Eugène Fasquelle (p. 212-213).

Tourment

Douceur de la féroce Afrique léonine,
La Méditerranée, au creux du pays sec,
Chante dans les goëmons roux et le varech
        Son éternel poème grec,
Et je retrouve ici son odeur féminine.

À présent je le sais, moi qui connais le loin,
Le sol colonial où la moisson abonde
Et les villes du Sud dans l’immensité blonde,
        Je l’aime plus que tout au monde,
Mon esprit et mes sens ne s’en guériront point.


Elle vient, à mes pieds, rouler comme une bête
Son grand flot possédé de la divinité.
À jamais elle se souvient d’Aphroditè
        Et d’avoir enfanté
Cette ultime coquille arrondie et secrète.

Sais-je ce que je veux ? Sais-je ce que je veux ?
Un mystère profond m’attire à son rivage.
Quand n’attendrai-je plus, dans son calme ou sa rage,
        L’apparition d’un visage
Dont je mordrais la bouche et baiserais les yeux ?

— Mer Méditerranée, ô toi, belle étrangère
Dans ta robe d’Afrique éployée au soleil.
Te boire ainsi qu’on boit une coupe de miel,
        Porter ton saphir sans pareil
Au cou, comme une pierre inouïe et légère !