La Figure de proue/Nuit sur la mer

Eugène Fasquelle (p. 209-211).

Poèmes oranais et kabyles

Nuit sur la mer

Alors que ce steamer tangue et roule sur l’eau,
Moi, bien couchée et seule en face du hublot
Qui, parmi l’ombre, épanouit son œil unique,
Je sens vivre sous moi la forme océanique.

De bâbord à tribord et d’amont en aval,
Heureuse de monter la mer comme un cheval,
Ma poitrine se gonfle et bat, car l’héroïsme
De mon âme native est à son paroxysme.

À nous le rêve obscur que nous fîmes souvent !
À nous l’ivresse, à nous l’écume, à nous le vent !
Cette nuit, je voudrais le bonheur et la rage
De mourir en riant dans l’horreur du naufrage !