Briard (p. Pl.-203).


HUITIÈME TABLEAU


SOPHIE
ou
L’AMOUR
For love her life that could not save,
At least should sanctify her grave.
Warton.
Te spectem suprema mihi cum venerit hora,
Te teneam moriens deficiente manu.
Tibull. El.

« C’est à Lampsaque, me disait dernièrement la charmante S…, que vous avez copié cette galerie que vous nous donnez pour celle de l’Amour ? — Non, madame, c’est à Paris. — Et vous ne connaissez pas d’autres amours que ceux-là ? — Pardonnez-moi, j’en connais un autre ; mais il n’existe que dans mon cœur, depuis que la mort m’a ravi celle qui me le fit connaître. — Et pourquoi n’en faites-vous pas un huitième tableau ? — Que diriez-vous du goût d’un amateur qui placerait un chef-d’œuvre du Guide au milieu des bambochades de Watteau ? D’ailleurs, je ne veux pas rouvrir une blessure que le temps commence à cicatriser. » Je me défendis quelque temps contre les sollicitations de la dame ; mais enfin il fallut lui promettre d’exhumer du fond de mon cœur l’image et l’histoire de l’objet adoré que je devais rencontrer un moment sur la route de la vie, pour me faire connaître tout le bonheur et tous les maux dont la condition humaine est susceptible.

Dix années, Sophie, ont passé sur ta tombe, et l’œil même de l’envie ne saurait aujourd’hui percer jusqu’à toi ; souffre donc que, sans trahir le secret de ton existence, j’offre ton ombre à l’adoration des cœurs sensibles, et que j’assure des larmes à ta mémoire pour les temps où mes yeux n’en auront plus à répandre.

J’avais vingt-deux ans, et, désabusé du plaisir que je prenais pour l’amour, de l’amitié qui m’avait trahi, sans parents, maître de ma fortune, je parcourais la France pour découvrir quelque solitude où je pusse réaliser le projet de retraite dont j’étais occupé. J’avais visité sans succès la Champagne, la Bourgogne, le Beaujolais, la Bresse, le Lyonnais, et je poursuivais mon voyage dans l’ouest de la France, lorsqu’un événement assez extraordinaire mit un terme à mes courses, et décida de ma destinée.

Le jour était sur son déclin, et l’état du ciel faisait craindre un violent orage au moment où j’arrivais à Valière, petit bourg à quatre lieues de Limoges, le 22 du mois d’Auguste. Je fus un moment tenté de ne pas aller plus loin, et j’avais toutes les raisons du monde pour m’arrêter à ce parti ; le tonnerre commençait à gronder, la nuit approchait, et l’on m’avait prévenu que les chemins étaient infestés de voleurs ; mais, en dépit du libre arbitre, la fatalité, dont le pouvoir me semble mieux démontré, me contraignit à me mettre en route avec l’intention d’aller coucher à Limoges. Nous n’étions pas à une demi-lieue de Valière, que nous fûmes assaillis du plus terrible ouragan que j’aie vu de mes jours. La foudre était déjà tombée deux fois à quelque distance de ma chaise, les arbres se brisaient sous l’effort des vents, et les chevaux, effrayés, refusaient d’avancer. Le postillon tremblant, après avoir juré comme un païen, commençait une prière très-chrétienne ; mais il fut interrompu par un coup de tonnerre qui le renversa mort ainsi que les chevaux. On peut se faire une idée de ma situation dans ce désastre général. J’étais descendu de voiture, et le tintamarre des vents, de la pluie, de la foudre, des arbres qui se fracassaient dans leur chute ne me permettant pas un examen très-réfléchi du parti que j’avais à prendre, je me retirai sous les premiers arbres à l’entrée de la forêt, où je me croyais plus en sûreté que dans ma chaise. Il y avait un quart d’heure que j’étais dans cette pénible situation, lorsque je crus entendre parler à très-peu de distance de moi ; je prêtai l’oreille, je ne me trompais pas. « Si tu m’en crois, disait un homme dont il ne me fut pas difficile de connaître la profession, nous profiterons de cette nuit pour faire notre coup à Clénord. — Tous deux seulement ? répondit l’autre. — Combien en faut-il donc, reprit le premier, pour assommer un vieillard aveugle et une fille de dix-sept ans ? — À te dire vrai, j’ai quelque scrupule… Ces gens-là sont si respectés dans le pays ! Il n’y a pas à dix lieues aux environs un malheureux qui ne les bénisse. — Au diable ta délicatesse ! Il s’agit bien ici de ce que les bonnes femmes pensent de cet aveugle et de sa fille. Il s’agit de l’argent que nous trouverons chez eux. Il est neuf heures ; nous pouvons aller jusqu’à Valière prendre quelques outils dont nous avons besoin ; pourvu que nous soyons là vers minuit… » Je n’entendis pas le reste du dialogue, mais je ne pouvais douter que la conclusion ne fût le projet d’un assassinat. Je n’eus pas le temps de faire de longues réflexions sur cet horrible complot et sur l’ignorance où ces scélérats me laissaient du lieu dont ils se proposaient d’égorger les habitants, car l’un d’eux, s’arrêtant à quelques pas, dit à l’autre : « Ne crois-tu pas qu’il serait à propos de passer par Clénord, d’abord afin d’éviter la grand’route, et secondement pour nous assurer si la fracture des barreaux de l’égout par lequel nous devons entrer n’aurait pas été découverte ? — Tu as, parbleu ! raison, » répondit l’autre coquin ; et ils prirent leur route à travers la forêt. Je les suivis avec toutes les précautions que les circonstances rendaient si nécessaires, et nous arrivâmes au bout d’un quart d’heure de marche au pied d’une haute muraille. L’un de ces malheureux voulait tourner à droite. « Où vas-tu ? lui cria l’autre d’une voix étouffée ; c’est le chemin de la grille que tu prends : l’égout est par ici. » Cet éclaircissement ne fut pas perdu pour moi ; je quittai mes deux honnêtes conducteurs, et, toujours suivant la muraille, je trouvai la grille de l’entrée principale. Je sonnai ; une vieille femme se présenta ; elle ne voulait pas m’ouvrir, et ce ne fut que sur l’ordre exprès des maîtres qu’elle consentit à m’introduire. Mon guide me conduisit à travers une file d’appartements, aussi vastes que somptueux, dans un cabinet où le spectacle qui frappa mes regards se grava pour jamais dans mon cœur. Un vieillard aveugle, de l’aspect le plus noble, dont les cheveux de neige décoraient la tête vénérable, une de ces figures dignes du pinceau du Titien, était assis dans un large fauteuil, le coude appuyé sur une table où je remarquai des cartes de géographie et quelques instruments de physique. L’habit d’officier général dont il était vêtu annonçait le grade éminent qu’il avait occupé dans l’armée. Sa fille, un ange de grâces, de beauté, de jeunesse, était assise auprès de lui, une de ses mains dans celles du vieillard. « Monsieur, dis-je en entrant à cet homme respectable, vous avez devant vous un jeune voyageur bien maltraité par la tempête ; mais il bénit l’événement qui le met dans la nécessité de vous demander l’hospitalité pour cette nuit. — Qui que vous soyez, me dit-il en me faisant asseoir, soyez le bienvenu chez moi ; mais, ajouta-t-il après un moment de réflexion, à quel étrange hasard, éloigné comme l’est mon hermitage de la grand’route, dois-je le plaisir de vous y recevoir ? — À cette providence protectrice qui veille sur les destinées de l’homme de bien. — Auriez-vous couru d’autres dangers que ceux dont l’orage… ? — Ce ne sont point mes dangers qui m’amènent dans votre retraite, poursuivis-je avec plus de sentiment que de prudence. — Dieu ! s’écria la tendre fille en se pressant contre le vieillard, ayez pitié de mon père ! — Il n’y a pas un instant à perdre, continuai-je ; souffrez, monsieur, que je vous entretienne un moment en particulier. (Sa fille parut s’attacher plus fortement à lui.) — Parlez devant Sophie, répondit-il ; nous n’avons point de secret l’un pour l’autre, et son courage m’est connu. »

Je fis alors un récit succinct de mon événement et du complot que j’avais découvert. Pendant que je parlais, le visage du vieux général ne témoignait d’autre émotion que celle de la reconnaissance, tandis que celui de la jeune personne peignait tour à tour, et souvent tout à la fois, les sentiments divers dont son cœur était agité. « Le plan de campagne de l’ennemi une fois connu, dit en riant celui que j’appellerai M. de Clénord, rien n’est plus facile que de le déjouer. D’abord, mon avis est que nous commencions par faire une reconnaissance sur le point menacé. Il n’est encore que dix heures ; nous avons deux heures devant nous. » On fit venir un vieux domestique, le seul homme qu’il y eût au château, et nous allâmes en corps visiter l’égout : les trois barreaux de fer qui fermaient l’entrée extérieure de ce conduit souterrain étaient effectivement brisés ; l’état des lieux reconnu, nous prîmes nos dispositions en conséquence, et notre Nestor adopta ce qu’il appelait mon ordre de bataille. Il fut décidé, puisque j’insistais pour avoir le poste le plus périlleux, que je me mettrais en embuscade dans les broussailles qui masquent l’issue extérieure de l’égout (que M. de Clénord me sut bon gré d’appeler poterne) ; que je laisserais l’ennemi s’introduire, et lui couperais la retraite lorsqu’il aurait essuyé, dans le souterrain, le premier feu du domestique, que nous avions armé d’une carabine. Ce fut inutilement que j’engageai M. de Clénord et sa fille à quitter le champ de bataille : ils voulurent partager nos dangers. Il n’y avait pas un quart d’heure que nous nous étions rendus à nos postes respectifs, lorsque j’entendis nos deux scélérats s’approcher. Je les vis, à quelques pas de moi, battre un briquet et allumer une lanterne sourde. Aussitôt que le premier fut engagé sous la voûte, je tombai par derrière sur l’autre coquin, au moment où il courbait son corps pour suivre son camarade, et d’un coup de pistolet, appuyé sur les reins, je l’étendis mort à mes pieds. Sans donner au premier le temps de rebrousser chemin, je me précipitai sur ses pas. Poursuivi de ce côté, le malheureux crut pouvoir s’échapper par l’autre issue. Mon imprudence en ce moment faillit me coûter la vie. Le domestique, qui avait entendu tirer un coup de pistolet, qu’il croyait dirigé sur moi, et qui vit qu’on s’avançait dans le souterrain, fit feu devant lui ; et par un hasard assez malheureux, la balle m’atteignit au bras gauche, derrière le voleur, qui n’en fut pas touché. Ma blessure, dont je m’aperçus à peine dans le premier moment, ne m’empêcha pas de saisir l’assassin, et de le traîner hors de l’égout, après avoir averti mes compagnons de l’issue du combat. Nous conduisîmes notre prisonnier au château, et nous allions commencer l’interrogatoire, quand mademoiselle de Clénord s’aperçut avec effroi que le sang ruisselait d’une des manches de mon habit. Il fallut avouer la blessure que j’avais reçue. Comment exprimer la douleur du père et de la fille, et les soins touchants qu’ils me prodiguèrent ! Mon bras visité, il se trouva que la balle n’avait qu’entamé les chairs, et l’appareil que l’aimable enfant voulut appliquer elle-même sur cette blessure légère, rendit plus profonde celle que son premier regard avait faite à mon cœur. Le hasard des événements de cette soirée voulut que celui des deux voleurs que nous avions pris vivant fût le moins scélérat, et que je le reconnusse pour celui dont la voix s’était élevée un moment en faveur de l’innocence, dans le dialogue que j’avais entendu dans la forêt. Il n’en fallut pas davantage pour obtenir sa grâce de la part des généreux habitants de Clénord, et l’on convint que je le reconduirais le lendemain chez son père, honnête fermier des environs, en le rendant responsable de sa conduite à l’avenir. Il était quatre heures du matin avant que nous pussions songer à prendre le repos dont chacun de nous avait grand besoin. Au moment de nous séparer, mon vénérable hôte me prit la main, qu’il serrait avec bonté dans les siennes : « Allez, me dit-il, excellent jeune homme, après une bonne action goûter un sommeil paisible ; songez au bienfait, nous rêverons à la reconnaissance. » Cette expression touchante des sentiments du père fut accompagnée d’un seul regard de son adorable fille ; mais ce regard me payait mille fois du service dont il était la récompense.

C’est en vain que les fatigues de la journée me faisaient espérer le repos de la nuit ; le sommeil n’approcha pas de mes yeux : l’image enchanteresse de Sophie tourmentait mon âme. Le jour me surprit dans l’agitation pénible qu’occasionnait en moi la naissance d’un sentiment qui me transportait dans un nouvel ordre de choses, et pour l’examen duquel je ne trouvais dans mon cœur aucun terme de comparaison. L’appartement que j’occupais avait une sortie sur les jardins : je crus me distraire en les parcourant ; mais tous les objets qui s’offraient à ma vue, me ramenaient à la seule idée que je pusse accueillir : je ne voyais que Sophie, et je la voyais alors telle que je la vis jusqu’au jour qui nous sépara pour jamais. J’anticipe sur l’ordre des temps pour placer ici son portrait.

Sophie n’avait pas encore dix-sept ans lorsque l’événement dont je viens de rendre compte l’offrit pour la première fois à ma vue. Après avoir dit que rien n’égalait la finesse et la légèreté de sa taille ; que ses grands yeux bleus trahissaient toutes les vertus de son âme ; que sa bouche peignait à la fois la volupté dans ses contours, l’innocence dans sa fraîcheur et le bonheur dans son sourire ; que ses longs cheveux noirs recevaient un nouveau lustre de l’éclatante blancheur de son teint ; après avoir décrit scrupuleusement chacun de ses traits, on pourrait se faire une idée vague d’une beauté parfaite ; mais qu’on serait encore loin du portrait de Sophie !

This not a lip, or eye we beauty call,
But the joint force and full résult of all.
[1]

Sa physionomie morale n’était pas moins difficile à saisir ; il existait entre son esprit, ses talents, ses vertus, le même accord, les mêmes nuances, la même harmonie de contrastes que dans les traits de sa figure. Élevée plus loin de la société, dans une heureuse ignorance des vices, des folies, des préjugés qui l’inondent, Sophie possédait au suprême degré cette vertu étrangère à son sexe, la franchise ; si le mensonge n’avait jamais approché de sa belle bouche, jamais une vérité dure n’était échappée à son cœur ; sa bonté naturelle, qui se faisait sentir dans ses moindres actions, dans ses discours, même dans son silence, lui assurait, sans étude, tous les avantages de la politesse la plus recherchée. Son digne père (un des hommes les plus instruits de son siècle) avait fait de l’éducation de cette fille adorée l’objet de ses plus douces occupations. Il n’avait pas eu la ridicule prétention de faire autrement que la nature, et de placer par l’instruction, au second rang des hommes, l’être charmant né pour briller au premier de son sexe. Sophie, sans être savante, avait des idées justes de presque toutes les sciences, et plus ou moins étendues, suivant le degré d’utilité ou de plaisir qui pouvait en résulter pour elle.

Elle excellait dans les talents agréables, et la musique est celui dans lequel ses succès tenaient du prodige. Il est impossible de se faire une idée du charme de sa voix, et d’imaginer une harmonie plus ravissante que celle dont sa harpe enchantait le cœur et les oreilles. Combien de fois, assise entre son père et moi, dans ce bosquet consacré jadis au silence et maintenant à la mort, nous a-t-elle transportés, par ses chants mélodieux, au séjour céleste qu’elle habite aujourd’hui sans doute ! Combien de fois, ému par ses accords touchants, n’ai-je pas arrosé de larmes prophétiques cette terre où maintenant elle repose !

J’ai dit que Sophie était belle, instruite, douée de tous les talents ; cet éloge peut appartenir à quelque autre femme, mais celui de son cœur, de son caractère, quelle autre oserait se l’approprier ? De quelle autre maîtresse un amant a-t-il jamais dit : « Celle que j’aimais, après cinq ans d’une possession paisible, me paraissait encore douée de tous les attraits, de toutes les perfections que j’adorais en elle aux premiers jours de notre union. Bonne autant que généreuse, elle n’eut jamais avec moi le plus léger tort, et jamais ne s’en prévalut pour me faire sentir les miens. Douceur inaltérable, modestie, bienfaisance, votre empire ne se détruit jamais, et l’Amour est immortel quand vous composez son cortége ! » Je reprends mon récit. J’errais depuis quelques heures dans des jardins où le goût avait réuni la majestueuse régularité des dessins français aux grâces irrégulières de la nature ; on vint m’avertir que l’on m’attendait au château pour déjeuner.

Je trouvai le père et la fille réunis dans un pavillon du jardin. Le vieux Edmond, en robe de chambre, un petit bonnet de cuir vert sur la tête, était assis près d’une table, où sa charmante fille faisait avec une grâce inexprimable les préparatifs de notre déjeuner. Qu’elle était ravissante dans l’aimable simplicité de sa toilette ! Ses longs cheveux roulés circulairement autour de sa tête, une simple robe de mousseline, rien de plus ; mais le goût, la beauté, la candeur avaient présidé à cette parure modeste. « Salut à notre ange tutélaire ! dit, en me tendant la main lorsqu’il m’entendit entrer, le père de Sophie ; je n’ai jamais autant regretté la perte de mes yeux, ajouta-t-il ; il est si doux de voir son bienfaiteur ! — Ah ! monsieur, répondis-je d’une voix émue, ne parlons plus d’un service si fort au-dessous du prix qu’y met votre reconnaissance. Mon jeune ami, car je veux que vous soyez le nôtre, reprit le vieillard en me faisant asseoir, si le secours que vous m’avez si généreusement accordé n’avait sauvé que le peu de jours auxquels je puis encore prétendre, je vous estimerais, et ne vous remercierais pas. Ce n’est pas pour avoir défendu ma vie qui s’achève, c’est pour avoir conservé ma vie qui commence que je vous nomme mon dieu tutélaire ! » Et en disant ces mots, il cherchait sa fille d’une main que son cœur seul conduisait.

Pendant le déjeuner, nous liâmes une conversation à laquelle Sophie prit part de manière à me convaincre que son esprit n’était pas inférieur à ses charmes ; et la réserve ordinaire entre des étrangers faisant bientôt place à la confiance que nous nous inspirions mutuellement, je fis à mes aimables hôtes l’histoire de ma vie. Pour m’instruire de la sienne, M. de Clénord se contenta de m’apprendre son véritable nom. Les événements de sa vie étaient depuis longtemps le patrimoine de la renommée. Je ne fus pas le maître de contenir l’exclamation qui m’échappa en reconnaissant dans le père de Sophie un homme célèbre, que je croyais, avec toute la France, mort depuis plusieurs années. Je ne me permettrai pas de révéler les secrets dont il me rendit dépositaire, et de restituer à son histoire le feuillet qu’il en a déchiré ; je me contenterai de citer les derniers mots par lesquels il termina son récit…

« Pour échapper aux inconvénients attachés à la célébrité de mon nom, continua-t-il, après avoir réglé mes affaires et réalisé le reste de ma fortune, je fis courir le bruit de ma mort, et, sous un nom emprunté, je vins, avec ma fille et deux domestiques bien fidèles, m’établir dans cette retraite, où je vécus cinq ans le plus fortuné des hommes. Mon bonheur était trop parfait. Tous les jours je voyais ma petite Sophie croître en âge, en beauté, en talents, en vertus ; rien ne manquait à ma félicité. Une triste circonstance vint en altérer la douceur : je perdis la vue ; je fus longtemps à m’accoutumer à l’idée de ne plus voir l’objet de mon culte paternel ; mais mon cœur, qui semblait s’enrichir de la perte de mes yeux, parvint insensiblement à affaiblir mes regrets. Jugez, mon cher Édouard, combien sont vrais les plaisirs avoués de la nature ! Vous voyez un vieillard aveugle, de soixante et dix ans, qui a connu toutes les pompes, toutes les vanités de ce monde, inconnu maintenant, sur le bord de sa tombe, et qui pourtant ne consentirait pas, au prix de la jeunesse, de la fortune, de tout ce que le commun des hommes adore, à sacrifier un des jours de bonheur qu’il doit aux tendres soins d’une fille chérie. » Et en parlant ainsi, M. de Clénord passait sur sa bouche la main de Sophie, qui semblait absorbée dans la contemplation de son père. J’éprouvai dans ce moment un des plus doux transports que l’âme humaine puisse sentir, et la larme silencieuse qui coula de mes yeux rendit hommage au sentiment dont mon cœur était plein.

La journée entière s’écoula dans ces douces confidences, et ce fut en balbutiant que le soir, au moment de nous séparer, je crus devoir parler de mon départ pour le lendemain : M. de Clénord s’y opposa fortement ; il exigea que je restasse au moins une semaine. Je voulus consulter les yeux de Sophie ; je les trouvai attachés sur les miens, et épiant ma réponse : elle fut conforme au vœu le plus ardent de mon cœur.

Le dernier jour de cette semaine, dont je vis approcher la fin avec tout l’effroi, toutes les angoisses qui s’emparent de l’homme qui touche au terme de la vie, M. de Clénord eut avec moi un long entretien particulier, dont le résultat fut de m’engager à me fixer près de lui, puisque la retraite était le but de mes recherches. Je ne lui dissimulai pas que mon cœur le désirait trop ardemment pour que ma raison n’y vît pas quelques dangers. Il m’entendit ; mais, loin de partager mes craintes, il les nomma des espérances. Qu’on juge avec quels transports j’acceptai ses offres ! Me voilà donc admis en tiers dans cette société délicieuse ! Je ne m’arrêterai pas à décrire le charme de ma nouvelle situation, à graduer les progrès d’une passion qui fut extrême à sa naissance ; je ne dirai pas comment l’amour se glissa dans le chaste sein de Sophie, comme il s’embellit de ses perfections, comme il s’identifia à toutes ses vertus, comme il sut prêter un nouveau charme à ses devoirs. Je me hâte, en tremblant, d’arriver à l’époque où je n’eus plus un souhait à former sur la terre : c’est en me replaçant en idée au faîte du bonheur que je mesure la profondeur de l’abîme où je suis tombé.

Il y avait un an que j’habitais l’hermitage ; l’amour, l’amitié, la douce philosophie s’unissaient pour enchanter cette solitude où se bornait mon univers. Les jours s’y passaient dans l’uniformité du bonheur. Le matin, dans quelque saison que ce fût, nous nous levions, Sophie et moi, avec le soleil, et pour peu que le temps le permît, nous manquions rarement de faire nos promenades dans les environs de notre demeure. Le lieu où il y avait un malheureux à secourir, une famille à consoler, une bonne action à faire, était toujours celui vers lequel ma jeune compagne guidait mes pas. Partout elle était adorée, partout elle était accueillie par les bénédictions de la reconnaissance. Nous rentrions à l’heure où M. de Clénord avait coutume de se lever, et pendant le déjeuner nous l’amusions du récit de notre promenade. Pendant que Sophie s’occupait des travaux de son sexe, que son aiguille reproduisait sur l’étoffe les miracles de la peinture, que ses doigts agiles formaient en se jouant ce tissu précieux, ornement des attraits qu’il feint de couvrir, nous répétions en sa présence, M. de Clénord et moi, quelques expériences de physique, nous éclaircissions quelques points d’histoire, où nous suivions sur la carte quelque voyageur célèbre. L’aimable enfant abandonnait souvent le crochet ou le fuseau pour s’immiscer à nos savantes recherches, et quelquefois la vivacité de son esprit devançait ou redressait notre jugement. Nous dînions tard, pour avoir à disposer d’une matinée plus longue. Le reste de la journée était consacré à surveiller les travaux d’économie rurale. Nous rentrions à la nuit, et une lecture intéressante nous conduisait à l’heure où nous nous séparions avec peine pour aller prendre quelques heures de repos, heureux de nous endormir avec la douce certitude de parcourir le lendemain le cercle de la veille !

Je puis, en peu de mots, donner une idée du bonheur dont je jouissais, en disant que, brûlé de tous les feux de l’amour, sans cesse et presque toujours sans témoins auprès de Sophie, je n’osais concevoir une félicité au-dessus de celle de la voir, de l’entendre, de l’aimer, d’en être aimé. Dans l’ardeur des désirs, je craignais de m’élever jusqu’à sa possession ; ce vœu me semblait sacrilége, et mon âme fléchissait sous le poids des voluptés célestes dont elle entrevoyait l’image.

Un jour (c’était le 18 de mai de l’année 17.., — en perdant la mémoire et la vie, se pourrait-il que j’oubliasse cette date !), nous nous étions levés avec l’aurore, et nous nous disposions à sortir ; mais, à notre grand étonnement, on vint nous dire que M. de Clénord nous attendait au bosquet du Silence. Nous y courûmes, ne devinant pas la cause de l’émotion secrète qui nous saisit en même temps. Sans nous donner le temps de l’interroger, le père de Sophie nous fit asseoir à ses côtés, et nous tint ce discours, que mon cœur retrace fidèlement à ma mémoire :

« Je me suis levé de bonne heure aujourd’hui, mes enfants, afin de ne rien perdre d’une journée consacrée dans mon souvenir par l’événement le plus heureux de ma vie, et qui doit un jour vous être cher au même titre. C’est à cette époque, à cette même heure, il y a dix-huit ans, que ma Sophie, que cet ange du ciel a paru sur la terre, et j’ai choisi l’anniversaire de sa naissance pour m’acquitter du plus saint devoir qui me reste à remplir dans ce monde.

« Voilà près d’un an, mon cher Édouard, que le hasard, — à ma place Sophie dirait l’amour, — vous amena dans notre retraite pour nous sauver la vie, et ce n’est peut-être pas le plus grand service que vous nous avez rendu ; car on doit moins au bienfaiteur qui nous conserve l’existence qu’à l’amant, qu’à l’ami qui nous la rend précieuse. Vous aviez vu Sophie, vous deviez l’aimer, et la première fois que votre voix frappa mon oreille, je crus reconnaître en vous celui que la nature avait créé pour elle. Mon espoir n’a pas été trompé. J’ai vu se développer dans vos cœurs cette flamme à la durée de laquelle est attachée toute la félicité humaine ; j’ai suivi les progrès de cet amour dont seuls sur la terre vous offrez peut-être l’exemple, de cet amour à qui seul appartient le miracle que je viens faire cesser aujourd’hui. Ce miracle, mes enfants, c’est celui d’avoir concilié pendant un an l’amour, la liberté et l’innocence. Je suis bien instruit, comme vous voyez. Maintenant, redoublez d’attention, ajouta-t-il avec un sourire ; car tout l’intérêt de ma harangue est dans la péroraison. Vous savez mon histoire, mes enfants ; j’ai le bonheur d’être père, père de Sophie ! et je ne fus jamais époux ; jamais je n’ai voulu former ces nœuds politiques que l’ordre social rend peut-être nécessaires, mais que la liberté repousse et que l’amour désavoue. Si la fortune, si les préjugés vous avaient mis l’un et l’autre dans la dépendance des hommes, je vous dirais : Conformez-vous à des lois que vous ne pouvez braver impunément ; mais les vertus, l’éducation, l’opulence vous ont fait libres : que l’hymen ne vous fasse pas esclaves ; ne vous imposez pas un joug humiliant pour qui veut s’y soumettre, insuffisant pour qui veut s’y soustraire.

« Édouard, Sophie, continua le vénérable vieillard en élevant la voix d’un ton solennel, et plaçant la main tremblante de sa fille dans la mienne, je n’exige pas de vous, en vous unissant, le serment frivole d’un amour éternel ; mais je vous place l’un et l’autre sous la sauvegarde de la probité, de l’honneur et de la reconnaissance, dont les lois sont de tous les temps et de tous les âges. Quand vous cesserez de vous aimer comme amants… (À ces mots, sans l’interrompre, nous jetâmes l’un sur l’autre un regard qui attestait l’inutilité de cette prévoyance. Il répéta comme s’il avait surpris notre pensée :) Quand vous cesserez de vous aimer comme amants, vous resterez encore, et pour toujours, unis l’un à l’autre par l’amitié, qui ne vieillit pas, par l’habitude, qui se fortifie en vieillissant, par les doux souvenirs de l’amour, et surtout par le charme invincible que la nature attache au doux nom de père et de mère. Un pressentiment qui n’a plus rien de pénible, puisque je vois ma fille heureuse, m’avertit que je touche au terme de ma carrière : c’est entre tes mains, mon cher Édouard, que je dépose mon trésor. Reçois ta maîtresse des mains de son père : elle est à toi. Soyez heureux, mes enfants, et chérissez ma mémoire. » Il n’avait pas fini de parler, que nous étions à ses genoux. Sophie le tenait embrassé ; nos larmes inondaient ses mains paternelles. Il nous releva, nous pressa contre son cœur, et nous reprîmes tous trois le chemin du château, dans un état plus facile à imaginer qu’à décrire.

J’ignore comment cette journée s’écoula, et par quelle succession de temps, d’actions et d’idées j’en vis arriver la fin. Je me souviens seulement que le plus chéri des pères avait ordonné une fête dont le motif apparent était de célébrer l’anniversaire de la naissance de sa fille. La jeunesse des environs était accourue, les jardins étaient illuminés ; des danses s’étaient formées de toutes parts, des tables avaient été dressées sous les berceaux ; tout respirait le bonheur et la joie. Après un joli feu d’artifice qui termina la fête, la foule s’écoula, et nous nous retirâmes pour souper. M’entendra-t-on si je dis que, loin de hâter par mes désirs le moment où je devais me trouver seul avec Sophie, je le voyais s’approcher avec une espèce d’effroi ? J’étais accablé de l’idée de mon bonheur. Un sentiment différent produisait sur elle un effet plus pénible encore. La pâleur de la mort couvrait son front, sa poitrine était oppressée. En vain notre bon père, dans son entretien plein d’esprit et d’enjouement, cherchait à faire diversion à la violence du sentiment qui absorbait toutes nos facultés : il ne put nous rendre à nous-mêmes. Minuit sonna. Sophie, pâle et chancelante, se retira ; mon cœur tressaillit. Resté seul avec M. de Clénord, nous gardâmes un moment le silence ; il le rompit par ces mots : « Édouard, rendez ma Sophie bien heureuse. » Et me prenant par la main : « Venez, dit-il en souriant et laissant tomber une larme, vous ne pouvez manquer de trouver votre route : deux aveugles vous conduisent ! » Je le suivis : mes genoux me portaient à peine. Nous montâmes, et le vieillard, après m’avoir pressé contre son cœur, me laissa seul à la porte de la chambre de Sophie. J’y restai quelque temps immobile, la poitrine oppressée. Enfin, je prends courage, je porte une main tremblante sur la clef, j’ouvre, et j’entre d’un pas mal assuré. Tout mon corps tremblait ; un nuage obscurcissait mes yeux. J’aperçois Sophie à moitié évanouie sur un fauteuil : je me précipite à ses pieds. J’y veux en vain recueillir mes esprits : ma tête n’avait plus d’idée, ma bouche ne pouvait s’exprimer que par des soupirs. Enfin, je me hasarde, et j’ose lever les yeux sur la divinité, aux pieds de laquelle j’étais prosterné en silence. Tant de beauté pouvait-il être le partage d’une mortelle ? Je crois encore la voir ! La tête mollement inclinée sur son sein, portant à la fois sur sa figure les impressions de la crainte, de la pudeur et de l’amour, je vois les pleurs qui s’échappent à travers sa paupière ; ils tombent sur son sein, et s’y évaporent comme des gouttes d’eau sur un fer brûlant. « Divine Sophie ! m’écriai-je en sortant de l’extase où m’avaient plongé toutes les sensations qui m’assaillaient à la fois, laisse tomber un regard sur le fortuné mortel qui meurt à tes pieds d’amour et de reconnaissance. » Elle souleva ses paupières d’ébène encore chargées de larmes, et ses yeux s’attachèrent dans les miens avec une expression si tendre !… Je me crus transporté dans les cieux… L’ivresse s’empara de moi ; je me levai ; je parcourus à grands pas cette chambre ou plutôt ce sanctuaire, duquel je n’étais jamais approché depuis un an que j’habitais ce séjour. Tous les objets dont j’étais environné appartenaient à Sophie, ou servaient à son usage. Cette glace avait retenu l’empreinte de ses traits adorés ; ces parfums n’embaumaient pas de leur odeur : ils me semblaient exhaler quelque chose de cette essence divine que je ne respirai jamais qu’auprès d’elle. La vue de ce lit embrasait mon âme et mes sens ; je n’osais le fixer : il brûlait mes yeux. L’égarement de ma tête et de mon cœur régnait dans mes discours et dans mes actions. J’allais, je venais, j’errais autour d’elle ; je saisissais ses vêtements épars, je les couvrais de baisers : j’avais besoin d’intermédiaires pour arriver jusqu’à Sophie. « Idole de mon âme ! lui disais-je en retombant à ses pieds, aie pitié du désordre où tu me vois. Si tu es une divinité, pourquoi cette illusion ravissante de mes sens ? Si tu es une mortelle, pourquoi cette crainte religieuse qui m’arrête ? »

« Édouard, me dit-elle d’une voix faible, je suis plus qu’une divinité, je suis ton amante. » Et sa main, en parlant ainsi, tomba dans la mienne, et sa tête vint chercher un appui contre mon sein. J’osai la serrer dans mes bras ; les siens s’enlacèrent autour de mon corps, et son haleine embaumée vint effleurer mes lèvres. Je le recueillais d’une bouche enflammée, ce souffle d’amour ; mais je tremblais encore d’aller le respirer à sa source : Sophie franchit l’intervalle, et nos âmes se réunirent dans un baiser.

Moment de félicité suprême ! nuit d’éternelle mémoire, qui devait être payée par d’éternels regrets, je ne profanerai pas le mystère d’amour dont tu fus le témoin. Restez ensevelis dans l’ombre et dans mon cœur, souvenirs déchirants des plaisirs que j’ai goûtés dans les bras de la plus parfaite créature qui jamais ait été formée ! Ne crains pas, ange de pudeur, que ton amant sacrilége trahisse le secret de tes modestes appas, qu’il déchire après ta mort un voile que l’amour seul eut le droit de soulever pendant la vie. Ah ! ce serait en vain que mon cœur me retracerait toutes les délices de ta possession : il n’est point de langue qui pût les exprimer. S’il est des mots pour peindre le délire de mes sens, les transports de mon âme embrasée, en est-il qui puissent donner une idée de cette volupté céleste, de cette ravissante sensibilité, de cette pureté des anges qu’il n’appartint jamais qu’à toi de réunir ? En est-il qui puissent rendre le charme attaché à tes caresses, à tes soupirs, à ce doux abandon de ton âme, à cet étonnement si naïf de la plus aimable ignorance ? En est-il surtout qui puissent exprimer ces gémissements si tendres qui attestaient le triomphe de ton amant fortuné ? Oui, nous étions, comme tu le disais en me pressant sur ton cœur, les deux moitiés réunies du même être ; mais je n’en étais que le corps : Sophie, tu en étais l’âme ; et moi, semblable à ces substances inodores qui s’approprient, par la communication immédiate, un parfum qui leur est étranger, je puisais dans tes bras une existence nouvelle, et ton amour m’élevait jusqu’à toi.

Il est évanoui pour jamais le songe du bonheur ; j’ai vu un moment la clarté des cieux, et je suis tombé dans l’horreur des ténèbres.

Achevons en peu de mots un récit qui n’est plus que celui de mes infortunes.

Il y avait quatre ans que j’étais le plus heureux des hommes, lorsque la mort nous enleva le père de Sophie. Ce mortel vénérable termina dans les bras de ses enfants sa longue et mémorable carrière, n’emportant au tombeau d’autre regret que le pressentiment qu’il y serait bientôt suivi par sa fille. Peu s’en fallut que la douleur ne vérifiât sur-le-champ sa prédiction. L’amour seul eût été trop faible contre le désespoir de Sophie ; mais la nature avait dans son sein un plus éloquent défenseur. Dans l’espoir d’être bientôt mère, elle puisa des forces pour supporter sa perte. Hélas ! la source de mes consolations devait être celle de mon infortune, et il m’était réservé de contempler en même temps le berceau de ma fille et le cercueil de sa mère. Ah ! si j’osais rappeler à ma mémoire cette épouvantable époque de ma vie, si mon imagination effrayée se reportait autour du lit funèbre où j’ai vu le plus parfait ouvrage de la nature en proie quatre jours aux plus horribles souffrances, et ne s’occupant dans ces moments d’horreur qu’à prévenir le désespoir de son amant ! Qui pourrait retenir ses larmes et son admiration en voyant une jeune beauté dont le printemps commence à peine, sourire aux approches de la mort et, rassemblant toutes ses forces avant d’expirer, prononcer d’une voix éteinte ces mots, que je crois encore entendre :

« Édouard, j’ai vu mourir mon père, et j’ai vécu pour toi ; vis à ton tour pour ma fille : je te le demande au nom de l’amour que tu as allumé dans mon sein, et que la mort même n’éteindra pas. Je te laisse une autre Sophie : tu me retrouveras dans son cœur. Adieu, mon cher Édouard ; je vais t’attendre dans la tombe paternelle ; mais souviens-toi que tu m’as juré de ne point hâter le moment qui doit tous trois nous réunir à jamais. »

Je t’ai tenu parole, ombre toujours plus adorée ; mais dans l’abîme de misère où m’a laissé ta perte, le trésor que tu m’as confié pouvait seul m’enchaîner à la vie, quand tout mon espoir est de l’autre côté du tombeau.

FIN
  1. note de wikisource cf. Pope, Essay on Criticism, (Ce n’est pas une lèvre, ou un œil que nous appelons la beauté, / Mais la force conjointe et le résultat complet de tout.)