La Fée aux chansons

Les Ailes d’or : poésies nouvelles, 1878-1880Bibliothèque-Charpentier (p. 142-143).
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LA FÉE AUX CHANSONS

Il était une fée,
D’herbes folles coiffée,
Qui courait les buissons,
Sans s’y laisser surprendre,
En Avril, pour apprendre
Aux oiseaux leurs chansons.

Lorsque geais et linottes
Faisaient de fausses notes,
En récitant leurs chants,
La fée, avec constance,
Gourmandait d’importance
Ces élèves méchants.

Sa petite main nue,
D’un brin d’herbe menue
Cueilli dans les halliers,
Pour stimuler leur zèle,
Fouettait sur leurs ailes
Ces mauvais écoliers.

Par un matin d’automne,
Elle vient et s’étonne
De voir les bois déserts.
Avec les hirondelles,
Ses amis infidèles
Avaient fui par les airs.

Et, tout l’hiver, la fée,
D’herbe morte coiffée,
Et comptant les instants,
Sous les forêts immenses
Compose des romances
Pour le prochain printemps.