La France Juive (édition populaire)/Préface

Victor Palmé (p. i-liv).


PRÉFACE
DE
L’ÉDITION POPULAIRE
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Voici la France Juive sous la forme abrégée et populaire qu’ont souhaitée beaucoup de mes lecteurs.

Vous vous rappelez les explosions d’indignation que souleva cette France Juive ? C’était, au dire de quelques-uns, un livre scandaleux, violent, excessif, un livre d’énergumène et de sectaire… Deux ans à peine sont écoulés, et le prétendu pamphlet a des airs de Berquinade…

Il n’est pas une page dans ce livre qui ne semble pâle, à côté de ce qu’ont écrit sur les honteux tripotages de Wilson, les journaux républicains les plus modérés ; il n’est pas une ligne qui ne paraisse inoffensive, à côté des ignominies qui ont défrayé la conversation de Paris pendant des mois entiers.

Je l’avais peinte en rose, cette République franc-maçonnique et juive qu’on m’accusait de calomnier ; et, quand elle apparut tout à coup aux yeux de tous, telle qu’elle était, pourrie jusqu’aux moelles, putréfiée, gangrenée, une insupportable odeur de décomposition mortuaire se répandit sur le pays tout entier.

Qui a fait cela ? Celle qui devait le faire : une entremetteuse, une meretrix, une intrigante du plus bas étage. C’est à de telles mains que revenait la besogne.

Il y a, en effet, des différences dans les balais et des balais pour tous les usages. Les prêtres d’Apollon ne pouvaient balayer le temple de Delphes qu’avec des rameaux de cèdre. Ce sont des balais honorables et sérieux qu’on emploie à chasser la poussière des tapis d’Orient aux riches couleurs, aux délicates arabesques, au tissu moelleux. C’est dans la classe des balais moins nobles, parmi ceux dont on se sert pour nettoyer des objets qui n’ont de l’Orient ni l’éclat ni le parfum, qu’il convenait de chercher le petit balai spécial destiné à nettoyer l’Élysée…

Pour les étables d’un roi comme Augias, il fallut un demi-dieu comme Hercule ; pour les étables de Grévy, la Limouzin suffisait bien.


L’épisode est intéressant. — Sous la Terreur, les vieux chevaliers de Saint-Louis, les mères de famille irréprochables, les jeunes filles au sourire angélique, les vierges saintes, les prêtres en cheveux blancs, montaient impassibles sur la charrette et s’allongeaient sur la planche en disant : « Suis-je bien comme cela. Monsieur le bourreau ? » Le peuple, glacé d’épouvante et saisi aussi d’admiration, regardait et laissait égorger… Soudain, l’on entendit des sanglots, des hurlements, des imprécations… C’était une fille qui protestait, qui se débattait, qui ne voulait pas qu’on la tuât ; et le jour où la Dubarry cria qu’elle ne consentait pas à mourir, ce fut la Terreur qui mourut…

La Limouzin représente quelque chose d’analogue. On avait avili tout ce qui était respectable, chassé Dieu de l’école et la Justice des tribunaux ; on avait jeté hors du prétoire les magistrats honnêtes, pour les remplacer par des piliers d’estaminets et des suppôts de loges maçonniques ; on avait pénétré avec effraction dans des domiciles privés, et fait saisir par des argousins des religieux qui priaient ; on avait mis au pillage les finances de la France, et, pour mieux dégarnir nos frontières, envoyé nos soldats mourir au Tonkin… En dehors de protestations platoniques, qui se perdaient dans le silence de la lâcheté générale, tout semblait réussir à Grévy. Imperturbable dans sa fausse vertu, cet homme de bronze continuait à toucher, comme supplément à ses appointements, 300.000 francs pour des voyages qu’il n’exécutait jamais.

Un matin, les ministres de ce doge austère eurent la funeste idée de s’attaquer à la Limouzin et de s’introduire dans ce domicile qui n’avait rien d’un couvent.

A partir de ce jour on fut en pleine incohérence. On comprit ce qu’était vraiment ce régime où rien ne tenait plus debout ; l’interlopie la plus échevelée sembla entraîner, comme dans une sarabande fantastique, tous les représentants de l’autorité.

Dès le début, le hasard qui dégonfla la Vertu en baudruche de l’Élysée, eut un côté exceptionnellement gai. La Fatalité présida à tout, non point la Fatalité qui dénoue les grands drames de l’Histoire et conduit à leur perte les illustres acteurs de la scène humaine, mais une Fatalité d’opérette.

Aucun mandat d’amener n’avait été lancé contre la Limouzin ; elle était seulement mandée au cabinet d’Atthalin, et il est certain que l’affaire eût été étouffée dès que l’amie de Caffarel eût laissé soupçonner tout ce qu’elle savait. Le malheur voulut pour Grévy que trois reporters, après déjeuner, allassent de concert interwiever la dame au moment où elle partait pour se rendre chez le juge d’instruction ; elle les prit pour des agents chargés de l’arrêter ; ils ne dirent ni oui ni non, s’offrirent à accompagner la Limouzin, lui firent faire une longue promenade en fiacre, et la déposèrent enfin au Palais après qu’elle leur eut tout raconté.

« Un crayon à la main, l’implacable Atthalin » s’impatientait pendant ce temps dans son cabinet de juge d’instruction ; il envoya chez la Limouzin demander pourquoi elle ne venait pas. On lui répondit qu’elle était déjà partie avec des messieurs que l’on croyait dans le quartier appartenir à la Préfecture de Police.

Le Parquet et la Sûreté étaient alors en lutte à propos d’un portefeuille en peau humaine que s’était fait confectionner le chef de la Sûreté avec la dépouille de Pranzini. Quand son messager revint, Atthalin n’eut plus de doutes. « C’est un nouveau tour de la Sûreté ! » murmura-t-il. Il fit venir Goron et lui dit :

— C’est insupportable ! Vous empiétez encore sur mes attributions…

— J’empiète sur vos attributions ?

— Certainement, vous empiétez. Vous avez envoyé des agents arrêter la Limouzin, que j’avais simplement priée de passer à mon cabinet.

— Moi ! j’ai envoyé des agents arrêter la Limouzin ?

— Oui, Monsieur.

À ce moment la Limouzin fait son entrée.

— Je suis un peu en retard, dit-elle ; mais c’est la faute à ces messieurs de la police, qui sont si aimables.

— Là ! cria Atthalin à Goron, que vous disais-je, que vous empiétiez ?…

— Mais, encore une fois, je n’ai pas empiété. Ces messieurs n’appartenaient aucunement à la police…

— Alors, gémit la Limouzin, il va falloir que je recommence ? Que voulez-vous cependant que je vous dise de plus ? j’ai tout dit à ces messieurs…

— Quoi ! vous avez tout dit ?

— J’ai tout dit !

— Vous avez parlé de Wilson ?

— J’ai parlé de Wilson.

Pendant ce temps, le fiacre, plein d’éclats de rire joyeux, roulait vers Paris, emportant les débris de l’honneur du plus habile Tartufe de ce siècle ; les détails incroyables de ces histoires étaient colportés par les mille voix du boulevard, jetés à tous les vents par la presse, et il n’était plus possible d’arrêter le scandale.


Comme les pièces auxquelles le Chapeau de paille d’Italie a servi de modèle et qui sont lancées à fond de train à travers toutes les invraisemblances, l’affaire, avec un tel prologue, devait atteindre les limites extrêmes de la fantaisie.

Il y eut cependant une espèce de halte pour déposer le vieux malpropre ; puis on rentra de plus belle dans l’extravagance, et, quelque bonne opinion que j’aie de l’intelligence de mes lecteurs, je ne crois pas qu’il y en ait un seul qui puisse reconstituer d’une façon lucide l’enchaînement de cette farce sinistre. On vole les lettres, en les refait, on en découvre d’autres, on les perd, on les retrouve, on tente d’assassiner ceux qui les portent, et les députés déclarent que c’est le fonctionnaire chargé de veiller à la sûreté publique qui a payé les assassins ; on ne poursuit pas les députés qui accusent, on ne poursuit pas le fonctionnaire qu’on accuse ; on apprend un beau matin que c’est le juge d’instruction qui est poursuivi, et que c’est Wilson qui se plaint. Wilson n’en est pas moins condamné ; il est vrai qu’il est ensuite acquitté…

Il est impossible d’établir un lien quelconque entre toutes ces cocasseries. Magistrats, généraux, députés, journalistes, décorés, entremetteuses, agents de police, toute cette figuration court devant vous dans l’illogisme d’un songe, avec la célérité troublante de ces nuages multicolores, que pousse dans le ciel, le vent d’une invisible tempête.

Sur ces abracadabrances, ces tournoiements d’êtres en délire et de choses en désordre, ces clameurs outrageantes et railleuses, s’élève, comme une psalmodie funèbre, la voix du juge qui bredouille impassiblement ses attendus… Attendu… Attendu... Attendu que…

C’est le même attendu qui sert pour condamner ou pour absoudre, c’est le même fait visé dans ces attendus qui envoie le baron Coeln ou la Ratazzi en prison, et qui rend Wilson à son hôtel de l’avenue d’Iéna.


Ceux qui voudraient appliquer à ces choses pleines d’insanité et de bizarrerie, les règles de l’ordinaire bon sens, perdraient certainement la tête. Il faut regarder cela, sans essayer de se rendre compte des ficelles ; et le spectacle, hélas ! est terriblement instructif et curieux.

Quel départ, que le départ de ce chef d’État qui s’en va au milieu des gaietés des camelots hurlant : « Tu nous as fichu dans le pétrin ! » au milieu des quolibets de toute une ville chantant :

 
Sous c’nom : Pod’vins et Compagnie,
Mon gendre ouvrit des magasins,
S’associant à des Limousins
Pour exploiter un fonds d’merc’rie.
A sa boutique y s’chargeait d’vendre
Rubans, faveurs… Ah ! quel cam’lot !
Maintenant, son commerce est dans d’leau.
Ah ! quel malheur d’avoir un gendre !

Quel spectacle ! et aussi quelle leçon ! L’homme qui s’effondrait ainsi, était la personnification même de l’avocat qui a perdu la France, le juriste, le légiste, l’être d’apparence, d’hypocrisie, de mensonge, qui résumait en lui plus d’un demi-siècle d’impostures et de décentes vilenies. Pour lui, le Droit n’avait jamais été le protecteur des faibles ; c’était une formule sèche, artificielle et scélérate, dont les habiles savaient jouer et qui justifiait tous les attentats. Cet homme n’avait pas eu dans toute sa vie une heure de bonté véritable, un élan d’indignation pour le Mal, une ombre de respect pour l’âme d’autrui.

Ce prétendu serviteur de la loi avait violé la liberté de milliers de Français par simple décret, ce pseudo-chrétien qui porte le prénom de Judith, avait quitté son siège de président de l’Assemblée pour aller défendre Dreyfus et ses guanos ; cet ancien bâtonnier avait empêché des opprimés d’arriver jusqu’aux tribunaux et de plaider leur cause… Et il triomphait, et il touchait, et il prenait des attitudes de Romain, quand tout à coup la Limouzin se dressa devant le procureur retors et lui dit : « Ton code, vieux finaud, je le connais mieux que toi, et Mme Tricoche roulera M. Cacolet. »


Telle est la page instructive, mais assurément dégoûtante, que la Limouzin a ajoutée à nos glorieuses annales, comme une préface au Centenaire de 89.

Décidément, les grandes Vertus laïques de ce temps n’ont pas de chance. Si Grévy représentait le vir probus calme et serein, la Vertu assise, la Vertu immeuble, Jules Favre représentait plus volontiers la Vertu gesticulante : c’était Thraséas lui-même, flétrissant la corruption des cours et les vices dorés des tyrans. Il eut un jour une dispute avec un voisin, à propos d’un arbre ou d’un lapin, je crois, et il fut démontré que Thraséas ne se contentait pas d’être adultère et concubinaire, mais qu’il était encore faussaire adroit, et falsifiait volontiers les actes de l’état civil.

Tous ces vertueux robins finissent toujours dans des histoires de papiers qui rappellent les agences borgnes : les uns travaillent sur des registres de mairie, d’autres opèrent dans des dossiers.

« Ayez pitié de moi, pauvre pécheur ! » murmure sans cesse le chrétien le plus irréprochable dans sa vie. Les prêtres du droit, comme ils s’appellent dans les discours de rentrée, se chauffent d’un autre bois. « Vous incarnez. Monsieur, se disent-ils entre eux, les plus augustes traditions du barreau, de ce barreau qui est l’honneur dans l’honneur même, la fleur de l’intégrité, si j’ose m’exprimer ainsi. » Et alors ils font des effets avec leurs manches pagodes, ils tirent des intonations étonnantes de toutes sortes d’endroits, de la gorge, de l’épigastre, de l’intestin grêle ; ils préludent, ils modulent, ils canulent…


Qu’est-ce qui va encore lui arriver, à celui-là ? se demande-t-on. Quelles hontes ne trouverait-on pas derrière cette façade solennelle ? Quel jet de boue jaillirait si l’on brisait la couche frêle de cette incorruptibilité d’apparat !

Généralement, il leur arrive, à tous, des aventures extraordinaires d’indécence. Sur l’instant, les affaires Laluyé, les affaires Vergoin, les affaires Wilson, défrisent un peu cette pompe bourgeoise, et font rire de bon cœur les gens à l’âme ingénue, qui ne se glorifient pas quand ils ne pèchent pas, et se repentent quand ils ont péché.

Jules Favre, du moins, eut la satisfaction de faire fusiller, sur les marches du Panthéon, Millière, qui n’avait pris aucune part à la Commune, et qui était coupable seulement d’avoir révélé au monde que la vertu de Thraséas avait des trous. La Limouzin, plus heureuse, a connu les joies du triomphe complet, et c’est sans crainte pour l’avenir qu’elle a vidé son verre au Chat noir, en buvant à la santé d’Atthalin.

C’est égal, elle s’est rudement défendue, la malheureuse ! Songez à ce que c’est que d’avoir affaire, dans de telles conditions, à la magistrature prostituée d’aujourd’hui, de quel poids pèse cette force entre des mains corrompues ; rappelez-vous les injures qu’on adressait à cette femme en perquisitionnant chez elle ; les fausses rétractations d’elle publiées par la véridique Agence Havas ! Regardez aussi ce qu’avait cette créature pour lutter : les meubles à l’Hôtel des ventes, les nippes saisies, plus de domicile, la perspective d’habiter dans un fiacre en quittant l’audience… Elle a tenu bon, elle a déjoué le truc de la lettre refaite et tous les Grévy : président Grévy, général Grévy, maître des requêtes Grévy, ont été brûlés par le venin de la bête aux abois.

Examinez ce qu’avaient les gens de l’Union générale pour résister : l’argent, l’influence sociale, les hautes relations. On leur avait offert une combinaison de quarante journaux, qui auraient ouvert un feu nourri sur les Juifs ; ils pouvaient, à force d’outrages, amener les magistrats qui avaient dirigé cette inique instruction à venir s’expliquer devant un jury. Supposez les Rothschild rayés de la liste des membres du Jockey Club, tous les salons fermés aux Juifs, les Juifs mondains souffletés partout : le krach était évité, la ruine de 40,000 familles françaises était conjurée… Ils n’ont même pas pensé à combattre ; ils ont tendu le cou à l’exécuteur, en disant, comme on disait jadis : « Suis-je bien comme cela, Monsieur le bourreau ? »

Huit jours après, le duc de la Rochefoucauld-Bisaccia traînait sa femme chez les Rothschild, et l’an dernier, en pleine Académie française, Rousse, que l’on croyait intègre, lui aussi, couvrait d’éloges Léon Say, qui s’était servi de son autorité de ministre pour écraser des Français au profit de la finance allemande.

On se remémore, devant ce contraste, entre l’inertie des uns et l’audace des autres, le mot de Guizot : « Ce qui fait la santé de l’Angleterre, c’est que les honnêtes gens y sont aussi hardis que les coquins. »


La bourgeoisie maçonnique avait eu son expression triomphante dans l’avocat-roi de l’Elysée ; et c’est elle qui a roulé avec lui dans la Cloaca maxima. On a vu, comme dans une illumination soudaine, ce que valait ce monde-là : « Que d’eau ! que d’eau ! » s’écriait jadis un guerrier peu habitué aux longs discours. « Que de boue ! que de boue ! » peut-on dire aujourd’hui. De quel côté que le regard se porte, on n’aperçoit que vols, tripotages, concussions…

On noircirait des pages rien qu’avec une énumération, et l’on ne mentionnerait pas la dixième partie de ce qui est.

A Marseille, le maire est obligé de révoquer quatorze employés de la mairie et sept employés de l’octroi qui étaient des repris de justice. A Paris, des officiers de paix sont condamnés comme voleurs. Un commissaire de police est pris en flagrant délit de vol à l’étalage. On retrouve les objets perdus dans la poche du chef de ce bureau qui est poursuivi pour vol. Les magasins de la Ville de Paris sont pillés. Un président du tribunal de Draguignan installe des prostituées dans le palais de justice, et se livre avec ardeur à la majoration des factures. Delgoves, juge de paix républicain dans l’Oise, est condamné aux travaux forcés à perpétuité pour tentative d’assassinat. Un conseiller général de l’Hérault, Allien, est condamné pour fausse monnaie. Le conseiller municipal Lefebvre-Roncier est convaincu d’avoir reçu dix mille francs de pot-de-vin dans l’immense escroquerie organisée par Isaac et Gabriel Lévy sous le nom de Cinquantenaire des chemins de fer. Les amis de Lefebvre-Roncier répondent en produisant un traité qui prouve qu’un autre conseiller municipal, Marsoulan, a commis un délit analogue.

C’est là un choix fait au hasard. Il faudrait ajouter à cette liste très abrégée cinquante affaires qu’on étouffe, des histoires mystérieuses comme l’assassinat de Barrême, le vol de l’Hôtel des postes, le détournement des fonds secrets par l’ami de Mlle Angèle Renard.

La vérité est qu’on vole partout. Vous ne causez pas une minute avec un employé d’administration publique, sans qu’il vous entretienne des actes inouïs qui se passent sous ses yeux[1]. Plus on s’efforce de nettoyer, plus c’est sale, car, ainsi que le dit M. Henry Maret : « C’est le savon lui-même qu’il faudrait nettoyer. »

C’est de l’universel dégoût qu’est sortie la popularité de Boulanger. Quel est-il ? What is he ? On attend un homme. Sera-t-il cet homme ?

« Hélas ! dit Carlyle, nous avons connu des Temps qui appelaient assez fort leur grand homme, mais ne le trouvaient pas quand ils l’appelaient. Il n’était pas là ; la Providence ne l’avait pas envoyé. Le Temps appelant de toutes ses forces devait sombrer dans la confusion et la ruine, parce que le grand homme qu’on appelait ne venait pas. »

Ce qui est certain, c’est que le général Boulanger constitue dès à présent un élément nouveau dans la situation. Clemenceau a dit aux radicaux que le général leur avait volé la popularité qu’ils auraient dû avoir ; les chefs de la droite en pourraient dire autant. Boulanger personnifie la protestation véhémente contre le parlementarisme, protestation que les conservateurs auraient parfaitement personnifiée eux-mêmes s’ils avaient eu plus de tempérament, s’ils s’étaient montrés, s’ils étaient montés au besoin sur une borne pour parler au peuple.

M. Portails a dégagé parfaitement ce point :


Non seulement, a-t-il dit, le suffrage universel se détourne de la politique opportuniste qui a prévalu depuis 1877, mais il abandonne les anciens partis monarchiques.

Avant les élections de 1885, M. Clemenceau, dans un grand discours qu’il prononçait à Bordeaux, disait, en parlant de la majorité parlementaire que M. Jules Ferry avait dirigée pendant deux ans : « Saluez cette majorité, vous ne la reverrez plus. »

On peut dire aujourd’hui aux conservateurs, dont les électeurs viennent de voter pour le général Boulanger dans la Dordogne et dans le Nord : « Messieurs, saluez ces électeurs, vous ne les reverrez plus ! » S’il faut en croire un de nos confrères, c’est d’ailleurs ainsi que s’exprimait hier à Lille un des chefs du parti conservateur.


Évidemment, il ne dépendait pas des 180 députés de la droite de s’emparer immédiatement du pouvoir ; mais ils pouvaient prendre la tête du mouvement, se mettre à la fenêtre, haranguer, entraîner le pays, dresser à chaque coin de la France des hustings pour y proclamer les trahisons, les dilapidations, les hontes du régime actuel...

Chacun des événements auquel nous assistons depuis un an aurait été, pour une minorité hardie, l’occasion de manifestes, courts, éloquents, vibrants, qui eussent réveillé le vieil honneur français. « Voilà ce qu’a fait la République ! voilà ce que sont les bandits qui nous gouvernent ! voilà ce qu’est Ferry, voilà ce qu’est Floquet ! Grévy est descendu de son siège de président de la Chambre pour aller défendre le Dreyfus des guanos ; Floquet est du même acabit : il a été soutenir à Tunis les intérêts de Mustapha dans l’affaire des biens Habbous, il a pesé de toute son influence pour décider le gouvernement français à une transaction ruineuse pour le Trésor. Vos enfants, ô paysans, sont morts d’insolations, de fièvres typhoïdes, de privations en Tunisie, pour enrichir une société de Juifs étrangers. »

Si les honnêtes gens avaient lu tous les quinze jours, sur les murs de chaque village, ces proclamations vengeant la conscience publique, dénonçant les scandales encore ignorés, flétrissant les misérables qui ont ruiné notre pays pour cent ans, ils se seraient dit : « Nos députés s’occupent de la Patrie, aidons-les ! » On aurait organisé des comités, envoyé des adresses à la Chambre pour la sommer de se dissoudre ; et ceux qui auraient contribué à chasser cette Chambre infâme, se seraient trouvés au premier rang, lorsqu’il se serait agi de remplacer tous ces aigrefins, par des hommes qui aient au moins les mains pures des souillures que laisse l’or.

Les députés conservateurs n’ont pas bougé.

Les élections de 1885 avaient été une bataille gagnée par les soldats. Des chefs vaillants n’auraient eu qu’une pensée : marcher en avant, ne pas laisser une minute de repos à l’ennemi, achever la victoire. Étonnés eux-mêmes du succès, les chefs du parti conservateur furent hantés par une seule préoccupation : « Comment pourrions-nous faire pour reperdre tout le terrain conquis ? »

Ils trahirent, comme les politiques de l’Assemblée de Versailles, le pays qui avait eu foi en eux. Le lecteur ne se méprendra pas à mes paroles ; ils trahirent, non pas volontairement, mais d’une façon inconsciente, par la naturelle disposition d’intelligences pusillanimes et timides, par une sorte de fatalité inhérente à la conformation de leur cerveau.

C’est plus fort qu’eux. Il y a une grande porte ; il suffit d’entrer la tête haute… Ceux qui dirigent le parti conservateur farfouillent dans l’ombre, ils s’efforcent de mettre la main sur le bouton d’une porte clandestine, ils demandent s’il n’existe pas quelque couloir tortueux par lequel on se pourrait glisser. La moitié de la France crie aux membres de la droite : « Nous sommes avec vous !… » Ceux-ci, au lieu d’aller de l’avant, attirent dans des coins des êtres déshonorés comme les Ferry, les Rouvier, les Flourens et susurrent à leurs oreilles : « Hein ! voyons, est-ce qu’il n’y aurait pas moyen de s’entendre ensemble ! »

La nation qui répugne à ces trafics, se dit : « Décidément tous les parlementaires, quelle que soit leur nuance, sont immoraux au dernier degré, immoraux comme des Vénérables de Loges maçonniques. On ne tirera jamais rien d’eux. Essayons de Boulanger. »


Dire ceci, ce n’est pas agiter le fouet de Juvénal, « l’homme d’ivoire et d’or, » comme dit Victor Hugo ; ce n’est pas faire de la satire : c’est faire uniquement de la sociologie, peindre des êtres, indiquer un état d’esprit.

De nos 180 députés de la droite, il ne s’est pas détaché un homme qui ait une effigie précise. De tout ce qui a été oratoré depuis l’entrée de ces députés à la Chambre, il n’est pas resté, je ne dis pas un discours, mais un beau mot, un mot touchant, profond, cinglant, célébrant noblement des victimes, imprimant une marque indélébile sur la joue de quelque insulteur de l’Église, enfonçant dans les flancs d’un Floquet, d’un Tirard, d’un Ferry, d’un Lockroy, le trait qui fait crier à la victime : « Je suis touché ! » le trait qui pénètre davantage à mesure que le misérable s’efforce de l’arracher…

Quelques orateurs ne sont pas sans talent ; mais ils se contentent de venir, quand c’est leur tour de jouer, poser un argument à côté de l’argument de leur voisin, comme on pose un domino à la suite du domino de son adversaire : — A vous la pose, Monsieur ! — cinq et blanc.

Ces discours n’ont point de parfum à eux. Vous n’y respirez point l’odeur de la terre fraîchement remuée par la charrue, ni la senteur salubre des bois, ni les fumées de la cuvée bourguignonne, ni le goût de la pomme foulée dans le pressoir normand. Tout cela ressemble à du vin de raisin sec fabriqué par des vignerons qui seraient empaillés… Boulanger est plus vivant, il faut l’avouer. Aussitôt qu’il est quelque part, il s’élève une chanson qui s’en va mettre les rues en gaieté : « Gais et contents, le cœur à l’aise » ; une bonne vapeur de soupe aux choux monte aux narines rien qu’à entendre les Pioupious d’Auvergne.

Chez les autres, rien… « Non, Messieurs, il n’est pas juste de dire, ainsi que l’a prétendu mon honorable collègue… » Va, mon bonhomme ! si les tambours d’Augereau, ceux d’Espinasse ou ceux de Boulanger battaient tout à coup la charge dans les couloirs du Palais-Bourbon, cela ferait rudement plus plaisir à la France que de savoir ce que tu penses de ton honorable collègue, dont tu nous racontais la veille à dîner la dernière escroquerie[2].

Combien grande, au contraire, la puissance d’un mot qui traduit ce que chacun a sur les lèvres ! Les pauvres Français d’aujourd’hui sont semblables à des voyageurs qui cheminent inquiets à travers toutes les embûches et toutes les obscurités, obscuri per umbras. Quelle joie de reconnaître tout à coup, à une parole prononcée tout haut, au hasard, dans les ténèbres de la nuit, qu’il y a quelqu’un à côté d’eux, un frère qui marche sur la même route et qui pense comme eux ! Les gens n’oublient pas cela ; ils sont fidèles à celui qui leur a donné ce réconfort, qui leur a versé ce cordial ; ils disent : « Cet homme est mon ami ; il a formulé ce qui était dans mon cœur ; il a exprimé ma pensée, il l’a proférée, portée au dehors (verbum prolatum). » Ils cherchent à la première éclaircie à voir celui qui a parlé à l’heure la plus sombre :

— Est-ce vous qui… ?

— Oui, c’est moi qui…

— Eh bien ! vous pouvez vous vanter de nous avoir fait rudement plaisir.


Cette satisfaction, il est juste de déclarer que les hommes de la droite nous l’ont bien rarement donnée.

Depuis le mois d’octobre 1885, ils négocient, ou plutôt c’est M. de Mackau, « le gentilhomme intermédiaire », pour employer une expression de Louis Veuillot, qui négocie pour eux. C’est un homme excellent, d’ailleurs, mais qui a la manie de tergiverser et de politiquer toujours.

Dans un village du Forez, que j’habitais, on a ri longtemps des Bezy. Tous les jours de foire, les Bezy se mettaient en route dès le matin avec leur vache ; le père et la mère marchaient en tête, une vieille sœur suivait… A la tombée du jour on les voyait revenir avec la vache : cela dura pendant dix ans, et jamais les Bezy ne manquèrent une foire. Quel vice rédhibitoire avait la vache ? je l’ignore, ce qui est certain, c’est que les Bezy la ramenaient toujours…

C’est un peu comme nos négociateurs. Ils ont beau ouvrir la bouche de l’animal, lever la queue, dire : « C’est frais comme l’œil. » Toute l’habileté du maquignon demeure absolument inutile, et le marché ne peut jamais se conclure.

Remarquez que je ne dis pas que la vache soit mauvaise ; je constate seulement que personne n’en veut. Qu’est-ce que vous pouvez contre cela ? On n’en veut pas…

Au fond, si les hommes de la droite avaient étudié l’histoire, ils se rendraient compte que la situation est exactement la même qu’au moment de Fructidor. Rien n’est curieux, sous ce rapport, comme, la conversation de Treilhard et du général Matthieu Dumas, que nous a transmise M. de Barante dans son Histoire du Directoire.


Le général Matthieu Dumas connaissait Treilhard pour un homme qui poussait la franchise jusqu’à la brutalité.

— Vous avez par votre expérience et vos talents, lui dit-il, une grande influence sur des hommes qui vous sont très inférieurs, et je voudrais savoir ce que vous pensez de mes amis et de moi ; comment vous jugez notre conduite et pourquoi nous ne pouvons nous entendre.

— Vous êtes de très honnêtes gens, fort capables, répondit Treilhard, et je crois que très sincèrement vous voulez maintenir le gouvernement constitutionnel, parce qu’il n’y a aucun moyen, ni pour vous ni pour nous, de lui en substituer un autre ; mais nous, conventionnels, nous ne pouvons vous laisser faire : que vous le vouliez ou non, vous nous menez tout doucement à notre perte certaine. Il n’y a rien de commun entre nous.

— Quelle garantie vous faut-il donc ? répliqua le général Dumas.

— Une seule, ajouta Treilhard, après quoi nous ferons ce que vous voudrez, et vous pourrez détendre tous les ressorts. Donnez-nous cette garantie, et nous vous suivrons aveuglément.

— Et laquelle ?

— Montez à la tribune, et déclarez que, si vous aviez été membres de la Convention, vous auriez, comme nous, voté la mort du roi…[3]


La situation, encore une fois, est la même ou à peu près.

— Montez à la tribune, disent les hommes de la gauche aux hommes de la droite, reniez votre baptême. Dites que vous êtes Juifs de cœur, et que, si vous aviez été à Jérusalem il y a dix-huit cents ans, vous auriez demandé la mort du Christ…

Sans doute on peut reprocher aux députés conservateurs de manquer un peu de résolution et d’énergie ; mais il convient de dire, qu’à part deux ou trois faiseurs d’affaires, qui passent tantôt dans un camp, tantôt dans un autre, au mieux de leurs intérêts, la droite serait unanime à repousser ce marché sacrilège.

Les choses restent donc en l’état. En se ralliant franchement à la République, en renonçant à toute affirmation monarchique, ainsi que le proposait Raoul Duval, la droite aurait-elle pu se faire une place dans le gouvernement ? C’est possible ; mais, en tout cas, il aurait été nécessaire de parler franchement — ce que les hommes de la droite ne savent pas faire. Il n’est pas encore démontré, d’ailleurs, que l’accord eût pu se conclure.

Il ne faut pas oublier, en effet, que les députés de la gauche ne sont pas libres non plus : ils sont les instruments de la Franc-Maçonnerie, ils appartiennent aux Loges, et les Loges appartiennent aux Juifs.

Si la droite avait voulu négocier, elle aurait dû d’abord commencer par combattre, reconnaître au moins la place, se rendre compte de ce fait que la Maçonnerie est tout entière entre les mains des Juifs, puisque le Conseil Suprême, qui dirige tout, doit toujours compter cinq Juifs sur les neuf membres dont il se compose.

Lorsqu’on a l’intention d’assiéger une ville, il faut, autant que possible, savoir où elle est située, et, si l’on désire prendre Sébastopol, ne pas mettre le siège devant le Moulin de la Galette...

Les hommes de la droite ont toujours reculé quand il aurait été nécessaire de se mesurer avec des réalités, d’attaquer des Pouvoirs et des Autorités effectives ; ils s’en sont tenus à d’inutiles verbiages et à des manifestations à côté.


C’est la répétition, d’ailleurs, de ce qui s’est passé à l’Assemblée de Versailles.

Parmi les livres peu connus et peu lus qui donneront aux écrivains de l’Avenir la note juste sur les événements contemporains, figure un petit volume publié en province et qui porte ce titre : Mémoires politiques d’un membre de l’Assemblée constituante de 1871.

Malgré son titre un peu solennel, ce volume n’apprend rien de bien nouveau sur ce qui s’est passé à l’Assemblée. Ce n’est ni un Journal semé de notes d’humanité et d’art, comme le Journal des Goncourt ; ni un Journal vous racontant les souffrances d’une âme d’élite, en mal d’idéal, comme le Journal de Marie Bashkirzeff ; ni même un Journal rassemblant pour l’avenir les petits détails de l’histoire et colligeant pour un Tacite futur les turpitudes de nos gouvernants, comme le Journal de Fidus ; c’est un Journal purement et simplement, quelque chose comme un livre de raison d’autrefois.

C’est à ce titre seulement que ce mince volume, écrit sans nulle préoccupation artistique, est instructif à parcourir.

L’auteur, le baron de Vinols, fervent monarchiste et ferme chrétien, était un bon propriétaire du Puy, respecté de tous ses concitoyens, qui l’avaient envoyé au Conseil général. Il estima, à la fin de la guerre, qu’il serait utile peut-être de demander quelques explications à Gambetta sur la façon dont il s’était permis, lui, simple aventurier, sans mandat de personne, de faire tuer des milliers de Français et de dépenser des centaines de millions. Il communiqua cette pensée aux Auvergnats, qui l’en approuvèrent et l’expédièrent à la Chambre.

Le nouveau député se mit en route, débarqua à Bordeaux, vint à Versailles ; il coucha, en arrivant, sur le plancher, près d’un poêle ; il s’installa à Paris en hôtel meublé, il attrapa un rhume, il eut ses enfants malades, on le nomma d’une commission, il prononça un discours, on le félicita… Puis, un beau jour, l’Assemblée se sépara : n-i-ni, c’est fini. Le temps a passé comme un rêve. Qu’a-t-on fait pendant ces jours, ces mois, ces années ? Rien. On était arrivé pour sauver la France, et on la laissait livrée à l’orgie républicaine.

Et la question que le député de l’Auvergne devait poser à Gambetta ?

La question ? Il n’a jamais pu la poser ; il guettait l’occasion, il était dans la commission d’enquête, il avait la langue levée… Au dernier moment, le président, Saint-Marc Girardin, le prit à part et lui dit ce mot adorable : « Je vous engage à ne pas poser de questions à M. Gambetta ; cela pourrait amener quelque discussion. »

N’est-il pas épique, ce mot d’Orléaniste adressé à un représentant qui avait été choisi, pour sa droiture, uniquement, pour faire une besogne de justicier ?

Un fils d’Italien, qui représentait simplement les 12, 000 électeurs de Belleville qui l’avaient envoyé à la Chambre, a pu exercer pendant des mois une autorité que n’aurait pas eue un roi absolu ; il a pu contracter des emprunts, envoyer à la mort des milliers de malheureux pendant qu’il se chauffait les tibias au feu, nous empêcher de conclure une paix qui nous aurait laissé la Lorraine et nous aurait épargné deux milliards.

Saint-Marc Girardin trouve ces choses parfaitement normales, et il dit au terrien, au provincial qui souhaiterait avoir des explications : « Ne posez pas de questions, cela ne se fait pas. »

J’estime que ce simple épisode éclaire bien l’absence de tout sens moral, l’espèce d’ossification de conscience de tous ces meneurs de l’Assemblée qui nous ont conduits où nous en sommes.

Notez bien — et c’est sur ce point qu’il faut toujours insister — que cet homme qui jugeait bon que Gambetta jouît d’une irresponsabilité complète, ne fût pas même interrogé, aurait été sans pitié pour les humbles de la Commune, pour ceux qui avaient usurpé une petite fonction de rien du tout, ou qui même s’étaient contentés de tondre le pré du budget de la largeur d’une pièce de trente sous. On collait ces pauvres au mur ou on les envoyait crever à la Nouvelle-Calédonie : cela « n’amenait pas de discussion. »

Il faut lire les quelques lignes qui terminent ce récit dans le livre du baron de Vinols.

« Je partis le soir même pour Le Puy. Le lendemain matin, en déjeunant au café de la Perle à Saint-Étienne, je lus dans l’Éclaireur le compte rendu de la séance de la veille, dans laquelle, disait le journal, Gambetta avait dominé de toute sa hauteur la commission du 4 Septembre. Dans un accès de colère, j’appelle le garçon de café et lui demande de quoi écrire, pour apprendre à l’Éclaireur pourquoi la commission était restée muette devant Gambetta. Je m’arrêtai, pensant que j’allais livrer aux indiscrétions de la presse la faiblesse de notre président. »

M. de Vinols ne livra rien aux indiscrétions de la presse ; il laissa sa protestation dans l’encrier, et se contenta de régler sa consommation et de donner un pourboire au garçon qui lui avait apporté le buvard et la plume…


Ils sont tous comme cela. Il y a force braves gens parmi ces représentants dans lesquels, aux heures de crise, la France honnête et laborieuse met sa confiance ; oh les choisit parce que toute la contrée connait leur famille, depuis des siècles, pour être une famille sans tache. Ils partent dans des dispositions admirables, après avoir été prier à leur paroisse comme de bons députés d’autrefois qui, en se rendant aux États de leur province, demandaient à Dieu de bien faire leur devoir. Il leur arrive ce qui arrive aux jeunes gens qui débarquent à Paris avec un petit baluchon. Ces jeunes gens trouvent à la gare des femmes, généralement avancées en âge, qui leur disent d’un air engageant : « Vous ne connaissez pas Paris ; venez avec moi, et je vous montrerai tout… »

Les députés, en franchissant le seuil du Palais-Bourbon, trouvent des hommes qui se sont improvisés chefs et qui disent aux novices : « Vous ne connaissez pas les dédales des Assemblées et les dessous de la vie parlementaire ; venez avec moi, et je vous montrerai tout… »

Les vétérans promènent ainsi leurs recrues pendant quatre ans, ils les entraînent dans des sous-sols où l’on manipule des cuisines effroyables, ils les mêlent à toutes sortes de combinaisons, ils les empêchent de parler et d’agir. Au bout de quatre ans, les électeurs désillusionnés s’écrient : « A quoi bon nous être exposés à toutes les vexations de la part de l’administration, pour envoyer 180 députés conservateurs à la Chambre, puisqu’à eux tous ils n’ont pas eu le courage d’attaquer une seule fois ce Juif qui nous opprime, nous déshonore et nous dépouille ? »


Les conservateurs ont fini par obéir à une espèce de suggestion et par se persuader que les Juifs devaient être tenus hors de tout débat, tandis que les Chrétiens étaient créés et mis au monde pour recevoir des injures et subir des injustices.

Je puis vous citer un exemple de cette singulière disposition d’esprit. J’avais prié un des plus vaillants, un des plus éloquents d’entre nous, d’adresser une question au ministre du Commerce et des Travaux publics, ce Sémite Millaud qui a l’air d’un singe qui a avalé sa noix de coco, pour savoir de quel droit la maison Hachette avait rétabli de son autorité privée la commission de colportage abolie par la Chambre.

« Je ne vous demande pas, avais-je expliqué à mon ami, de prendre parti pour moi ; je vous demande simplement de dire ceci : « Voici des descriptions de mœurs sans nom, des histoires d’inceste, des romans comme Germinal où la Mouquette montre… ce que vous savez, sous les flamboiements du soleil couchant, des études érotiques de tout genre… Ces livres sont mis dans toutes les gares de chemin de fer, à la portée des jeunes filles qui, n’étant pas assez riches pour avoir une gouvernante, sont parfois obligées de voyager seules et achètent au hasard le volume qui s’offre à elles. La France Juive peut être contestable au point de vue de certaines théories, mais elle ne contient rien qui puisse dépraver une âme ou souiller une imagination ; l’auteur se borne à rechercher si les Rothschild ont produit assez de travail depuis cinquante ans pour avoir acquis légitimement trois milliards. Pourquoi, si les Hachette ont le droit de choisir, accueillent-ils le livre qui corrompt et défendent-ils le livre qui discute ? Pourquoi admettent-ils l’ordure et proscrivent-ils l’idée ? S’ils n’ont pas le droit de choisir, pourquoi l’usurpent-ils ? »

Jamais mon ami n’a osé poser cette question. C’est cependant un des meilleurs d’entre nous ; je l’aime toujours profondément, et je prie pour lui comme sans doute il prie pour moi. C’est un vrai Français ; et, quand je reviendrai sur ce point, qui a une grande importance pour la liberté intellectuelle, il trouvera très naturel que je plaisante un peu à ses dépens. Beaucoup de ses collègues ne sont pas comme lui ; les conservateurs se mettent en quatre pour remonter le courant et les envoyer à la Chambre. Une fois assis, ils n’entendent pas sacrifier une seule de leurs commodités mondaines, un coup de chapeau gentiment envoyé, au coin du pont de la Concorde, par un adversaire politique. Prenez-vous la liberté grande de vous gaber un peu sur cette attitude, ces messieurs ont de l’aigreur, ils se posent en méconnus. Parole d’honneur ! c’est à pouffer de rire…

Remarquez que ce qu’on demande à ces gens, qui parlent toujours de la Légion fulminante et des martyrs dans le Cirque, est à la portée des héroïsmes les plus tempérés. Je cherche en vain, pour ma part, les conséquences horrifiques qu’aurait pu avoir une protestation contre l’injustice dont j’étais victime.

Sans doute les députés de la gauche auraient un peu crié, si l’on avait publiquement affirmé qu’il n’est pas permis d’interdire la circulation d’un livre parce qu’il déplaît aux Rothschild : ils vivent du Juif et protègent qui les paye. Sans bottes, pour la plupart, il y a quinze ans, réduits à chercher la pièce de cent sous, à chasser l’indomptable, comme disait Murger, ils sont riches aujourd’hui, grâce aux financiers d’Israël, qui leur ont fait une remise sur toutes leurs opérations ; ils ont acheté un coupé avec Bône-et-Guelma, un hôtel avec les affaires tunisiennes, un château avec les conventions… Ils auraient crié, encore une fois ; mais il n’en aurait été que cela. La tribune ne se serait pas écroulée pour si peu, le plafond lumineux ne serait pas tombé sur l’orateur ; on aurait dit simplement : « Décidément les catholiques ont du bon : quand un des leurs est molesté par les Juifs, ils le défendent. »

Les députés de la droite n’osent pas ; ils subissent plus que d’autres le mal que Rochefort a appelé » la pourriture d’Assemblée ».


Quel joli tableau de comédie, avec changements à vue, on pourrait faire sur la vie parlementaire !

Après les élections :

Les députés vivent entre eux dans l’affectueuse promiscuité des lapins ; ils se passent mutuellement la casse et le séné, ils évitent tout ce qui pourrait indirectement gêner les petits trafics des collègues. Au moment des vacances, ils vont, droite et gauche panachées, visiter les petites Mauresques d’Alger ou applaudir à Tunis une danse du ventre plus audacieuse encore, dit un journal plein d’admiration, que celle des Ouled-Naïl de Biskra. Cette excursion folâtre coûte 1,200,000 francs à la France.

Après la dissolution :

La scène représente un presbytère de campagne. La lutte électorale étant terminée, le digne prêtre a fini par s’arranger à peu près avec ses ouailles ; il est relativement tranquille. Entrée du député de la droite.

Pro aris et focis ! Monsieur le curé. C’est le moment de combattre ou de mourir en défendant des croyances qui nous sont plus chères que la vie. Il faut des hommes qui montent à la tribune pour proclamer que nous sommes résolus à nous faire tuer plutôt que de céder, il faut des hommes qui se dressent devant les nouveaux barbares et leur opposent leurs poitrines. Voulez-vous m’aider à remplir cette mission ?

— Certainement… je… Qu’est-ce qu’ils ont répondu dans la dernière législature, quand ils vous ont entendu parler sur ce ton ?… Cela a dû faire un grand effet.

— La législature n’a duré que trois ans… Je n’ai pas eu le temps de faire ce que j’aurais voulu : je n’ai pris la parole qu’une fois.

— Ah ! qu’est-ce que vous avez dit ?

— C’était au moment où Goblet insultait l’Église. J’ai dit très haut : « Ces paroles sont regrettables » ; mais on n’a pas osé mettre mon interruption à l’Officiel.

— C’est fâcheux.

— Très fâcheux ! Ah ! les bandits ! les misérables ! dire qu’il suffirait d’une poignée d’hommes énergiques pour les mettre à la raison !

— Enfin, qu’est-ce que vous désirez que je fasse ?

— Que vous vous jetiez dans la mêlée avec moi…

Je gage que le prêtre se dévouera encore et fera de son mieux. Prêtres de campagne et journalistes catholiques, nous sommes de bonnes bêtes au fond. Nous nous disons bien : « Ce député manque de poil ; il n’a jamais prononcé un mot à la tribune, ni sur les Francs-Maçons, ni sur les Juifs, ni sur quoi que ce soit qui touche à une réalité quelconque ; mais enfin il finira peut-être par se manifester. »


Il serait à désirer cependant que les hommes modestes qui s’emploient si énergiquement au succès des candidatures conservatrices, interrogent un peu leurs députés, tâchent de voir s’ils comprennent ce qui est en cause, s’ils seront à la hauteur des éventualités qui approchent.

Jamais la France n’a été dans une situation plus critique. La guerre est inévitable dans un délai qui ne saurait être fort long. C’est un enfantillage, je crois, de prétendre qu’elle éclaterait plus vite avec Boulanger qu’avec un autre. Quand les banquiers juifs et Bismarck voudront la guerre, elle aura lieu.

Boulanger est-il le stratège inspiré qui doit nous donner la victoire ? Je l’ignore. Ce qui est évident, c’est qu’un soldat qui compte trente ans de service et qui a déjà reçu six blessures inspirerait toujours un peu plus de confiance aux troupes que ce pauvre cacochyme de Freycinet, qui, d’ailleurs, doit être en train de trahir Floquet au profit de Boulanger, comme il a trahi Gambetta au profit de Ferry et Ferry au profit de Floquet. Ce qui est évident également, c’est que, le régime actuel ayant soigneusement écarté et découragé tous les officiers, fussent-ils d’un exceptionnel mérite, qui étaient trop loyaux pour cacher leurs sentiments chrétiens, les autres généraux ne m’ont pas l’air d’être supérieurs à Boulanger.

Le général Ferron, soutenu chaleureusement il y a quelques mois par la presse conservatrice, était-il l’homme au décisif coup d’œil qu’il nous faudrait ? Il est permis d’en douter. Lorsqu’il était simple capitaine, il ne laissait point deviner en lui les qualités d’intuition qui font les grands commandants d’armée.

Dans le Cours d’art militaire professé en 1864 à l’École d’application et du génie de Metz par le capitaine Ferron, on lit :

« L’armée prussienne, dans laquelle le temps de service est fort court, est une organisation magnifique sur le papier ; c’est un instrument douteux pour la défensive, et qui serait fort imparfait pendant la première période d’une guerre offensive. »

Quand on écrit cela, deux ans avant Sadowa, à deux pas de la frontière allemande, qu’on n’a qu’à traverser pour aller étudier l’organisation militaire des voisins, on est atteint de myopie intellectuelle ; on peut être un officier passable, mais on ne sera jamais le chef qu’il faut pour la guerre moderne : on se rend justice, on sert dans le rang, mais on n’accepte pas un ministère.

Ce qui effraye précisément, à l’approche d’une guerre où l’intelligence jouera le principal rôle, c’est la débilité mentale de tous ceux qui sont appelés à occuper des postes importants.

Quoi ! si la guerre eût éclaté il y a quelques années, c’est le Thibaudin de la Limouzin qui, ministre de la guerre alors, aurait eu les destinées de la France entre ses mains, c’est lui qui aurait dû présider à cette organisation formidable à laquelle le génie d’un Napoléon Ier suffirait à peine !

Notre sous-chef d’État-major, après l’avertissement que nous donnait la Prusse avec le guet-apens Schœneblé, c’était ce pauvre Caffarel, vivant dans toutes les interlopies, jouet de toutes les coureuses d’affaires qui lui promettaient de lui faire escompter des billets, dupé, berné plus encore que coupable ! C’était cette cervelle en désarroi qui devait, elle aussi, combiner, préparer, dans son ensemble et dans ses détails, l’immense mouvement de la concentration ! C’était ce déséquilibré qui devait se mesurer avec ces successeurs et ces élèves de de Moltke qui depuis quinze ans méditent la prochaine campagne !


Encore convient-il de ne pas dire tout ce que l’on sait. Celui qui s’efforce d’avertir son pays des dangers qui le menacent, doit se déguiser en buisson, comme font les soldats dans certaines circonstances pour cacher leurs mouvements à l’ennemi ; s’il parlait franchement, il tomberait sous les coups de la magistrature maçonnique, qui le condamnerait impitoyablement, sans l’autoriser à faire la preuve, même quand la loi le permet.

Non seulement l’écrivain qui voudrait dire toute la vérité serait frappé impitoyablement par les tribunaux, mais il n’exercerait aucune influence sur le public. C’est l’événement inattendu, l’incident qui jaillit d’une polémique, qui seul réveille de temps en temps l’attention… Ce malheureux peuple, déjà envahi par l’algidité de la mort, regarde un instant et se rendort…

Vous auriez arrêté un passant il y a six mois et vous lui auriez dit :

— A qui le service de la Sûreté confie-t-il, à votre avis, les fonctions d’inspecteur principal de la Sûreté dans un poste comme celui d’Avricourt ?

Ce passant vous aurait répondu avec le plus tranquille optimisme :

— Évidemment, on confie ce poste à quelqu’un de particulièrement sûr. Ce sont là des fonctions exceptionnellement délicates. L’homme qui est chargé de cet emploi, est forcément initié à tous les secrets de notre service d’informations, il connaît le nom des Alsaciens-Lorrains qui nous sont fidèles, il peut jouer un rôle considérable dans un incident de frontière.

Or, il se trouve, toujours par hasard, qu’Isaïe Levaillant, qui de son vrai nom s’appelle Weill, ou Isaias Jacob, ou Rech (on n’a jamais bien su au juste) avait pris pour cette fonction un homme du nom de Kuehn (Kohn, Kahn, Cahen), qui était un simple déserteur et qui fut condamné à deux ans de prison le mois dernier ; c’est lui qui a vendu Schœneblé. On n’avait jamais songé, parait-il, à ouvrir une enquête sur ce Kuehn avant de l’employer, à s’informer des garanties qu’il pouvait présenter. Mais en voilà assez sur ce sujet : vous me comprenez...


A défaut de stratèges extraordinaires, la France avait pour elle une force énorme : elle était riche... elle aurait pu constituer un trésor de guerre plus considérable que celui de Spandau. Elle pouvait dire à la Russie : « Mettez sur pied des centaines de milliers d’hommes, battez le rappel dans toutes les steppes, faites des appels de clairon à toutes les extrémités de votre immense empire ; nous garantissons tous les emprunts. »

Maître du Parlement par la Franc-Maçonnerie, qui est tout entière entre les mains des Juifs allemands, Bismarck a trouvé moyen de nous enlever cette arme. En quelques années, les députés républicains ont augmenté notre dette de six milliards en rente consolidée, plus deux milliards en dette flottante. La France est aujourd’hui aux abois. Sans guerre nous avons plus dépensé que Napoléon Ier pour conquérir l’Europe[4]. L’invasion des républicains nous a coûté plus cher que l’invasion allemande.

A quoi ont servi ces sommes fabuleuses ? A rien. Cet argent est passé, comme on dit aux champs, « en fiente d’oiseau. »

Quel est le Français travailleur et honnête qui puisse se lever et dire : « Ce gigantesque déplacement monétaire m’a été utile, à moi ? » Quel est l’ouvrier, le facteur rural, le petit employé, qui osât m’écrire, en signant de son nom : « On a emprunté des sommes folles, mais du moins on a consacré une partie de cet argent à améliorer mon sort ? »

Ce remuement d'or n’a profité qu’aux Juifs ; et la meilleure preuve c’est que, si le facteur rural et le petit employé se trouvent toujours dans la même situation, si l’ouvrier mourant de faim frappe en vain à la porte d’usines qui se ferment partout, les Juifs que nous avons vus arriver en 1871 et en 1872, traînant la savate et vivant du commerce des lorgnettes, ont aujourd’hui les plus beaux hôtels de Paris et les chasses princières des départements. Prenez dans le Gaulois la liste des invités d’une grande fête mondaine ou des spectateurs d’une représentation extraordinaire quelconque, et demandez aux Hébreux qui figurent là au premier rang ce qu’ils avaient il y a vingt ans ! S’ils n’avaient pas et s’ils ont, il a bien fallu qu’ils prennent quelque part ce qu’ils ont…

Tant que la France a eu de l’argent, la presse républicaine au service de l’Allemagne a prêché l’amour de la paix, l’oubli des injures, le recueillement, comme on disait, dans les gloires fécondes du travail.

Quand il a été bien démontré que nous n’avions plus le sou, la même presse a commencé à surexciter les esprits : « L’Alsace-Lorraine ! Cela ne peut pas se passer comme cela ! Simperlipopette ! Nous n’avons pas peur des Allemands ! »

Les journalistes juifs d’outre-Rhin, qui s’entendent comme larrons en foire avec ceux de France ont donné la réplique : « Pour qui nous prenez-vous ? Tarteiffle ! Croyez-vous que nous ayons peur de vous[5] ? »

Si vous compreniez le Judische, le patois hébreo-germain, vous entendriez ces deux compères qui font semblant de marcher l’un sur l’autre le poing levé, se dire à l’oreille : « Cela ne va pas mal ! Qu’est-ce qu’on fait en Bourse ? »


Le crédit aurait pu nous créer des ressources à l’instant suprême. Les républicains, toujours unis à l’Allemagne, se sont arrangés pour nous enlever cette planche de salut. C’est là qu’il faut chercher l’explication de la catastrophe de l’Union générale, que Bleischrœder vint organiser lui-même à Paris avec Rothschild, grâce à la complicité de Freycinet, de Léon Say et d’Humbert.

Pour comprendre cette opération, il n’est nul besoin d’être un très fin politique ; il suffit de regarder agir Bismarck. Que fait-il au moment où la guerre semble imminente entre l’Allemagne et la Russie ? il ferme le crédit à la Russie, il chasse les valeurs russes du marché de Berlin. Que font nos ministres républicains ? En bons serviteurs de l’Allemagne, ils ruinent les banquiers français, et mettent toutes les finances nationales entre les mains d’un Juif de Francfort.

Que pouvez-vous espérer dans ces conditions ? S’il existait un second réservoir de capitaux, la lutte serait possible pour nous, nous pourrions, à un moment donné, discuter les conditions ; mais les financiers français savent ce qui les attend. Léon Say leur a dit : « Si vous essayez de vous grouper et de résister aux Rothschild, nous lâcherons sur vous un Loëw quelconque, et vous serez traduits en police correctionnelle. »

Les banquiers se sont tenus pour avertis, ils ont cédé la place de Paris aux Juifs allemands.

Ce serait de la pure folie, si ce n’était la plus vulgaire des trahisons.

Si l’on proposait à Bismarck de sacrifier les banquiers allemands à un banquier de Paris ou de Lyon, il serait pris d’un rire inextinguible qui ferait sauter tous les boutons de son uniforme de cuirassier blanc. Les Français ont une telle anémie du cerveau, qu’ils trouvent tout naturel de prendre un Juif de Francfort pour maître de nos finances, pour chef suprême du marché français.

Je ne crois pas, d’ailleurs, que la guerre éclate avant un an. Les Rothschild prétendent que nous sommes encore bons pour un milliard. Ils décideront, à force de pots-de-vin, les républicains à lancer cet emprunt, et quelques députés conservateurs auront la faiblesse de le voter, comme ils ont voté la dernière conversion. Après cet emprunt, notre affaire est réglée : nous aurons la guerre, et nous serons tellement obérés, que nous ne trouverons plus un maravédis pour la faire…

Jamais l’écrasement d’un peuple ne fut préparé avec une plus incomparable habileté, avec une prévoyance plus attentive aux moindres détails. Toutes les sources vives de la vie du pays sont attaquées.

L’agriculture se meurt : on vote à grand’peine un droit de 5 francs sur les céréales, pour permettre à nos malheureux paysans de se tirer d’affaire à la rigueur. L’année, qui s’annonçait d’abord mauvaise, devient favorable ; un peu d’espoir rentre au cœur des travailleurs des campagnes : la Graineterie française, qui, tout entière aux mains des Juifs allemands, a pris ce titre par ironie, agiote sur les blés ; une baisse se déclare, et le maigre bénéfice qu’espéraient les cultivateurs est perdu pour eux.

Ce n’est pas moi qui ai inventé cela par esprit de parti ; ce sont tous les journaux agricoles, fort étrangers aux questions de race et aux doctrines antisémitiques, qui constatent les ravages exercés par la bande juive. C’est le Franc Picard, par exemple, qui dit :


« L’auteur de la France Juive écrit-il encore dans les journaux ? Si oui, comment se fait-il que les gazettes agricoles n’aient pas reçu de M. Drumont un chapitre débordant d’actualité sur l’Agriculture juive ?

« Allons, braves agriculteurs de France ! vous avez votre terre, vous labourez, sarclez, moissonnez et même engrangez ; mais voici que le Juif veut recueillir la véritable récolte, la rente de votre terre, de vos sueurs et de vos laborieuses combinaisons. Cette malheureuse pièce de cent sous sur laquelle vous comptiez pour solder vos impôts, nourrir votre famille, améliorer vos terres, faire honneur enfin à vos affaires ; cette pièce de cent sous de surtaxe qui vous appartenait depuis longtemps à titre de restitution, eh bien ! c’est le Juif qui la happe au passage.

« Ah ! cet oiseau de proie est supérieurement habile et adroit ! Il joue à la Bourse le fruit de vos labeurs, il accapare à terme vos blés disponibles ; il fait la baisse, selon son intérêt, et, comme son intérêt du moment était à la baisse, il vous a précipité les cours du blé de 4 francs le quintal, juste à l’heure ou vous auriez eu besoin de vendre et de payer.

« Cet effondrement des cours est une calamité pour vous ; rien ne le faisait prévoir, rien ne le motivait, sinon les petites affaires, le petit métier de la Juiverie amie et protectrice de M. Ferry, de cette même République que ce Monsieur déclarait être avant tout la République des paysans,

« Vous commencez, n’est-ce pas, à comprendre dans quel sens ?

« Et dire que ce n’est là encore que le commencement, et que les gros financiers qui vous portent tant d’intérêt, se préparent à vous doter d’une jolie petite machine aspirante que l’on appellera le Crédit de l’Agriculture ! » Si l’Angleterre se déclare contre nous[6], si l’escadre allemande et l’escadre italienne bloquent nos ports et interceptent les convois d’Amérique, ou prendrez-vous votre blé, puisque les agriculteurs ruinés quittent les champs pour essayer de gagner leur vie dans les villes, et que, dans certaines régions, la moitié des terres est en friche ?


Il y a deux ans, on m’aurait répondu : « Nous avons notre flotte. » Tout le monde aurait haussé les épaules si je m’étais avisé d’écrire dans la France Juive ce que Raoul Duval expliquait au groupe de camarades qui se réunissaient aux Spartiates : « Notre flotte est au-dessous de celle d’Italie ! »

« Voyons, m’auraient dit les amis plaintifs, ne gâtez pas les excellentes choses que contient votre livre par des exagérations. Comment voulez-vous que nous en soyons là, lorsque la France, en 1882, a payé le plus énorme des budgets connus : trois milliards sept cents millions de francs ; l’Himalaya des budgets, un budget comme aucune nation n’en a jamais payé. »

La séance de la Chambre du 9 février dernier a montré jusqu’à l’évidence la vérité de ce que nous racontait Raoul Duval.

Si nous avions eu la guerre à ce moment, nous étions hors d’état de lutter avec l’Italie dans la Méditerranée : la flotte italienne nous était supérieure. Nous avions en tout quatre cuirassés à opposer aux huit cuirassés italiens. Nos côtes n’étaient pas fortifiées, nos grands arsenaux pouvaient être enlevés d’un coup de main…

— Trois milliards sept cents millions !

— Oui, Monsieur.

— Qu’est-ce qu’ils peuvent faire de tout cet argent-là ?

— Je l’ignore, mais je pense que tout n’est pas perdu. Tous les anciens ministres sont à leur aise…


La passivité avec laquelle la France, qui commence cependant à en avoir assez, a supporté toutes ces dilapidations, toutes ces trahisons, est évidemment chez une nation un signe inquiétant d’imbécillité sénile.

N’est-ce pas une nécessité que de réagir par des vérités brutales contre l’universel, le perpétuel mensonge qui fait le fond de la vie actuelle ?

Mentir pour calomnier le prêtre semble tout naturel à cette presse servile, qui n’a que des adulations pour les Juifs qui possèdent des milliards, et réserve ses injures pour l’humble desservant à 900 francs.

Chose bizarre ! cette calomnie n’indigne que médiocrement l’opinion. Les impies eux-mêmes ont une si haute conception de la grandeur du prêtre français, que la persécution semble le lot de ce sublime sacrifié. Le prêtre lui-même proteste à peine : il accepte ces outrages comme une épreuve qui le sanctifie davantage. Devant les plus monstrueuses machinations de la Franc-Maçonnerie, il se contente de répondre : Beati qui persecutionein patiuntur propter justitiam, quoniam ipsorum est regnum cœlorum.

Il serait temps que les catholiques, que les prêtres eux-mêmes vinssent dire à tous :

« Prenez garde ! ce système de mensonge général organisé dans la presse ne s’adresse pas au prêtre seul ; il s’applique à toutes les manifestations de la vie sociale du pays ; ce ne sont plus les âmes seulement, c’est l’existence même de la France, c’est la vie de vos enfants qu’il menace.

« Ferry a menti comme un drôle au moment de l’article 7, et vous n’en avez éprouvé aucun dommage direct ; vous avez dit : « Que les moines s’arrangent ! » Mais le fourbe a menti ensuite avec la même impudence quand il s’est agi de l’expédition du Tonkin, et les fils forts et vaillants que vous attendiez au village pour vous aider à faire la moisson, sont restés là-bas dans les rizières ensanglantées ; ceux qui sont tombés vivants aux mains de l’ennemi ont subi d’effroyables tortures, ils ont été affreusement mutilés, on leur a coupé les bras et les jambes, et il n’est plus resté d’eux qu’un tronc informe. Quelques-uns sont revenus en morceaux, comme le martyr que nous montre Léon Cladel dans Kin… Kin…, remuant le tronçon de sa langue arrachée pour murmurer : Frrry… Frrry… Trouvez vous que le mensonge soit aussi inoffensif que cela ?… »


Dieu veuille que, sous sa forme nouvelle, mon livre puisse aider à cette œuvre, éclairer quelques-uns de mes concitoyens ! Nous sommes au milieu des pactes et des conjurations : pour ne pas mourir, il nous faut déjouer à la fois les manœuvres de la Franc-Maçonnerie et les calculs de la Kabbale juive. Notre chère France, étrangère à tout sentiment de réalité, ensorcelée par la presse d’Israël, court au bord des précipices avec l’insouciance des somnambules. Peut-être reprendra-t-elle à temps conscience et possession d’elle-même ? peut-être aussi ne se réveillera-t-elle que lorsqu’il sera trop tard, à la clarté aveuglante des éclairs et au bruit tragique de la foudre ?

Ceux qui ont été pour la France juive des lecteurs et des amis de la première heure, peuvent attester que tout ce que j’ai dit dans cet ouvrages est réalisé point pour point. Malgré tout l’or d’Israël, aucun écrivain sérieux ne s’est levé pour réfuter mes affirmations.

Seul, un ancien trésorier payeur général est descendu dans la lice, mais il ne brilla point comme champion. Pour combattre la France juive, il se contenta d’inventer quelques récits, plus ou moins scatologiques sur Mgr Gousset, de vénérable mémoire, et de raconter l’histoire d’une femme de Vannes nommée la Jarnotte, qui, paraît-il, s’oubliait légèrement sur ses andouilles, afin de les rendre plus savoureuses…

Ainsi que l’a dit Albert Rogat dans l’Autorité, « c’est excessivement malpropre ; mais, comme réfutation de la France juive, c’est cruellemment insuffisant. »

Avec leur ordinaire mauvaise foi, les Sémites, du reste, ont constamment transporté le débat en dehors de son véritable terrain. J’avais traité la question économique et sociale, et parlé des effroyables exactions exercées par une race parasite sur le peuple qui lui avait donné l’hospitalité ; j’avais montré par quels moyens odieux et vils, par quels coups de Bourse cyniques, par quel agiotage scandaleux s’étaient constituées ces fortunes mondiales qui suffiraient à faire vivre cent mille familles : les Juifs m’ont répondu en m’accusant d’attaquer leur religion.

M. Lisbonne, président du Conseil général de l’Hérault et député aujourd’hui, ayant entonné cet air dans une lettre rendue publique, je lui ai mis sous le nez les passages de journaux juifs où des officiers français, coupables seulement d’aller à la Messe sont traités de « cléricaux », de « polichinelles de sacristie » et de « pierrots d’église », et je l’ai défié de citer rien de ce genre dans la France juive.

Si M. Zadoc-Khan, le grand rabbin, était frappé par la mort devant les rouleaux de la Thora, en récitant le schema d’Israël, je ne songerais pas à insulter ce cadavre ; et si une pareille idée me pouvait venir, tous mes amis chrétiens seraient d’accord pour me blâmer.

Les Juifs n’ont pas ces scrupules, et la mort à l'autel d’un prêtre de Jésus-Christ, d’un père omnia, comme ils disent, excite chez eux des accès d’irrésistible gaieté.


Dimanche, à Soulaincourt, écrit à la Lanterne[7] son correspondant de la Haute-Marne, au moment où il récitait ses oremus devant l'autel, notre père omnia a été subitement frappé d’une attaque d’apoplexie. Il est tombé comme foudroyé. Et ni les anges du ciel, ni les saints du paradis, ni les petits bondieux de farine qui se trouvaient près de lui, dans la bernacle, ne sont accourus pour le relever.

Les dévotes ont dû le transporter à la sacristie, et de là sur son lit.

Pauvre père omnia ! Priez pour lui, mes frères, car le Ciel l’abandonne !


Per omnia sæcula sæculorum.

— Amen.

Qui n’a été remué par cette parole, qui retentit grave et solennelle dans le sanctuaire, comme si un écho de l’Éternité répondait tout à coup à la prière des mortels éphémères, qui demain auront vécu ?

Cela fait rire les Juifs, paraît-il. Ce qui nous fait rire, nous, c’est de penser qu’on reprendra à ces pillards allemands tout l’argent qu’ils nous ont volé. Chacun rit comme il veut. De quel droit M. Léonce Raynaud et M. Lisbonne veulent-ils m’empêcher de rire ?

Per omnia sæcula sæculorum… La prière des représentants de cette Église qui a les paroles de la Vie éternelle, s’entendra encore longtemps après qu’on aura balayé tous ceux qui, en essayant de frapper les prêtres, ont été les instruments du complot maçonnique contre la France elle-même.

Où sont-ils tous ? où les Gambetta, et les Grévy, et les Paul Bert, et les Cazot ? Tous s’engloutissent dans des aventures ignominieuses ; ils ne sont pas foudroyés comme les Titans, ils glissent sur une pelure d’orange et piquent une tête dans le ruisseau. Une femme exaspérée entre dans la maison de Ville-d’Avray, et voilà Gambetta mort ! Un officier perd la tête à Lang-son, et Ferry est réduit à s’enfuir du Palais-Bourbon sur une échelle ! Cazot, le garde des sceaux, finit plus simplement dans la faillite d’une affaire véreuse. Restait Grévy, la Vertu même… On sait comment ce jurisconsulte descendit majestueusement du pouvoir.

C’est le moment cependant d’ouvrir l’œil. Quand arrivera le jour de rendre des comptes, les Républicains francs-maçons feront comme les malfaiteurs qui, afin de cacher leurs méfaits, mettent le feu à la maison qu’ils viennent de saccager : ils nous lanceront dans une guerre insensée avec d’autres Caffarelet d’autres Thibaudin.


Que nos bons prêtres ne se lassent pas d’expliquer la situation et de faire bien voir au peuple ce qui se passe.

Au quinzième siècle, la France était aussi malade qu’aujourd’hui… La chevalerie dégénérée ne pensait qu’aux fêtes, comme le high life de Paris. Les âmes désespérées étaient en proie à tous les vertiges, et les rondes infernales qu’hommes et femmes, pris de crises nerveuses, formaient spontanément à tous les carrefours, ressemblaient bien à l’espèce de trépidation générale qui entraîne, à l’heure actuelle, notre société délirante.

Les moines sauvèrent notre France. Des cloîtres sortit ce livre inspiré directement de Dieu l’Imitation, si douce, si suave, si calmante, si fortifiante aussi, qui mit un peu d’apaisement dans ce monde en désarroi. Puis les Frères prêcheurs allèrent de ville en ville et de bourgade en bourgade, relevant les esprits, et en même temps donnant des conseils pratiques, s’occupant du ravitaillement des troupes avec plus de soin que nos intendants de la dernière guerre ; ils disaient aux paysans, comme le Frère Richard, le confident de Jeanne d’Arc : « Braves gens, ne vous découragez pas, semez fèves à foison car l’armée va venir délivrer la Patrie, et il faut qu’elle puisse vivre. »

Nos prêtres ont une mission analogue à remplir : faire toucher du doigt à chacun ce qui menace le pays, expliquer que la persécution religieuse n’est que la préface du complot organisé pour la ruine de la France, montrer clairement que notre sort est entre les mains de quelques Juifs allemands, qui ne rêvent que de la gigantesque opération à faire pour la rançon de vingt milliards que la Prusse nous demandera…

Quand, dans un village, un homme intelligent aura compris, il aidera les autres à comprendre, et tous se diront : « L’instant est grave : pardonnons-nous réciproquement nos petits défauts, serrons les rangs, tenons-nous unis entre gens de même religion, entre gens de même race, entre gens dont les grands-pères et les arrière-grands-pères ont vécu et sont morts depuis des siècles sur la terre française… »


3 mai 1888.
E. D.
  1. Voir, à ce sujet, ce que dit un ancien conseiller d’État, M. Le Trésor de la Roque, l’auteur des Finances de la République, à propos des vols qui se commettent, grâce à la connivence des députés républicains, dans toutes les administrations.
      « Sous le régime nouveau, la contagion gagne tous les comptables. A Saint-Quentin, l’hospice avait des rentes au porteur dont les titres étaient déposés dans la caisse ; le receveur a vendu les titres et dérobé les fonds (206,000 fr.), tandis que les administrateurs signaient de confiance des relevés attestant la présence des titres dans la caisse. A Saint-Quentin encore, Annecy et Tarare, les soustractions commises dans les caisses d’épargne se chiffrent par centaines de mille francs (157,000 fr., 500,000 fr., 800,000 fr.). D’autres détournements étaient signalés en. même temps à Villefranche, près Nice, à Bourbon-l’Archambault. A Joigny, un commis de la recette particulière a volé plus de 600,000 francs. A Nice, le fondé de pouvoir de la Trésorerie générale a détourné 1,800,000 francs. On a volé à Montpellier, à Saint-Etienne, à Saint-Bonnet-le-Château. Notez que les voleurs étaient d’ardents républicains, comme l’était aussi dans la Dordogne ce notaire convaincu de quatre cents faux ; comme l’étaient ces notaires du Loiret, du Cantal et de Tarn-et-Garonne, qui sont partis après avoir dissipé des millions ; comme l’étaient dix-sept autres notaires conseillers généraux, d’arrondissement ou maires, francs-maçons déclarés, ardents républicains, en même temps escrocs. »
  2. On rencontre encore rue de Grenelle de vieux boutiquiers qui se souviennent de la joie expansive du quartier, lorsqu’au 2 Décembre on vit passer, entre une double haie de chasseurs à pied, les bavards de l’Assemblée qui, trouvant qu’ils n’avaient pas encore assez parlé, s’étaient réunis pour discourir à la mairie du Xe arrondissement.
      Il faut lire dans les Mémoires d’un royaliste, où éclate cependant une si inexplicable tendresse pour les corruptions du parlementarisme, l’histoire de M. de Vatimesnil, qui avait emporté au Mont-Valérien un projet de loi en je ne sais combien d’articles. « M. de Vatimesnil, raconte M. de Falloux, avait été surpris par le Deux-Décembre en pleine discussion de la loi municipale, dont il était le rapporteur. Il n’avait pris, en sortant de chez lui, d’autre bagage que son dossier pour la discussion à l’ordre du jour. Son rapport était logé dans la poche de sa redingote et dépassait son gilet comme un jabot. Les amendements gonflaient ses poches de derrière. Une fois au Mont-Valérien, il les passait en revue, comme si la discussion allait être reprise d’un moment à l’autre. »
  3. C’est au général Matthieu Dumas, raconte Taine, qu’à la veille du 18 Fructidor, un commandant offrit de faire marcher ses hommes sur le Luxembourg et d’arrêter Barras. Le général refusa.
    — Vous avez été un imbécile, lui dit Napoléon. Vous ne connaissez rien aux révolutions.
    Ce général était né pour être orléaniste.
  4. Un tableau de quelques chiffres suffira à faire comprendre les dilapidations auxquelles se sont livrés les Républicains, qui en sont arrivés à avoir un déficit de 700 millions sur le budget de 1886.
    1869. — Dépenses de toutes sortes 1.870 millions.
    Excédent des recettes sur les dépenses. 63 millions.
    1876. — (Toutes les dettes de la guerre sont payées).
    Le budget des dépenses est fixé à
    2.600 millions.
    Excédent des recettes 89 millions.
    1886. — Les divers budgets des dépenses s’élèvent à 3.600 millions.
    Excédent des dépenses sur les recettes. 700 millions.
  5. Un diplomate éminent, qui a publié, sans vouloir le signer de son nom, un petit livre plein d’observations très profondes. l’Allemagne actuelle, a bien discerné le rôle joué par la Juiverie cosmopolite dans les incidents de ces dernières années : « C’est au danger même, écrit-il, que pouvaient déterminer ces polémiques de la presse d’outre-Rhin, que l’on a reconnu l’ingérence de la Juiverie écrivailleuse et boursicotière. C’est la littérature des a reports » et les articles « à quatre d’écart dont deux » qui dominent à cette heure et cherchent à diriger les événements. L’homme qui écrirait l’histoire de la spéculation à notre époque, livrerait à l’avenir un document d’une valeur inappréciable. »
  6. Toutes ces éventualités que la presse juive, qui a pour mot d’ordre de nous laisser dans l’ignorance absolue, ne discute jamais, sont envisagées chaque jour par les journaux étrangers.
      A la date du 30 novembre dernier, la Presse de Vienne commentait longuement la nouvelle de la Gazette de Cologne, relative à l’action commune de la flotte anglaise et de celles des trois puissances alliées dans un but défensif.
      Le journal suppose que la flotte anglaise aurait pour tâche de défendre l’Italie contre la flotte française, et de soutenir l’Allemagne en cas d’une guerre avec la France ou la Russie.
      Le Weiner Tagblatt attribue les négociations entamées, d’ailleurs depuis longtemps, avec l’Angleterre, à l’échec subi par M. de Bismarck dans sa tentative de ramener le czar à de meilleurs sentiments à l’égard de l’Allemagne.
  7. Lanterne, 5 novembre 1887.