La Géologie et la Minéralogie dans leurs rapports avec la théologie naturelle/Chapitre 22




Chapitre XXII.


Des sources.


L’eau étant nécessaire pour l’entretien de la vie, soit cher les animaux, soit chez les végétaux, les arrangemens de l’écorce terrestre, qui ont pour but la distribution de ce liquide nécessaire dans un rapport exact avec les besoins qu’il doit satisfaire, ajouteront de nouveaux appuis aux preuves de l’existence d’un plan général, qui nous ont déjà été fournies par l’étude de la condition actuelle de notre globe, et de ses relations avec les créatures organisées qui vivent à sa surface.

Comme près des trois quarts de la surface terrestre sont recouverts par la mer, tandis que la partie émergée est dans un besoin d’eau continuel pour l’entretien des animaux comme des végétaux, les moyens qui ont été employés pour mettre la distribution des eaux en rapport avec des besoins aussi étendus ne peuvent manquer d’avoir une place importante parmi les mécanismes les plus beaux et les plus harmonieux de notre globe terrestre.

Un grand conduit existe entre la surface de la mer et celle de la terre ; c’est l’atmosphère, par le moyen de laquelle s’effectue un transport continuel de l’eau douce extraite d’un océan d’eau salée par les procédés de l’évaporation.

En vertu de ce procédé, l’eau monte sans cesse sous forme de vapeur, et redescend sous forme de rosée ou de pluie.

De cette eau, qui arrose ainsi la surface de notre globe, un« petite portion seulement retourne directement à la mer, aux époques des inondations, en suivant le cours des rivières[1].

Une seconde portion est absorbée sous forme de vapeur par l’atmosphère.

Une troisième entre dans la composition des corps organisés animaux et végétaux.

Une quatrième pénètre dans les couches, et s’accumule dans leurs interstices, pour y former des réservoirs et des nappes d’eau souterraines ; et ce sont ces amas d’eau qui, en allant se déverser graduellement à la surface de la terre sous la forme de sources perpétuelles, constituent l’alimentation ordinaire des rivières.

À peine sortie de terre, l’eau des sources reprend son chemin vers la mer ; elle s’échappe en de petits filets qui vont se grossissant sans cesse, et formant des ruisseaux, des rivières et des fleuves, qui, après un cours plus ou moins long, se jettent dans des golfes où leurs eaux se mêlent à celles de l’Océan d’où elles étaient parties. Elles y demeurent, prenant part à toutes ses fonctions, jusqu’à ce qu’elles soient reportées par évaporation dans l’atmosphère, pour y parcourir de nouveau le même cercle de circulation perpétuelle.

Il n’appartient pas au géologue d’exposer comment l’atmosphère remplit cette fonction si importante dans l’économie de notre globe. Nous devons nous en tenir à considérer par quels arrangemens mécaniques les matériaux solides du globe concourent avec l’atmosphère pour effectuer la circulation de ce fluide, de tous le plus important.

Les couches offrent dans leur disposition deux circonstances qui ont une grande influence sur la réunion des eaux souterraines en des masses qui se déversent ensuite régulièrement au dehors sous forme de sources. La première consiste dans l’alternance qui s’observe de lits poreux de sable et de grès avec des couches argileuses imperméables ; et la seconde dans les dislocations qu’ont subies ces couches, et qui y ont produit les fractures et les failles.

Le mode le plus simple suivant lequel les eaux puissent être rassemblées à l’intérieur de la terre, a lieu dans des lits superficiels de gravier reposant sur une couche d’argile. La pluie qui tombe sur un lit de gravier s’infiltre à travers les interstices, et va se réunir dans la partie inférieure en une nappe souterraine où l’on conduit facilement des puits qui ne tarissent que rarement, et seulement dans les saisons d’une grande sécheresse. Les accumulations d’eau de cette nature se déversent au dehors par des sources situées sur les limites les plus basses de chaque lit de gravier.

Le même phénomène se passe dans presque toutes les couches perméables superposées à un lit d’argile ou de toute autre substance imperméable. L’eau de pluie descend et s’accumule dans les régions basses de chaque couche poreuse située au dessus de l’argile, et s’écoule au dehors de la même manière par des sources perpétuelles. Ainsi l’alternance de lits poreux avec des lits imperméables, si commune dans l’ensemble de la série des roches stratifiées, joue un rôle de la plus haute importance dans l’hydraulique du globe ; c’est à cette disposition, en effet, qu’est dû le système universel de réservoirs naturels que nous voyons se déverser à la surface du sol en des sources, et répandre l’abondance et la fertilité dans les vallées circonvoisines[2].

Les failles ou fractures qui traversent ces couches facilitent encore l’épanchement des eaux au dehors de ces réservoirs, et multiplient les points par où cet épanchement a lieu[3].

Il existe deux systèmes de sources qui doivent leur origine à l’existence des failles ; l’un est alimenté par des eaux qui descendent des portions plus élevées des couches adjacentes à la faille, laquelle ne fait que les intercepter dans la route qu’elles suivent, et les reporter à la surface sous forme de sources perpétuelles[4]. L’autre système est alimenté par des eaux qui s’élèvent de bas en haut par l’effet d’une pression hydrostatique de la même manière que dans les puits artésiens, et qui proviennent de couches qui n’ont leur contact avec la faille qu’à une profondeur souvent très grande. L’eau se trouve conduite à cette profondeur soit par filtration à travers des pores et des crevasses, ou par de petits canaux souterrains pratiqués dans ces couches, et qui parlent de régions éloignées plus hautes d’où l’eau descend jusqu’à ce que la course soit arrêtée par la rencontre de la faille[5].

Outre les avantages qui résultent, pour tout l’ensemble de la création animale, de ces dispositions dans la structure du globe, ayant pour but de multiplier presque jusqu’à l’infini les conduits d’eau qui viennent en arroser la surface, il en est d’autres qui ne sont pas d’une moindre importance pour l’espèce humaine, et qui consistent dans la facilité que lui offrent ces dispositions de se procurer des puits artificiels sur tous les points de la surface où elle trouve avantageux de se créer une demeure.

Les causes qui font arriver l’eau dans les puits artificiels ordinaires sont les mêmes qui en déterminent la sortie au dehors par les ouvertures naturelles où les sources prennent leur origine. Mais comme ce double résultat sera rendu beaucoup plus intelligible par l’étude des causes qui déterminent l’ascension remarquable des eaux jusqu’à la surface, ou même leur jaillissement à une certaine hauteur, dans ces perforations que l’on désigne sous le nom de puits artésiens, nous nous instruirons davantage en dirigeant immédiatement notre attention vers l’histoire de ces derniers.


Puits artésiens.


On a donné ce nom à des fontaines artificielles coulant sans interruption et que l’on obtient en forant un conduit étroit à travers des couches dépourvues d’eau jusqu’aux couches plus basses qui contiennent des nappes souterraines. L’eau de ces dernières, soulevée par une pression hydrostatique, s’élève dans le conduit et parvient ainsi jusqu’à la surface. Le nom de ces puits est tiré de celui de la province d’Artois (Artesium) ou depuis long-temps de semblables moyens d’obtenir l’eau étaient d’un usage général[6].

Les puits artésiens sont de la plus haute importance et du plus grand usage dans certains districts bas et plats où l’eau ne peut être obtenue ni de sources superficielles, ni de puits ordinaires d’une profondeur modérée. Il existe des sources de cette espèce, que l’on désigne sous le nom de Blow wells, sur la côte est du comté de Lincoln, dans le district bas recouvert d’argile compris entre les plaines de craie des environs de Louth et le bord de la mer. Ce district manquait absolument de sources jusqu’à ce que l’on ait découvert qu’en perçant la couche d’argile jusqu’à la craie sous-jacente, on obtenait une fontaine, jaillissant même sans interruption jusqu’à la hauteur de plusieurs pieds au dessus du sol.

Dans le puits du roi, creusé à Sheerness, en 1781, à travers l’argile de Londres, et pénétrant jusqu’aux couches sableuses de la formation d’argile plastique, à la profondeur de 330 pieds, l’eau s’élança violemment du fond, et jaillit jusqu’à huit pieds au dessus de la surface. (Voyez les Transactions Philosophiques pour l’année 1784.) Dans les années 1828 et 1829, deux puits artésiens d’une construction plus parfaite ont été creusés à une profondeur presque égale dans les arsenaux de Portsmouth et de Gosport.

Ces sortes de puits sont maintenant devenus communs aux environs de Londres, où l’on a obtenu dans plusieurs localités des fontaines perpétuelles, en pénétrant profondément, à travers l’argile de Londres, jusque dans des lits perméables de la formation d’argile plastique, ou jusqu’à la craie[7].

MM. Héricart de Thury et Arago en France, et Von Bruckmann en Allemagne, ont publié dans ces derniers temps d’importans traités sur la question des puits artésiens[8]. Il paraît qu’il existe dans diverses parties de l’Europe des districts étendus où, sous certaines conditions de structure géologique et à de certains niveaux, des fontaines artificielles peuvent jaillir à la surface des couches où il n’existe pas de fontaines naturelles[9], fournir de l’eau en abondance pour les usages de l’agriculture et de l’économie domestique, et même pour mettre des machines en mouvement. Les quantités d’eau que l’on obtient de cette manière dans l’Artois, sont souvent assez puissantes pour faire tourner des moulins à blé.

Dans le bassin tertiaire de Perpignan, et dans la craie de Tours, les eaux forment des sortes de rivières souterraines qui y exercent de bas en haut d’énormes pressions. Il existe un puits artésien dans le Roussillon, dont l’eau s’élève de trente à cinquante pieds au dessus de la surface. À Perpignan et à Tours, d’après M. Arago, la force ascensionnelle de l’eau est telle qu’un boulet de canon jeté dans le conduit d’un puits artésien en est violemment rejeté par la force du courant.

On a tiré parti dans quelques localités de la température élevée que possèdent les eaux provenant de grandes profondeurs. Dans le Wurtemberg, M. Von Bruckmann a employé l’eau de puits artésiens à échauffer une manufacture de papiers à Heilbronn, et à prévenir pendant l’hiver la formation de la glace autour des roues motrices des moulins. On a mis les mêmes moyens en usage dans l’Alsace, et à Canstadt, près de Stuttgard. On a proposé d’appliquer la chaleur des sources ascendantes au chauffage des serres. Depuis long-temps les puits artésiens sont en usage dans le duché de Modène, et on en retire également de grands avantages en Hollande, en Chine[10] et dans l’Amérique du nord. Il est probable que grâce à ces sources artificielles on pourrait trouver de l’eau sur beaucoup de points des déserts de sable de l’Asie et de l’Afrique ; et il a été question d’en établir une série le long de la grande route qui traverse l’isthme de Suez.

J’ai cru qu’il importait que je traitasse la théorie des puits artésiens, par cette considération qu’un emploi plus fréquent de ces fontaines jaillissantes rendrait facile d’obtenir de l’eau douce sur plusieurs points du globe, et en particulier dans certains districts bas et plats, où il n’existe pas d’autres moyens de se procurer cette nécessité première de la vie ; puis aussi par cet autre motif que la théorie de leur mode d’action rend compte de l’une des dispositions les plus communes et les plus importantes dans l’économie souterraine du globe, de celle qui a pour but la production des sources naturelles.

Ainsi le résultat de la disposition première des couches combinée avec les bouleversemens qu’elles ont subis depuis cette époque, a été de convertir la croûte terrestre tout entière en un grand et harmonieux appareil d’hydraulique qui concourt sans cesse avec la mer et avec l’atmosphère pour répartir l’eau douce sur toute la surface habitable de notre planète[11].

Parmi les résultats secondaires, et qui sont un bienfait pour l’homme, de la part accordée aux failles et aux dislocations des couches dans le système d’arrangemens curieux qui constitue l’économie souterraine de notre planète, nous ne devons pas omettre cette circonstance que c’est le plus souvent par les tissures que les eaux minérales et thermales sont amenées à la surface, où elles apportent un soulagement à plusieurs des infirmités de l’espèce humaine[12].

« Ainsi toute cette merveilleuse Hydraulique des sources et des rivières, et, dans le but d’en assurer le jeu continu, ce système si admirablement coordonné des collines et des vallées ; cette alimentation tout à la fois intermittente par la pluie des cieux, et continue par d’inépuisables réservoirs qui viennent se distribuer à la surface en des milliers de fontaines dont le cours ne s’arrête jamais, ce sont là des arrangemens qui doivent nous frapper tout à la fois et par leur nature même et par leur haute importance dans l’économie du globe. La terre et la mer sont dans des proportions si parfaites, que l’évaporation qui se fait à la surface de l’une suffit à alimenter d’eau la surface de l’autre, sans que la première en soit elle-même appauvrie ; l’atmosphère a été interposée pour être le véhicule de cette magnifique et incessante circulation ; dans cette évaporation, les eaux sont séparées de leur sel qui, d’une utilité majeure pour les conserver à l’état de pureté dans la mer, les rendait impropres au soutien de la vie dans les animaux et les végétaux terrestres : ainsi purifiées, et versées par les nuages sur la surface de la terre, elles y répandent l’abondance, et elles y alimentent ces réservoirs inépuisables d’où elles retournent par les sources et les rivières à leur océan natal. N’y a-t-il pas dans cet ensemble de faits tant de preuves d’une Harmonie de moyens avec leurs fins, d’une Sagesse providentielle, de Desseins pleins de bienveillance et d’une Puissance infinie, qu’il faudrait être atteint de folio, pour n’y pas reconnaître la preuve des attributs les plus élevés du Créateur[13]


  1. M. Arago fait voir qu’un tiers seulement de l’eau qui tombe sous forme de pluie dans le bassin de la Seine est reporté à la mer par cette rivière. Les deux autres tiers remontent dans l’atmosphère par évaporation, ou servent à l’entretien de la vie animale ou végétale, ou se fraient une route vers la mer par des conduits souterrains. — Annuaire pour l’année 1835.
  2. Pl. 67, fig. 1 S.
  3. D’après M. Townsend, dans son chapitre sur les sources, il y en a six systèmes distincts dans la contrée qui environne Bath, prenant chacun leur origine dans une nappe régulière correspondante d’eaux souterraines qui se sont infiltrées à travers le sable ou d’autres terrains poreux, et qui sont retenues par le lit d’argile sous-jacent. Parmi ces systèmes il en est un qui se déverse au dehors dans la direction suivant laquelle les couches sont inclinées, tandis qu’un autre est produit par la dislocation des couches, et se fraie un chemin à l’extérieur à travers les fissures qui les déchirent.

    Suivant M. Hopkins (Phil. mag., août 1834, p. 141), les grandes sources qui sortent du district calcaire du comté de Derby se trouvent en rapport avec de grandes failles. — « C’est une règle, dit cet auteur, à laquelle je ne connais pas une seule exception, que partout où j’ai observé ine source puissante, j’ai reconnu par d’autres preuves l’existence de quelque grande faille. »

  4. Pl. 67, fig. 1, H.
  5. Pl. 67, fig. 2, d, et pl. 69, fig. 2, HL.
  6. Ce qui se passe dans un puits artésien se voit représenté dans la coupe figurée pl. 69, fig. 5, copiée d’après la figure qu’a donnée M. Héricart de Thury de la double fontaine de St-Omer, dans laquelle l’eau s’élève à la surface, en partant de deux couches aquifères situées à des profondeurs différentes au dessous du sol. Dans cette fontaine double, les eaux provenant des deux couches A et B s’élèvent avec des forces ascendantes différentes, l’eau de la couche la plus basse, B, s’élevant à un niveau plus élevé, b", que l’eau de la couche supérieure A, laquelle ne s’élève que jusqu’en a’. L’eau de l’une et de l’autre de ces couches est ainsi amenée à la surface par un seul trou de sonde d’un diamètre suffisant pour contenir un canal double formé de deux tubes concentriques laissant entre eux un intervalle pour le passage de l’eau. De cette manière, le plus petit des deux tubes (b) amène l’eau de la couche inférieure B jusqu’au niveau le plus élevé b", tandis que le plus grand (a) prend l’eau dans la couche A pour l’élever au niveau a’ inférieur au premier. Ces deux conduits servent à entretenir d’eau le canal de St-Ouen, situé au dessus du niveau de la Seine. Il pourrait se faire que la couche inférieure contînt de l’eau pure, tandis que celle de la couche supérieure serait chargée de substances étrangères ; or, dans ce cas, l’eau de la couche inférieure serait conduite dans son état de pureté jusqu’à la surface de la terre, sans contact ni mélange avec celle qui est impure.

    Ordinairement, dans les puits artésiens où l’on n’emploie qu’un seul conduit, si le trou que l’on fore pénètre dans une couche qui contienne une eau impure, on le continue plus profondément, jusqu’à ce qu’on arrive à une autre couche où soit contenue de l’eau pure. L’extrémité inférieure du tuyau se trouvant ainsi plongée dans l’eau pure, celle-ci s’y élève, et parvient à la surface en traversant les impuretés de quelque nature quelles soient qui se trouvent dans les couches supérieures. Les eaux impures que le tuyau traverse dans sa longueur sont empêchées, par les parois mêmes de ce tuyau, de se mélanger avec l’eau pure qui monte par l’intérieur en partant de régions plus basses.

  7. Un des premiers puits artésiens que l’on ait creusés aux portes de Londres, est celui de Norland-House, au nord-ouest de Holland-House, creusé en 1794, et décrit dans les Transactions Philosophiques (Londres, 1797). L’eau de ce puits provient des couches de sable de la formation d’argile plastique ; mais les tuyaux sont tellement exposés à être obstrués par le sable qu’entraînent les eaux de cette formation que maintenant l’on préfère généralement traverser ces couches sableuses, jusqu’à la craie sous-jacente. L’eau s’élève jusqu’à la surface du sol des districts bas situés à l’ouest de Londres, dans le puits artésien qui se voit devant le palais épiscopal à Fulham, et dans celui du jardin de la société d’horticulture. On en a construit à Brentford plusieurs semblables, dans lesquels l’eau jaillit à quelques pieds au dessus de la surface.

    On a observé que cette hauteur à laquelle les eaux s’élèvent au dessus du sol diminue à mesure que s’accroît le nombre des puits perpétuels, et qu’en les multipliant au delà d’un certain degré, on arrive à déterminer l’écoulement des eaux avec une vitesse tellement supérieure à celle qu’elle possède dans les interstices de la craie, que ces sortes de fontaines cessent alors de couler, bien que les eaux montent dans leur intérieur, et se maintiennent presque de niveau avec la surface du sol.

    La coupe figurée pl. 68 est destinée à donner une idée de la cause qui élève dans les puits artésiens les eaux que contiennent les couches perméables de la formation d’argile plastique ou de la craie située au dessous dans le bassin de Londres. Ces eaux tirent leur origine des pluies qui tombent sur les portions de ces diverses couches non recouvertes par l’argile de Londres, et elles sont arrêtées par les lits argileux du Gault, situés au dessous de la craie et du silex. Une fois introduites, et retenues de cette manière, ces eaux s’accumulent dans les interstices et dans les crevasses situées au dessous de la ligne A B, le long de laquelle elles s’épanchent au dehors, sous forme de sources, dans les vallées telles que celle qui est représentée dans notre coupe sous la lettre C.

    Toutes les couches perméables situées plus bas que cette ligne doivent être occupées par des nappes souterraines permanentes, si l’on en excepte les points où des failles ou d’autres causes créent des écoulemens locaux. Là où il n’existe pas de ces écoulemens, les eaux s’élèvent, par l’effet de la pression hydrostatique, jusqu’au niveau de la ligne horizontale A B, dans toutes les perforations faites à travers l’argile de Londres, et pénètrent soit jusqu’aux lits sableux de la formation d’argile plastique, ou jusqu’à la craie. On en voit de semblables en D, E, F, G, H, I. En G ou en H, où la surface de la contrée se trouve au dessous de la ligne A B, l’eau sortirait sous forme de puits artésien coulant perpétuellement, ainsi que cela a lieu dans la vallée de la Tamise, entre Brentford et Londres.
  8. Héricart de Thury, Considérations sur la cause du jaillissement des eaux des puits forés, 1829.

    Arago, Notes scientifiques, Annuaire pour l’an 1835.

    Von Bruckmann, Uber Arthesische Krunnen. Heilbronn am Neckar, 1833.

  9. Les coupes figurées pl. 69, fig. 1 et 2, sont destinées à faire connaître les causes d’écoulemens des eaux par l’issue des sources soit naturelles, soit artificielles, dans les couches en forme de bassin qui sont coupées par les flancs de quelque vallée ou traversées par des failles.

    Soit un bassin (pl. 69, fig. 1) composé de couches perméables E, F, G, qui alternent avec des couches imperméables H, I, K, L, et dans lequel les bords de ces couches se continueraient, suivant toutes les directions, à une hauteur constamment la même, A, B. Les eaux de pluie qui tomberaient sur les portions extérieures des couches E, F, G, les pénétreraient, s’y accumuleraient, et en rempliraient tous les interstices, jusqu’au niveau de la ligne A B ; et si l’on faisait pénétrer un tuyau à travers les couches supérieures, jusqu’en un point quelconque de la surface intérieure de ce bassin, les eaux s’élèveraient à l’intérieur de ce tuyau, jusqu’à la ligne A B, qui représente le niveau général des bords du bassin. La nature n’offre jamais une disposition aussi régulière ; les bords, ou la tranche dénudée des diverses couches, sont à des niveaux différens (fig 1, a, c, e, g). Dans ce cas, la ligne a b représente le niveau supérieur de l’eau à l’intérieur de la couche G ; et l’on trouverait constamment de l’eau dans tous les points de cette couche situés plus bas. Au contraire, on n’en pourrait obtenir dans aucun des points situé au dessus, par la raison que la partie inférieure de la couche serait épuisée par les sources dont l’écoulement aurait lieu en a. La ligne e d représente de même le niveau supérieur des eaux dans la couche F ; et il en est de même de la ligne e f par rapport à la couche E, et l’écoulement de toutes les eaux de pluie qui auraient traversé les couches E, F, G, aurait lieu par déversement dans les points e, c, a.

    Si l’on venait à creuser des puits ordinaires depuis la surface i, k, l, jusqu’aux couches G, F, E, l’eau ne s’y élèverait pas plus haut que les lignes ab, cd, ef.

    De même, la couche poreuse supérieure c serait constamment remplie d’eau dans toutes les parties plus basses que la ligne horizontale g h, et en serait constamment dépourvue dans ses portions situées au dessus.

    La figure théorique de la pl. 69, fig. 2, représente une portion d’un bassin qui est traversé par la faille H L, remplie d’une substance imperméable à l’eau. Si les parties inférieures des couches inclinées et perméables N, O, P, Q, R sont coupées par une faille ou dike H L, l’eau de pluie qui tombe sur les portions découvertes de ces couches s’y infiltre, coule dans les intervalles que laissent entre eux les lits imperméables d’argile A, B, C, D, E, et s’accumule dans les couches perméables, jusqu’aux niveaux A A", BB", CG", DD", EE". Si l’on vient à percer un puits artésien dans l’une quelconque de ces couches, en A’, B’, C, D’, en traversant les lits d’argile, A, B, C, D, E, l’eau de ces divers lits s’élèvera à l’intérieur des tuyaux, depuis le point le plus bas où pénètre le conduit, jusqu’aux niveaux A", B", C", D", E".

    Toutefois ces résultats théoriques ne se présentent jamais aussi complets que nous les avons figurés ; cela provient de ce que les couches sont coupées par des vallées de dénudation, de ce que les failles ne s’interposent pas d’une façon régulière, ou des conditions diverses que peuvent présenter les substances qui composent les dikes. S’il se trouvait une vallée dans la couche M, au dessous de A", les eaux de cette couche s’écouleraient dans la partie basse de la vallée, et ne s’élèveraient jamais le long des parois de la faille, jusqu’au niveau de sa partie supérieure H.

    S’il arrivait que la dike H L ne fût pas complètement en contact avec les couches M, N, O, P, Q, B., qu’elle traverse, il en résulterait une issue par où les eaux de ces couches inclinées iraient se déverser à la surface en y formant des puits artésiens naturels. On verrait donc une série de sources artésiennes tracer à la surface de la terre la ligne suivant laquelle la dike serait en contact avec les bords fracturés des couches d’où proviennent les eaux, et le niveau des eaux à l’intérieur de ces couches se rapprocherait toujours beaucoup de celui des sources, en H ; mais, comme la perméabilité des dikes varie sur les divers points de leur étendue, les hauteurs auxquelles elles soutiennent les eaux à l’intérieur des couches adjacentes peuvent être très diverses, et varier depuis te niveau le plus élevé possible, A, B, C, D, E, jusqu’au niveau le plus bas, H.

  10. Un moyen économique de percer les puits artésiens, et de sonder pour la recherche de la houille ou pour toute autre cause, est celui qu’a mis depuis peu en pratique M. Sellow, aux environs de Saarbruck. Au lieu du procédé lent et coûteux dans lequel on emploie une série de barres de fer vissées les unes au bout des autres, il emploie un lourd cylindre en fonte, d’environ six pieds de long, avec un diamètre de quatre pouces, armé à son extrémité inférieure d’un ciseau tranchant, et entouré d’une chambre creuse destinée à recevoir, au moyen de valves, les détritus qui se forment dans l’opération, et à les entraîner au dehors.

    L’appareil est suspendu à l’extrémité d’une forte corde qui passe sur une roue ou sur une poulie construite au dessus de l’ouverture du trou. À chaque mouvement qui élève ou abaisse la corde en l’enroulant autour de la roue, sa torsion suffit pour déterminer un mouvement de rotation du cylindre, et varier ainsi la position du ciseau tranchant.

    Lorsque la chambre est remplie, l’appareil entier est ramené à la surface pour y être nettoyé, puis redescendu à l’aide de la même roue. Ce procédé était depuis long-temps mis en pratique par les Chinois lorsqu’on en a introduit l’usage en Europe ; et l’on assure que ce peuple a poussé ainsi ses travaux de perforation jusqu’à une profondeur de mille pieds. M. Sellow a dernièrement creusé avec cet instrument des conduits de dix-huit pouces de diamètre, et de plusieurs centaines de pieds de profondeur, ayant pour but la ventilation des mines de houille de Saarbruck. L’emploi général de cette méthode substituée à la première peut devenir d’une haute importance publique, surtout dans les cas où l’on aura à aller chercher l’eau à de grandes profondeurs.

  11. Les sources intermittentes, les puits à flux et reflux, et beaucoup d’autres moindres irrégularités dans les phénomènes hydrauliques dus issues naturelles de l’eau à la surface de la terre, dépendent d’accidens locaux, tels que l’interposition de siphons, de cavités et d’autres causes, de trop peu d’importance pour que nous en ayons dû faire mention dans le coup d’œil général que nous venons de jeter sur les causes auxquelles les sources doivent leur origine.
  12. Le docteur Daubeny a fait voir qu’un grand nombre de sources thermales les plus fréquentées sortent de fissures situées sur les grandes lignes de dislocation des couches. — Daubeny, on Thermal springs. Edinb. Phil. journal, avril 1832, p. 49.

    Le professeur Hoffmann a fait voir que l’on avait des exemples de ces fissures situées dans l’axe de vallées d’élévation, et donnant naissance à des eaux ferrugineuses, à Pyrmont et dans d’autres vallées de la Westphalie. (Pl. 67, fig. 2.)

  13. Buckland, leçon inaugurale, 1819, p. 42.