P.-V. Stock (p. 424-436).

XXXVIII

LE PROCÈS DU ROI


Les deux mois qui s’écoulèrent depuis l’ouverture de la Convention jusqu’à la mise en jugement du roi restent jusqu’à présent une énigme pour l’histoire.

Le première question qui devait s’imposer à la Convention, dès qu’elle fut réunie, était certainement celle de savoir ce qu’on allait faire du roi et de sa famille, emprisonnés au Temple. Les tenir là, indéfiniment, jusqu’à ce que l’invasion dût repoussée et une constitution républicaine votée et acceptée par le peuple, c’était impossible. Comment la République pouvait-elle s’établir tant qu’elle gardait un roi et son héritier légitime dans ses prisons, sans rien oser entreprendre à leur égard ?

En outre, devenus de simples particuliers qui, emmenés du palais, occupaient en famille une prison, Louis XVI, Marie-Antoinette et leurs enfants apparaissaient comme des martyrs intéressants, pour lesquels les royalistes se passionnaient et sur lesquels s’apitoyaient les bourgeois, et même les sans-culottes qui montaient la garde au Temple.

Une pareille situation ne pouvait pas durer. Et cependant, près de deux mois se passèrent, pendant lesquels on se passionna à la Convention pour toutes sortes de choses, sans aborder cette première conséquence du 10 août — le sort du roi. Ce retard, à mon avis, devait être voulu, et nous ne pouvons nous l’expliquer qu’en admettant que l’on était, pendant ce temps-là, en pourparlers secrets avec les cours européennes, — pourparlers qui n’ont pas encore été divulgués, mais qui avaient certainement trait à l’invasion et dont l’issue dépendait de la tournure que prendrait la guerre.

On sait déjà que Danton et Dumouriez avaient eu des pourparlers avec le commandant de l’armée prussienne, afin de le décider à se séparer des Autrichiens et à opérer sa retraite. Et l’on sait aussi qu’une des conditions posées par le duc de Brunswick (probablement, non acceptée) fut de ne pas toucher à Louis XVI. Mais il dut y avoir plus. De semblables négociations furent probablement engagées aussi avec l’Angleterre. Et comment s’expliquer le silence de la Convention et la patience des sections, sans admettre qu’il y eut entente là-dessus entre la Montagne et la Gironde ?

Cependant, aujourd’hui il est évident pour nous que des pourparlers de ce genre ne pouvaient aboutir, et cela pour deux raisons. Le sort de Louis XVI et de sa famille n’intéressait pas assez le roi de Prusse, ni le roi d’Angleterre, ni le frère de Marie-Antoinette, l’empereur d’Autriche, pour sacrifier les intérêts politiques nationaux aux intérêts personnels des prisonniers du Temple. Cela se voit bien par les pourparlers qui eurent lieu plus tard, concernant la mise en liberté de Marie-Antoinette et de Madame Élisabeth. Et, d’autre part, les rois coalisés ne trouvèrent pas en France, dans la classe instruite, l’unité de sentiments républicains qui pût faire évanouir leur fol espoir de rétablir la royauté. Au contraire, ils trouvèrent les intellectuels de la bourgeoisie très disposés à accepter, soit le duc d’Orléans (grand-maître national de la franc-maçonnerie, à laquelle appartenaient tous les révolutionnaires de renom), soit son fils, le duc de Chartres, le futur Louis-Philippe, soit même le Dauphin.

Mais le peuple s’impatientait. Les sociétés populaires dans toute la France demandaient qu’on ne différât plus le procès du roi, et, le 19 octobre, la Commune vint aussi signifier ce vœu de Paris à la barre de la Convention. Enfin, le 3 novembre, un premier pas fut fait. Un rapport fut lu pour demander la mise en accusation de Louis XVI, et les principaux chefs d’accusation furent formulés de lendemain. Le 13, s’ouvrit la discussion sur ce sujet. Cependant, la chose eût encore traîné en longueur, si, le 20 novembre, le serrurier Gamain, qui avait autrefois enseigné la serrurerie à Louis XVI, n’était venu dénoncer à Roland l’existence aux Tuileries d’une armoire secrète que Gamain avait aidé le roi à placer dans un des murs, afin d’y conserver des papiers.

On connaît cette histoire. Un jour, en août 1792, Louis XVI fit venir Gamain de Versailles pour qu’il l’aidât à placer dans un mur, sous un panneau, une porte de fer qu’il avait confectionnée lui-même, et qui servirait à fermer une sorte d’armoire secrète. Le travail terminé, Gamain repartit pendant la nuit pour Versailles, après avoir bu un verre de vin et mangé un biscuit que lui avait offerts la reine. Il tomba en route, saisi de coliques violentes, et depuis lors il fut malade. Se croyant empoisonné — ou bien travaillé, peut-être, par la peur — il dénonça l’existence de l’armoire à Roland. Celui-ci, sans avertir personne, s’empara immédiatement des papiers qu’elle contenait, les porta chez lui, les examina avec sa femme et, après avoir revêtu les pièces de son seing, les apporta à la Convention.

On comprend la profonde sensation que produisit cette découverte, surtout lorsqu’on apprit par ces papiers que le roi avait acheté les services de Mirabeau, que ses agents lui avaient proposé d’acheter onze membres influents de la Législative (on savait déjà que Barnave et Lameth avaient été gagnés à sa cause), et que Louis XVI continuait à payer ceux de ses gardes licenciés qui s’étaient mis au service de ses frères à Coblentz et qui marchaient maintenant avec les Autrichiens contre la France.

Aujourd’hui seulement, lorsqu’on a en mains tant de documents qui constatent la trahison de Louis XVI, et que l’on voit les forces qui s’opposèrent néanmoins à sa condamnation, on comprend combien il fut difficile à la Révolution de condamner et d’exécuter un roi. Tout ce qu’il y avait de préjugés, de servilité ouverte et latente dans la société, de peur pour les fortunes des riches et de méfiance envers le peuple — tout se réunit pour entraver le procès. La Gironde, fidèle reflet de ces craintes, fit tout pour empêcher — d’abord, que le procès eût lieu, ensuite — qu’il aboutit à une condamnation, et que cette condamnation fût la mort, et enfin – que la peine fût appliquée[1]. Paris dut menacer la Convention d’insurrection pour la forcer à prononcer son jugement dans le procès commencé et à n’en pas différer l’exécution. Et jusqu’à présent, — que de paroles ronflantes, que de larmes chez les historiens quand ils nous parlent de ce procès !

Cependant, de quoi s’agissait-il ? Si un général quelconque avait été convaincu d’avoir fait ce qu’avait fait Louis XVI pour appeler l’invasion étrangère et l’appuyer, lequel donc des historiens modernes, — tous défenseurs de la « raison d’État », — aurait hésité un seul moment de demander la mort pour ce général ? Mais alors pourquoi tant de lamentations lorsque le traître fut le commandant de toutes les armées ?

Selon toutes les traditions et toutes les fictions qui servent à nos historiens et à nos juristes pour établir les droits du « chef de l’État », la Convention était le souverain en ce moment. À elle, et à elle seule, appartenait le droit de juger le souverain que le peuple avait détrôné, comme à elle seule appartenait le droit de législation échappé de ses mains. Jugé par la Convention, Louis XVI était, — pour parler leur langage — jugé par ses pairs. Et ceux-ci, ayant acquis la certitude morale de ses trahisons, n’avaient pas de choix. Ils devaient prononcer la mort. La clémence même était hors de question, alors que le sang coulait aux frontières. Les rois conjurés le savaient eux-mêmes, ils le comprenaient à merveille.

Quant à la théorie développée par Robespierre et Saint-Just, d’après laquelle la République avait le droit de tuer en Louis XVI son ennemi, Marat eut parfaitement raison de protester. Cela aurait pu se faire pendant ou immédiatement après la lutte du 10 août, mais non pas trois mois après le combat. Maintenant, il ne restait plus qu’à juger Louis XVI, avec toute la publicité possible, afin que les peuples et la postérité pussent juger eux-mêmes de sa fourberie, de son jésuitisme.

En ce qui concerne le fait même de haute trahison de la part de Louis XVI et de sa femme, nous, qui avons en mains la correspondance de Marie-Antoinette avec Fersen et les lettres de celui-ci à divers personnages, nous devons reconnaître que la Convention jugea bien, alors même qu’elle n’avait pas les preuves accablantes que nous possédons aujourd’hui. Mais elle avait tant de faits accumulés dans le courant des trois dernières années, tant d’aveux échappés aux royalistes et à la reine, tant d’actes de Louis XVI depuis sa fuite à Varennes qui, quoique amnistiés par la Constitution de 1791, n’en servaient pas moins à expliquer ses actes ultérieurs, — que tous eurent la certitude morale de sa trahison. Personne, même parmi ceux qui essayèrent de sauver Louis XVI, ne contesta le fait de sa trahison. Le peuple de Paris, non plus, n’avait pas de doute à ce sujet.

En effet, la trahison commença par la lettre que Louis XVI écrivit à l’empereur d’Autriche, le jour même où il jura la Constitution, en septembre 1791, aux acclamations enthousiastes de la bourgeoisie parisienne. Puis vint la correspondance de Marie-Antoinette avec Fersen, faite à l’entière connaissance du roi. Rien de plus odieux que cette correspondance. Du fond des Tuileries, les deux traîtres, la reine et le roi, appellent l’invasion, la préparent, lui tracent le chemin, la renseignent sur les forces et les plans militaires. C’est l’entrée triomphale des alliés allemands dans Paris et le massacre en masse des révolutionnaires qu’Antoinette prépare de sa main délicate et habile. Le peuple avait bien compris celle qu’il appela « la Médicis », et que les historiens veulent nous représenter aujourd’hui comme une pauvre étourdie[2].

Au point de vue légal, on n’a donc rien à reprocher à la Convention. Quant à savoir si l’exécution du roi n’a pas fait plus de mal que n’en aurait pu causer sa présence au milieu des armées allemandes ou anglaises, il n’y a qu’une remarque à faire. Tant que le pouvoir royal était considéré par les possédants et les prêtres (et il l’est encore) comme le meilleur moyen de tenir en bride ceux qui veulent déposséder les riches et rabaisser la puissance des prêtres, — le roi, mort ou vivant, emprisonné ou libre, décapité et canonisé, ou bien chevalier errant auprès d’autres rois, aurait toujours été l’objet d’une légende attendrissante propagée par le clergé et tous les intéressés.

Au contraire, en envoyant Louis XVI à l’échafaud, la Révolution achevait de tuer un principe, que les paysans avaient commencé à tuer à Varennes. Le 21 janvier 1793, la partie révolutionnaire du peuple français comprit parfaitement que le pivot de toute la force qui, des siècles durant, avait opprimé et exploité les masses, était enfin brisé. La démolition de cette puissante organisation qui écrasait le peuple, commençait ; son arche était brisée, et la révolution populaire prenait un nouvel élan.

Depuis lors, la royauté de droit divin n’a jamais pu se rétablir en France, même avec l’appui de l’Europe coalisée, même avec l’aide de l’épouvantable Terreur Blanche de la Restauration. Et les royautés issues des barricades ou d’un coup d’État n’ont pas réussi non plus, on l’a bien vu en 1848, en 1870. La superstition de la royauté tuée, c’était autant de gagné.

Tout fut fait cependant par les Girondins pour empêcher la condamnation de Louis XVI. Ils invoquèrent tous les arguments juridiques, ils eurent recours à toutes les ruses parlementaires. Il y eut même des moments où le procès du roi allait se transformer en un procès des Montagnards. Mais rien n’y aida. La logique de la situation l’emporta sur les chicanes de la tactique parlementaire.

On prétexta d’abord l’inviolabilité du roi, établie par la Constitution ; à quoi il fut répondu victorieusement que cette inviolabilité n’existait plus, dès que le roi trahissait et la Constitution et sa patrie.

On demandait ensuite un tribunal spécial, formé de représentants des 83 départements ; et lorsqu’il devint évident que cette proposition serait écartée, les Girondins voulurent que le jugement fût soumis à la ratification des 36.000 communes et des assemblées primaires, par appel nominal de chaque citoyen. C’était remettre en question les résultats du 10 août et la République.

Lorsque l’impossibilité de se décharger ainsi du procès sur les épaules des assemblées primaires fut démontrée, alors les Girondins, qui avaient eux-mêmes furieusement poussé à la guerre et recommandé la guerre à outrance contre toute l’Europe, se mirent à invoquer l’effet que produirait sur l’Europe l’exécution de Louis XVI. Comme si l’Angleterre, la Prusse, l’Autriche, la Sardaigne avaient attendu la mort de Louis XVI pour faire leur coalition de 1792 ! Comme si la République démocratique ne leur était pas suffisamment odieuse ; comme si l’appât des grands ports commerciaux de la France, de ses colonies et de ses provinces de l’Est ne suffisait pas pour coaliser les rois contre la France, afin de profiter du moment où l’enfantement d’une société nouvelle pouvait amoindrir sa force de résistance extérieure !

Repoussée encore sur ce point par la Montagne, les Girondins firent alors une diversion en s’attaquant à la Montagne elle-même et en demandant que l’on mît en jugement « les fauteurs des journées de septembre, » par lesquels ils entendaient Danton, Marat et Robespierre, les « dictateurs, » le « triumvirat ».

Au milieu de tous ces débats, la Convention avait cependant décidé, le 3 décembre, qu’elle jugerait elle-même Louis XVI ; mais à peine était-ce prononcé, que tout était remis en question par un des Girondins, Ducos, et l’attention de la Convention était portée ailleurs. En demandant la peine de mort pour « quiconque proposera d’établir en France les rois ou la royauté, sous quelque dénomination que ce puisse être », la Gironde lançait contre les Montagnards une insinuation qui voulait dire que ceux-ci essayaient de porter au trône le duc d’Orléans. Au procès de Louis XVI, on cherchait ainsi à substituer un procès contre la Montagne.

Enfin, le 11 décembre, Louis XVI parut devant la Convention. On le soumit à un interrogatoire, et ses réponses durent tuer jusqu’aux dernières sympathies qui pouvaient exister en sa faveur. Michelet se demande comment il était possible qu’un homme pût mentir comme mentait Louis ? Et il ne parvient à s’expliquer cette fourberie que par le fait que toute la tradition des rois et toute l’influence des jésuites, que Louis XVI avait subie, lui avaient inspiré cette idée que la raison d’État permettait tout à un roi.

L’impression produite par cet interrogatoire dut être si piteuse que les Girondins, comprenant qu’il serait impossible de sauver Louis XVI, firent une nouvelle diversion, en demandant l’expulsion du duc d’Orléans. La Convention s’y laissa même prendre et vota l’expulsion, mais elle révoqua sa décision le lendemain, après qu’elle eût été désapprouvée au club des Jacobins.

Cependant le procès suivait déjà son cours. Le 26 décembre, Louis XVI comparut une seconde fois devant la Convention, avec ses avocats et ses conseils, Malesherbes, Tronchet et Desèze ; on entendit sa défense, et il devint évident qu’il serait condamné. Il n’y avait plus moyen d’interpréter ses actes comme une erreur de jugement, ou comme un acte d’étourderie. C’était la trahison consciente et fourbe, comme le fit ressortir le lendemain Saint-Just.

Cependant, si la Convention et le peuple de Paris pouvaient ainsi se faire une opinion précise sur Louis XVI — sur l’homme et sur le roi, — on comprend que ce n’était pas le cas pour les villes et les villages en province. Et l’on devine quel déchaînement de passions c’eût été provoquer que de renvoyer le prononcé de la peine aux assemblées primaires. La plupart des révolutionnaires étant partis aux frontières, c’était, comme le dit Robespierre (le 28 décembre), laisser la décision « aux riches, amis naturels de la monarchie, aux égoïstes, aux hommes lâches et faibles, à tous les bourgeois orgueilleux et aristocrates, tous les hommes nés pour ramper et pour opprimer sous un roi ».

On ne démêlera jamais toutes les intrigues qui se firent en ce moment à Paris entre les « hommes d’État ». Il suffira de dire que, le 1er janvier 1793, Dumouriez était accouru à Paris et qu’il y resta jusqu’au 26, occupé de pourparlers clandestins avec les diverses fractions, alors que Danton restait jusqu’au 14 janvier à l’armée de Dumouriez[3].

Enfin, le 14, après une discussion extrêmement tumultueuse, la Convention décida de voter, par appel nominal, sur trois questions : celles de savoir si Louis XVI était coupable de « conspiration contre la liberté de la nation et d’attentat contre la sûreté générale de l’État », si le jugement serait soumis à la sanction du peuple, et quelle serait la peine.

L’appel nominal commença le lendemain, le 15. Sur 749 membres de la Convention, 716 déclarèrent Louis XVI coupable (12 membres étaient absents par maladie ou en mission, et 5 s’abstinrent de voter). Personne ne dit non. L’appel au peuple fut rejeté par 423 voix sur 709 votants. Paris, pendant ce temps-là, surtout les faubourgs, était dans un état de profonde excitation.

L’appel nominal sur la troisième question — la peine — dura vingt-cinq heures de suite. Ici encore, apparemment sous l’inspiration de l’ambassadeur d’Espagne et peut-être avec l’aide de ses piastres, un député, Mailhe, chercha à brouiller les choses en votant un sursis à l’exécution, et son exemple fut suivi par 26 membres. Pour la peine de mort sans condition se prononcèrent 387 voix sur 721 votants (il y eut 5 abstention et 12 absents). La condamnation ne fut ainsi prononcée que par une majorité de 53 voix — de 26 voix seulement si l’on exclut les votes conditionnels avec sursis. Et ceci, à un moment où il était de toute évidence que le roi avait tramé des trahisons, et que le laisser vivre, c’était armer une moitié de la France contre l’autre, livrer une bonne partie de la République aux étrangers, et enfin, arrêter la Révolution au moment où, après trois années de tourmentes, pendant lesquelles rien de durable n’avait été fait, l’occasion s’offrait enfin d’aborder les grandes questions qui passionnaient le pays !

Mais les craintes de la bourgeoisie allaient si loin que le jour de l’exécution de Louis XVI, elle s’attendait à un massacre général.

Le 21 janvier 1793, Louis XVI mourait sur l’échafaud. Un des principaux obstacles à toute régénération sociale de la République n’existait plus. Jusqu’au dernier moment Louis XVI avait espéré, à ce qu’il paraît, être libéré par un soulèvement, et une tentative pour l’enlever en route avait été préparée en effet. La vigilance de la Commune la fit échouer.


Exécution de Louis XVI

  1. Pendant le procès, des députés girondins, notamment ceux du Calvados, écrivirent à leurs commettants que la Montagne ne voulait la mort du roi que pour mettre le duc d’Orléans sur le trône.
  2. Fersen, l’ami de Marie-Antoinette, a consigné dans son journal intime ce que ces conjurés préparaient aux patriotes français. Le ministre de Prusse, le baron de Beck, désapprouvait tout haut qu’on n’exterminât pas les Jacobins des villes où l’on passait. Quant au comte de Mercy il disait qu’il fallait beaucoup de sévérité et qu’il fallait mettre le feu aux quatre coins de Paris.

    Le 11 septembre, Fersen écrit au baron de Breteuil que, puisque le pays conquis par les troupes allemandes ne cède qu’à la force, « dans ce cas la clémence me paraît extrêmement pernicieuse. C’est le moment de détruire les Jacobins. » Exterminer les chefs dans tous les endroits où l’on passera, lui semble le meilleur moyen ; « il ne faut pas se flatter de les ramener par la douceur ; il faut les exterminer, et voilà le moment. » Et Breteuil lui répond qu’il en a parlé au duc de Brunswick. Mais le duc de Brunswick est trop doux. Le roi de Prusse semble être mieux. « Varennes, par exemple, doit être châtié ces jours-ci. » Voyez Le comte de Fersen et la Cour de France. Extrait des papiers… publié par son petit-neveu, le baron R. M. De Klingkowström, Paris, 1877, t. II, pp. 360 et suivantes.

  3. Jaurès a relevé ici une erreur importante de Michelet. C’est Daunou qui a prononcé, le 14 janvier, le discours en faveur du roi, que Michelet a attribué par erreur à Danton. Revenu à Paris le 15 janvier, Danton prononça au contraire un discours puissant pour demander la condamnation de Louis XVI. — Il serait important de vérifier les accusations contre Brissot, Gensonné, Guadet, et Pétion, formulées par Billaud-Varennes dans son discours du 15 juillet 1793 (Brochure de 32 pages, publiée par ordre de la Convention, collection du British Museum, F, 1097).