La France républicaine et les femmes/02

F. Aureau, Imprimerie de Lagny (p. 7-11).
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II



Les Empires, bâtissant ces fameux édifices dont les pierres suintent le sang et dont le couronnement est un chef-d’œuvre d’infamie, doivent fatalement s’écrouler, car tout ce qui contient des germes de corruption doit périr.

Tant qu’il croit que ses souffrances sont le piédestal de la Patrie, le peuple supporte avec patience un joug pesant ; mais le jour où il voit que ses maîtres exploitent ses instincts généreux à leur profit et n’ont d’autre souci qu’une puissance sans contrôle et une domination inébranlable, il frémit d’indignation, redresse la tête, regarde le despote en face, le précipite du trône ; et, comme un ouragan, dans sa colère, en disperse au loin les débris.

Alors, dans une ardente aspiration vers la force qui le délivrera pour toujours de la servitude, il se tourne vers la République, mais, au moment où elle donne au peuple les grands principes qui le feront sage et fort, un de ces parasites qui vivent de la sève du peuple, sentant déjà la chaleur de la main qui va arracher son masque, s’élance de ses doigts crispés, s’efforce d’étouffer la jeune République, et, quand elle gît à ses pieds, il ose, dans son impudente audace, montrer du doigt à la foule indignée un être imaginaire et crier lui-même : « À l’assassin ! »

Les empereurs et les rois s’efforceront en vain de la tuer ; elle est le principe vital de tout peuple magnanime, le libérateur des nations, le Messie qui doit renouveler la face de la terre.

Elle a apparu, et elle a dit à la France paralytique : « Lève-toi, et marche ! » Et la France intelligente est debout, tendant les bras à celle qui est son salut. Et elle regarde en arrière, et elle évoque les siècles ; et les siècles poudreux se dressent à sa voix, laissant dérouler des plis de leur suaire les cadavres que leur ont jetés les rois.

Peuple, veux-tu vivre dans une éternelle enfance ? Veux-tu toujours semer pour qu’un étranger récolte ? Veux-tu mettre au monde des enfants dont un prince {héritera comme on hérite d’une pièce de terre ou d’un vil troupeau ?

Peuple, dis, le veux-tu ?

Le chacal guette la proie, et les chiens attendent la curée…

Non ! non ! tu ne le veux pas ! tu ne le veux plus ! Tu repousses avec horreur ces êtres cruels qui se repaissent du plus pur de ton sang et tu t’écries : « Il n’est pas juste que tous se sacrifient pour un seul, quel qu’il soit ; mais que l’intérêt particulier s’efface devant l’intérêt commun. Unissons-nous, serrons nos rangs et regardons l’avenir d’un œil hardi ! »

L’avenir est à vous, fils de Quatre-vingt-neuf, qui marchez vers le bon, le juste, et l’honnête comme le doit tout cœur républicain.

Car, il n’y a pas deux sortes de République, la bonne et la mauvaise ; il n’y en a qu’une ! La République étant LA CHOSE DU PEUPLE, LE BIEN PUBLIC, il n’y a pas plus deux sortes de République qu’il n’y a deux sortes de bien.

Tout ce qui sort de l’honnête n’est pas républicain ; et ce qu’on appelle communément mauvaise république, n’est que la profanation d’un nom sacré.

Donc, républicains, votre titre est votre loi.

Il vous prescrit la vertu, c’est-à-dire l’accomplissement du devoir.

L’oubli de vous-mêmes, c’est-à-dire le dévouement.

Il vous obligea être chrétiens dans la vraie acception du mot.

Qu’importe si, dans leur hypocrisie, des Pharisiens ont dénaturé les paroles et les actes du Fils de l’homme, sentant que la vérité est leur propre condamnation ! Les brebis connaissent la voix du bon pasteur et ne suivent pas le mercenaire.

L’heure de la régénération est venue : que toute idole se brise ! Que toute vérité rayonne ! La vérité seule vient de Dieu.

Une ère nouvelle va naître. Déjà, au nom de République, les trônes vermoulus font entendre de sinistres craquements ; déjà, pour l’assassiner, ses ennemis ont comploté dans l’ombre comme des malfaiteurs.

— Insensés ! ne voyez-vous pas que le cercueil de la monarchie est ouvert ? N’entendez-vous pas la République dire aux peuples de la terre cette parole de Jésus : « Voici le commandement que je vous donne : Aimez-vous ! »

Demain la France, ressuscitée par elle, la glorifiera à la face du genre humain ; et les nations, témoins du prodige, croiront au Christ de ce Lazare.