La Grande Mademoiselle/09
Ce n’était point par compassion, ni davantage par amitié, que Louis XIV avait rappelé d’exil, une seconde fois, sa cousine de Montpensier, Il avait renoncé à lui faire épouser Alphonse VI, puisqu’elle s’opiniâtrait dans son refus, mais il suivait son idée de la marier « où il serait utile pour son service, » et il avait besoin de l’entretenir d’un autre projet. Pendant qu’elle était en pénitence à Eu, l’une de ses petites sœurs, Mlle de Valois, avait épousé le duc de Savoie, Charles-Emmanuel II, et était morte (14 janvier 1664) au bout de quelques mois de mariage. Les veuvages de princes étaient rarement longs. Le Roi avait arrangé tout de suite d’offrir les millions de la Grande Mademoiselle au duc de Savoie, qu’il importait de rattacher à la France, et de dédommager le roi de Portugal en lui donnant l’une des princesses de Nemours[2]. La nouvelle combinaison était connue du monde politique On lit dans le Journal d’Olivier d’Ormesson, à la date du 4 juin 1664 : « M. Le Pelletier[3]me dit encore le retour de Mlle d’Orléans, et que le Roi lui avait écrit de sa main pour lui permettre de revenir, sans en avoir rien dit à la Reine mère : que c’était en vue du mariage de Savoie. »
Louis XIV ne s’était pas résigné sans effort à procurer un si bel établissement à une ancienne Frondeuse. On voit par une lettre du grand Condé à la reine de Pologne que la rancune royale avait dû céder à la raison d’État :
Fontainebleau, 3 juin 1664.
« Mademoiselle aiant escrit au Roy sur la grossesse de la reyne sa majesté lui a faict response qui est une marque qu’il est fort adoucy pour elle tout le monde même croit qu’elle reviendra et que sa maiesté consentira à son mariage avec M. de Savoie qu’il n’avoit pas voulu jusques à cette heure à cause qu’il aimoit mieux celui de Mlle dalanson[4]mais comme elle est fort laide et que pour lui doner un nouvel agrément elle a la plus furieuse petite vérole du monde et que le roy croit que M. de Savoie ne se résoudra pas volontiers à l’espouser, il appréhende qu’il ne songe à espouser une de la maison d’Autriche et ainsy je croy qu’il se résoudra plus tôt à faire le mariage de Mlle quelque aversion d’ailleurs qu’il y ait ce qui n’est pas pourtant encore assuré mais iy vois beaucoup d’apparence[5]… »
Il n’y avait pas de danger que Mademoiselle fît la petite bouche pour ce mari-là ; le Roi le savait bien. Elle arriva à Fontainebleau dans la première quinzaine de juin 1664. Toute la Cour était allée à sa rencontre sur la grande route. Mademoiselle était la première personne qui eût fait céder le Roi depuis qu’il avait pris le gouvernement. C’était une gloire. Elle le sentait bien, et rentrait la tête haute. Louis XIV eut le bon goût de ne pas lui en vouloir. Il l’accueillit gracieusement, et borna sa vengeance à la taquiner pendant les quelques jours qu’elle passa auprès de lui. « Avouez, lui disait-il, que vous vous êtes fort ennuyée ? » Elle se récriait : « Je vous assure que non, et que je pensais souvent : on eut bien attrapé à la Cour si l’on croit me mortifier, car je ne m’ennuie pas un moment. » Il en croyait ce qu’il voulait. Un soir, après la comédie, il la mena sur une petite terrasse, et prit la parole en ces termes : « Il faut oublier le passé ; soyez persuadée que vous recevrez toutes sortes de bons traitemens de moi à l’avenir, et que je vais songer à votre établissement. M. de Savoie est un bien meilleur parti qu’il n’était : sa mère est morte. Il connaîtra la différence qu’il y a de votre sœur à vous. Ainsi vous serez fort heureuse et j’y travaillerai sérieusement. » Ce discours fut suivi d’un échange d’effusions. « Nous venons de nous embrasser, ma cousine et moi, » dit le Roi en reparaissant devant sa Cour, et le mot d’ordre fut saisi au vol. La Grande Mademoiselle eut à Fontainebleau une semaine quasi triomphale. Rentrée dans sa province, elle ne sut malheureusement pas s’y tenir en repos.
Le Roi, ses ministres et ses ambassadeurs travaillaient à son mariage. Il n’y avait qu’à les laisser faire. Mademoiselle voulut les aider. Pour commencer, elle entreprit de réduire au silence la vieille Madame, qui était outrée de son empressement à remplacer sa cadette. Il en résulta de telles criailleries, que Louis XIV dut intervenir pour faire taire toutes ces femmes. Il écrivit à Mademoiselle :
« Ma cousine, je ne puis pas empêcher que les gens de ma tante ne parlent, mais je ne crois pas qu’elle dise que je lui aie promis ma protection contre vous. Je vous aime et vous considère, autant que les plus pressans motifs qui passent dans votre esprit sont capables de m’y convier. Et assurément mon intention est de vous faire plaisir en tout ce qui se pourra. Je vous avoue seulement que vous m’en ferez beaucoup, si vous voulez de votre part faciliter les choses un peu ; c’est en cela que consiste toute ma partialité : Et n’ayant rien à ajouter à une explication si sincère de mes sentimens, je finis cette lettre, priant Dieu, etc.
« Écrit à Fontainebleau le 12e juillet 1664.
« Signé : Louis[6]. »
Il était au-dessus des forces de Mademoiselle de ne pas s’en mêler. Sa persévérance à faire la mouche du coche lui attira une nouvelle lettre du Roi. Le ton en est d’un homme tout à fait impatienté.
« Ma cousine, je vois clairement par votre dernière lettre, qu’on ne vous informe point au vrai de ce qui se passe en Piémont ; car si j’avois à être mal satisfait de mon ambassadeur, ce seroit de ce qu’il a exécuté mes ordres avec tant de chaleur, que le duc de Savoie s’est plaint par ses dépêches au comte Carroccio, qu’il sembloit qu’on fait voulu forcer en une chose qui a toujours été entièrement libre, même au plus misérable particulier. Jugez par cette circonstance que la conduite, qu’on vous propose, et que vous me suggérés, seroit fort bonne : je remarque même beaucoup de malice en ceux qui vous donnent de pareils avis : car leur but est de vous mettre dans l’esprit, que si l’affaire ne réussit pas, c’est que je ne l’aurois pas voulu. Et je vois que vous êtes déjà persuadée qu’elle dépend purement de ma simple volonté, en la portant plutôt d’une manière que d’une autre, mais je ne suis pas résolu de me conduire par le caprice de ces gens-là. Je vous ai dit que je souhaite sincèrement votre satisfaction, et je vous le confirme encore ; la seule amitié que j’ai pour vous me donneroit ce sentiment, et je connois de plus que c’est mon service. Vous ne devez donc pas douter que je ne fasse tout ce qui sera effectivement plus utile pour faire réussir la chose ; et pour les moyens, je ne tirerai pas grand avantage de dire, que je vois mieux ce qui se doit faire, que ceux qui vous parlent ou qui vous écrivent ; cependant je prie Dieu, etc.
« A Vincennes, le 2e septembre 1664.
« Signé : Louis. »
Le Roi disait la vérité ; le duc de Savoie ne voulait pas de la Grande Mademoiselle. Charles-Emmanuel n’avait jamais digéré « l’affront du voyage de Lyon, d’où il avait vu sa sœur revenir duchesse de Parme, quand il s’imaginait la voir reine de France[7]. » Il n’était pas fâché de rendre à Louis XIV la monnaie de sa pièce en lui refusant à son tour une princesse de sa famille, dont les années, au surplus, « lui faisaient peur, car il désirait avoir des enfans[8]. » Il avait aussi un compte d’amour-propre à régler avec Mademoiselle, qui l’avait dédaigné du temps où elle était jeune et belle. À cette époque lointaine, Charles-Emmanuel, bien que de sept ans son cadet, n’avait pas caché qu’il ne se ferait pas prier pour l’épouser, « tant par quelque estime de sa personne que par le désir de son grand bien[9]. » Mais il en avait été du duc de Savoie comme du prince de Galles, et, plus tard, du prince de Lorraine :
- Quoi ? moi ! quoi ? ces gens-là ! l’on radote, je pense,
- A moi les proposer ! hélas ! ils font pitié :
- Voyez un peu la belle espèce[10].
Devenue moins exigeante avec les années, Mademoiselle trouvait un homme qui n’entendait pas jouer le rôle de pis-aller.
Il tint bon, et ce fut encore une Nemours[11], sœur de la reine de Portugal, qui hérita du mari destiné à la Grande Mademoiselle. A force d’avoir fait la difficile, il arrivait à cette princesse la même aventure qu’à la fille à marier de La Fontaine : elle allait en être réduite à épouser un cadet de Gascogne, le « malotru » de la fable.
Je crois du reste que La Fontaine avait pensé à, elle en écrivant la Fille. On s’est demandé s’il n’aurait pas emprunté son sujet à une épigramme de Martial. Il n’avait pas eu besoin d’aller chercher si loin. Le 8 juillet 1664, La Fontaine avait été nommé « gentilhomme servant de la duchesse douairière d’Orléans[12] ; » c’est dire s’il était au courant des mariages manques et des petits ridicules de la belle-fille de la maison. Nous possédons ses confidences sur le Luxembourg, côté Madame et côté Mademoiselle, dans une Epître dédiée à Mignon, le petit chien de sa maîtresse.
Pour La Fontaine, le Luxembourg était le palais où l’on n’avait pas le droit d’être amoureux. C’était défendu chez Madame, où il fallait se contenter des « dévots sourires » de Mme de Crissé, l’original de la comtesse de Pimbesche, et se défier d’un ancien capucin, devenu évêque de Bethléem en Nivernais[13], et qui avait la surveillance des conversations : « Parle bas, » dit l’épître Pour Mignon :
- Si l’évêque de Bethléem
- Nous entendait, Dieu sait la vie.
On n’avait pas même la ressource de se réfugier chez « la divinité » d’en face. Les amoureux y étaient plus mal vus d’année en année, et La Fontaine avait deviné pourquoi ; l’antipathie que leur avait toujours témoignée Mademoiselle était à présent doublée d’envie.
L’échec du mariage de Savoie avait déterminé une crise pénible dans la vie de cette pauvre héroïne en disponibilité. Pour la première fois, on lui avait fait sentir qu’elle était hors d’âge pour le mariage, et elle était de celles qui ont le terrible malheur de ne pas pouvoir se résigner à leur déchéance de femmes. Leur révolte dégénère souvent en bizarrerie. C’est une terrible injustice de la nature envers ces créatures douloureuses qui n’auraient souvent pas demandé mieux que d’obéir à ses lois en devenant épouses et mères. Des troubles nerveux donnent à la tragédie de leur âme des dehors burlesques, et le monde rit sans comprendre. Mademoiselle a été de ces infortunées. La Fontaine l’avait bien pénétrée lorsqu’il écrivait :
Son miroir lui disait : « Prenez vite un mari. »
Je ne sais quel désir le lui disait aussi :
Le désir peut loger chez une précieuse.
Il est très difficile de raconter le déclin de la Grande Mademoiselle sans provoquer tout au moins le sourire, et il serait pourtant dommage que cette fière figure prît sur la fin, si peu que ce fût, une ressemblance avec Bélise.
Elle restait désemparée, sans but, au moment même où les femmes se voyaient exclues de l’action, après s’en être grisées sous la régence d’Anne d’Autriche. Les hommes d’alors les avaient encouragées à entrer avec eux dans la vie publique. Grâce à leur complicité, les femmes étaient montées au faîte de la puissance et de la domination, et avaient vécu l’un des momens les plus romanesques de leur histoire. L’habitude était prise d’être traitées en égales par les hommes, quand la volonté d’un monarque qui se déliait d’elles les précipita brusquement de ces sommets.
On a vu à propos de La Val Hère avec quel mépris Louis XIV parle des femmes dans ses Mémoires. Il avait sur leur sexe des idées orientales, se rapprochant de celles que ses ancêtres espagnols avaient héritées des Maures. Il ne pouvait point se passer d’elles, mais il ne leur demandait que du plaisir. Au fond, il ne les croyait pas capables de donner plus ; il les jugeait inférieures et dangereuses, peut-être en souvenir de Marie Mancini, qui avait failli l’entraîner à un crime contre la royauté. A peine eut-il le pouvoir, toutes celles qui étaient sorties du rang durent se hâter d’y rentrer : il n’était plus permis aux femmes d’avoir de l’importance qu’en amour. Louis XIV ne faisait pas d’exception pour ses maîtresses ; elles ne furent jamais admises, y compris l’ambitieuse Montespan, à être autre chose que belles et amusantes. Quand Mme de Maintenon, sur la fin du règne, eut la gloire de relever son sexe dans l’estime du Roi, elle n’en bénéficia que pour son compte personnel. La généralité n’y gagna rien ; le pli était trop bien pris.
Réduites tout d’un coup à une existence où l’horizon s’était refermé, les femmes la trouvèrent pâle et mesquine. Elles demandèrent à l’amour, puisqu’on ne leur laissait que cela, de leur rendre les émotions violentes dont elles avaient pris l’habitude dans les camps et dans les conseils. Il sortit de là des choses étranges, qui se remarquèrent peu tant que la Reine mère fut de ce monde ; Anne d’Autriche obtenait, faute de mieux, que l’on sauvât les apparences. Elle morte, on eut la débâcle, et les choses étranges devinrent des choses effroyables.
Ce fut à Versailles, parmi les feux de Bengale de l’Ile enchantée, que la Reine mère sentit la première morsure du cancer qui devait l’emporter. Paris suivit avec chagrin la marche de son mal. Anne d’Autriche était redevenue populaire depuis qu’elle n’était plus rien. « Elle conserve l’union, écrivait d’Ormesson, et quoiqu’elle n’ait aucun crédit pour faire du bien, elle empêche à ce qu’on croit beaucoup de mal (5 juin 1665). » On savait que la cour de France lui devait d’avoir gardé une certaine décence ; que, sans elle, Louis XIV et sa belle-sœur Henriette ne se seraient peut-être pas aperçus à temps qu’ils allaient s’aimer trop, qu’ils s’aimaient déjà trop et que cela faisait « beaucoup de bruit à la Cour[14]. » La Reine mère avait forcé de s’ouvrir des yeux qui voulaient rester fermés. Elle avait parlé sans ménagement, et sa rudesse avait peut-être épargné à la royauté française une souillure ineffaçable ; ce sont de ces services que les honnêtes gens n’oublient point. A la reconnaissance venait s’ajouter une admiration sincère pour son courage devant la souffrance. Elle endura sans une plainte, avec une tranquillité incroyable, neuf mois de douleurs aiguës, avivées encore par les remèdes barbares d’un défilé d’empiriques.
Dans la famille royale, les sentimens étaient mélangés. Louis XIV, — Mme de Motteville l’avait bien remarqué, — était un homme plein de « contrariétés. » Il chérissait sa mère. Pendant une première maladie, un peu avant le cancer, il l’avait soignée jour et nuit avec un dévouement, et aussi une adresse, dont les assistans s’étaient émerveillés. L’idée de la perdre lui donnait à présent des crises de sanglots à l’étouffer. En même temps, sa mère devenait de trop. Elle le gênait par sa clairvoyance. Il éprouvait un soulagement dont il ne se rendait sûrement pas compte, mais qui n’échappait pas aux observateurs, en voyant approcher le moment où elle ne serait plus là pour le regarder vivre. Lorsqu’elle fut à l’agonie, l’affection emporta tout et le Roi faillit s’évanouir. Elle était à peine enterrée, que le plaisir de se sentir libre prenait le dessus.
L’attachement de Monsieur pour sa mère était ce qu’il y avait de meilleur en lui. Son chagrin fut sans arrière-pensée, et se traduisit par le besoin d’être toujours avec elle ; — « C’était une telle puanteur, rapporte Mademoiselle, que l’on ne pouvait quasi souper…, après l’avoir vu panser : » Monsieur passait son temps dans cette chambre, et ne savait qu’inventer pour montrer sa tendresse. Il tombait quelquefois sur des idées ridicules ; mais il était touchant quand même, par sa sincérité et ses larmes intarissables. Anne d’Autriche finissait par le renvoyer. Monsieur retournait alors à ses plaisirs et s’y oubliait ; il n’aurait pas été lui, s’il avait agi autrement. A l’approche de la fin, il ne se laissa plus renvoyer, par personne, tout craintif et tout soumis qu’il fût. Le Roi s’était (retiré, obéissant à l’usage qui interdisait aux princes, comme jadis aux dieux, de voir mourir. Il fit dire par deux fois à son frère de ne pas rester là, et en reçut pour réponse « qu’il ne lui pouvait obéir en cela, mais qu’il lui promettait que c’était la seule chose en quoi il lui désobéirait de sa vie[15]. » Ce fut par un cri de Monsieur, qui perça les murailles, que Louis XIV apprit que sa mère était morte.
La jeune reine Marie-Thérèse, qui perdait tout, justifia la réputation de « bêtise » que la Cour lui avait faite. Elle se laissa persuader que son rôle allait grandir de tout celui de la Reine mère, et fut plus qu’à demi consolée par cette chimère.
Mademoiselle observa scrupuleusement les bienséances ; c’est tout ce que l’on peut dire. Anne d’Autriche avait souligné de son côté dans une heure solennelle la ténacité de sa rancune contre sa nièce. La veille de sa mort, elle fit ses adieux aux siens. Deux seulement parurent oubliés : « Je fus étonnée, raconte Mademoiselle, qu’elle ne dit pas un mot à M. le Prince ni à moi, qui étions là, après tout ce qui s’était passé, et particulièrement à moi, qui ai toujours été nourrie auprès d’elle. » C’était justement à cause de « tout ce qui s’était passé. » Anne d’Autriche donnait le bon exemple au Roi : elle expirait sans avoir pardonné aux Frondeurs.
De grands changemens suivirent sa mort. Louis XIV avait perdu sa mère le 20 janvier 1666. Le 27, une députation du Parlement vint « faire les complimens au Roi. » D’Ormesson en était. — « Je fus après, dit son Journal, à la messe du Roi, où étaient la Reine, M. le Dauphin, Monsieur et Mlle de La Vallière, que la Reine a prise auprès d’elle par complaisance pour le Roi. En quoi elle est fort sage. » Louis XIV présentait officiellement sa maîtresse à son peuple et lui assignait son rang dans l’Etat, immédiatement au-dessous de l’épouse légitime. Il n’aurait pas osé du vivant de sa mère. Deux mois plus tard, il était délivré de la « Cabale des Dévots, » et de ses observations importunes, par la disparition de la Compagnie du Saint-Sacrement. Il ne paraît pas impossible que la mort de la Reine mère ait à tout le moins hâté cet événement. Anne d’Autriche connaissait la société de longue date[16] et lui avait témoigné pendant bien des années un dévouement absolu. Elle lui avait gardé le secret, même avec Mazarin. Elle avait fait plus ; on a la preuve qu’elle trompait son ministre pour la Compagnie. La situation changea avec la mort du cardinal. Soit crainte de son fils, soit scrupule, rien n’autorise à penser qu’Anne d’Autriche ait trompé Louis XIV, après Mazarin, pour une société secrète. Recherchée activement par Colbert, qui devinait une puissance occulte derrière les adversaires de son pouvoir, la Compagnie recourut à sa protectrice habituelle, et eut l’amère déception de la solliciter en vain. Le dévouement d’Anne d’Autriche n’allait plus qu’à se taire.
Aussi longtemps qu’elle fut de ce monde, tout espoir ne fut pas perdu : on pouvait la ramener, et réussir mieux une autre fois. Sa mort compléta le désarroi. Depuis quelque temps, la société n’osait déjà presque plus se réunir. Privée de la mère du Roi, on dirait qu’elle s’abandonne. Elle se dissout, ou elle en a l’air ; ses registres s’arrêtent au 8 avril 1666. La suite des procès-verbaux a-t-elle été détruite ou égarée ? Avait-on renoncé, par prudence, à toutes les écritures ? Les suppositions sont libres. Il en est jusqu’à nouvel ordre de la mystérieuse confrérie comme de ces cours d’eau qui disparaissent sous terre. On perd leurs traces. Il arrive même qu’on ne les reconnaît plus et qu’on leur donne un autre nom, lorsqu’ils ressortent à la surface. Tel, sans doute, a été le sort de la Compagnie du Saint-Sacrement, car l’esprit sectaire, qui était sa marque, ne perd jamais ses droits dans notre pays ; nous le voyons, de nos jours encore, se mettre en France au service des idées les plus diverses.
Dans ce même commencement d’avril (1666) où la Cabale des Dévots s’était avouée vaincue, la Cour fut frappée de l’animation du Roi : — « On fit, écrivait Mademoiselle, un voyage à Mouchy, où on fut trois jours pour une revue. Le Roi y fit venir quantité de troupes. Il y vint beaucoup de dames. On était en justaucorps de deuil. On se divertit fort bien ; le Roi était d’une grande gaieté ; il fit des chansons pendant le chemin… » Louis XIV n’a pas fait beaucoup de chansons dans sa vie, bien que celles-là n’aient pas été les seules.
Il jouissait de se sentir débarrassé des ennuyeux qui avaient abusé du patronage de sa mère pour s’ériger en censeurs de leur souverain. Personne ne s’occupait plus de ses péchés en dehors de son confesseur et de ses prédicateurs. Quand les prédicateurs s’appelaient Bossuet ou Bourdaloue, ils ne le ménageaient guère ; mais Louis XIV le supportait : c’était leur métier, et les chrétiens d’alors, même les mauvais, connaissaient leurs devoirs de chrétiens et baissaient le front devant la chaire. Bossuet s’écriait en présence de toute la Cour que « les mauvaises mœurs » sont toujours les mauvaises mœurs, et qu’il y a un Dieu dans le ciel qui venge les péchés des peuples, « mais surtout qui venge les péchés des rois[17]. » Il lançait des apostrophes à l’adresse de Mlle de La Vallière : « — O créatures, idoles honteuses, retirez-vous de ce cœur. Ombres, fantômes, dissipez-vous en présence de la vérité ! Voici l’amour véritable qui veut entrer dans ce cœur : amour faux, amour trompeur, veux-tu tenir devant lui ? » Bourdaloue, qui trouva Mme de Montespan à la place de La Vallière, reprochait au Roi ses « débauches » et lui demandait en plein sermon s’il avait tenu ses promesses de rupture : « — N’avez-vous plus revu cette personne, écueil de votre fermeté et de votre constance ? N’avez-vous plus recherché des occasions si dangereuses pour vous ? » Mme de Sévigné alla un jour l’entendre à Saint-Germain, où il prêchait un carême devant le Roi et la Reine. Elle en revint confondue et transportée de sa hardiesse : « — Nous entendîmes, après dîner, le sermon du Bourdaloue, qui frappe toujours comme un sourd, disant des vérités à bride abattue, parlant contre l’adultère à tort et à travers : sauve qui peut, il va toujours son chemin[18]. » Louis XIV acceptait ces reproches publics : il n’en était ensuite ni plus ni moins.
La mort de la Reine mère avait encore eu pour effet, en suscitant vingt rivales à La Vallière, de grossir la clientèle aristocratique des charlatans et alchimistes, devineresses, sorcières et empoisonneuses qui jouaient un si grand rôle dans la vie amoureuse de la société la plus polie du monde. La magie comptait alors parmi les industries parisiennes les plus florissantes. Les habitans des rues écartées, ou des faubourgs, étaient accoutumés au mouvement qui se produisait de grand matin, ou le soir à la brune, autour de certaines maisons isolées[19]. Des gens de toutes mines, à pied, en carrosse ou en chaise, les femmes masquées ou emmitouflées, se succédaient devant une porte close, qui ne s’ouvrait que sur un signal particulier. L’état d’esprit qui amenait cette foule chez la devineresse était répandu dans toutes les classes de la société, des plus basses aux plus hautes. La crédulité publique traversait une période d’épanouissement qui jurait avec la splendeur intellectuelle de la France d’alors, et dont ne s’étonneront pourtant que ceux qui croient aux formules simples en histoire. Deux de nos grands classiques ont laissé des pages qui témoignent de la grandeur du mal, dans ce même moment où notre pays prenait la tête de l’Europe. Molière s’est moqué des sciences occultes et de leurs adeptes tout au long d’une pièce, ou plutôt d’un « livre de ballet[20], » qu’il écrivit pour le Roi en 1670, et qui s’appelle, comme on sait, les Amans magnifiques. Les personnages y sont divisés en deux camps d’après une règle de sa façon, fort impertinente pour les grands de ce monde : Molière les avantage quant à la bêtise. Il lui suffit que ses héros soient illustres par le rang et la naissance pour les doter d’une foi aveugle à tous les grimoires. « — La vérité de l’astrologie, dit le prince Iphicrate, est une chose incontestable, et il n’y a personne qui puisse disputer contre la certitude de ses prédictions. » C’est aussi l’avis du prince Timoclès : « — Je suis assez incrédule pour quantité de choses ; mais, pour ce qui est de l’astrologie, il n’y a rien de plus sûr et de plus constant que le succès des horoscopes qu’elle tire. » La princesse Aristione est de la même opinion et s’inquiète de trouver sa fille moins convaincue. C’est un commencement de libertinage d’esprit, et l’on ne sait pas où cela peut vous mener : « — Ma fille, lui dit-elle, vous avez une petite incrédulité qui ne vous quitte point. »
L’athéisme en astrologie et en sorcellerie est représenté dans la pièce par Molière, qui s’est mis en scène sous le nom de « Clitidas, plaisant de Cour, » et par un autre personnage de naissance obscure, « Sostrate, général d’année, » qui prend le parti de Clitidas contre les prophètes en chambre et autres exploiteurs de la sottise humaine. — « Il n’est rien de plus agréable, dit-il, que toutes les grandes promesses de ces connaissances sublimes. Transformer tout en or, faire vivre éternellement, guérir par des paroles, se faire aimer de qui l’on veut, savoir tous les secrets de l’avenir, faire descendre, comme on veut, du ciel sur des métaux des impressions de bonheur[21], commander aux démons, se faire des armées invisibles et des soldats invulnérables : tout cela est charmant, sans doute, et il y a des gens qui n’ont aucune peine à en comprendre la possibilité : cela leur est le plus aisé du monde à concevoir. Mais pour moi, je vous avoue que mon esprit grossier a quelque peine à le comprendre et à le croire… »
La Fontaine a traité le même sujet dans trois de ses fables. Il en est une, les Devineresses, publiée en 1678, avant le fameux « drame des poisons[22], » par conséquent, où il se montre très renseigné sur ce que la police n’avait pas encore su voir. Il connaissait à merveille l’existence de la « poudre de succession » et de la « poudre pour l’amour. »
- Une femme, à Paris, faisait la pythonisse.
- On l’allait consulter sur chaque événement ;
- Perdait-on un chiffon, avait-on un amant,
- Un mari vivant trop, au gré de son épouse,
- Une mère fâcheuse, une femme jalouse,
- Chez la Devineuse on courait,
- Pour se faire annoncer ce que l’on désirait.
L’avertissement ne fut pas remarqué, et il fallut la Chambre ardente de 1680 pour faire comprendre aux honnêtes gens que « la Devineuse » se doublait le plus souvent d’une marchande de poison ; mais La Fontaine n’avait rien appris à personne sur la confiance qu’elle savait inspirer. La chose était bien connue. Cette dangereuse engeance, que l’on a déjà entrevue à l’occasion des premières poursuites contre Lesage et Mariette, mérite quelques détails. Elle fut mêlée à Paris, pendant une vingtaine d’années, à tant d’intrigues et à tant de crimes, qu’elle exerça une réelle influence sur la moralité du monde parisien et, par là, sur les affaires de la Cour.
Ce fut comme un vent de folie, qui souffla plus particulièrement sur les femmes. Beaucoup d’entre elles étaient à l’état de révolte, inconsolables d’avoir perdu le surcroît d’importance acquis durant les troubles civils à celles-là mêmes qui ne se mêlaient point à la politique. La force des choses avait alors émancipé les femmes. Dans le désordre général, et pendant que les hommes étaient à se battre, elles avaient perdu l’habitude de rester dans l’ombre et d’obéir, ou de n’être que les premiers objets de luxe de leur maison. Louis XIV avait entrepris de les ramener à un rôle décoratif, ou utilitaire : c’était à peu près comme si nous demandions aujourd’hui à nos filles, si libres et si mêlées au mouvement général, de revenir tout d’un coup à l’effacement et aux mille contraintes de notre propre jeunesse. Elles se cabreraient. En 1666, la plupart des clientes de la nécromancienne sollicitaient, avant tout, un secret pour secouer le joug retombé sur leurs épaules.
Le mari était l’incarnation naturelle de ce joug. Aussi était-ce à lui que les révoltées s’en prenaient d’habitude. Elles s’adressaient à une devineresse. La première consultation était presque toujours innocente. La devineresse conseillait des neuvaines au bon saint Denis, très secourable aux femmes malheureuses en ménage, ou à l’infatigable saint Antoine de Padoue. Elle réservait pour plus tard, ne les donnant qu’à bon escient, des « poudres » dont le secret avait été apporté d’Italie, et que l’on venait chercher à Paris de toute la province et des pays étrangers. On sait par des documens contemporains qu’il y entrait de l’arsenic, et que tant de personnes s’accusaient en confession d’avoir « empoisonné quelqu’un » que le clergé de Notre-Dame finit par avertir la justice (1673). Les pénitens, et surtout les pénitentes, disaient-ils toujours vrai ? L’imagination populaire est si prompte à prendre le galop dès qu’il s’agit d’empoisonnemens, que l’on peut se demander si une partie de ces malheureuses n’étaient pas plutôt des hystériques et des hallucinées ? Il est probable qu’on l’ignorera toujours. Les médecins d’alors étaient les médecins de Molière, et la chimie n’existait pas.
Le mari adouci, ou supprimé, les femmes demandaient à l’amour de remettre des émotions dans leurs existences rétrécies et affadies. La tâche de la nécromancienne consistait alors à intéresser Dieu ou le diable aux peines de cœur de sa cliente et à la faire aimer, bon gré mal gré, de l’homme qu’elle désignait On commençait par les neuvaines, on finissait par la messe noire, avec ses rites obscènes, ou par la messe sanglante, pour laquelle on égorgeait un petit enfant. Toutes les formes de conjuration avaient place dans l’entre-deux, tous les charmes, tous les talismans, et plusieurs sortes de « poudres, » qui n’étaient pas toujours inoffensives. Les consultations se payaient suivant le rang et la fortune des clientes. A défaut d’argent, on donnait un bijou, ou bien l’on signait un billet, ressource dont il n’est pas besoin de signaler l’imprudence.
L’année où mourut Anne d’Autriche, l’une des devineresses les mieux achalandées de la capitale était la femme d’un bonnetier appelé Antoine Montvoisin, dont la boutique était située sur le pont Marie, le même qui, aujourd’hui encore, relie la rive droite de la Seine avec l’île Saint-Louis. Le pont Marie, comme presque tous ceux du Paris d’alors, portait une double rangée de maisons à boutiques qui en faisaient une rue très animée. Les affaires de Montvoisin n’avaient pourtant pas prospéré. Il avait essayé de plusieurs commerces sans réussir dans aucun. Il avait été mercier, joaillier, et toujours il avait « perdu ses boutiques, » suivant l’expression de sa femme, Catherine Montvoisin, familièrement « la Voisin. » C’est sous ce dernier nom qu’elle est devenue célèbre dans les annales du crime. La Voisin diseuse de bonne aventure est la même que la Voisin l’empoisonneuse.
Au temps du magasin de bonneterie, elle n’avait pas encore éveillé l’attention de la justice, malgré son installation mal sûre du pont Marie, qui l’obligeait à avoir double domicile ou à donner ses rendez-vous chez des compères. Elle gagnait énormément d’argent. Le prix de ses consultations variait d’une pièce de monnaie à plusieurs milliers de livres, ou d’une vieille nippe à un collier de pierres précieuses, et elle faisait encore des bénéfices sur les acolytes des deux sexes qui l’assistaient dans ses œuvres scélérates. On sait par elle-même qu’elle s’était séparée de biens d’avec son mari, toujours malheureux en affaires. Malgré cette précaution, l’argent lui fondait entre les doigts. Il est vrai qu’elle avait des charges, enfans à élever et parens à soutenir. Elle disait : « J’ai dix personnes à nourrir ; » mais elle était économe pour les autres. La Voisin donnait un écu par semaine à sa mère et élevait sa fille en très petite bourgeoise. C’était elle qui dépensait follement, en compagnie de misérables de son espèce.
La position de mari d’empoisonneuse semble avoir été précaire. Antoine Montvoisin était au courant de l’industrie de sa femme, et sa conscience ne lui interdisait pas d’en profiter pour se donner du bien-être. Sa conscience lui permettait aussi de s’approprier l’argent que sa femme lui confiait pour faire exécuter les commandes de neuvaines ; il était libertin, tout comme les Vardes et les Guiche, et convaincu que les neuvaines ne servaient absolument à rien. Quant à aller plus loin, et à mettre franchement la main à la pâte, serviteur ! Sa prudence lui réussit : il ne fut jamais inquiété ; mais elle l’exposait tous les jours de sa vie à être empoisonné dans son potage, car la Voisin ne pouvait souffrir ce poltron. Elle aurait voulu le remplacer par un véritable associé, et c’était entre eux un perpétuel assaut de ruses. Le bonhomme Antoine aurait certainement fini, malgré tout, par y passer, s’il n’avait eu l’idée ingénieuse de se lier avec un bourreau, auquel il confia sa situation. Il fut convenu entre eux que, si Montvoisin mourait avant sa femme, le bourreau parlerait et provoquerait l’ouverture du corps. La Voisin prit peur. Elle essaya de faire empoisonner son mari en voyage, n’y réussit point et, finalement, le garda.
Elle avait bénéficié, comme toute la corporation, des espérances éveillées chez nombre de jolies femmes de l’aristocratie par la disparition de la Reine mère. Anne d’Autriche avait si mal pris les premiers écarts de son fils, que les aspirantes à la succession de La Vallière en avaient conservé une certaine discrétion. Lorsqu’on n’eut plus à craindre les rebuffades de la vieille reine, les passions se déchaînèrent, et un essaim de jeunes ambitieuses s’adressèrent aux devineresses en vogue « pour parvenir aux bonnes grâces du Roi[23]. » Les plus hardies demandaient en même temps « quelque chose contre Mme de La Vallière. » Parmi ces jeunes femmes se trouvait la marquise de Montespan, qui n’aimait ni son mari ni le Roi, mais qui était harcelée par ses créanciers, consciente de sa valeur, et déterminée à être « maîtresse reconnue, » puisque aussi bien c’était une position classée et admise.
Elle était « belle comme le jour, » dit Saint-Simon, sans être « parfaitement agréable ; » le correctif est de Mme de La Fayette Elle avait tout l’esprit que l’on peut avoir, et délicieux de singularité et de politesse. Malgré tant d’éclat, le Roi l’évitait plutôt. et elle en était réduite à amuser Marie-Thérèse, qui la voyait volontiers, ayant une confiance absolue en sa vertu. La Reine s’était laissé prendre aux pieuses austérités de la jeune marquise, à ses fréquentes communions, à tout un appareil de pratiques et d’observances, qui partait du reste d’un sentiment sincère, et dont Mm* de Montespan conserva toujours le plus qu’elle put à travers les scandales de son existence. Ainsi entendue, la religion n’empêche pas d’aller chez la sorcière. Elle y mènerait plutôt, en donnant à l’âme perverse « la vague conscience du plus outre[24]. »
Mme de Montespan devint l’une des meilleures pratiques de la Voisin, de celles qui ne regardaient pas aux frais, ni à la décence des cérémonies, pourvu que le diable la fît aimer de Louis XIV. A la différence de ses rivales, elle en eut pour son argent. Elle s’était mise en campagne dans le courant de 1666. Les Mémoires de Mademoiselle, très abondans sur ce sujet, et confirmés par ailleurs, nous apprennent qu’au printemps de 1667, Mme de Montespan avait supplanté La Vallière ; il n’y avait plus que la jeune Reine à en douter.
Moins d’un an après, la Voisin eut l’imprudence de faire du bruit parce que deux de ses auxiliaires n’en avaient pas agi honnêtement avec elle. L’un d’eux s’appelait Mariette et était prêtre, attaché à l’église de Saint-Séverin ; la Voisin s’en servait pour les sacrilèges. L’autre, Lesage, était une espèce d’homme à tout faire, qui ne reculait devant aucune abomination. La Voisin les accusait de lui avoir soufflé l’une de ses clientes, Mme de Montespan, ce qui était vrai, mais inutile à crier sur les toits. Leurs démêlés « ayant fait quelque éclat, rapporte La Reynie[25], et le Roi ayant eu avis que ces gens faisaient des impiétés et des sacrilèges, et les ayant fait observer, » Mariette et Lesage furent arrêtés. Leurs interrogatoires nous ont été conservés. En voici le passage essentiel.
Mariette avoua sans difficulté avoir « dit des Evangiles » sur la tête de diverses personnes, forme de conjuration relativement innocente. On lui demanda les noms ? — « Sur la tête de la dame de Bougy, sur Mme de Montespan, à la Duverger, à M. de Ravetot, toutes lesquelles personnes Lesage a menées chez lui[26]. »
Mis au courant, Louis XIV ordonna de poursuivre : « — Saint-Germain, 16 août 1668. — Je vous écris cette lettre pour vous dire que mon intention est que vous ayez à faire conduire lesdits Mariette et Dubuisson[27]de mon château au Châtelet de la ville de Paris, à l’effet de l’instruction de leur procès. » On peut tenir pour certain que le Roi ne perdit pas l’enquête de vue. Louis XIV était friand de détails policiers, et cette affaire-là le touchait de trop près pour l’oublier.
L’instruction commencée, il se découvrit que Mariette était cousin germain de la femme d’un juge. Le Châtelet estima qu’il y allait de l’honneur de la magistrature d’étouffer l’affaire. Il y apporta tous ses soins et rencontra évidemment d’utiles approbations parmi les puissans de ce monde, car la suite de l’histoire laisse entrevoir de nombreuses irrégularités. On y distingue que la Voisin, revenue à son bon sens, seconda le Châtelet en faisant agir de hautes protections, et que Mariette et Lesage, après une période d’épreuves et de difficultés, reprirent en paix leur métier louche. Ils figurèrent l’un et l’autre au procès monstre de 1680, où ils furent de ceux qui se répandirent en détails sur les pratiques abominables auxquelles Mme de Montespan aurait été mêlée pendant de longues années. Qu’ils en aient ajouté ou non, la chose n’importe pas ici, car c’est le seul Louis XIV qui nous intéresse, ce n’est pas Mme de Montespan. La lettre citée plus haut prouve, et c’est tout ce qu’il nous faut, que le Roi avait su dès 1668 que sa nouvelle maîtresse avait des accointances dans le monde de la criminalité ; qu’elle s’abouchait avec des individus ignobles, subissait leur contact dégradant et s’adonnait en leur compagnie à des rites sacrilèges. Ce monarque, qui passe pour si délicat en matière de correction, s’en montra singulièrement peu ému.
Entouré de libertins sans préjugés, à demi libertin lui-même, il ressemblait si peu, dans sa jeunesse, au Louis XIV der la fin du règne et des Mémoires de Saint-Simon, emperruqué au moral comme au physique, qu’il semble voir un autre homme. La correction, les bienséances, comme il en faisait bon marché, quand la passion était en jeu ! Et comme il est plus vivant ainsi, plus naturel, que le personnage compassé des portraits officiels de Versailles ! Louis XIV est décidément un méconnu.
Il serait inexact de dire que les passions étaient devenues plus vives que sous la Fronde, époque ardente entre toutes, mais elles avaient certainement changé de caractère, comme les goûts et les idées, la littérature, les modes en général. C’est le cours naturel des choses, et l’on a vu que le mouvement s’était précipité sous l’influence d’un monarque tout-puissant, déterminé à effacer le passé. Un événement artistique que l’on ne saurait négliger avait favorisé les desseins de Louis XIV, en ouvrant des perspectives ignorées aux curieux de sensations nouvelles, déjà nombreux au XVIIe siècle. La musique dramatique avait fait son entrée dans le monde moderne. Elle lui apportait, selon le mot de l’un de ses historiens, M. Romain Rolland[28], son « pouvoir illimité » pour exprimer les passions, et, dans les passions, ce qui en demeure incommunicable avec le seul secours du langage. Que l’on aime ou non la musique, on doit comprendre qu’une découverte de cette nature exerce forcément une action sur la partie raffinée d’une nation. La société française n’y avait pas échappé. L’art nouveau était en train de modifier l’état nerveux, si j’ose ainsi parler, du monde où grandissaient, sous la protection royale, des idées plutôt périlleuses sur les droits de la nature et la fatalité de la passion. Il rendait de jour en jour ce milieu plus impressionnable.
La musique dramatique est née en Italie ; cela va de soi. En 1597, un soir de carnaval, un riche Florentin fit jouer dans sa maison, devant un auditoire de choix, une tragédie en musique appelée Dafne, dont la partition est perdue. D’après l’un des invités, << le plaisir et la stupeur qui saisirent l’âme des auditeurs devant un spectacle si nouveau ne se peuvent exprimer. » M. Romain Rolland confirme ce témoignage : — « Ce fut un coup de foudre… Il n’y eut personne qui ne sentît qu’on était en présence d’un art nouveau. » En dix ans, l’opéra italien eut pris toute son ampleur, grâce à un compositeur de génie, Monteverde, dont l’Ariane fit éclater en sanglots, le soir de la première, un auditoire de plus de six mille personnes. L’art du chant avait marché du même pas et atteint son apogée du premier coup. Un sopraniste fameux, Vittori, « jetait le public dans des transports que nous avons peine à concevoir… Beaucoup de personnes étaient obligées d’ouvrir brusquement leurs vêtemens pour respirer, suffoquées d’émotion. » Des théâtres de musique surgissaient de toutes parts. Les grandes villes en avaient plusieurs, — cinq à Venise, — et cela ne suffisait pas encore. On jouait l’opéra dans les palais et les maisons particulières ; Bologne possédait « plus de soixante théâtres privés, sans parler des couvens et des collèges. » Le clergé s’était laissé prendre dans le tourbillon ; moines et nonnes chantaient l’opéra, des cardinaux se faisaient metteurs en scène, un futur pape écrivait des livrets. C’était une épidémie, une folie, et l’Italie ne délirait pas impunément. Pour ses débuts, l’opéra eut à son acquis de graves désordres, nerveux et moraux ; on l’aima trop.
Mazarin en avait pris le goût avant de s’établir en France. Il voulut initier son pays d’adoption aux jouissances, presque redoutables, dont s’était brusquement enrichie la condition humaine, et fit venir l’une après l’autre quatre troupes italiennes, la première en 1645, la dernière peu de temps avant sa mort. L’issue était aisée à prévoir : un spectacle patronné par le cardinal devenait une question politique. Applaudi par les partisans du ministre, dénigré par ses adversaires, l’opéra italien rencontra une telle opposition qu’il fallut y renoncer ; toutefois la leçon n’avait pas été perdue. Nos compositeurs, voués jusqu’ici aux ballets et aux « mascarades, » n’avaient pas eu en vain la révélation du style dramatique ; l’ambition leur était venue d’exprimer, eux aussi, les orages de l’âme, et ils s’étaient mis à tâtonner dans la voie nouvelle.
Ils ne réussirent pas tout de suite ; mais leurs essais familiarisaient le public avec l’idée d’un langage musical de la passion. En 1664, on en était venu à considérer le chant comme le truchement naturel de l’amour. C’est Molière qui fixe la date dans sa Princesse d’Elide, où Moron ne parvient pas à se faire écouter de Philis parce qu’il parle sa déclaration au lieu de la chanter. Philis s’enfuit, et Moron s’écrie : « Voilà ce que c’est : si je savais chanter, j’en ferais bien mieux mes affaires. Le plupart des femmes aujourd’hui se laissent prendre par les oreilles ; elles sont cause que tout le monde se mêle de musique, et l’on ne réussit auprès d’elles que par les petites chansons et les petits vers qu’on leur fait entendre. Il faut que j’apprenne à chanter pour faire comme les autres. »
Ce fut bien autre chose quand l’opéra français[29]eut réussi à venir au monde (1671). A peine né, il dut à l’association de Quinault avec Lulli d’être un conseiller de volupté. Tandis que les décors et les danses charmaient les yeux, que les « machines » amusaient par leurs complications ingénieuses, les vers et la musique murmuraient inlassablement, avec la même langueur caressante, que nul être jeune n’a le droit, pour aucun motif, de se refuser au devoir d’amour. — « Cédez, rendez-vous, » chante un chœur d’Amadis. Les treize « tragédies lyriques » données de 1673 à 1686 par Quinault et Lulli sont toutes construites sur ce thème unique. Elles n’expriment que cette seule idée : « Cédez, rendez-vous, » et finissent par tirer une certaine éloquence de leur monotonie. Lorsqu’on les joue au piano[30], faute d’un meilleur moyen de les connaître, on se rend compte qu’en dépit de leur fadeur, cet appel continuel aux sens pouvait produire à la longue, dans l’atmosphère particulière d’une salle de théâtre, une espèce d’entraînement.
Les moralistes s’en étaient aperçus. La violente sortie de Boileau contre l’opéra est dans toutes les mémoires. Nous la trouvons aujourd’hui par trop vertueuse ; elle en est ridicule. Elle s’explique cependant si l’on considère combien il était nouveau de pleurer et d’avoir des attaques de nerfs en écoutant chanter. Etait-ce la« morale lubrique » de Quinault qui agissait ? Etait-ce la nouvelle musique ? Dans les deux cas, l’honnête Boileau était excusable de prendre l’alarme.
La France n’en était pas au degré d’excitation de l’Italie ; nous ne sommes pas assez musiciens pour cela. Dans une mesure moindre, le pays subissait pourtant l’extraordinaire pouvoir du style dramatique. On sait par Mme de Sévigné que, si les salles françaises n’allaient pas jusqu’à « éclater en sanglots, » ou à « suffoquer d’émotion, » plus d’un auditeur, à commencer par elle-même, pleurait silencieusement aux beaux endroits. La mode s’en mêlait, et nous savons de quoi la mode est capable en France. Saint-Evremond a fait une comédie intitulée Les Opéra. On lit dans la liste des personnages : « — Mlle Crisotine, devenue folle par la lecture des Opéra. — Tirsolet, jeune homme de Lyon, devenu fou par les Opéra comme elle. » Un troisième personnage raconte que l’on ne parle d’autre chose à Paris : « — Les femmes et les jeunes gens savent les Opéra par cœur, et il n’y a presque pas une maison où l’on n’en chante des scènes entières. » Voilà qui nous rapproche de l’Italie.
La mode était partie du Louvre, où le courtisan se hâtait d’imiter le Roi, grand admirateur de Lulli. Il était arrivé à Louis XIV de dire, pendant les répétitions d’Alceste, que, « s’il était à Paris quand on jouerait l’opéra, il irait tous les jours. Ce mot, ajoutait Mme de Sévigné[31], vaudra cent mille francs à Baptiste. » Ce n’était pas affectation de la part du Roi ; il aimait réellement la musique ; on le reconnaît à des signes qui ne trompent point. Louis XIV eut toute sa vie le goût, et plus que le goût, le besoin de celle que l’on fait soi-même, à son heure, à son choix, à sa manière, et que ne remplacent jamais les plus belles exécutions des gens du métier. Adolescent, il jouait de la guitare et tenait sa place dans les ensembles. Devenu homme, il se trouva une bonne voix, et sut s’en servir dans les réunions d’amateurs. On peut même dire qu’il chantait à propos et hors de propos ; le lendemain de la mort de son fils, le grand Dauphin, les dames du palais eurent la surprise d’entendre le Roi chanter des prologues d’opéra. Dans ses toutes dernières années, alors qu’il était devenu « inamusable, » Mme de Maintenon lui organisait de la musique chez elle, et il y prenait toujours plaisir. Un soir qu’elle avait substitué les vêpres aux partitions de Lulli, Louis XIV se laissa faire et psalmodia les vêpres[32]. Pourvu que ce fût de la musique, tous les genres lui étaient bons.
Avec une prédilection, toutefois, pour celui qu’il avait vu naître, qui était déjà si riche en émotions neuves, et que l’on devinait chargé de promesses pour l’avenir. Le Roi avait tout ce qu’il fallait pour en jouir profondément. Le lecteur n’a pas été sans s’apercevoir à ses crises de larmes que Louis XIV était un nerveux, sous les dehors froids et calmes qu’il s’était imposé. En avançant en âge, la disposition aux larmes prit chez lui un caractère maladif. Mme de Maintenon, parlant à une amie, dans une lettre de 1705, des « vapeurs » du Roi et de son humeur sombre, fait la remarque « qu’il lui prend quelquefois des pleurs dont il n’était pas le maître. » C’était aussi un sensuel, à qui les thèmes amoureux n’étaient pas pour déplaire. — « Cédez, rendez-vous ; » le Roi ne cessait de le répéter, pour son compte personnel, aux jolies femmes de sa cour. Du reste, Quinault et Lulli lui faisaient choisir leurs sujets d’opéras ; il était donc pour quelque chose dans la mollesse qui s’exhalait de leur œuvre.
La musique dramatique s’est bien réhabilitée depuis. L’univers civilisé a éprouvé avec ravissement qu’elle disposait vraiment d’un « pouvoir illimité » pour exprimer les passions, et toutes les passions, les plus hautes, les plus héroïques, les plus pures (et j’y comprends l’amour). On s’est aperçu aussi que son langage pouvait fort bien se parler en dehors du théâtre, dans une symphonie, dans une simple sonate, et qu’il n’existait pas d’art aussi bienfaisant pour reposer et rasséréner les âmes troublées ou harassées. Malgré cela, malgré tout, les moralistes n’ont jamais désarmé devant la musique. Emmanuel Kant lui était nettement hostile. Il disait : « — Elle amollit l’homme, » et il en détournait ses disciples[33]. Tolstoï lui a été inclément dans La sonate à Kreutzer.
Toutes les forces peuvent devenir dangereuses ; cela dépend de « l’usage qu’on en fait[34]. » Et aussi des âmes qui reçoivent le choc ; il faut qu’elles soient de taille à le supporter. L’action de la musique sur la société française n’a jamais, que je sache, été étudiée méthodiquement dans ses effets physiques et moraux. Si elle trouve quelque jour son historien, il devra sortir des nouveaux laboratoires de psychologie, à installation scientifique, où l’observateur se double d’un médecin. À cette seule condition, il pourra parler avec autorité.
La Grande Mademoiselle aimait peu la musique. Elle vante néanmoins Lulli dans ses Mémoires : « — Il fait les plus beaux airs du monde. » La gloire de « Baptiste » la touchait parce qu’il avait été « à elle » en arrivant d’Italie, bien avant la Fronde : « Il était venu en France avec feu mon oncle le chevalier de Guise… je l’avais prié de m’amener un Italien pour que je pusse parler avec lui, l’apprenant lors. » Lulli n’avait que treize ans. Dans l’intervalle des leçons d’italien, il était marmiton. Admis plus tard dans les violons de Mademoiselle, on raconta qu’il s’était fait chasser pour avoir chansonné sa maîtresse. Celle-ci rapporte les choses autrement : « — Je fus exilée ; il ne voulut pas demeurer à la campagne ; il me demanda son congé ; je le lui donnai, et depuis, il a fait fortune : car c’est un grand baladin. » Lulli resta toujours un « baladin » pour Mademoiselle, qui avait assisté à ses triomphes et qui lui survécut. Elle avait été frappée, plus encore que de ses « beaux airs, » de ses talens de mime, de danseur et de bouffon de comédie. Ils étaient, à la vérité, remarquables.
Mademoiselle s’en tenait au goût qu’elle avait pris à Saint-Fargeau pour les lettres. Son nom est demeuré associé à plusieurs incidens, gros ou petits, de l’histoire littéraire du temps. En 1669, lorsque Tartuffe fut autorisé de façon définitive, elle voulut en avoir le régal chez elle. Cela se remarquait, à cause des défenses de l’Eglise. Le 21 août, Mademoiselle donna une fête. Quand le gros des invités fut parti, « on joua Tartuffe, qui était la pièce à la mode, » devant « vingt » femmes et « force hommes[35]. » Faut-il voir une manière d’excuse dans le bout de phrase : « qui était la pièce à la mode ? » Quoi qu’il en soit, Mademoiselle put faire valoir à son confesseur qu’elle avait été économe avec Molière. La « visite de Tartuffe à Luxembourg[36] » fut payée aux acteurs 300 livres. Le prix courant était 550 livres. C’est ainsi que l’on fait les bonnes maisons.
Une autre fois, Mademoiselle eut l’honneur, s’il faut en croire l’abbé d’Olivet[37], de fournir à Molière une scène toute faite, et quelle scène ! Parmi les habitués de son salon figurait l’une des victimes de Boileau, l’imprudent abbé Cotin, qui, ne se trouvant pas encore assez étrillé, avait provoqué de nouvelles représailles en bavardant sur Molière. Un jour qu’il avait fait des vers, et qu’il en était très content, selon son habitude, l’abbé vint au Luxembourg les lire à Mademoiselle. Pendant qu’elle admirait, entre un autre écrivain, que l’on croit être Ménage. Mademoiselle commit la faute de lui montrer les vers et de lui en demander son avis sans lui nommer l’auteur. Il en sortit la scène de Vadius et Trissotin (d’abord « Tricotin, » de peur qu’on ne s’y trompât). Molière n’eut qu’à lui donner le coup de pouce du génie. Quant au sonnet à la princesse Uranie et aux vers sur le carrosse amarante, on sait qu’il les copia mot pour mot dans un volume[38]de l’abbé Cotin.
Il y eut encore les échos, très nombreux au Luxembourg, de la grande bataille littéraire du siècle[39], alors que le succès des premières tragédies de Racine irritait la portion du public, toujours nombreuse, qui a horreur d’être dérangée dans ses habitudes d’esprit par d’importunes nouveautés. C’est un supplice pour beaucoup de personnes, qu’il s’agisse de littérature, de science, ou de n’importe quel art. Les exemples n’en ont pas manqué dans le siècle qui vient de finir ; il suffira de rappeler ici les luttes à peine refroidies d’un Pasteur ou d’un Wagner. Racine arrivait en révolutionnaire. Il apportait, avec Molière et soutenu comme lui par leur ami Boileau, un art dramatique absolument neuf, séparé par un abîme de celui de Corneille, et auquel rien n’avait frayé les voies. Corneille avait derrière lui les Mairet, les du Ryer, et combien d’autres. Racine, personne. Il a été le premier, et le seul, à faire de la tragédie réaliste, où le sujet était simple, les caractères scrupuleusement vrais, la langue souvent audacieuse de familiarité. Louis XIV applaudissait. Racine et lui étaient faits pour se comprendre ; Henri Heine en a donné la raison dans l’un de ces mots qui éclairent toute une époque : — « Racine est le premier poète moderne, comme Louis XIV fut le premier roi moderne. » La jeune cour applaudissait avec le Roi, et sincèrement ; elle aussi appartenait aux temps nouveaux. Mais pour la vieille Cour, pour les survivans de l’hôtel Rambouillet, la tragédie de Racine était aussi choquante, aussi déplaisante, que le parurent les premiers romans naturalistes aux fidèles du romantisme.
Et par les mêmes raisons. Malgré la peine qu’ont aujourd’hui tant de personnes à entrer dans ces idées-là, celui qu’elles appellent, un peu dédaigneusement, le « doux » Racine, l’« élégant » Racine, ne paraissait justement ni doux, ni élégant, aux trois quarts du salon très « vieille cour » de la Grande Mademoiselle. Son Pyrrhus leur faisait l’effet d’un « brutal, » sa Phèdre d’une « forcenée. » La « noirceur » de son Néron, ou de son Narcisse, dépassait à leurs yeux ce que l’on peut supporter à la scène. Non pas que les personnages de Corneille ou de ses prédécesseurs n’en eussent fait autant et davantage ; mais leurs brutes et leurs scélérats étaient quand même des « héros, » et cela sauve tout ; ceux de Racine n’étaient que des hommes, de simples hommes qui se servaient de mots « bas et rampans, » d’expressions bourgeoises telles que quoi qu’il en soit, que fais-je, que dis-je[40], et qui ne savaient même pas le sens des mots ; on avait compté dans Andromaque près de trois cents termes impropres.
Racine s’en serait tiré si sa nouvelle poétique n’avait pas été une critique à l’adresse de Corneille. C’était le grand grief ; il obligeait les fervens du vieux poète à condamner quand même l’insolent. Mme de Sévigné, qui ne pouvait pas toujours s’empêcher, quoique « folle de Corneille, » d’admirer Racine et de le laisser voir, se hâtait de se reprendre quand cela lui arrivait. Elle écrivait à sa fille : « Bajazet est beau, » et ajoutait six lignes plus bas, en personne qui a un reproche à se faire : « Croyez que jamais rien n’approchera (je ne dis pas surpassera) des divins endroits de Corneille. » S’étant ainsi mise en règle avec sa conscience, elle revenait à Bajazet pour avouer qu’elle y avait « pleuré plus de vingt larmes (Lettre du 15 janvier 1672), » mais sa lettre lui laissait une sorte de malaise. Deux mois après, elle atténuait encore son éloge de la pièce nouvelle, à qui elle n’accordait plus que « des choses agréables, » et déclarait que Corneille était d’un autre ordre : « Ma fille, gardons-nous de lui comparer Racine, sentons-en la différence. »
La génération de Mademoiselle, presque tout entière, se montrait aussi jalouse que Mme de Sévigné de la gloire de Corneille. A l’admiration inspirée par son génie s’ajoutait la tendresse reconnaissante que nous gardons aux œuvres où survit l’idéal de notre jeunesse. C’est nous que nous aimons en elles, ce sont nos beaux rêves d’autrefois. La tragédie de Racine ne signifiait pas seulement que celle de Corneille avait fait son temps. Elle indiquait le passage à d’autres idées, et reléguait du coup les fidèles de l’ancien culte parmi les ancêtres. Cela n’est jamais agréable lorsqu’on est encore bien vivant et que l’on ne se fait pas l’effet d’être vieux.
Les gens de lettres sont les premiers à souffrir de ces révolutions du goût qui ne laissent debout que les œuvres supérieures et rejettent le reste dans le néant. Ceux d’entre eux que l’on sait avoir fréquenté chez Mademoiselle furent tous des ennemis de Racine, moitié à cause de Corneille, moitié à cause d’eux-mêmes, et par instinct de conservation. Outre Ménage et l’abbé Cotin, que l’on vient d’y rencontrer se disant leurs vérités ; outre l’aimable Segrais, dont le bagage littéraire était trop léger pour le mener bien loin, c’était l’abbé Boyer, à qui Segrais voulait que l’on pardonnât ses tragédies parce qu’il était « assez bon académicien, » et le vieux brave homme de Chapelain, illustre jusqu’au jour où il s’était fait imprimer[41]. Il y avait de quoi faire accuser Mademoiselle d’avoir été « le centre de l’opposition à la nouvelle poésie[42]. » C’est cependant exagérer son rôle. On verra tout à l’heure qu’elle était dès lors trop occupée à vivre sa propre tragédie pour s’intéresser activement à celles qui se jouaient sur les planches.
Criblé d’injures et de calomnies par les Vadius et les Trissotin, menacé de coups de bâton par les protecteurs aristocratiques de ces grands hommes de salon, Racine risquait fort d’être accablé sans la faveur éclatante du Roi. Il n’aurait peut-être pas fait son œuvre, et Molière certainement pas, si Louis XIV ne les avait soutenus envers et contre tous. C’est un service pour lequel nous ne devons pas lui marchander notre gratitude. Quand l’on y songe, on se sent pris de tendresse pour ce prince que l’on n’avait pas toujours trouvé sympathique. Il est possible qu’il y eût un peu de politique dans son affaire ; le succès d’écrivains aussi neufs cadrait avec son dessein de faire table rase d’un passé détesté ; mais la grande raison pour laquelle il les protégeait, c’est qu’il les aimait. Quand Louis XIV riait « jusqu’à s’en tenir les côtés[43] » à l’École des femmes, dont s’indignaient les dévotes et les prudes, ou qu’il sauvait les Plaideurs, presque siffles à l’hôtel de Bourgogne, en faisant « des éclats de rire si grands que la Cour en fut étonnée[44], » il n’y mettait pas de calcul ; il s’amusait bonnement, comme vous et moi. De même, lorsqu’il s’essuyait les yeux à Iphigénie, ou qu’il se faisait jouer et rejouer Mithridate sans pouvoir s’en lasser, c’était émotion vraie et franche admiration.
Il aimait les « jeunes » pour deux raisons : parce qu’il avait le goût bon, et parce que leurs héros étaient ceux qu’il fallait à sa génération. Pour Molière, on a vu combien merveilleusement le Roi et lui s’entendaient, et, sur Racine, on n’a pas oublié le mot profond d’Henri Heine. Racine s’était révélé « le premier poète moderne » des Andromaque. Hermione et Oreste n’ont déjà plus qu’une parenté éloignée avec les amoureux de Corneille. Ils sont déjà « les possédés de l’amour, les grands passionnés qui aiment comme on est malade, qui aiment jusqu’au crime et jusqu’à la mort. Avec eux, on peut dire que l’amour moderne, plus profond, plus mélancolique, plus tendre, plus imprégné d’âme et en même temps plus troublé par les obscures influences de la vie nerveuse, fait son entrée dans notre littérature… Oreste a en lui une tristesse, une désespérance et une folie qui, cent cinquante ans après lui, éclateront dans nos romans d’amour[45]. »
Louis XIV n’avait pas attendu Racine pour faire son éducation passionnelle. Au temps où Marie Mancini l’affolait, il avait été l’une des premières ébauches du type moderne des « possédés de l’amour, » et il n’avait rien oublié de cette crise ; il n’oubliait jamais rien. C’était un bon apprentissage pour comprendre que l’amour d’Oreste ou de Phèdre, l’amour-maladie, est une fatalité contre laquelle notre seule volonté n’est qu’une pauvre arme. Autour du Roi, Madame Henriette, Mme de Montespan, toute la jeune Cour et quelques esprits aigus de la vieille, Condé en tête, rendaient justice à la vérité des « anatomies » du cœur dans la tragédie de Racine. Mademoiselle en était incapable ; elle croyait trop fermement au surhomme de Corneille, dont la volonté se rit des résistances, qu’elles viennent de son âme ou du monde extérieur, pour pouvoir admettre la fatalité de la passion. Et c’était justement elle qui allait prouver par son exemple, à la stupéfaction de la France entière, que nul, fût-ce une Grande Mademoiselle, n’échappe à son sort quand son sort est d’aimer. Ce fut le grand malheur de sa vie.
Il n’est pas sain pour une vieille fille amoureuse de l’amour, et à cent lieues de s’en douter, de vivre dans l’intimité de personnes dont l’unique occupation est de se faire aimer. Mademoiselle avait eu l’idée singulière, et qui devait lui coûter cher, de se lier avec Mme de Montespan et d’en faire à la Cour sa société préférée. Elle la recherchait, lui rendait des services et en acceptait. Mme de Montespan était son truchement pour arriver à l’oreille du Roi ; Mademoiselle tâchait à calmer M. de Montespan, qui, pour des raisons bonnes ou mauvaises[46], se « déchaînait » en « fou » et en « extravagant » contre Madame sa femme : « — Il est mon parent, et je le grondais, » disent les Mémoires de Mademoiselle.
En bonne connaisseuse, Mademoiselle goûtait infiniment l’esprit original de Mme de Montespan. Le plaisir de lui renvoyer la balle avait commencé leur familiarité : personne, de plus en plus, ne résistait à la séduction de l’esprit. Dans le désœuvrement accablant de la Cour, c’était la seule ressource contre l’ennui. On la prenait où on la trouvait. La sage et prudente Mme de Maintenon succomba comme Mademoiselle, quand son tour fut venu, au charme irrésistible d’une conversation qui « rendait agréables les matières les plus sérieuses et ennoblissait les plus triviales[47]. » Au plus aigre de sa lutte avec Mme de Montespan, l’une et l’autre se happaient au passage, si l’on me passe l’expression, pour avoir le régal de s’écouter, et c’était des deux parts une jouissance si vive, qu’elles avaient peine à se quitter. « — Mme de Montespan et moi, écrivait Mme de Maintenon en 1681[48], nous avons fait aujourd’hui un chemin ensemble nous tenant sous le bras, et riant beaucoup : nous n’en sommes pas mieux pour cela. »
On n’a jamais trop d’esprit ; mais il y a un inconvénient à n’avoir que de l’esprit, et c’est l’un des écueils vers lesquels Louis XIV était en train de pousser la noblesse française. Il lui avait rendu impossible, en la parquant dans ses antichambres, tout autre effort intellectuel que de chercher de jolis mots pour distraire la galerie. Un homme de qualité commençait sa journée à huit heures du matin par faire le pied de grue devant la porte du Roi. On se saluait, les élégans se peignaient avec leur peigne de poche, et chacun guettait du coin de l’œil le moment d’entrer. Molière nous fait assister dans des vers peu connus à l’assaut final :
- Grattez du peigne à la porte[49]
- De la chambre du Roi ;
- Ou si, comme je prévoi,
- La presse s’y trouve forte,
- Montrez de loin votre chapeau,
- Ou montez sur quelque chose
- Pour faire voir votre museau,
- Et criez sans aucune pause,
- D’un ton rien moins que naturel :
- « Monsieur l’huissier, pour le marquis un tel. »
- Jetez-vous dans la foule, et tranchez du notable
- Coudoyez un chacun, point du tout de quartier,
- Pressez, poussez, faites le diable
- Pour vous mettre le premier…[50].
M. le marquis est entré. La. chambre est déjà comble. Il gagne « le terrain pas à pas, » réussit à voir le Roi mettre ses souliers[51], car il les mettait lui-même, et voilà l’emploi de sa première heure. Il recommencera le soir pour voir le Roi ôter ses souliers. Il avait déjà recommencé à une heure de l’après-midi pour le voir manger son potage, et deux ou trois autres fois, dans le courant de la journée, pour se trouver sur son passage à l’aller ou au retour de la messe et de la promenade. Dans les intervalles, il a eu les occupations puériles des charges de Cour, la tournée des hommages aux membres de la famille royale et aux puissances du jour, le jeu et les autres plaisirs officiels. Point d’autre soulagement à son oisiveté que les mois de campagne, lorsqu’il y a guerre. Admirons-le d’avoir gardé l’esprit en éveil, alerte à l’attaque et à la parade, et de retrouver, le jour où il part pour l’armée, les vertus militaires devenues à ceux de sa caste une seconde nature. Ce n’est point de sa faute si les autres facultés, qu’il n’exerçait jamais, que le Roi ne voulait pas qu’il exerçât, s’appauvrirent chez beaucoup de ses descendans avec la prolongation du régime que l’on vient de voir. Quatre ou cinq générations de cette vie absurde aboutirent aux émigrés de la grande Révolution, tous braves, presque tous spirituels — ou en ayant l’air, — et dont un si grand nombre n’avaient absolument que de l’esprit. Jamais monarque n’a travaillé avec plus d’art et de méthode que Louis XIV à annuler sa noblesse et à la ruiner dans l’opinion. Le tout en souvenir de la Fronde.
Il en était des femmes comme des hommes. Même assujettissement, et même vide, d’où l’on a vu naître le faible de Mademoiselle pour Mme de Montespan. La situation de « maîtresse reconnue » n’arrêta rien ; Mademoiselle avait toujours eu pour règle de conduite que la vertu des autres ne la regardait pas. Les nouveautés de cette même situation firent le reste. Ses prérogatives inattendues, les habitudes qui en découlaient, et qui sont l’une des curiosités du règne, achevèrent de resserrer une intimité qui survécut ensuite aux plus rudes secousses.
Il avait bien fallu, puisque Louis XIV tenait ses maîtresses à la Cour, établir pour elles une façon d’étiquette. Il se forma des règles tacites, que personne ne formula jamais, que l’on démêle pourtant à travers les écrits contemporains. Ce furent ces règles qui firent le scandale, bien plus que des faiblesses ordinaires aux hommes de tous les temps. Le peuple avait trouvé le mot juste lorsqu’il courait voir « les trois reines » dans un même carrosse. Mlle de La Vallière et Mme de Montespan, toutes les deux à la fois, en étaient venues à occuper publiquement le rang d’épouses en second du Roi. Lors des visites solennelles de la famille royale à celui de ses membres qui allait mourir, elles arrivaient ensemble, après le Roi et la Reine. Mademoiselle les vit au lit de mort de Madame Henriette : « Mme de Montespan et La Vallière vinrent. » Elle les rencontra devant le berceau d’une fille de Louis XIV et de Marie-Thérèse, morte en bas âge : « Je la trouvai à l’extrémité… On y fut quasi toute la nuit à la voir agoniser. Mme de Montespan et Mme de La Vallière y étaient. »
Cette dernière se dérobait le plus qu’elle pouvait aux honneurs. Mme de Montespan s’y complaisait et s’en ajoutait. Elle s’était mise sur le même pied que la Reine pour les visites ordinaires, qu’elle ne rendait « jamais, — dit Saint-Simon, — non pas même à Monsieur, ni à Madame, ni à la Grande Mademoiselle, ni à l’hôtel de Condé. » Même hauteur dans la manière de recevoir chez elle les princes et princesses du sang, et cet « extérieur de Reine » la suivit plus tard dans la retraite. « Il n’y avait personne qui n’y fût si accoutumé,… qu’on en conserva l’habitude sans murmure, » dit encore Saint-Simon, qui avait connu Mme de Montespan, disgraciée et occupée à faire pénitence, continuant néanmoins à tenir sa cour, dans son couvent[52], avec une étiquette aussi « royale » qu’à Saint-Germain ou à Versailles : « Son fauteuil avait le des joignant le pied de son lit ; il n’en fallait point chercher d’autre dans la chambre… Monsieur et la Grande Mademoiselle l’avaient toujours aimée, et l’allaient voir assez souvent ; à ceux-là on apportait des fauteuils, et à Madame la Princesse ; mais elle ne songeait pas à se déranger du sien, ni à les conduire… On peut juger par-là comme elle recevait tout le monde. » Le « tout le monde, » qui comprenait les plus grands, se contentait de « petites chaises à des » ou de simples « ployans. » Personne ne s’en offusquait : « Toute la France y allait ; je ne sais par quelle fantaisie cela s’était tourné de temps en temps en devoir… Elle parlait à chacun comme une reine qui tient sa cour, et qui honore en adressant la parole. »
Marie-Thérèse elle-même, au temps où Mme de Montespan était la vraie souveraine, avait subi à la longue l’empire de l’habitude. En 1675, quatrième année de la guerre de Hollande, Louis XIV étant à l’armée, Mme de Montespan à son château de Clagny, et l’un de leurs fils se trouvant « un peu malade[53], » la Reine se fit une obligation d’aller voir l’enfant et de distraire la mère. Elle passait prendre Mme de Montespan, l’emmenait un jour se promener à Trianon, un autre jour dîner dans quelque couvent favori ; exemple qui amena la foule à Clagny et détruisit les dernières hésitations : « La femme de son ami solide, écrivait Mme de Sévigné, lui fait des visites, et toute la famille tour à tour. Elle passe nettement devant toutes les duchesses (3 juillet 1675). »
Il y avait eu un temps où cette façon de faire litière des rangs aurait indigné la Grande Mademoiselle. Mais ce temps était loin, plus loin qu’elle-même ne se le figurait. En 1667, elle avait encore crié très haut parce que sa seconde sœur, Mlle d’Alençon, s’était mésalliée en épousant un simple grand seigneur, le duc de Guise, et elle avait fait grise mine aux mariés. Mademoiselle n’avait plus le droit d’être si fière, car elle-même était mûre pour les mésalliances. Sa patience était à bout. On n’a pas oublié son agitation pendant que Louis XIV négociait son mariage avec le Duc de Savoie. Aucun prince n’avait pensé à elle depuis cet affront. Ils la trouvaient tous trop vieille. Elle ne se l’avouait pas, elle le sentait, et une tempête s’amassait au fond de son cœur.
La crise éclata en 1669. Il est impossible de dire dans quelle mesure la nature en fut responsable, et ce qui en revenait à l’atmosphère de désordre moral et d’élémens voluptueux que Mademoiselle respirait maintenant à la Cour, dans la compagnie habituelle de la favorite. Une seule chose est certaine : la Grande Mademoiselle n’essaya pas de lutter contre la passion ; son attitude fut plutôt celle d’une personne qui la cherchait.
ARVEDE BARINE.
- ↑ Voyez la Revue du 1er mars 1904.
- ↑ Mlles de Nemours étaient filles d’Elisabeth de Vendôme, sœur du duc de Beaufort, et d’Henri de Savoie, duc de Nemours, qui fut tué en duel par son beau-frère (30 juillet 1652). La cadette épousa Alphonse VI le 28 juin 1666.
- ↑ Claude Le Pelletier, alors président aux enquêtes. Il fut depuis ministre d’État et contrôleur général des finances.
- ↑ Mlle d’AIençon, la seconde des demi-sœurs de Mademoiselle.
- ↑ Archives de Chantilly.
- ↑ Œuvres de Louis XIV. — Lettres particulières, Paris, 1806.
- ↑ L’ambassadeur de la Fuente au roi d’Espagne ; Paris, 27 janvier 1664 (Archives de la Bastille). La princesse de Savoie refusée par Louis XIV s’était décidée à épouser le duc de Parme.
- ↑ Mémoires de Mme de Motteville.
- ↑ L’archevêque d’Embrun à Brienne père ; Turin, le 1er août 1659.
- ↑ La Fontaine : la Fille, fable publiée pour la première fois dans l’édition de 1618 et 1679.
- ↑ Marie-Jeanne-Baptiste de Nemours épousa Charles-Emmanuel II le 11 mai 1665.
- ↑ Et non de Madame Henriette, comme il a été dit par erreur.
- ↑ Ce Bethléem-là était un faubourg de Clamecy.
- ↑ Mme de La Fayette : Histoire de Madame Henriette.
- ↑ Mémoires de Mme de Motteville.
- ↑ Voyez Raoul Allier, la Cabale des Dévots.
- ↑ Sermons pour le carême de 1662.
- ↑ Lettre du 29 mars 1680.
- ↑ Archives de la Bastille, par François Ravaisson, tomes IV, V et VI, passim.
- ↑ Voyez la Notice sur la pièce dans le Molière des Grands écrivains de la France (Hachette).
- ↑ Allusions à certains talismans.
- ↑ Voir le volume publié sous ce titre, par M. Frantz Funck-Brentano.
- ↑ Archives de la Bastille : Rapport de la Reynie, lieutenant général de police, à Louvois (1680 ; pas d’autre date).
- ↑ La Magie dans l’Inde antique, par Victor Henry.
- ↑ Il avait été nommé lieutenant de police en 1667. Pour ce procès, voir les Archives de la Bastille.
- ↑ Interrogatoire du 30 juin 1668. Mme de Bougy était la veuve du marquis de ce nom, lieutenant général. La Duverger s’occupait de magie. Le marquis de Ravetot avait épousé Catherine de Grammont, fille du maréchal.
- ↑ Autre nom de Lesage.
- ↑ Histoire de l’Opéra en Europe, par M. Romain Rolland. — Cf. Histoire de la musique dramatique en France, par Chouquet et les Origines de l’opéra français, par Nuitter et Thoinan.
- ↑ Le premier digne de ce nom fut Pomone, de Cambert. On trouvera dans les ouvrages spéciaux en quoi l’opéra français différait de l’opéra italien, et par quel enchaînement de circonstances un Florentin, Baptiste Lulli, en a été le véritable fondateur.
- ↑ Il a paru un choix des opéras de Lulli, pour piano et chant, dans la collection Michaelis.
- ↑ Lettre du 1er décembre 1673.
- ↑ Introduction, par M. le comte d’Haussonville, aux Souvenirs sur Mme de Maintenon : — Mémoires de Mlle d’Aumale.
- ↑ Kant als Mensch, par Erich Adickes.
- ↑ Romain Rolland, loc. cit.
- ↑ Mémoires de Mademoiselle.
- ↑ Registre de La Grange.
- ↑ Dans l’Histoire de l’Académie française.
- ↑ Œuvres galantes en vers et en prose de M. Cotin.
- ↑ Pour cette partie, cf. Les ennemis de Racine, par F. Deltour ; Les époques du Théâtre français, et les Études critiques sur l’Histoire de la littérature française, par M. F. Brunetière ; les Mémoires et Correspondances du temps ; la collection du Mercure Galant ; les préfaces de Racine, etc.
- ↑ La critique est de Boursault.
- ↑ Les douze premiers chants de sa Pucelle avaient paru en 1656. Le public les admirait de confiance depuis vingt ans. La chute fut si profonde, que la suite en est restée manuscrite jusqu’à nos jours.
- ↑ Deltour, Les ennemis de Racine.
- ↑ Gazette de Loret, 13 janvier 1663.
- ↑ Mémoires sur la vie et les ouvrages de Jean Racine, par Louis Racine.
- ↑ Jules Lemaitre, Impressions de théâtre.
- ↑ Sur ce sujet délicat voir le volume de MM. Jean Lemoine et André Lichtenberger : De La Vallière à Montespan.
- ↑ Souvenirs sur Mme de Maintenon. — Les Cahiers de Mlle d’Aumale, avec une Introduction de M. G. Hanotaux.
- ↑ Le 27 mai, à M. de Montchevreuil.
- ↑ Frapper eût été d’un malappris.
- ↑ Remerciement au Roi (1663).
- ↑ Cf. les Mémoires de Saint-Simon, édition de MM. Chéruel et Ad. Régnier fils, vol. XII, ch. IX.
- ↑ Le couvent de Saint-Joseph, rue Saint-Dominique ; Mme de Montespan s’y était construit un logis.
- ↑ Le comte de Vexin, mort jeune. — Mme de Sévigné, lettre du 14 juin 1675.