La Grande Morale/Livre I/Chapitre 24

CHAPITRE XXIV.

§ 1. La magnificence est le milieu entre l’ostentation et la mesquinerie. Elle se rapporte aux dépenses qu’un homme haut placé doit savoir faire. Celui qui dépense quand il ne faut pas, est fastueux et prodigue ; et, par exemple, quand on traite de simples convives qui apportent leur écot au repas, comme on traiterait dés invités de noces, on montre de l’ostentation et du faste; car l’ostentation consiste à faire parade de sa fortune dans les occasions où l’on ne devrait pas la montrer.

§ 2. La mesquinerie, qui est le défaut contraire du faste, consiste à ne pas savoir dépenser grandement quand il convient; ou bien quand on se résout à faire de ces grandes dépenses, par exemple, à l’occasion d’une noce ou d’une cérémonie publique, à ne pas savoir faire la dépense convenable et à la marchander avec parcimonie. C’est là ce qu’on appelle être mesquin.

§ 3. On comprend assez que la magnificence est bien telle que nous la décrivons, rien que par le nom même qu’elle porte ; et c’est parce qu’elle fait dans l’occasion les choses en grand, comme il convient de les faire, qu’elle reçoit à bon droit le nom de magnificence. Ainsi, la magnificence, puisqu’elle est louable, est un certain milieu entre l’excès et le défaut dans les dépenses, selon les circonstances où il convint de les faire.

§ 4. On veut aussi, quelquefois, distinguer plusieurs sortes de magnificence ; et, par exemple, on dit en parlant de quelqu’un : « Il marchait magnifiquement ». Mais ces acceptions diverses de l’idée de magnificence, ne reposent, comme celle-ci, que sur des métaphores; et ce mot n’est plus alors employé dans son sens spécial. A proprement parler, il n’y a pas dans ces cas-là de magnificence; il n’y en a que dans les limites où nous l’avons dit.