La Grève de Pordic/Sentier des Douaniers, en face de Binic

Librairie L. Prud’homme (p. 3-5).

Sentier des Douaniers en face de Binic.


Pordic aux cent vallons, ô que ta mer est belle,
Quand de l’étroit sentier qui serpente près d’elle,
On regarde les flots l’un par l’autre poussés
En anneaux blanchissants se briser à ses pieds ;
Et comme s’essayer à laver leur rivage,
Par les bonds dont sans cesse ils assaillent la plage.

Quel bruit retentissant ! comme ils sont cadencés,
Ces sons qui du rivage à l’oreille apportés,
La caressent sans fin de leur rude harmonie.
Quel immense horizon aux regards se déplie !

Sur le flot argenté, j’ai beau chercher au loin,
L’œil ne voit plus que l’eau : l’intrépide marin
Sait seul s’il est encore au-delà quelque terre.
Du rivage j’ignore et ma faible paupière
En face n’aperçoit que la mer et les flots.

Est-ce donc la limite où le sol et les eaux
Se donnent rendez-vous au théâtre de gloire,
Prétendant l’un et l’autre emporter la victoire ?

Au moins ici voit-on de ces deux élémens
Le combat à outrance et de tous les instans.
Le flot bruyant, rapide accourant avec rage,
Va faire, on le croirait, reculer le rivage.
Celui-ci sans céder, au terrible élément
Ne cesse d’opposer son immobile flanc.
Il ne reconnaît point ce lieu pour sa frontière,
Ni ces flots comme étant sa limite dernière.

Voyez ces bâtiments qui cinglent vers le nord,
Que vont-ils en effet chercher ? La terre encor.
La puissante Albion dans sa large Tamise
Au-delà de ces flots, sur son or est assise.
Ces barques de l’Anglais vont visiter les ports,
Et du marchand avide accroître les trésors.

D’ici même au regard est visible la trace
Des terres dont les eaux ont envahi la place ;
Et dans le sein des eaux, les terres à leur tour,
Envers et contre tout, maintiennent leur séjour.