Albert Méricant (p. 60-69).


VI

ET FACTA EST LUX


Un peu avant onze heures, la voiture de Rastignac le jetait sur le perron de son hôtel. Comme plusieurs autres voitures stationnaient dans la cour, en passant par le salon d’attente dont était précédé son cabinet :

— Savez-vous, dit le ministre à son huissier, qui il y a chez madame.

— Il y a, je crois, madame la baronne de Nucingen, M. Deslupeaulx, M. de la Roche-Hugon, et M. et madame Franchessini.

— J’attends un député, M. de Sallenauve, dit ensuite Rastignac ; après lui, vous ne laisserez entrer qui que ce soit.

— Alors, dit l’huissier, monsieur le ministre désire que je reste jusqu’après le départ de la personne qui doit venir ?

— Oui, dit Rastignac, je ne vous renvoie pas ce soir ; il est possible que j’aie besoin de vous. M. de Restaud, ajouta-t-il, est-il chez lui ?

— Oui, monsieur le ministre, il vient de rentrer.

— Faites-lui dire de descendre à son cabinet, quand même il serait couché.

À ce moment on entendit le bruit d’une voiture. L’huissier courut à son poste, et quelques secondes plus tard il annonçait :

« M. de Sallenauve, membre de la Chambre des députés ! »

Quand, sur l’invitation du ministre, Sallenauve eut pris un siège, il dut encore subir le délai du décachetage de quelques lettres que Rastignac lui demanda la permission de parcourir. Les hommes en place ne vous font jamais grâce de la mise en scène de leurs grandes occupations, et il était écrit que le malheureux patient épuiserait jusqu’à la dernière goutte le calice de l’attente.

— Monsieur, dit enfin Rastignac en s’accoudant sur son bureau comme un homme qui prend ses aises en vue de parler longtemps, vous vous rappelez sans doute une conversation que nous eûmes ensemble chez l’Estorade, et dans laquelle je fis tous mes efforts pour vous rattacher à la politique du gouvernement.

— Parfaitement, répondit Sallenauve.

— Eh bien ! monsieur, il sera pour vous éternellement regrettable d’avoir résisté à cette impulsion ; vous aviez dans votre vie, sans que vous puissiez vous en douter, beaucoup de choses qui devaient vous faire craindre les violentes hostilités qu’on amasse toujours sur sa tête au rôle d’homme de l’opposition. Aujourd’hui, ces hostilités sont près d’éclater, et je ne dois pas vous le cacher, après la rude guerre que vous nous avez faite et qui nous a mis à deux doigts de notre perte, je n’ai pas la moindre inclination à me poser vis-à-vis de vous en adversaire généreux. Je suis, au contraire, dans la disposition de pousser à outrance nos avantages, à moins pourtant que, revenu pour nous à une conduite et à des sentiments moins malveillants, vous ne vous décidiez à désarmer.

— Avant que j’accepte la paix sur ce pied, vous aurez, je pense, la bonté, monsieur le ministre, de me faire savoir quelle est ma grande bataille perdue ?

— De tout mon cœur, monsieur. Deux mots résument la situation : vous avez un ami bien imprudent et des ennemis bien habiles et bien dangereux.

— Si j’osais vous prier, monsieur le ministre, de sortir un peu promptement des généralités et d’arriver à préciser…

— L’ami imprudent, continua Rastignac, c’est ce Bricheteau, qui après être parvenu à vous constituer une existence des plus enviables, a jugé convenable de conserver par devers lui tous les éléments nécessaires à la destruction de son édifice ; les ennemis, je ne les connais pas, mais je les soupçonne, et, dans tous les cas, leur existence m’est prouvée par l’envoi qu’ils m’ont fait ces jours-ci d’une liasse de papiers jetant sur votre passé et sur votre avenir la plus étrange lumière. N’avoir pas soi-même essayé l’exploitation de ces documents et me les avoir adressés comme à l’homme que sa position mettait le mieux en mesure d’en faire contre vous un inquiétant usage, m’a semblé un calcul très profond, et c’est là que j’ai jugé que vous aviez affaire à une attaque beaucoup mieux conduite que la sotte intrigue de la paysanne de Romilly.

— Monsieur le ministre, dit Sallenauve, vous n’êtes pas à apprendre qu’un vol considérable a été commis chez moi, il y a un peu plus d’une semaine, dans des circonstances assez exceptionnelles. Le même jour et à la même heure, des papiers, auxquels M. Bricheteau attache en effet de l’importance, ont été soustraits dans sa chambre, où ils n’étaient pas placés de manière à frapper les yeux des malfaiteurs. Votre conscience ne s’inquièterait-elle pas un peu à l’idée de faire un emploi quelconque de documents dont la communication aurait pour vous une source si impure ?

— D’abord, monsieur, répondit Rastignac, j’aurai l’honneur de vous faire remarquer que, dans la plainte déposée en votre absence par M. Bricheteau, il n’est fait aucune mention d’une soustraction de papiers. Le conseil des ministres, à raison de votre qualité de député, s’est fait soigneusement rendre compte de cette affaire, et des ordres très précis ont été donnés à la police pour que les coupables fussent poursuivis à outrance.

M. Bricheteau, répondit Sallenauve, a pu dans le premier moment ne pas s’apercevoir que des papiers placés, je le répète, en un lieu peu apparent, lui eussent été dérobés.

— Dans tous les cas, reprit le ministre, et à supposer qu’il y ait quelque corrélation à établir entre les deux natures de soustractions, le vol, dans la pensée des agents les plus experts de la police, a été commis par des malfaiteurs de profession. La manière adroite dont plusieurs meubles ont été forcés, un instrument à leur usage, dit monseigneur, retrouvé sur les lieux, tout indique une main exercée et rompue au métier. Voilà alors ce qui a dû se passer. En enlevant ces papiers, les voleurs avaient sans doute cru mettre la main sur des valeurs précieuses, des actions, des titres de rente, en sorte qu’au premier moment, lorsqu’ils se seront trouvés en présence de lettres et de papiers de famille, ils auront dû se croire eux-mêmes volés.

— Je veux admettre cela, dit Sallenauve ; mais, par là même, monsieur le ministre, vous constatez dans la possession de l’arme dont vous entendez vous servir le point de départ le moins avouable.

— Permettez, dit Rastignac, il y a ici bien de la distinction à faire. S’étant ainsi dupés eux-mêmes, vos voleurs auront voulu voir néanmoins s’il n’y avait pas un parti quelconque à tirer de cette rafle qu’ils avaient faite. Comme, à la manière dont ils ont procédé, tout annonce des gens très intelligents et des faiseurs huppés, il me paraît probable qu’en se voyant maîtres de documents intéressant un homme dont le nom, par sa grande notoriété, avait pu parvenir jusqu’à eux, ils auront fini par flairer une affaire de chantage.

— Eh bien ? fit Sallenauve.

— Eh bien ! ils se seront alors adressés à quelqu’un de ces ignobles agents d’affaires dont Paris pullule ; et, parmi ces frelons qui passent leur vie sur la limite extrême du Code pénal, ils auront facilement trouvé chaland.

— Vous le voyez bien, monsieur le ministre, dans toutes vos suppositions vous ne sauriez introduire un élément honnête.

— Mieux au courant des choses, continua Rastignac, sans se laisser détourner de sa déduction, l’acquéreur, à son tour, aura été offrir ces notes biographiques à des gens qu’il aura pu supposer animés contre vous de dispositions malveillantes ; la filière de ces sortes d’affaires est connue, et la police a, par devers elle, des milliers de cas analogues. Mais là où je trouve une habileté peu commune dans ces ennemis qui n’auront pas, eux, agi par le sentiment ignoble de la cupidité, mais par le sentiment plus relevé de la vengeance, c’est dans l’idée qu’ils ont eue de me faire parvenir, sans condition, leur envoi. Venant m’offrir ces curieuses archives, en y mettant un prix, quel qu’il fût, ces gens étaient sûrs de se voir rudement éconduits ; ma conscience m’eût expressément commandé de repousser leurs ouvertures, et peut-être même de les faire impliquer dans le procès criminel qui produira, j’ose l’espérer, l’arrestation des coupables. Mais, ces papiers venus en mes mains par une voie inconnue, par une sorte de bénéfice du hasard et de mon étoile, vous comprenez que je me sens bien plus libre, et je ne vois vraiment rien qui s’oppose à ce que j’en fasse usage. Cet usage, du reste, ne sera périlleux pour vous qu’autant qu’il vous conviendrait de pousser les choses à l’extrême ; toutes mes révélations faites, ma menace ne va pas au-delà de ceci : Prenez garde, cher monsieur, ai-je l’honneur de vous dire, j’ai quinte et quatorze, le jeu est pour moi, tâchons donc de conclure de bonne amitié.

— Je ne me permettrai pas de vous répondre, monsieur, répartit Sallenauve, que votre distinction me paraît prodigieusement subtile ; dans les choses de la conscience, chacun est à soi-même son souverain juge, et je n’ai pas à m’entremettre dans l’arrêt que vous avez rendu. Il serait de même inutile, je pense, de vous demander quels sont les gens que vous soupçonnez d’avoir pris auprès de vous le rôle officieux du hasard.

— Je m’en ferais conscience, répondit hypocritement Rastignac, qui n’en avait pas moins dit à peu près tout ce qui était nécessaire pour mettre l’affaire au compte des Beauvisage. En une matière aussi délicate, donner à mes soupçons une manifestation extérieure serait d’une imprudence extrême, je laisse à la justice à éclairer ces ténèbres ; en remontant de proche en proche, il ne me paraît pas impossible qu’elle arrive à de précieuses constatations.

— Soit, dit Sallenauve avec fermeté, passons ; vous m’avez fait l’honneur de me promettre des révélations qui, si elles ne satisfont pas ma considération, doivent au moins piquer vivement ma curiosité ; vous me voyez, quelles qu’elles soient, empressé de vous entendre.

— Monsieur, dit Rastignac, il faut d’abord constater que peu d’existences peuvent se flatter d’avoir été aussi singulières et aussi romanesques que la vôtre, et je vous avoue que, sur le point d’entrer avec vous dans une lutte que la fierté de votre caractère peut amener à devenir sérieuse, quoique bien fort et en apparence bien maître de vous, je ne suis pas sans quelque appréhension ; il y a dans votre étoile des retours si inattendus, des hausses qui baissent et des baisses qui haussent, si fréquents et si multipliés, que c’est à douter si quelque coup de fortune ne vous tirera pas encore de ce mauvais pas.

— J’aurai l’honneur de vous faire remarquer, dit Sallenauve, en s’efforçant de conserver une allure de calme et de modération, que la longueur de votre préambule a quelque chose de peu généreux ; je trouve très naturel que le chat mange la souris puisque tel est son instinct, mais je le trouve odieux quand il joue avec ses angoisses au lieu de la tuer du premier coup.

— Eh bien ! monsieur, pour aborder sans plus de circonlocutions le long exposé que j’aurai à vous faire, je dois commencer par vous dire que votre origine semblait vous destiner à jouer un grand rôle dans les fastes parlementaires, car vous êtes le petit-fils d’un grand et célèbre orateur, — Danton, — comme vous, député d’Arcis.

— Alors, dit Sallenauve, une ressemblance dont on s’est quelquefois étonné, s’explique.

— Oui et non, répliqua Rastignac ; votre descendance du grand révolutionnaire n’est pas directe et légitime. Votre père, homme remarquable à d’autres titres et dont je vous dirai le nom tout à l’heure…

— Ce ne serait pas, dans votre donnée, le marquis de Sallenauve ? interrompit vivement Sallenauve.

— Non, ce n’est pas le marquis de Sallenauve ; mais permettez-moi de poursuivre, car le fil de ma narration est difficile à tenir, et nous ne nous en tirerons qu’avec beaucoup de patience de votre part et beaucoup d’ordre de la mienne. J’avais donc l’honneur de vous dire que vous descendiez de Danton seulement par les femmes. Un meunier d’Arcis, nommé Laurent Goussard, et qui, sans le savoir, lorsqu’il s’occupait si chaudement de votre élection, travaillait tout simplement pour son petit-neveu, avait une sœur nommée Françoise Goussard, dont la beauté aussi bien que le caractère étaient remarquables. Avant que Danton se mariât, il avait eu de cette femme une fille qui, ne portant d’autre nom que le nom de sa mère s’appela Catherine Goussard, et eut l’honneur de vous mettre au monde, à Paris, dans les environs de 1809.

— Vit-elle encore ? demanda vivement le député, emporté à interrompre par un sentiment qui se conçoit.

— Oui, monsieur, répondit Rastignac, elle est encore vivante ; mais avant d’en venir au fait culminant de votre naissance, je dois insister sur quelques détails de famille.

— Enfin, reprit Sallenauve, ma mère existe, vous me l’assurez ?

— Je le crois du moins, car, à la distance qui vous sépare, bien des événements peuvent se passer qui ne soient connus en France qu’après un laps de temps assez long ; ce qu’il y a de sûr, c’est qu’elle était bien portante à la date des dernières nouvelles que l’on a eues d’elle, et ces nouvelles ne remontent pas à plus de trois mois.

— Poursuivez, monsieur, je puis maintenant apprendre beaucoup de malheurs.

— Comme je vous l’ai dit, reprit le ministre, Françoise Goussard, votre grand’mère, était une femme d’une énergie peu commune, et elle en donna la preuve à l’époque de la mort de Danton. Quand elle apprit qu’il était traduit au tribunal révolutionnaire, elle était à Arcis auprès de Laurent Goussard, élevant sa fille, votre mère, qui pouvait alors avoir quatre ans environ.

— Danton, s’écria Sallenauve, est mort en 1794 ; quatre ans à cette époque ! mais alors, monsieur, ma mère serait jeune encore ; elle n’aurait pas plus de quarante-huit ans !

— Votre calcul, répondit froidement Rastignac, me paraît fort juste ; mais, pour en revenir à votre grand’mère, aussitôt qu’elle fut avisée du danger suspendu sur la tête de l’homme qu’elle continuait d’aimer, malgré le mariage contracté peu avant par Danton, et qui mettait fin entre eux à toute espèce de relations, elle accourut à Paris, emmenant avec elle sa fille, et descendit chez une ancienne maîtresse de Marat, la fille Jacqueline Collin (voir Grandeur et misère des Courtisanes). À raison de l’amitié qui avait uni les deux grands révolutionnaires, le même sentiment se retrouvait entre ces deux femmes, dont la valeur morale, comme vous le verrez, était pourtant bien différente. Destinée à une honteuse célébrité, Jacqueline Collin, dont vous avez peut-être entendu parler, comme d’une agente matrimoniale, qui se fait aujourd’hui appeler madame Saint-Estève…

— Vous m’avez promis des révélations cruelles, dit Sallenauve en interrompant ; leur moment, je pense, doit approcher.

— Jacqueline Collin, reprit Rastignac, en sortant des bras du hideux Marat, était devenue la maîtresse d’un chimiste nommé Duvignon, qui, vers l’année 1800, fut condamné à mort pour crime de fausse monnaie, mais il ne fut pas exécuté, s’étant, à ce qu’on crut alors, donné la mort à la Conciergerie au moyen d’un poison très subtil de son invention. Née dans l’île de Java où l’art des empoisonnements passe pour être poussé à une perfection rare, Jacqueline Collin avait les plus grandes dispositions à profiter des leçons du grand maître dont elle était devenue l’Héloïse et, il paraîtrait, qu’au profit de votre grand’mère, elle fit un emploi bien étrange de ses talents. Danton condamné à mort, Françoise Goussard ne voulut plus vivre : le jour où il fut conduit à l’échafaud, elle se trouva sur son passage, portant dans ses bras sa fille qu’elle lui présenta de loin. Danton leur fit un adieu de la main avec un sourire, et le tombereau continua de rouler. Rentrée chez Jacqueline Collin, c’est votre mère qui, dans une de ses lettres, raconte ce détail, dont malgré son jeune âge elle demeura vivement frappée. Françoise Goussard demanda à son amie : — Tout est-il prêt ? — Oui, répondit Jacqueline ; mais réfléchis encore, c’est des bêtises de faire des choses comme ça pour un homme. — Donne, répondit Françoise Goussard. Jacqueline Collin apporta alors un verre dans lequel il y avait quelque chose ressemblant à de l’eau rougie. — Je te recommande ma fille, dit Françoise Goussard en embrassant Catherine, votre mère, qu’ensuite on envoya jouer. Le soir même, Françoise Goussard était allée rejoindre Danton, et elle passa pour morte d’un coup d’apoplexie.

— Mais cette mort, monsieur, dit Sallenauve, est belle comme l’antique, et si vous n’avez pas de plus mauvais souvenir à faire peser sur ma famille !

— Veuillez prendre patience. Votre mère, Catherine Goussard, fut renvoyée par Jacqueline Collin, à votre grand-oncle Laurent Goussard ; et au couvent des Ursulines, que gouvernait cette mère Marie-des-Anges qui vous a tant aidée dans votre élection, elle reçut une très bonne éducation. Arrivée à l’âge de seize ans, Catherine Goussard était devenue une belle et accorte jeune fille, qui, dans Arcis, tourna bien des têtes. Parmi ses adorateurs, deux surtout furent persévérants ; — d’une part, Jacques Bricheteau, neveu de la mère Marie-des-Anges ; après avoir fait son éducation à la maîtrise de Troyes, il était devenu organiste et maître de musique à Arcis, et donnait des leçons de chant à votre mère ; — d’autre part, le comte de Gondreville qui, ne se voyant aucun autre moyen de réussir dans sa poursuite, finit par se déterminer à l’emploi d’un moyen violent et désespéré.

— Il la fit enlever ? demanda vivement Sallenauve.

— Enlever n’est pas le mot, répondit Rastignac, il la fit détourner. Jacqueline Collin à bien d’autres industries avait joint celle de courtière en affaires de cœur. Opérant dans un monde assez élevé, elle était quelquefois venue en aide aux appétits libertins de Gondreville. Confidente de la passion que ce soupirant déjà sur le retour nourrissait pour Catherine, cette femme, qui s’est fait une renommée sans pareille dans cet affreux métier, se chargea d’attirer à Paris la pauvre enfant. Elle eut l’air de passer à Arcis, alla voir Laurent Goussard, et, exploitant adroitement les souvenirs de l’amitié qui l’avait unie à Françoise, s’insinua si bien dans l’esprit de l’honnête meunier, que, sur les instances de la jeune fille, préalablement étourdie et enivrée de l’idée d’aller à Paris, votre malheureuse mère lui fut confiée pour être placée dans le commerce, où Jacqueline Collin était censée avoir les plus belles relations.

— C’était sa perte ! s’écria Sallenauve joignant les mains avec émotion.

— Une chance de salut lui restait, reprit Rastignac ; quand il apprit que Catherine partait pour Paris, rien ne put retenir Jacques Bricheteau à Arcis…

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À ce moment, le bruit d’une vive altercation qui avait lieu dans la salle des huissiers parvint jusqu’aux oreilles des deux interlocuteurs ; il sembla à Rastignac qu’il reconnaissait la voix de Delphine Nucingen, sa belle-mère. Il alla donc à la porte de son cabinet pour avoir l’explication de tout ce tapage.

Cette porte à peine ouverte, madame de Nucingen se précipita en s’écriant :

— Il est inconcevable que la belle-mère d’un ministre, chez ce ministre même, soit exposée à de pareils affronts.

Le lecteur a compris qu’il s’agissait tout simplement d’un huissier exécutant religieusement sa consigne. Les anciennes jeunes femmes et les parvenues comme Delphine Nucingen, née Goriot, appellent cela leur faire un affront.