Eugène Fasquelle (p. 123-124).

Ruée

Mieux que la passion, que le galop m’emporte !
Puisse plus vif encor bondir mon cœur griffé !
Je veux partir au vent, impérieuse et forte,
        Sur mon beau cheval décoiffé.

Comme je le comprends, je veux qu’il me comprenne.
Il peut violemment voler vers mon désir,
Et, du fond du danger où sa force m’entraîne,
        Me faire rire de plaisir.

C’est par lui seulement qu’à moi-même j’échappe,
Quand je fonce d’un bond sur les soirs les plus beaux,
Quand ses crins déployés claquent avec ma cape,
        Que ma rage est dans ses sabots.


Nous ferons déferler la vague furieuse
De ton triple galop d’écume, mon cheval !
Pâle, j’assourdirai d’arabe guttural
        Tes oreilles ambitieuses.

Ruons-nous ventre à terre au travers de l’été
Sans savoir vers quel but invisible je lance
Mon orgueil, ma beauté, mon rêve, ma puissance
        Et ma responsabilité !

Et quand viendra la nuit, dernière Centauresse,
Redressée et vertigineuse, ouvrant les bras,
Je saluerai d’un cri de joie et de détresse
        Les étoiles qu’on n’atteint pas.