(pseudonyme, auteur inconnu)
Éditions du Vert-Logis (p. 97-119).


CHAPITRE V


Le gentleman élégant, qui s’appelait Trétoire Gaston, avait prétendu récidiver. Deux soirs de suite, il entraîna la jeune fille en un hôtel et en fut encore pour ses frais de chambre. Il n’obtenait rien que le droit d’adorer le corps juvénile de Sarah, de lui prodiguer des caresses sans nombre.

Comme Laveline, il se lassa, considérant sa conquête passagère pour une toquée.

Elle fut attristée de ce lâchage, ayant commencé à s’habituer à ces amusements puérils et délicats. Elle ne comprenait point que tous ces hommes s’entêtassent à ce point, à obtenir une conclusion différente.

Elle fut près d’une semaine à se promener mélancoliquement par les coins sombres dans l’espoir d’être accostée. Elle avait bien un sourire avenant, mais ne possédait point la pratique pour arrêter les chalands. En outre, la température fraîchissait et aux heures où elle se trouvait libre les promeneurs frileux rentraient chez eux.

Le jeudi, à la réunion familiale, elle rencontra Laveline qui la bouda. Un moment, elle avait espéré un raccommodement ; l’attitude du quinquagénaire la découragea.

Le lendemain, frileusement enveloppée d’un manteau de fourrure, elle se blottit sur un banc, priant tout bas ses dieux tutélaires de lui venir en aide. La compagnie d’un homme lui manquait maintenant, elle ne prenait plus qu’un plaisir relatif aux distractions de ses jeunes années. De même le contact des femmes ne lui causait que répugnance, elle gardait un souvenir désenchanté de sa rencontre avec Odette Laveline.

La chance, sans doute, la favorisa, un passant la considéra avec curiosité ; elle lui sourit avec tendresse. Il revint sur ses pas, la regarda encore et enfin fut s’asseoir auprès d’elle.

Dans la pénombre, il lui parut livide mais beau, d’une beauté presque tragique. En réalité, ce n’était là qu’un jeu de lumière.

Plus jeune que ses prédécesseurs, il pouvait avoir trente-cinq ans. Ses mains étaient fines, son buste svelte, son élégance bourgeoise et sobre. Sarah nota qu’il portait une alliance au médius gauche.

Ce qui lui donnait cette apparence de beauté étrange, c’étaient deux grands yeux noirs qui brillaient de fièvre.

Il regarda la jeune fille et elle frémit, baissant les yeux, subjuguée.

Cependant, ces sortes d’émotions chez elle, duraient peu, elle fit entendre un rire assourdi et l’autre l’imita inconsciemment. La glace était rompue, ils parlèrent de choses et d’autres, mais l’homme ne se décidait point à des propositions nettes.

Sarah consulta sa montre et constata avec un soupir que l’heure de rentrer approchait. Elle se leva et lui tendit la main.

— Il faut que je retourne à la maison, peut-être vous reverrai-je ici demain, à la même heure ?

Il s’inclina :

— Certainement, si j’ai le bonheur de ne pas vous ennuyer.

Ce soir-là, elle fut d’une exubérance extrême, elle se figurait enfin avoir découvert l’âme sœur, l’homme qui ne serait pas en même temps un chimpanzé. Évidemment, il ne possédait ni barbe ni moustache, mais elle commençait à s’habituer à l’absence de ces attributs de la virilité.

La journée du lendemain fut une longue suite d’heures d’impatience et de fièvre. En revanche, dès qu’elle arriva aux Champs-Élysées, elle aperçut l’élu effondré sur le banc.

Pitoyable, elle pensa :

— Il doit être malheureux, avoir des chagrins conjugaux.

Elle se trompait ; il était seulement torturé par une névrose indécise.

Quand il la vit, il se leva et lui tendit la main. Il avait la paume moite et les doigts frémissant, il souriait d’un air contraint.

À peine assise, Sarah se blottit contre lui et ne tarda pas à l’envelopper du fluide magnétique qui émanait d’elle.

Il manquait habituellement d’audace, aussi se montra-t-il brutal, profitant de ce qu’ils se trouvaient dans une demi-obscurité pour l’attirer contre lui en une étreinte osée.

Pâmée, les yeux blancs, elle bégaya :

— On ne va pas rester là, j’ai froid !

Il acquiesça et l’entraîna. Ce fut elle qui le conduisit en un hôtel que déjà elle avait repéré.

Dans la chambre tiède, elle se fit aussitôt amoureuse, se débarrassant rapidement de la robe et de la chemise encombrantes.

Lui manifestait moins d’ardeur, plutôt une sorte de timidité inquiète.

Cependant, les choses ne pouvaient traîner et le quidam, persuadé que pour réussir auprès des dames, il fallait faire acte de valeur, bouscula un tantinet la jeune fille.

Hautaine, elle le repoussa, lui insinuant que des préliminaires restaient le hors-d’œuvre nécessaire. Puis elle eut un hoquet de crainte : celui-là pouvait également être comparé à un chimpanzé. Décidément, elle n’avait pas de chance.

De tempérament ardent se cachant sous une apparence timide, il se montra réfractaire aux préparatifs.

Sarah fronça les sourcils et le repoussa. Comme il semblait dénué de toute science, elle se fit incontinent son institutrice.

Elle donnait des ordres d’une voix brève, et il obéissait, faisant de son mieux, mais revenant tout de suite à la charge.

Ce fut pour la vierge une lutte épique, il lui fallait veiller de tous les côtés à la fois.

Frémissant, il la prenait dans ses bras, prétendait la vaincre et se croyait sûr du succès au moment où elle lui échappait.

Affolé, il s’effondra sur un fauteuil et gronda :

— Mais que veux-tu donc ?

Elle lui sourit candidement et précisa ce qu’elle désirait tout d’abord.

Féroce, elle attisait sa passion par des baisers subits, des caresses fugitives, des enveloppements voluptueux, mais jamais elle ne se rendait.

Ce n’était point un combat amoureux, mais une guerre acharnée, l’homme râlait, le visage décomposé, la sueur au front, le cœur battant.

La fatigue la terrassa à son tour et, un instant, elle craignit d’être vaincue. Alors, elle le saisit d’une main ferme, lui causant une véritable souffrance.

Il s’abattit auprès d’elle, en bégayant des paroles confuses, mêlées de mots d’amour.

Preste, elle sauta du lit et commença à se revêtir ; souriante, elle l’examinait du coin de l’œil.

Il se leva à son tour et murmura :

— Tu es un vrai démon !

Quand elle eut remis sa robe, il la prit dans ses bras et la baisa aux lèvres.

— Je t’aime ! fit-il avec conviction.

Elle se cambra, la chair réveillée par cet aveu et ce baiser.

— Tu reviendras demain ? demanda-t-elle.

— Bien sûr ! promit-il. Quelle sera ma récompense ?

— On verra, suivant ton degré de sagesse !

Ils descendirent ensemble et, dehors, il héla un taxi.

— Je vais t’accompagner presque jusque chez toi… je serai ainsi plus longtemps en ta compagnie.

Cette simplicité lui arracha un rire clair, mais elle redevint aussitôt sérieuse, reprise par ce grain de romanesque qui gît dans le cœur de toute jeune fille.

— Tu as l’air malheureux ?

Un pli amer aux lèvres, il haussa les épaules :

— Je ne suis pas heureux.

— Ta femme ?

Il la considéra avec étonnement :

— Tu as deviné… oui et non… ce n’est pas elle qui me rend malheureux… elle est quelconque… c’est ce que je lui reproche, du reste. Bonne épouse, elle serait bonne mère si elle avait des enfants.

Elle fit arrêter le taxi et sauta à terre, tendant la main au compagnon d’un instant :

— Tu ne m’as pas dit ton nom ?

— Louis.

Elle inclina la tête, le brûlant de son regard ardent :

— Et moi, Sarah… Tu verras, nous serons heureux.

Sur ces mots, elle s’éloigna à grandes enjambées, la serviette sous le bras. Il la regardait pensivement, admirant sa gracieuse silhouette qui, peu à peu se perdait dans la demi-obscurité.

Au chauffeur, qui attendait, il ordonna de retourner en arrière. À la Concorde, il mit pied à terre et gagna un bar de la rue Saint-Roch où il rencontrait chaque soir le bienveillant bookmaker qui lui prenait ses paris.

Les yeux encore brillants de volupté, il confia à ce dernier :

— J’ai découvert une perle… une vierge !

L’autre railla, incrédule :

— Une vierge ! Ça n’existe plus, c’est comme les chevaux, on en voit un de temps à autre !

Il jura, convaincu :

— J’en suis certain, j’ai eu l’objet en mains…

— Alors, elle n’est plus vierge !

Il soupira avec regret :

— Hélas ! oui… un démon, mais elle n’a rien voulu savoir.

Satisfait d’avoir confié sa bonne fortune à une oreille bénévole, il partit vers d’autres cieux et, à huit heures, échouait au logis où l’attendait l’épouse devant la soupe fumante.

Louis Fontaine jouissait de quelques rentes, il s’occupait, en outre, de la vente d’automobiles et touchait parfois une forte commission. Ses relations nombreuses lui facilitaient ce genre de travail qui lui laissait comme on le pense beaucoup de liberté.

Yvonne Fontaine était une petite femme pondérée et sensible que son mari avait réussi à dévergonder à demi. Comme elle n’éprouvait que de vagues besoins, elle se livrait à des excentricités. Cependant, elle n’était jamais parvenue à satisfaire la soif d’imprévus d’un époux rongé par la névrose.

Lui, cherchait autour de lui, comme un fauve en quête d’une proie et ne découvrait que des femmes faciles qui, pour un billet de cent francs, devenaient des partenaires momentanées et impatientes surtout d’en avoir fini.

Sarah lui semblait donc un être à part ; tout d’abord, elle n’avait réclamé aucun petit cadeau, ensuite elle avait, avec ténacité, refusé le grand jeu, employant un subterfuge hardi pour le mettre hors de combat.

Décidément, elle l’intéressait ; il revint au rendez-vous le jour suivant.

Mais durant les heures qui précédèrent la rencontre, il éprouva toutes les ardeurs de la fièvre.

Par contre, Sarah demeurait relativement calme ; la somnolence qui régnait sous le toit paternel avait tôt fait d’éteindre ses ardeurs. Puis le matin, au lycée, elle avait encore interrogé une compagne assez savante pour la renseigner. Des renseignements obtenus, elle avait conclu que parmi les messieurs existait un gabarit à peu près uniforme, sauf quelques rares exceptions qu’il était impossible de reconnaître à priori sans la généralisation du nudisme intégral.

Cet état de choses la rendit songeuse et un instant elle se demanda si, parmi les dames, elle n’était pas elle-même une exception ?

Quoi qu’elle pratiquait la physique, elle admettait mal les phénomènes de distensions, malheureusement, elle n’osait avouer ses craintes aux compagnes qu’elle interrogeait. Elle gardait donc pour elle ses effrois et ses hésitations.

À quatre heures et demie, elle rejoignit donc Louis, résolue à défendre encore une virginité dont elle n’appréciait pourtant pas la valeur.

Il l’attendait avec impatience et l’entraîna immédiatement vers la tiédeur hospitalière d’une chambre d’hôtel.

Comme la veille, Sarah se montra aussitôt espiègle, envoyant par dessus sa tête et d’un geste large sa robe, puis la minuscule chemise. Décidément, combinaison et pantalon lui devenaient superflus, elle préférait les simples appareils qui laissaient plus de grâce à ses mouvements.

Quand elle fut nue, elle menaça Louis du doigt :

— Tu seras sage, sinon !

Bien qu’il fut débarrassé de son caleçon et se promenait en panais, il la dévorait des yeux, semblant se demander de quel côté il l’attaquerait afin de la surprendre sans défense.

Ce fut peine perdue ; elle s’accroupit sur le lit, en une pose qui lui était chère, les genoux à la hauteur des oreilles, chaque main tenant un pied. Et elle souriait langoureusement.

D’un doigt dominateur, elle lui indiqua ce qu’il avait à faire, et il se soumit, comprenant qu’il n’obtiendrait rien sans une docilité préalable.

Elle riait et avait des petits cris brefs qui ponctuaient les diverses phases de la sensation.

Puis elle le repoussa, le saisissant à pleines mains par sa chevelure noire et lui ordonna un autre exercice. Il obéit encore, heureux de la voir se pâmer d’aise, manifester une joie voluptueuse incontestable.

Pourtant, il se lassa et, d’un bond, fut sur le lit, la bousculant en arrière. Mais elle prévoyait toujours ces attaques brutales et il en fut pour ses frais, ne trouvant plus devant lui que des jambes étroitement liées, un ventre blanc et plat que nul tressaillement ne ridait.

Il recula, confus et se passa une main hésitante dans ses cheveux, comme pour en faire jaillir une idée. Il bafouilla seulement :

— Mais enfin…

Pour toute réponse, elle fronça les sourcils et s’allongea à plat ventre.

Cette croupe ronde et charnue semblait le narguer, les cuisses blanches rapprochées, s’étendaient rigides et d’un galbe parfait.

La voix étouffée par la couverture, elle lui cria un ordre qu’il comprit cependant et il s’exécuta, vaincu, dominé par ce sadisme étrange chez une jeune fille aussi peu experte.

Elle sauta du lit, exécuta une gambade joyeuse. L’attrapant au passage, il la serra férocement contre sa poitrine :

— Ma petite Sarah ! Je t’en prie, ne te moque pas de moi !

Elle frissonna, les paupières mi-closes, ce contact de leurs corps dénudés leur procurait une sensation voluptueuse indéfinissable. Elle sentait le désir de l’homme et savait en même temps que seule, elle était la dispensatrice de l’apaisement pour peu qu’elle le voulût. Mais elle ne le voulait pas, elle s’y refusait au contraire, commençant à trouver une satisfaction âpre dans cette exaspération masculine jamais calmée.

Elle le menaça du doigt :

— Il faut être gentil !

Une idée saugrenue lui traversa l’esprit et il dut l’exécuter immédiatement.

Elle le domptait absolument, rien que par son sourire et sa maîtrise d’elle-même. L’espoir sans cesse renaissant l’obligeait à obéir, mais ensuite, il ne recevait aucune récompense.

Enfin, elle fut secouée d’un ultime frémissement, son beau corps se crispa sur le lit.

Lui, la considérait stupéfait, ne parvenant pas à admettre qu’elle se moquait de lui. En réalité, il n’y avait en elle aucune idée de moquerie, elle agissait ainsi parce que ce procédé lui procurait la volupté et que, pour elle, nulle souffrance n’en résultait.

Les joues écarlates, les yeux embués d’une légère humidité, elle revint à lui. Il tenta de se défendre, ce fut en vain, elle ne lui rendit la liberté que lorsque tout fut terminé.

La tête basse, sans un reproche, il revint à ses vêtements et s’habilla. Elle fut prête avant lui et l’aida, maternelle et bienveillante.

Quand ils furent prêts, il l’attira contre lui et, encore une fois, murmura :

— Je t’aime ! Tu es pourtant bien cruelle !

Elle lui rendit son baiser :

— Moi aussi, je t’aime !

— Alors ?

Elle pirouetta sur les talons :

— Alors, il est l’heure de rentrer au bercail !

Comme la veille, il la reconduisit en taxi près de chez elle. Durant le trajet, ils n’échangèrent pas une parole. Sarah, enfoncée dans l’encoignure, s’abandonnait à une béatitude qui la détendait tout entière.

Lui réfléchissait ; il admettait que l’attitude de la jeune fille avait une raison logique. Vierge, elle prétendait le demeurer jusqu’au mariage, sans toutefois se priver totalement des plaisirs de la chair.

Il n’eût pas le temps de lui poser la question ce soir-là ; il ne le fit que le lendemain à leur nouvelle rencontre.

Elle fut étonnée, n’ayant jamais songé à cela ; elle affirma avec une sincérité visible que la virginité lui semblait un accessoire inutile. En revanche, elle ne put fournir aucune explication à sa rétivité lors de la minute suprême.

Ils se réunirent encore dans une chambre d’hôtel et Sarah fut encore ce qu’elle avait été jusque là. Bien mieux, ses exigences s’accroissaient, elle soumettait l’homme à un véritable esclavage sensuel, bien qu’il sût à l’avance que cette fois encore il n’obtiendrait rien.

Il acceptait cependant cette situation, perdant malgré tout un infime espoir. Il se disait avec apparence de raison qu’une heure sonnerait où la vierge serait vaincue par l’exaspération des sens.

Il ignorait que cette exaspération ne montait jamais au paroxysme chez Sarah, elle était seulement constituée par une suite de sensations juxtaposées.

Sa tendance à la domination se précisait en outre, il lui plaisait de voir le compagnon exécuter des actes qui auraient paru extraordinaires, sinon ridicules en dehors des murs discrets d’une chambre à coucher.

Les caresses, sous les formes les plus diverses, lui étaient nécessaires pour activer suffisamment la circulation de son sang et lui procurer une volupté profonde. Le moral jouait également un rôle important et elle espérait bien, avec le temps, réaliser tous les rêves extravagants qu’elle avait imaginés durant son adolescence et dans la solitude de sa chambrette.

Ce jour-là, ils se quittèrent comme la veille et se promirent de se revoir le lendemain. Ils furent tous deux exacts au rendez-vous. Louis se sentait lié par une chaîne invisible, sa soumission à l’égard des fantaisies de la gamine donnait plus de saveur à son propre plaisir.

Auprès d’elle, il oubliait le scrupule, le respect humain, voire l’hygiène ; il acceptait pourvu qu’il vit Sarah se tordre en des spasmes convulsifs et prolongés.

Ils coulèrent ainsi une semaine tumultueuse et paisible en même temps. Ils ne connaissaient le tumulte que pendant les deux heures où ils se trouvaient réunis, mais ensuite l’apaisement les détendait jusqu’au lendemain.

Lui n’avait rien de plus que le premier jour et il s’en contentait, heureux encore d’obtenir cela. Parfois, Sarah apportait une variante et le brûlait de ses lèvres ardentes. En ces sortes de choses, tout lui semblait naturel et elle ne reculait devant rien pourvu qu’on ne lui demandât point l’abandon suprême.

Aussi se montra-t-elle bientôt fort habile, écoutant les conseils de l’ami. Elle arrivait ainsi à faire vibrer à son extrême limite la lyre sensible des voluptés.

Évidemment, elle réclamait plus de services qu’elle n’en rendait, mais Louis admettait cette différence et ne se rebellait point.

Pourtant, quand il réfléchissait, après l’avoir quittée, il en revenait inconsciemment à sa première opinion :

— C’est une toquée !

Justement, ils s’entendaient parce qu’il l’était lui-même, bien qu’il l’ignorât.

Yvonne Fontaine était une épouse moderne, elle acceptait les infidélités de l’époux, à condition qu’il ne trouvât rien à redire à ses propres excentricités.

Louis se résolut donc de lui parler de Sarah, et la bonne épouse fut aussitôt intéressée. Elle réclama d’amples détails et se demanda un moment si la jeune fille ne jouissait pas, comme elle, d’un tempérament insensible aux voluptés violentes.

Cependant, les désirs de Sarah ne semblèrent pas concorder avec cette opinion et elle résolut de voir l’héroïne afin de mieux se rendre compte.

— Je te l’amènerai, promit Louis.

Ils fixèrent le jour, l’heure, afin qu’il n’y eut pas de surprise ni d’un côté ni de l’autre. Naturellement, ils choisirent un jeudi, Sarah possédant sa liberté pour une après-midi entière.

Quand Fontaine lui adressa cette proposition, Sarah éclata de rire. Cette rencontre ne la choquait pas, elle l’amusait seulement :

— Tu veux me donner une leçon… un modèle d’exercice pratique ? railla-t-elle.

Il n’y avait nullement songé.

— C’est ma femme qui désire te connaître… tu n’es presque pas une rivale pour elle !

Cette pointe acérée ne parvint même pas à la blesser.

— Du moment que cela me va ainsi, je ne vois pourquoi je changerais !

Ce fut entendu, le jeudi suivant, Louis l’attendrait, en taxi, à la place de la Concorde et la conduirait à son home.