La Grève de Pordic/Les Îles du Portrieux et la Rade

Librairie L. Prud’homme (p. 5-6).
Les Îles du Portrieux et la Rade.


Voilà du continent ces débris qui surnagent,
Ces rochers à fleur d’eau, que les courants partagent.
Ils ne semblent qu’écueil, chaque jour cependant
Viennent s’y abriter maint et maint bâtiment.
Quand ayant parcouru de lointaines contrées,
Et qu’à ces bords connus les barques arrivées
Ont ici jeté l’ancre, ah ! c’est déjà le port.
Les marins, qui souvent de près ont vu la mort,
S’y sentent vivre enfin, surtout si la falaise,
Derrière les buissons de pin et de Mélèze,
A permis un instant, jusqu’au toit paternel
De porter un regard et d’en voir vers le ciel
En flocons bouillonnants s’élever la fumée.
Là plus calme est la vague et sa fougue brisée
Plus mollement balance et barque et matelots.

Ce n’est pas que jamais il n’arrive à ces flots
D’écumer, de bondir, de subir la tempête

Mais de tous ces rochers l’inébranlable crête,
Comme d’une ceinture, entoure les vaisseaux
Et préserve leurs flancs de la fureur des eaux.
Peut-être aussi (qui sait ?) qu’ayant été bénie,
Cette mer s’en souvient et calme sa furie.
Il m’en souvient aussi, j’en étais le témoin,
Et quoique ce beau jour de moi soit déjà loin,
Dans mon cœur à jamais en vivra la pensée,
Tant elle y fut alors profondément gravée.