-nous pas tous enfants de Wacondah ?

Et, sans ajouter un mot, il alla, suivi par les deux autres chefs, s’asseoir auprès du feu du conseil, côte à côte avec les Apaches.

La conversation fut une autre fois interrompue. Chacun fumait.

Enfin, lorsque les tuyaux des calumets ne continrent plus que des cendres, l’Ours-Noir se tourna avec un sourire courtois vers le Moqueur.

— Mes frères les Comanches des lacs poursuivent les bisons non loin d’ici sans doute, alors la pensée leur est venue de visiter leurs frères apaches. Je les en remercie.

Le Moqueur s’inclina.

— Les Comanches des lacs sont loin encore à la poursuite des antilopes sur le Del Norte ; le Moqueur et quelques guerriers dévoués de sa tribu qui l’accompagnent sont les seuls campés sur ces territoires de chasse.

— Le Moqueur est un chef renommé dans la prairie, répondit gracieusement l’Apache ; l’Ours-Noir est heureux de l’avoir vu. Un aussi grand guerrier que mon frère ne se dérange pas ainsi sans motif plausible.

— L’Ours-Noir a deviné ; le Moqueur est venu pour renouer avec ses frères apaches les nœuds étroits d’une amitié loyale. Pourquoi, au lieu de nous disputer un territoire sur lequel nous avons des droits égaux, ne le partagerions-nous pas entre nous ? Les hommes rouges doivent-ils donc s’entre-détruire ? Ne vaudrait-il pas mieux enterrer, auprès du feu du conseil, la hache de guerre à une telle profondeur, que, lorsqu’un Apache rencontrerait un Comanche, il ne verrait plus en lui qu’un frère bien aimé ? Les visages pâles, qui, à chaque lune, envahissent davantage nos possessions, ne nous font-ils pas une guerre assez acharnée, sans que nous leur donnions raison par nos discussions intestines ?

L’Ours-Noir se leva, et étendant le bras avec autorité :

— Mon frère le Moqueur a raison, dit-il, un seul sentiment doit nous guider désormais, le patriotisme ; mettons de côté toutes nos haines mesquines pour ne songer qu’à une seule chose, la liberté ! Les visages pâles sont dans la plus profonde ignorance de nos projets ; pendant quelques jours que j’ai passés à Guaymas, j’ai été à même de m’en convaincre ; ainsi, notre invasion subite sera pour eux un coup de foudre qui les glacera d’épouvante ; ils seront déjà à demi vaincus à notre approche.

Il se fit un silence solennel.

Le Moqueur promena alors sur l’assemblée un regard calme et fier, et s’écria :

— C’est la lune du Mexique qui commence dans vingt-quatre heures. Guerriers Peaux-Rouges, la laisserons-nous passer sans tenter un de ces hardis coups de main dont nous avons l’habitude tous les ans à pareille époque ? Il est surtout une propriété sur laquelle nous devons passer comme un ouragan : cette propriété, fondée par des visages pâles, autres que les Yoris, est pour nous une menace permanente. Je ne ruserai pas avec vous, chefs apaches ; je viens franchement vous offrir, si vous voulez attaquer Guetzalli, l’appui de quatre cents guerriers comanches à la tête desquels je me mettrai.

À cette proposition, un frémissement de plaisir fit tressaillir l’assemblée.

— J’accepte avec joie la proposition de mon frère, s’écria l’Ours-Noir. Je dispose à peu près du même nombre de guerriers ; nos deux troupes suffiront, je l’espère, pour ruiner de fond en comble l’établissement des visages pâles. Demain, au lever de la lune, bous nous mettrons en route.

Les chefs se retirèrent.

L’Ours-Noir et le Moqueur demeurèrent seuls.

Ces deux chefs jouissaient d’une réputation égale, tous deux étaient adorés de leurs compatriotes. Ils s’examinèrent donc avec curiosité, car jusqu’à ce moment ils avaient toujours été ennemis et n’avaient jamais eu l’occasion de se voir autrement que les armes à la main.

— Je remercie mon frère de son offre cordiale, dit le premier l’Ours-Noir. Dans les circonstances où nous sommes, son secours sera pour nous très-avantageux ; mais une fois la victoire décidée, les dépouilles seront partagées également entre les deux nations.

Le moqueur s’inclina.

— Quel plan a formé mon frère ? demanda-t-il.

— Un plan fort simple. Les Comanches sont de redoutables cavaliers ; avec mon frère à leur tête, ils doivent être invincibles. Dès que la lune brillera dans le ciel, le Moqueur s’élancera avec ses guerriers et se dirigera vers Guetzalli, en ayant soin d’incendier la campagne en avant de son détachement, afin d’élever un rideau de fumée qui dissimule ses mouvements et empêche de compter ses guerriers. Si, ce qui n’est pas probable, les visages pâles avaient placé des vedettes en avant de leur grande case pour annoncer l’arrivée de l’expédition, mon frère tâchera de s’emparer de ces vedettes qui toutes seront tuées immédiatement, afin d’éviter qu’elles donnent l’alarme. Dans cette expédition, de même que dans toutes celles qui l’ont précédée et que nous faisons chaque année, tout ce qui appartient aux visages pâles, cases, jacals, maisons, seront brûlés ; les bestiaux enlevés et expédiés sur l’arrière. Arrivé devant Guetzalli, mon frère s’embusquera le plus commodément qu’il pourra et attendra le signal que je lui ferai parvenir pour attaquer les visages pâles.

— Bon. Mon frère est un chef prudent, il réussira ; je ferai de point en point ce qu’il vient de me dire ; et lui, que fera-t-il pendant que j’exécuterai cette partie du plan général ?

L’Ours-Noir eut un sourire d’une expression indéfinissable.

— Il verra, dit-il, en posant la main sur l’épaule du Comanche ; qu’il laisse agir un chef ; je lui promets une belle victoire.

— Bon, répondit le Comanche ; mon frère est le premier de sa nation, il sait comment il doit se conduire ; les Apaches ne sont pas des femmes. Je vais rejoindre mes guerriers.

— Bon, mon frère a compris ; demain, au lever de la lune.

Le Moqueur s’inclina et les deux chefs se séparèrent en apparence les meilleurs amis du monde.

Quelques minutes plus tard, la plus grande animation régnait dans le camp des Apaches. Les femmes abattaient les tentes et chargeaient les mules, les enfants laçaient et sellaient les chevaux, enfin on faisait les préparatifs d’un départ précipité.



  1. Termes employés par les indiens pour désigner tout ce qu’ils ne peuvent expliquer.