La Grande Encyclopédie, inventaire raisonné des sciences, des lettres, et des arts/Alaric (Bréviaire d’)

Ch. Mortet
Henri Lamirault (Tome premierp. 1140-1141).

ALARIC (Bréviaire d’). On appelle ainsi le recueil de lois promulgué, au commencement du vie siècle, par Alaric II, roi des Visigoths, pour régler la condition juridique des Gallo-Romains soumis à sa domination. Les lois en vigueur dans les divers Etats, qui se fondèrent en Gaule après les invasions du ve siècle, avaient un caractère personnel : au lieu de s’appliquer à tous les habitants du même territoire, elles étaient spéciales à chaque race ; un Germain et un Gallo-Romain, résidant dans la même ville étaient régis, l’un par la loi germanique, l’autre par la loi romaine. Les Gallo-Romains, qui formaient dans ces Etats la majeure partie de la population, restèrent donc soumis, en principe, à la législation sous laquelle ils vivaient avant l’invasion, c.-à-d. au droit théodosien. Mais tandis que les rois francs laissèrent subsister sans modification les textes législatifs promulgués par Théodose, les rois visigoths, que la civilisation romaine avait pénétrés plus profondément et qui se préoccupaient davantage des intérêts de leurs sujets gallo-romains, firent rédiger pour eux un nouveau code de lois qui modifiait en partie celui de Théodose. Il en fut de même chez les Burgondes (V. Papien). — Ce code fut composé à Aire en Gascogne, capitale du royaume visigoth, par une commission de juristes, dont le travail fut approuvé par l’assemblée des notables romains, ecclésiastiques et laïques ; il fut promulgué par Alaric II en 506 ; les exemplaires officiels furent revêtus de la signature du référendaire Anien. Dans les manuscrits qui nous sont parvenus, il porte des noms divers : Liber juris, Liber Aniani, Lex romana, Breviarium. Comme l’indique ce dernier titre, qui a prévalu dans l’usage, c’était essentiellement un abrégé, comprenant : 1° des extraits et des résumés du code Théodosien et des Novelles de Théodose et de ses successeurs jusqu’à l’empereur Sévère ; 2° des extraits et des résumés des œuvres des principaux jurisconsultes romains du iie siècle : Institutes de Gaius, Réponses de Papinien, Sentences de Paul ; 3° quelques parties de deux recueils non officiels de constitutions impériales : les codes Grégorien et Hermogénien. Tous ces textes, excepté les Institutes de Gaius, sont accompagnés d’une interpretatio ou commentaire officiel, qui est extrêmement précieux, parce qu’il nous fait connaître les modifications que les lois romaines avaient reçues dans la pratique au commencement du vie siècle.

Le Bréviaire d’Alaric jouit d’une grande faveur, non seulement dans le royaume visigoth, mais dans toute la Gaule et même dans les pays voisins. Jusqu’au xiie siècle, c.-à-d. avant la diffusion en Europe de l’œuvre législative de Justinien, ce fut le texte de lois romaines le plus répandu, celui auquel font allusion les formules d’actes et les chartes privées, quand elles citent la lex romana. Il nous est parvenu un grand nombre de manuscrits du Bréviaire, ainsi que des extraits ou abrégés de ce recueil, qui furent composés dans le midi de la France et en Suisse, aux viiie et ixe siècles (Summæ legum ou Epitome d’Ægidius, Epitome de Saint-Gall, Lex romana Utinensis, etc…) Une première édition fut publiée, à Bâle, en 1528, par Sichart, sous le titre de Codicis Theodosiani libri XVI. Une édition bien meilleure, avec introduction, notes et appendices, a été donnée à Leipzig, en 1848, par Hænel, sous le titre de Lex romana Visigothorum.Ch. Mortet.

Bibl. : De Savigny, Histoire du droit romain au moyen âge, trad. Guenoux ; Paris, 1839, t. II, p. 24. — Ch. Giraud, Histoire du droit romain ; Aix, 1847, p. 394. — Hænel, Prolégomènes de l’édition citée plus haut ; Leipzig, 1848. — Ch. Mainz, Cours de droit romain ; Bruxelles, 1876-77, 4e édit., introd. no 251. — A. Rivier, Introduction historique au droit romain ; Bruxelles, 1881, 2e éd., § 181, et les auteurs cités par ce dernier.