La Femme et la démocratie de nos temps/15

CHAPITRE XV.


Et qu’on nous permette de le remarquer, quand la vieille société disait : Dieu et mon épée, elle savait bien ce qu’elle disait. La nature est la première origine des pouvoirs, ce qui n’est pas contraire à la souveraineté du peuple ; car la nation possédant les chefs dans son sein, c’est l’ensemble qui est libre et souverain en gardant chacun la place que la nature lui assigne, soit dans la foule, soit à la tête de la société. La nation est souveraine sous cette hiérarchie d’un ordre primitif, ordre qu’on établit d’abord plus ou moins justement, mais que la société atteindra de mieux en mieux avec la civilisation.

Dès qu’une civilisation quelconque est née, l’esprit s’en empare, en voit le caractère, la richesse, pose les principes et les lois. Lorsqu’après des siècles, nous venons tourner en ridicule cet échafaudage, c’est souvent faute de comprendre la profondeur de l’esprit et sa variété. Nous ne connaissons pas l’origine des sociétés ; mais nous ne pouvons pas supposer un ordre absolu pour des races diverses ni pour une espèce toujours variable, qui, de génération en génération, change de besoins et de caractères, et demande de nouvelles lois. Il faut seulement voir si les époques furent pleines.

Quand nous arrivons à une révolution morale et sociale, nous ruinons par morceaux l’ordre ancien et nous restons sur des débris sans avoir rien encore reconstruit qui vaille ce que nous devons surpasser. Alors, vainqueurs de nos pères et maîtres encore de nos enfans, nous pouvons jeter un regard en arrière, nous calmer, penser, et préparer avec sagesse des travaux nouveaux.