La Gastronomie de Bechoux 1819/NOTES du chant premier

La Gastronomie, Poëme
L. G. Michaud (p. 91-102).
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NOTES


DU CHANT PREMIER.


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1 page 20, vers i.


Qu’un rival de Vîrgile, amoureux des campagnes,
Fasse à l’Homme des Champs aplanir des montagnes,
Et l’instruise dans l’art de jouer aux échecs :
Pour moi de tels sujets sont arides et secs.


Je ne pense pas que quelques plaisanteries, quelques allusions répandues dans ce poëme, puissent faire croire que j’aie eu le dessein d’attaquer l’auteur de l'Homme des Champs ; il ne conviendrait pas de chercher à jeter du ridicule sur cette production d’un homme célèbre, dont je suis le sincère admirateur. Je n’ai eu d’autre dessein que celui d’égayer un peu mes amis. Si le public sourit un instant, comme eux, à la Gastronomie, j’aurai obtenu tout le succès que j’ai pu désirer.

2 PAGE 21, VERS 6.

Qu’ils soient dignes de toi comme de l’univers.

On sent bien que ce dernier hémistiche est trop beau pour qu’il puisse m’appartenir ; aussi l’ai-je dérobé tout entier à Auguste, qui dit positivement dans la tragédie de Cinna : Je suis maître de moi comme de l’univers. J’ai commis une grande faute : un hémistiche devrait être une propriété aussi sacrée qu’une maison patrimoniale ; mais la littérature en est aujourd’hui à ce point, qu’on y est réduit à s’arracher les morceaux.

3 PAGE 24, VERS 5.

Ils se faisaient hoaneur de cette sauce étrange,
De vinaigre et de sel détestable mélange.

Le savant Meursius, par les conjectures tirées d’Athénée, croit que ce brouet était composé de chair de porc, de vinai^^re et de sel. Je m’en suis rapporte à Meiirsius. ^1 PAGE 24, VERS 16. Il manque à ce ragoût un assaisonnement. — Eh 1 d’où vient avez-vous négligé de l’y mettre r* — Il y manque, seigneur, si vous voulez permettre, Ijes préparations que vous n’emploîrez pas, L’exercice et sur-tout les bnins de l’Eurotas. Ce trait est rapporté par Cicérou dans les QueS’ lions tusculanes. PAGE 26, VERS 1. Birai-je lei auteurs de ces rares écrits ? Dirai jeMitœcus, Actfdès, Philoiène —^ Lisez le Voyage du jeune Anacharsis, h l’article des repas des Athéniens. PAGE 26, VERS 3. Arcbestrate sur-tout, poëte cuisinier, Qui fut dans son pays ceint d’un double laurier… Voici ce qui est dit d’Archestrate, d’après ^/A^7iée, liv. 5 : « Il est l’auteur d’*un poëme intitulé : la Castrojiomie. Cet auteur fut ranii d’un tles fils de Périclès, " Il avait parcouru les terres et les mers pour connaître par lui-même ce qu’elles produisent de meilleur. Il s’instruisait dans ses voyaf ; es, non des mœurs des peuples, dont il est inutile de s’instruire, puisqu’il est impossible de les chanc ; er, mais il entrait dans les laboratoires où se préparent les délices de la table, et il n’eut de commerce qu’avec les hommes utiles à ses plaisirs. Son poème est un trésor de lumière, et ne contient pas un vers qui ne soit un précepte. C’est dans cette école que plusieurs cuisiniers ont puisé les principes d’un art qui les à rendus immortels. »

" PAGE 26, VERS 5.

Je chante, comme lui, la cuisine, la table. C’est un grand malheur que la Gastronomie d’Archestrate ne soit pas venue jusqu’à nous. Je ne sais si la mienne pourra réparer cette perte. s ? AGE 27, VERS 2.

Tbéarion brilla dans les pâfçs sur-tout ; Sous ses doigts délicats les Farines pétries Sortirent en l.’eigiiets, en gauii’iac », en oublies. Lisez, ù ce sujet, je vous prie, Fiat, in Gor., t. 1, p. ii5.

PAGE 27, VERS 11.

La grâce, l’inclustrie et la délicatesse Présidèrent alors aux festins de la Grèce. On y nommait un roi : se « fortunés sujets Osaleo ! bien rarement enfreindre se » décret ». Anciennement, dit Plutarque, on créait un chef, un législateur, un roi de la table. Ce roi donnait, en effet, des lois, et prescrivait, sous certaines peines, ce que chacun devait faire, soit de boire, de manger, de chanter, de haranguer ou de réjouir la compagnie par quelque talent, Cicéron dit que Verres, qui avait foulé aux pieds toutes les lois du peuple romain, obéissait ponctuellement aux lois <le la table. Isîe enim pretor scverus ac diligens, qui popuU romani legibus nunquam pnruisset, us dili » genter legibus parebat quœ in poculis ponebantur. ’" PAGE 28, VERS 37. Je ne vois point etului e vaiaqueur de Tigtane, Mais l’illustre gourmand du saloa de Diane. On sait que Lucullus avait plusieurs salons, à chacun desquels il donna le nom d’une divinité, et ce nom était, pour son mai tre— d’hôtel, le signal de la dépense qu’il voulait faire. Cicéron et Pompée l’ayant surpris un jour^ il dit seulement qu’il souperait dans le salon d’Apollon ; et on leur servit un repas qui coiita vingt-cinq mille livres. On faisait aussi très-grande chère dans le salon de Diane. ■" PAGE 2g, VERS 3. Qu’importe en Lurulhis le géuéral d’armée ? Il doit à ses soupers toute sa renommée. Corneille a dit : Je ne dois qu’à moi seul toute ma renommée.

    • PAGE 29, VERS l5.

A l’art de la cuisiue elles furent soumises, Et l’Europe lui doit les premières cerises… Ce fut effectivement Lucullus qui apporta du royamc de Pont les premiers cerisiers qu’on ait vus en Europe.

^3 PAGE 3o, VERS 11.

A plusieurs plats nouveaux d’un goût trèi-recherché, Le nom d’Apicius fut loug-teraps attaché ; Il fit secte, et l’ou sait qu’il s’émut des querelles Sur ]es Apiciens et leurs sauces nouvelles. Voici ce que l’histoire rapporte d’Apicius : « Apicius, qui vivait du temps de Trajan, avait trouvé le secret de conserver les huîtres fraîches. II PU envoya d’Italie à ce prince, pendant qu’il était au ])^ ! ys des Parthes, et elles étaient encore très-saines quand elles airlvèrent. Ainsi le nom d’Apicius, lonfï temps afterté à plusieurs ragoûts, fit une espère de secte [tarmi les gourmands de Rome. Il dépensa, à composer des sauces, un million cinq cent mille livres ; et trouvant, par la révision desescomptes, qu’il ne lui resl ait plus que soixante mille écus, ils’empoisouna, dans la crainte de mourir de faim. » ’4 PAGE 3l, VERS i3.

Claude, faible héritier du pouvoir des Kérons, Préférait à la gloire un.piat de cbampigQoas. L’empereur Claude avait une très-grande prédilection pour les champignons ; il en fut empoisonné par Agrippine, sa nièce et sa quatrième femme ; mais comme ce poison le rendit simplement malade, elle envoya chercher Xénophon, son médecin, qui, feignant de lui donner un de ces vomitifs dont il se servait ordinairement après ses débauches, lui fit passer une plume empoisonnée dans la gorge. ….Néron avait coutume d’appeler les champignons le ragoût des dieux, parce que Claude, son prédécesseur, en ayant été empoisonné, fut mis après sa mort au rang des dieux. ^^ PAGE 3i, VERS 17.

Caligula fit faire un reua » sajs égal Pour son lueitalus. irJwlIustce cheval. Le cheval de Caliaula, nommé Incitnius, fat rraité comme les grands hommes Tétaient du temps de la république. Caligula le nomma pontife, et voulait le fiiire consul. Il lui fit faire une écurie de mar • Lre, une auge d’ivoire, une couverture de pourpre, et un collier de perles. Ce cheval, digne convive de Caligula, mangeait à sa table. L’empereur lui-même lui servait de l’orge doré, et lui présen : ait du via dans une coupe d’or où il avait bu le premier.

  • <J PAGE 32, VERS ]3.

Le sénat mit aux voix cette affaire importante, Et le turbot fut liais à la sauce p luaute. La sauce piquante est ici une fiction poétique. Voici comment cela s’est passé : ce Domitien convoqua un jour le sénat pour savoir en quel vase on cuirait im turbot monstrueux dont on lui avait fait présent. Les sénateurs (xaminèrent gravement cette affaire. Comme il ne’^e ti oiiva point tie vase assez grand, on pronosa de couper le poisson par morceaux : cet avis fut rejeté. Après bien des délibérations, on décida qu’il fallait construire un vase exprès ; et il fut réglé rjue quand l’empereur irait à la guerre, il aurait toujours à sa suite un grand nombre de potiers de terre. Ce qu’il y a de plus plaisant, c’est qu’un sénateur aveugle parut extasié à la vue du turbot, et ne cessa d’en faire l’éloge, en fixant les yeux du côté où le poisson n’était pas. » ’7 PAGE 32, VERS 17.

Je pourrais compulser d’iunomhtables chroniques. Le lecteur sera bien aise de trouver ici quelques détails qui auraient passé les bornes d’un poëme, et qui compléteront te qui nous reste à dire de la cuisine des anciens.

« Jules César mangeait quelquefois en un seul repas le rtvenu de plusieurs provinces. Vitellius en faisait qi ; atre par jour ; et, dans tous ceux qu’il 1)1 » liait chez ses amis, on ne dépensait jamais moins de dix mille écus. Celui que lui donna son frère est célèbre. On y servit deux mille poissons d’élite, sept mille oiseaux engraissés, et tout ce que l’Océan €tla Méditerranée peuvent fournir de plus délicat, îféroa tenait table depuis midi jusqu’à la nuit, arec des prodigalités monstrueuses. Géta se faisait servir toutes sortes de mets par ordre alpbabéticjue. Héliogabale traita douze de ses amis d’une manière incroyable. Il leur fit donner à chacun des animaux en vie de l’espèce de ceux qui avaient été servis ; il voulut qu’ils emportassent tous les vases de cristal, d’or et de pierreries dans lesquels ils avaient bu ; et il est à remarquer qu’il en faisait donner de nouveaux chaque fois qu’ils demandaient à boire. Il leur mit surla tête une couronne entretissue de feuillages d’or^ et leur donna à chacun un char superbe et bien attelé, pour s’en retoui’ner chez eux. Jamais il ne mangeait de poisson quand il était près de la mer ; et quand il en était éloigné, s’en faisait servir en eau marine

« Dans les derniers temps de la république, dit Pacatus, on n’était pas content si, au milieu de l’hiver, les roses ne nageaient pas dans le vin de Falerne ; et si, dans l’été, on ne l’avait fait rafraîchir dans des vases tl’or. Il fallait, au t ; avers des périls de la mer, aller chercher des oiseaux du Pjiase Après la conquête de TAsic, on introciiiisit les chanteuses et les baladines » ( Rév. ■)£ Vertot,)

a Riru n’est comparable, pour la prolusion, au banquet d’Assuérus, qui traita penilantsix mois tous les princes et e, ouvernans de sonÉiat, et tint pendant sept jours entiers, des tables couvertes pour tout le peiuMP de la grande ville de Suze « C’excès ont été rus dans des temps plus voisins de nous. Au rapport de Fie III, Sindrigile, duc de Lithuanie, ne faisait jamais de repas où on ne servit trente sortes de viandes —, et il restait six heures à table. Le cardinal S. Sixte traita la fille de }• erdinand, roi de Naples, avec ces dépenses incroyables On donna à laver avec de précieuses odeurs, à tous les cliaupcmens de services ; et, au xaoyen de la diversité et lie la disposition des mets, on vit représenter sur les tables les travaux d’Hercule et une partie des métamorphoses »