La Descendance de l’homme et la sélection sexuelle/10
CHAPITRE X
Les organes locomoteurs et souvent les organes des sens diffèrent chez les mâles et les femelles appartenant à l’immense classe des insectes ; ainsi, par exemple, les antennes pectinées et élégamment foliées que l’on trouve chez les mâles seuls de beaucoup d’espèces. Chez un éphéméride, le Cléon, le mâle a de grands yeux portés sur des piliers qui font entièrement défaut chez la femelle[1]. Les femelles de certains insectes, tels que les Mutillidées, sont dépourvues d’ocelles ; elles sont également privées d’ailes. Mais nous nous occupons principalement ici des conformations qui permettent à un mâle de l’emporter sur son rival, soit dans le combat, soit au moyen de la séduction, par sa force, par ses aptitudes belliqueuses, par ses ornements, ou par la musique qu’il peut faire entendre. Nous passerons donc rapidement sur les innombrables dispositions qui permettent aux mules de saisir la femelle. Outre les conformations complexes de l’extrémité de l’abdomen qu’on devrait peut-être considérer comme des organes sexuels primaires[2], la nature, ainsi que le fait remarquer Mr. B. D. Walsh[3], « ayant imaginé une foule d’organes divers dans le but de permettre au mâle de saisir énergiquement la femelle, » les mandibules ou mâchoires servent quelquefois à cet usage ; ainsi le Corydalis cornutus mâle (névroptère voisin des Libellules, etc.) a d’immenses mâchoires recourbées beaucoup plus longues que celles de la femelle ; ces mandibules lisses et non dentelées lui permettent de la saisir sans lui faire aucun mal[4]. Un lucane de l’Amérique du Nord (Lucanus elaphus) emploie au même usage ses mâchoires qui sont beaucoup plus grandes que celles de la femelle ; mais il s’en sert probablement aussi pour se battre. Les mâchoires des mâles et des femelles d’une guêpe fouisseuse (Ammophila) se ressemblent beaucoup, mais elles servent à des usages très-différents ; en effet, ainsi que l’observe le professeur Westwood, « les mâles extrêmement ardents se servent de leurs mâchoires qui affectent la forme d’une faucille pour saisir la femelle par le cou[5], » tandis que les femelles utilisent ces mêmes organes pour fouiller dans le sable et construire leurs nids.
Les tarses des pattes antérieures, chez beaucoup de Coléoptères mâles, sont élargis ou pourvus de larges touffes de poils ; chez diverses espèces aquatiques, ces tarses sont armés d’une ventouse plate et arrondie, de façon que le mâle puisse adhérer au corps glissant de la femelle.
Quelques Dytisques femelles présentent une
conformation bien plus extraordinaire ; les élytres portent de profonds
sillons, destinés à faciliter la tâche du mâle ; il est évident
que les touffes de poils qui garnissent les élytres de l’Acilius sulcatus
et les aspérités que présentent celles
des femelles de quelques autres Coléoptères
aquatiques, les Hydroporus,
servent au même usage[6]. Chez le Crabro cribrarius mâle (fig. 9), c’est le
tibia qui s’élargit en une large plaque
cornée, portant de petits points membraneux
qui lui donnent l’apparence
d’un crible[7]. Chez le Penthe mâle (genre
de Coléoptères), quelques segments
du milieu de l’antenne, élargis et revêtus
à leur surface inférieure de touffes
de poils ressemblant exactement à
celles qui se trouvent sur les tarses
des Carabides, « servent évidemment
au même but. » Chez les Libellules
mâles, « les appendices de l’extrémité
caudale se transforment en une variété
presque infinie de curieux appareils
qui leur permettent d’entourer et de
saisir le cou de la femelle. » Enfin, les pattes de beaucoup d’insectes
mâles sont pourvues d’épines particulières, de nœuds ou d’éperons,
ou la patte entière est recourbée ou épaissie ; mais ce n’est
pas toujours là un caractère sexuel ; quelquefois une paire ou les
trois paires de pattes s’allongent et atteignent une longueur extraordinaire[8].
Dans tous les ordres d’insectes, les mâles et les femelles de nombreuses espèces présentent des différences dont on ne comprend pas la signification. On peut citer, par exemple, un Coléoptère mâle (fig. 10), dont la mandibule gauche s’élargit considérablement, ce qui déforme entièrement la bouche.
Un autre Coléoptère Carabide,
l’Eurygnathus[9], présente un cas unique,
s’il faut en croire M. Wollaston : la tête de la femelle
est, à un degré variable, beaucoup plus
large que celle du mâle. On pourrait citer, chez
les Lépidoptères, un nombre très-grand d’irrégularités
de ce genre. Une des plus extraordinaires
est l’atrophie plus ou moins complète qui frappe
les pattes antérieures de certains papillons mâles,
dont les tibias et les tarses se trouvent réduits à
de simples tubercules rudimentaires. La nervure
et la forme des ailes diffèrent aussi chez les deux
sexes[10], comme chez l’Aricoris epitus, que M. Butler m’a montré au Muséum britannique. Certains
papillons mâles de l’Amérique du Sud portent des
touffes de poils sur les bords des ailes, et des
excroissances cornées sur les disques de la paire
postérieure[11]. M. Wonfor a prouvé que, chez plusieurs
papillons d’Angleterre, les mâles seuls
ont certaines parties recouvertes d’écailles particulières.
On a beaucoup discuté la question de savoir quel pouvait être l’usage de la lumière brillante qu’émet la femelle du ver luisant. Les mâles, les larves et même les œufs émettent une faible lumière. Quelques savants ont supposé que la lumière émise par les femelles sert à effrayer leurs ennemis, d’autres à guider les mâles vers elles. M. Belt[12] semble avoir, enfin, résolu le problème ; il a constaté que les mammifères et les oiseaux qui se nourrissent d’insectes détestent tous les Lampyrides. Ce fait vient à l’appui de l’hypothèse de M. Bates qui affirme que beaucoup d’insectes cherchent à ressembler d’assez près aux Lampyrides pour être pris pour eux, afin d’échapper ainsi à la destruction. Il croit, en outre, que les espèces lumineuses retirent de grands avantages de ce que les insectivores les reconnaissent immédiatement. Il est probable que la même explication s’applique aux Elaters dont les deux sexes sont très-lumineux. On ignore pourquoi les ailes du ver luisant femelle ne se sont pas développées ; dans son état actuel, elle ressemble beaucoup à une larve ; or, comme beaucoup d’animaux font aux larves une chasse très-active, il devient facile de comprendre qu’elle soit devenue beaucoup plus brillante et plus apparente que le mâle, et que les larves elles-mêmes aient acquis une certaine phosphorescence.
Différence de taille entre les individus des deux sexes. — Chez les insectes de tous genres, les mâles sont ordinairement plus petits que les femelles, différence qui se remarque souvent même à l’état de larve. Les cocons mâles et les cocons femelles du ver à soie (Bombyx mori) présentent à cet égard une différence si considérable qu’en France on les sépare par un procédé particulier de pesage[13]. Dans les classes inférieures du règne animal, la grosseur plus grande des femelles paraît généralement résulter de ce qu’elles produisent une énorme quantité d’œufs, fait qui, jusqu’à un certain point, est encore vrai pour les insectes. Mais le docteur Wallace a suggéré une explication plus satisfaisante. Après avoir attentivement étudié le développement des chenilles du Bombyx cynthia et du B. Yamamai, et surtout celui de quelques chenilles rabougries provenant d’une seconde couvée et nourries artificiellement, M. Wallace a pu constater « que le temps requis pour la métamorphose de chaque individu est proportionnellement plus grand selon que sa taille est plus grande ; c’est pour cette raison que le mâle, qui est plus petit et qui, par conséquent, atteint plus tôt la maturité, éclôt avant la femelle plus grande et plus pesante, car elle a à porter un grand nombre d’œufs[14]. » Or les insectes vivent très-peu de temps et sont exposés à de nombreux dangers, il est donc évidemment avantageux pour les femelles de pouvoir être fécondées le plus tôt possible. Ce but est atteint si les mâles parviennent les premiers en grand nombre à l’état adulte et se trouvent prêts pour l’apparition des femelles, ce qui résulte naturellement, ainsi que le fait observer M. A. R. Wallace[15], de l’action de la sélection naturelle. En effet, les mâles de petite taille, arrivés les premiers à maturité, procréent de nombreux descendants qui héritent de la petite taille de leurs parents mâles, tandis que les mâles plus grands parvenant plus tardivement à l’état adulte, doivent engendrer moins de descendants.
Il y a toutefois des exceptions à cette règle de l’infériorité de la taille des insectes mâles, exceptions qu’il est facile d’expliquer. La taille et la force procurent de sérieux avantages aux mâles qui luttent les uns avec les autres pour la possession des femelles ; ils doivent donc, dans ce cas, être plus grands que ces dernières, et c’est, en effet, ce que l’on observe chez les Lucanes. On connaît, cependant, d’autres coléoptères mâles qui sont plus grands que les femelles, bien qu’on n’ait point observé de luttes entre les mâles, fait dont nous ne pouvons donner l’explication ; dans quelques autres cas, chez les Dynastes et les Megasoma par exemple, il importe peu que les mâles soient plus petits que les femelles et parviennent plus promptement qu’elles à l’état adulte, car ces insectes vivent assez longtemps pour avoir amplement le temps de s’accoupler. Les Libellules mâles sont parfois aussi un peu plus gros que les femelles, ils ne sont jamais plus petits[16] ; M. Mac Lachlan assure qu’il ne s’accouplent ordinairement avec les femelles qu’au bout d’une semaine ou même d’une quinzaine, en un mot pas avant d’avoir revêtu leurs couleurs masculines propres. Les hyménoptères à aiguillon présentent le cas le plus curieux et celui qui fait le mieux comprendre les rapports complexes et faciles à méconnaître dont peut dépendre un caractère aussi insignifiant qu’une différence de taille entre les individus des deux sexes ; M. F. Smith m’apprend, en effet, que, dans la presque totalité de ce vaste groupe, les mâles, conformément à la règle générale, sont plus petits que les femelles et éclosent une semaine environ avant elles ; mais, chez les mouches à miel, les Apis mellifica, les Anthidium manicatum et les Anthophora acervorum mâles, et parmi les Fossoyeurs, les Methoca ichneumonides mâles, sont plus grands que les femelles. Cette anomalie s’explique par le fait que, chez ces espèces, l’accouplement n’est possible que pendant le vol ; les mâles doivent donc posséder beaucoup de force et une grande taille pour pouvoir porter les femelles. La taille dans ce cas a augmenté malgré le rapport ordinaire qui existe entre la taille et la période du développement, car les mâles, quoique plus grands, éclosent avant les femelles plus petites.
Nous allons maintenant passer en revue les divers ordres, et étudier, chez chacun d’eux, les faits qui peuvent nous intéresser plus particulièrement. Nous consacrerons un chapitre spécial aux Lépidoptères diurnes et nocturnes.
Ordre, Thysanoures. — Les individus qui composent cet ordre présentent, pour leur classe, une organisation très-inférieure. Ce sont de petits insectes aptères, à la couleur terne, à la tête laide et au corps presque difforme. Les individus des deux sexes se ressemblent ; mais on acquiert, en les étudiant, la preuve intéressante que, même à un degré aussi bas de l’échelle animale, les mâles font une cour assidue aux femelles. Sir J. Lubbock[17] dit en décrivant le Smynthurus luteus : « Il est fort amusant de voir ces petites bêtes coqueter ensemble. Le mâle, beaucoup plus petit que la femelle, court autour d’elle, puis ils se placent en face l’un de l’autre, avancent et reculent comme deux agneaux qui jouent. La femelle feint ensuite de se sauver, le mâle la poursuit avec une apparence de colère et la devance pour lui faire face de nouveau ; elle se détourne timidement, mais le mâle plus vif se détourne aussi et semble la fouetter avec ses antennes ; enfin, après être restés face à face pendant quelques instants, ils se caressent avec leurs antennes, et paraissent, dès lors, être tout l’un à l’autre. »
Ordre, Diptères (Mouches). — Les sexes diffèrent peu au point de vue de la couleur. D’après M. F. Walker, la plus grande différence s’observe chez le genre Bibio dont les mâles sont noirâtres ou noirs, et les femelles brun orangé obscur. Le genre Elaphomyia, découvert par M. Wallace[18] dans la Nouvelle-Guinée, est fort remarquable en ce que le mâle porte des cornes qui font défaut chez la femelle. Ces cornes partent de dessous les yeux, et ressemblent singulièrement à celles des cerfs, car elles sont ramifiées ou palmées. Chez une des espèces, elles sont aussi longues que le corps. Elles pourraient servir à la lutte, mais, comme elles ont, chez une espèce, une magnifique couleur rose, bordée de noir, avec une raie centrale plus pâle, et que ces insectes ont, en somme, un aspect très-élégant, il est plus probable que ces appendices constituent un ornement. Il est toutefois certain que certains Diptères mâles se battent, car le professeur Westwood[19] a plusieurs fois observé des combats chez quelques espèces de Tipules. Les autres Diptères mâles semblent essayer de séduire les femelles par leur musique. M. Müller[20] a observé pendant longtemps deux Eristalis mâles qui courtisaient une même femelle ; ils tournaient incessamment autour d’elle en faisant entendre un bourdonnement prolongé. Les cousins et les moustiques (Cullicidés) semblent aussi s’attirer l’un l’autre par leur bourdonnement. Le professeur Mayer a récemment constaté que les poils des antennes du mâle vibrent à l’égal d’un diapason aux sons émis par la femelle. Les poils les plus longs vibrent sympathiquement avec les notes graves et les poils courts avec les notes aiguës. Landais affirme aussi qu’il a, à maintes reprises, attiré à lui une foule de cousins en faisant entendre une note particulière. On peut ajouter que les Diptères, dont le système nerveux est si développé, ont probablement des facultés mentales plus élevées que les autres insectes[21].
Ordre, Hémiptères (Punaises des bois). – M. J. W. Douglas, qui s’est tout particulièrement occupé des espèces britanniques, a bien voulu m’indiquer leurs différences sexuelles. Les mâles de quelques espèces possèdent des ailes, les femelles sont aptères ; les sexes diffèrent par la forme du corps, des élytres, des antennes et des tarses ; mais nous ne nous arrêterons pas à ces différences, dont nous ignorons tout à fait la signification. Les femelles sont généralement plus grandes et plus robustes que les mâles. Chez les espèces britanniques et, autant que M. Douglas a pu le constater, chez les espèces exotiques, les sexes n’ont pas ordinairement des couleurs différentes ; mais, chez six espèces anglaises, le mâle est beaucoup plus foncé que la femelle ; d’autre part, une coloration beaucoup plus foncée de la femelle caractérise quatre autres espèces. Les individus des deux sexes, chez quelques espèces, sont élégamment colorés ; comme ces insectes émettent une odeur très nauséabonde, il se peut que ces couleurs brillantes servent à indiquer aux animaux insectivores qu’ils ne sont pas bons à manger. Dans quelques cas, ces couleurs semblent les protéger directement : ainsi le professeur Hoffmann m’apprend qu’il avait la plus grande peine à distinguer une petite espèce rose et verte des bourgeons du tronc des tilleuls que fréquente cet insecte.
Quelques espèces de Réduvides font entendre un bruit stridulent ; on assure que, chez le Pirates stridulus[22], ce bruit est produit par le mouvement du cou dans la cavité prothoracique. D’après Westring, le Reduvius personatus fait entendre le même bruit ; mais je n’ai aucune raison de supposer que ce soit là un caractère sexuel ; toutefois, chez les insectes non sociables, on ne peut attribuer aux organes destinés à produire des sons qu’un seul usage, c’est-à-dire l’appel sexuel.
Ordre, Homoptères. — Quiconque a erré dans une forêt tropicale doit avoir été frappé du vacarme que font les Cicadés mâles. Les femelles sont muettes, et, comme le dit le poète grec Xénarque, « heureuse la vie des cigales, car elles ont des épouses muettes. » Nous percevions distinctement, à bord du Beagle, qui avait jeté l’ancre à 500 mètres de la côte du Brésil, le bruit fait par ces insectes ; le capitaine Hancock dit qu’on peut l’entendre à la distance d’un mille. Les Grecs conservaient autrefois ces insectes en cage pour jouir de leur chant, ce que font encore aujourd’hui les Chinois, de sorte qu’il paraît être agréable à l’oreille de certains hommes[23]. Les Cicadés chantent ordinairement le jour, tandis que les Fulgorides chantent la nuit. Landois[24] affirme que le bruit que ces insectes font entendre est produit par la vibration des lèvres des spiracules mises en mouvement par un courant d’air sortant de la trachée ; mais récemment on a discuté cette opinion. Le docteur Powell[25] paraît avoir démontré que le son est produit par la vibration d’une membrane mise en mouvement par un muscle spécial. On peut voir vibrer cette membrane chez l’insecte vivant ; après la mort de l’insecte, on peut reproduire le son qu’il émet en agitant avec une épingle le muscle desséché et un peu durci. La femelle possède aussi tout cet appareil musical complexe, mais à un état de développement bien moindre que chez le mâle, et il ne sert jamais chez elle à produire un son.
À quoi sert cette musique ? Le docteur Hartman[26] fait au sujet de la Cicada septemdecim des États-Unis les remarques suivantes : « Les tambours se font maintenant entendre (les 6 et 7 juin 1851) dans toutes les directions. Je crois que ce sont les appels des mâles. Me trouvant parmi des rejetons de châtaigniers atteignant à la hauteur de ma tête, et entouré de centaines de ces insectes, j’observai les femelles qui venaient tourner autour des mâles tambourinants. » Plus loin, il ajoute : « Un poirier nain de mon jardin a, pendant cette saison (août 1868), produit environ cinquante larves de Cic. pruinosa ; j’ai plusieurs fois constaté que les femelles viennent s’abattre près d’un mâle dès qu’il pousse ses notes perçantes. » Fritz Müller m’écrit, du Brésil méridional, qu’il a souvent assisté à une lutte musicale entre deux ou trois cigales mâles, doués d’une voix particulièrement forte et placés à des distances considérables les uns des autres. Dès que l’un a fini son chant, un second commence aussitôt, et après lui un troisième, et ainsi de suite. La rivalité étant excessive entre les mâles, il est probable que les sons qu’ils font entendre n’ont pas seulement pour objet d’appeler les femelles, mais que, celles-ci ; tout comme les oiseaux femelles, se laissent attirer et charmer par le mâle dont la voix a le plus d’attraits.
Je n’ai pas trouvé chez les Homoptères d’exemple bien prononcé de différences dans l’ornementation des individus des deux sexes. M. Douglas m’apprend que chez trois espèces anglaises, le mâle est noir ou rayé de noir, tandis que la femelle revêt une teinte uniforme ou sombre.
Ordre, Orthoptères. – Dans les trois familles sauteuses appartenant à cet ordre, les Achétides ou grillons, les Locustides et les Acridides ou sauterelles, les mâles se font remarquer par leurs aptitudes musicales. La stridulation produite par quelques Locustides est si puissante qu’elle peut s’entendre la nuit à plus d’un kilomètre de distance[27] ; il existe certaines espèces dont la stridulation ne déplaît pas aux oreilles humaines, car les Indiens des Amazones les élèvent dans des cages d’osier. Tous les observateurs s’accordent à dire que ces sons servent à appeler ou à exciter les femelles muettes. Körte[28] a observé un cas intéressant chez la sauterelle émigrante de Russie ; il s’agit d’un choix exercé par la femelle au profit d’un mâle. Le mâle de cette espèce (Pachytylus migratorius), accouplé avec une femelle, témoigne de sa colère ou de sa jalousie par des stridulations, lorsqu’un autre mâle approche. Le grillon domestique, surpris la nuit, se sert de sa voix pour avertir les autres[29]. Dans l’Amérique du Nord, le Katydid (Platyphyllum concavum, un Locustide) monte, dit-on[30], sur les branches supérieures d’un arbre, et commence, dans la soirée, « son babil bruyant ; des notes rivales lui répondent, provenant d’arbres voisins, et font toute la nuit résonner les bosquets du Katy-did-she-did de ces insectes. » M. Bates dit, à propos du grillon des champs (un Achétide) européen :
« On a observé que le mâle se place dans la soirée à l’orifice de son terrier, et se met à chanter jusqu’à ce qu’une femelle s’approche de lui. Alors, aux notes sonores succède un ton plus doux, pendant que l’heureux musicien caresse avec ses antennes la femelle qu’il a captivée[31]. » Le docteur Scudder a réussi, en frottant un tuyau de plume sur une lime, à se faire répondre par un de ces insectes[32]. Von Siebold a découvert dans les deux sexes un appareil auditif remarquable, situé sur les pattes antérieures[33].
Les trois familles produisent les sons d’une manière différente. Chez les Achétides mâles, les deux élytres ont un même appareil musical, qui, chez le grillon des champs (Gryllus campestris, fig. 11) consiste, d’après Landois[34], en crêtes ou dents (st) transversales et tranchantes occupant, au nombre de 131 à 138, la surface inférieure d’une des nervures de l’élytre. Cette nervure dentelée est rapidement frottée contre une autre nervure (r) saillante, lisse et dure, qui se trouve sur la surface supérieure de l’aile opposée. Une des ailes est d’abord frottée sur l’autre, puis le mouvement se renverse. Les deux ailes se redressent un peu en même temps, ce qui augmente la sonorité. Chez quelques espèces, les élytres sont pourvues à leur base d’une plaque d’apparence talqueuse[35]. Je reproduis ici un dessin (fig. 12) représentant les dents du côté inférieur de la nervure chez une autre espèce de grillon, le Gryllus domesticus.
Le docteur Gruber[36] a démontré que ces dents se sont développées grâce à la sélection naturelle ; elles constituent une transformation des petites écailles et des poils qui recouvrent les ailes et le corps de l’insecte ; j’ai été amené à adopter la même conclusion relativement à un appareil analogue chez les Coléoptères. Le docteur Gruber a démontré, en outre, que ce développement est dû en partie au frottement d’une aile sur l’autre.
Chez les Locustides, la structure des élytres opposées diffère ; (fig. 13) ; elles ne peuvent pas, comme chez la famille précédente, s’employer indifféremment dans un sens ou dans l’autre. L’aile gauche, qui agit comme l’archet du violon, recouvre l’aile droite qui joue le rôle de l’instrument.
Une des nervures (a) de la surface inférieure de la première est finement dentelée, et vient frotter contre les nervures saillantes de la surface supérieure de l’aile opposée, ou de l’aile droite. Chez notre espèce indigène, Phasgonura viridissima, il m’a semblé que la nervure dentelée vient frotter contre le coin postérieur arrondi de l’aile opposée, dont le bord est épaissi, coloré en brun et très-aigu. On remarque sur l’aile droite, mais non sur la gauche, une petite plaque transparente comme du talc, entourée de nervures, dite le spéculum. Chez l’Ephippiger vitium, membre de la même famille, on observe une curieuse modification subordonnée ; car les élytres ont des dimensions considérablement réduites ; mais « la partie postérieure du prothorax se relève et forme une sorte de dôme au-dessus des élytres, ce qui a probablement pour effet de contribuer à l’intensité du son[37]. »
On observe donc chez les Locustides, qui comprennent, je pense, les exécutants les plus puissants de l’ordre, une différenciation et une spécialisation de l’appareil musical, plus grandes que chez les Achétides, où les deux élytres ont la même structure et remplissent la même fonction[38]. Toutefois Landois a trouvé chez un Locustide, le Decticus, une rangée courte et étroite de petites dents, simples rudiments, occupant la surface inférieure de l’élytre droite, qui est sous-jacente à l’autre et ne sert jamais comme archet. J’ai observé la même conformation rudimentaire sur la surface inférieure de l’élytre droite du Phasgonura viridissima. Nous pouvons donc conclure avec certitude que les Locustides descendent d’une forme chez laquelle, comme chez les Achétides existants, les surfaces inférieures des deux élytres étaient pourvues de nervures dentelées, et pouvaient indifféremment servir d’archet ; mais, chez les Locustides, les deux élytres se sont graduellement différenciées et perfectionnées, en vertu du principe de la division du travail, et l’une fonctionne exclusivement comme archet, et l’autre comme violon. Le docteur Gruber partage la même opinion ; il a démontré que les dents rudimentaires se trouvent ordinairement à la surface inférieure de l’aile droite. Nous ignorons l’origine de l’appareil plus simple des Achétides, mais il est probable que les parties formant la base des élytres se recouvraient autrefois, et que le frottement des nervures provoquait un son discordant, qui rappelle celui que produisent actuellement les femelles au moyen de leurs élytres[39]. Un bruit de ce genre, accidentellement produit par les mâles, a donc pu, s’il leur a rendu le moindre service comme appel d’amour, se développer au moyen de la sélection sexuelle, par la conservation continue des variations propres à augmenter la dureté des nervures.
Dans la troisième et dernière famille, celles des Acridides ou sauterelles, la stridulation est produite d’une manière très-différente, et n’est pas, d’après le docteur Scudder, si aiguë que dans les familles précédentes. La surface interne du fémur (fig. 14, r) est pourvue d’une rangée longitudinale de petites dents élégantes, en forme de lancettes élastiques, au nombre de 85 à 93, qui frottent sur les nervures saillantes des élytres, et font vibrer et résonner ces dernières[40].
Harris[41] affirme que lorsque le mâle veut émettre des sons, il « replie d’abord l’extrémité de la patte postérieure, de manière à la loger dans une rainure de la surface inférieure de la cuisse, rainure destinée à la recevoir, puis il meut vigoureusement la jambe de haut en bas. Il ne fait pas marcher les deux instruments simultanément, mais l’un après l’autre, en alternant. » Chez beaucoup d’espèces, la base de l’abdomen présente une grande excavation qu’on croit devoir jouer le rôle de boîte résonnante. Chez les Pneumora, genre de l’Afrique méridionale appartenant à cette même famille (fig. 15), on observe une nouvelle et remarquable modification, qui consiste, chez les mâles, en une petite crête entaillée faisant obliquement saillie de chaque côté de l’abdomen ; la partie postérieure des cuisses frotte contre cette saillie[42]. Comme le mâle est pourvu d’ailes, organes dont la femelle est privée, il est singulier que le frottement des cuisses ne s’exerce pas, comme d’habitude, contre les élytres ; mais cela provient peut-être de la petitesse inusitée des pattes postérieures. Je n’ai pas pu examiner la surface interne des cuisses, qui, à en juger par analogie, doit être finement dentelée. Les espèces de Pneumora ont été plus profondément modifiées pour produire la stridulation mieux qu’aucun autre insecte orthoptère ; tout le corps du mâle, en effet, semble converti en un instrument de musique, car il est tout gonflé d’air, ce qui lui donne l’aspect d’une vessie transparente, et augmente la sonorité. M. Trimm m’apprend que, au cap de Bonne-Espérance, ces insectes font, pendant la nuit, un bruit effrayant.
Les femelles, dans les trois familles dont nous venons de parler, sont presque toujours privées d’un appareil musical. Il est, toutefois, quelques exceptions à cette règle, car le docteur Gruber a démontré que les deux sexes de l’Ephippiger vitium sont pourvus de cet appareil, bien que les organes du mâle diffèrent dans une certaine mesure de ceux de la femelle. Nous ne pouvons donc supposer qu’ils aient été transmis du mâle à la femelle, comme l’ont été les caractères sexuels secondaires chez tant d’autres animaux. Ils ont dû se développer de façon indépendante chez les deux sexes, qui, sans aucun doute, s’appellent réciproquement pendant la saison des amours. Chez la plupart des autres Locustes, sauf le Decticus d’après Landois, les femelles possèdent les rudiments des organes stridulants propres au mâle, qui les leur a probablement transmis. Landois a aussi trouvé des rudiments analogues à la surface inférieure des élytres des Achétides femelles, et sur les fémurs des Acridides femelles. Enfin, les Homoptères femelles possèdent un appareil musical, mais à l’état inerte. Nous rencontrerons, d’ailleurs, dans d’autres divisions du règne animal, de nombreux exemples de conformations propres au mâle qui se trouvent à l’état rudimentaire chez la femelle.
Landois a constaté un autre fait important : chez les Acridides femelles, les dents des fémurs, qui produisent la stridulation, demeurent, pendant toute la vie de l’insecte, dans le même état que celui qu’elles affectent lors de leur apparition chez les larves des individus des deux sexes. Chez les mâles, au contraire, elles acquièrent leur développement complet et leur conformation parfaite, lors de la dernière mue, lorsque l’insecte parvenu à l’état adulte est prêt à reproduire.
Les faits qui précèdent nous permettent de conclure que les Orthoptères mâles emploient des moyens très-divers pour produire les sons, et que ces moyens diffèrent absolument de ceux qu’emploient les Homoptères pour arriver au même but[43]. Le règne animal nous offre, d’ailleurs, de nombreux exemples analogues ; il semble que la nature utilise les changements multiples que subit dans le cours des temps l’ensemble de l’organisation, et à mesure que les parties varient les unes après les autres, qu’elle profite de ces variations différentes pour arriver à un même but général. La diversité des moyens employés pour produire les sons, chez les trois familles d’Orthoptères et chez les Homoptères, explique toute l’importance qu’ont, pour les mâles, ces conformations qui leur servent à appeler et à séduire les femelles. Les modifications que les Orthoptères ont subi sous ce rapport n’ont rien qui doive nous surprendre, car nous savons maintenant, grâce à la remarquable découverte du docteur Scudder[44], qu’il y a eu pour cela un temps plus que suffisant. Ce naturaliste a récemment trouvé, dans la formation devonienne du Nouveau-Brunswick, un insecte fossile pourvu « du tympan bien connu ou appareil de stridulation des Locustides mâles. » Bien que, à tous égards, cet insecte se rapproche des Névroptères, il paraît relier, comme cela arrive si souvent chez les formes très-anciennes, les deux ordres voisins des Névroptères et des Orthoptères.
J’ai peu de choses à ajouter sur les Orthoptères. Quelques espèces sont très-belliqueuses : lorsque deux grillons mâles (Gryllus campestris) sont enfermés dans une même cage, la mort seule de l’un des deux adversaires met fin à la lutte. On dit que les Mantis manœuvrent leurs membres antérieurs, qui affectent la forme d’un sabre, comme les hussards manœuvrent leur arme. Les Chinois gardent ces insectes dans de petites cages de bambou, et les font se battre comme on fait battre des coqs de combat[45]. Certains Locustides exotiques affectent des couleurs magnifiques ; les ailes postérieures sont teintées de rouge, de bleu et de noir ; mais les individus des deux sexes, dans l’ordre entier, diffèrent rarement au point de vue de la coloration, et il est douteux qu’ils doivent ces teintes brillantes à la sélection sexuelle. Ces couleurs très-brillantes peuvent être utiles à ces insectes comme moyen de sécurité. C’est, en effet, un avertissement pour leurs ennemis qu’ils sont désagréables au goût. Ainsi, on a observé[46] que les oiseaux et les lézards refusaient invariablement de manger un criquet indien affectant des couleurs brillantes. On connaît toutefois dans cet ordre quelques cas de colorations diverses provenant de différences sexuelles. Le mâle d’un criquet américain[47] est blanc d’ivoire, tandis que la femelle varie du blanc presque pur au jaune verdâtre. M. Walsh affirme que le mâle adulte du Spectrum femoratum (une Phasmide) « affecte une couleur brun-jaunâtre chatoyante ; la femelle adulte est brun opaque cendré sombre ; et les jeunes des deux sexes sont verts. » Enfin, je puis ajouter que le mâle d’une curieuse espèce de criquet[48] est pourvu « d’un long appendice membraneux qui lui tombe sur la face comme un voile, » mais on ignore absolument l’usage de cette conformation.
Ordre, Névroptères. — Nous n’avons guère ici à nous occuper que de la coloration. Les individus des deux sexes, chez les Éphémérides, présentent souvent de légères différences dans les teintes obscures dont ils sont revêtus[49] ; mais il est peu probable que ces légères variations soient de nature à rendre les mâles plus attrayants aux yeux des femelles. Les Libellulides affectent des teintes métalliques splendides, vertes, blanches, jaunes et vermillon, et les sexes diffèrent souvent. Ainsi, comme le fait remarquer le professeur Westwood[50], les mâles de certains Agrionides, « sont beau bleu à ailes noires, tandis que les femelles sont beau vert à ailes incolores ». Chez l’Agrion Ramburii ces couleurs se trouvent précisément renversées chez les deux sexes[51]. Chez les Hæterina, genre très répandu dans l’Amérique du Nord, les mâles seuls portent, à la base de chaque aile, une superbe tache carmin. Chez l’Anax junius mâle, la partie qui forme la base de l’abdomen est bleu outre-mer éclatant, et vert végétal chez la femelle. Chez le genre voisin, des Gomphus, et chez quelques autres, la coloration diffère peu chez les individus des deux sexes. D’ailleurs on rencontre fréquemment des cas analogues dans tout le règne animal, c’est-à-dire que les individus des deux sexes appartenant à des formes très voisines présentent entre eux de grandes ou de légères différences, ou se ressemblent absolument. Bien qu’il y ait chez beaucoup de Libellules une si grande différence de coloration entre les sexes, il est souvent difficile de dire lequel est le plus brillant ; en outre, la coloration ordinaire des deux sexes peut être précisément renversée comme nous venons de le voir chez une espèce d’Agrion. Il est peu probable que, dans aucun cas, ces couleurs aient été acquises comme moyen de sécurité. Ainsi que me l’écrit M. Mac Lachlan, qui a beaucoup étudié cette famille, les Libellules, — les tyrans du monde des insectes, — sont moins sujets que tous autres à être l’objet des attaques des oiseaux et d’autres ennemis. Il croit que leurs vives couleurs servent à l’attraction sexuelle. Il faut remarquer, à ce sujet, que quelques couleurs particulières semblent exercer une puissante attraction sur certaines Libellules. M. Patterson[52] a observé que les espèces d’Agrionides, dont les mâles affectent la couleur bleue, viennent se poser en grand nombre sur le flotteur bleu d’une ligne de pêche, tandis que les couleurs blanches brillantes attirent tout particulièrement deux autres espèces.
Schelver a, le premier, observé un fait intéressant ; les mâles de plusieurs genres appartenant à deux sous-familles ont, au moment où ils sortent de la chrysalide, exactement les mêmes couleurs que les femelles, mais, au bout de quelque temps, leur corps prend une teinte remarquable bleu laiteux, due à l’exsudation d’une sorte d’huile, soluble dans l’éther et dans l’alcool. M. Mac Lachlan croit que ce changement de couleur n’a lieu chez le mâle de la Libellula depressa que quinze jours environ après la métamorphose, alors que les sexes sont prêts à s’accoupler.
Certaines espèces de Neurothemis, selon Brauer[53], présentent un cas curieux de dimorphisme : quelques femelles, en effet, ont les ailes réticulées à la manière ordinaire, tandis que d’autres les ont « très-richement réticulées comme chez les mâles des mêmes espèces. » Brauer explique le fait « par les principes de Darwin, en supposant que le réseau serré des nervures est un caractère sexuel secondaire chez les mâles, qui a été abruptement transmis à quelques femelles, au lieu de l’être à toutes ainsi que cela arrive ordinairement. » M. Mac Lachlan me signale un autre cas de dimorphisme qu’on rencontre chez plusieurs espèces d’Agrion ; on trouve, en effet, un certain nombre d’individus, exclusivement des femelles, qui affectent une teinte orangée. C’est probablement là un cas de retour, car, chez les vraies Libellules, lorsque les sexes diffèrent au point de vue de la couleur, les femelles sont toujours orangées ou jaunes, de sorte que, si on suppose que l’Agrion descend de quelque forme primordiale revêtue des couleurs caractéristiques sexuelles des Libellules typiques, il ne serait pas étonnant qu’une tendance à varier dans cette direction persistât chez les femelles seules.
Bien que les Libellules soient des insectes grands, puissants et féroces, M. Mac Lachlan n’a pas observé de combats entre les mâles, sauf chez quelques petites espèces d’Agrion. Dans un autre groupe très-distinct appartenant à cet ordre, les Termites ou fourmis blanches, on voit, à l’époque de l’essaimage, les individus des deux sexes courir de tous côtés, « le mâle poursuit la femelle, quelquefois deux mâles poursuivent une même femelle et se disputent avec ardeur le prix du combat[54] »
L’Atropos pulsatorius fait, dit-on, avec ses mâchoires un bruit auquel répondent d’autres individus[55].
Ordre, Hyménoptères, — M. Fabre[56] a observé avec le plus grand soin les habitudes du Cerceris, insecte qui ressemble à la guêpe ; il fait remarquer « que les mâles entrent fréquemment en lutte pour la possession d’une femelle, spectatrice indifférente du combat qui doit décider de la supériorité de l’un ou de l’autre ; quand le combat est terminé, elle s’envole tranquillement avec le vainqueur. » Westwood[57] dit avoir vu des Tenthrédinées mâles « qui, à la suite d’un combat, sont restés engagés par la mâchoire sans pouvoir se dégager. » M. Fabre a constaté que les Cerceris mâles cherchent à s’assurer la possession d’une femelle particulière ; il est indispensable de rappeler à cet égard que les insectes appartenant à cet ordre ont la faculté de se reconnaître, après de longs intervalles de temps, et s’attachent profondément l’un à l’autre. Ainsi, Pierre Huber, dont on ne peut mettre l’exactitude en question, affirme que des fourmis, séparées pendant quatre mois de leur fourmilière, mises en présence de leurs anciennes compagnes, se reconnurent et se caressèrent mutuellement avec leurs antennes. Étrangères, elles se seraient battues. En outre, lorsque deux tribus se livrent bataille, il arrive que, dans la mêlée, des fourmis appartenant au même parti s’attaquent quelquefois, mais elles ne tardent pas à s’apercevoir de leur erreur et se consolent réciproquement[58].
On constate fréquemment dans cet ordre de légères différences de coloration suivant le sexe, mais les différences considérables sont rares, sauf dans la famille des abeilles ; cependant les mâles et les femelles de certains groupes affectent des couleurs si brillantes, — les Chrysis, par exemple, chez lesquels prédominent le vermillon et les verts métalliques, — que nous sommes tentés d’attribuer cette coloration à la sélection sexuelle. Les Ichneumonides mâles, d’après M. Walsh[59], affectent presque toujours des couleurs plus claires que les femelles. Les Tenthrédinides mâles, au contraire, sont généralement plus foncés que les femelles. Chez les Siricidés, les sexes diffèrent fréquemment ; ainsi le Sirex juvencus mâle est rayé d’orange, tandis que la femelle est pourpre foncé ; mais il est difficile de dire lequel des deux sexes est le plus orné. Le Tremex columbæ femelle est beaucoup plus brillamment coloré que le mâle. M. F. Smith assure que les mâles de plusieurs espèces de fourmis sont noirs, tandis que les femelles sont couleur brique.
Dans la famille des abeilles, surtout chez les espèces solitaires, la coloration des individus des deux sexes diffère souvent. Les mâles sont généralement les plus brillants, et, chez les Bombus et chez les Apathus, revêtent des teintes plus variées que les femelles. L’Anthophora retusa mâle est d’un beau brun fauve éclatant, tandis que la femelle est toute noire ; chez plusieurs espèces de Xylocopa, les mâles sont jaune clair et les femelles noires. D’un autre côté, chez quelques espèces, chez l’Andraena fulva, par exemple, les femelles affectent des couleurs beaucoup plus brillantes que les mâles. Il n’est guère possible d’attribuer ces différences de coloration à ce que les mâles sont dépourvus de moyens de défense et ont, par conséquent, besoin d’un moyen de protection, tandis que les femelles sont pourvues d’aiguillons. H. Müller[60], qui a étudié avec tant de soin les habitudes des abeilles, attribue en grande partie ces différences de couleurs à la sélection sexuelle. Il est certain que les abeilles reconnaissent les couleurs. Müller a constaté que les mâles recherchent avidement les femelles et luttent les uns avec les autres pour s’en emparer. Il attribue à ces combats la grandeur des mandibules du mâle qui, chez certaines espèces, sont plus développées que celles de la femelle. Dans quelques cas, les mâles sont beaucoup plus nombreux que les femelles, soit au commencement de la saison, soit à toutes les époques et dans tous les lieux, soit dans certaines localités seulement ; dans d’autres cas, au contraire, les femelles sont plus nombreuses que les mâles. Chez quelques espèces, les femelles semblent choisir les plus beaux mâles ; chez d’autres, au contraire, les mâles choisissent les plus belles femelles. Il en résulte que, dans certains genres (Müller, p. 42), les mâles de diverses espèces diffèrent beaucoup au point de vue de l’aspect extérieur, tandis qu’il est presque impossible de distinguer les femelles ; le contraire se présente dans d’autres genres. H. Müller croit (p. 82) que les couleurs obtenues par un sexe, grâce à la sélection sexuelle, ont souvent été transmises dans une certaine mesure à l’autre sexe, de même que l’appareil destiné à recueillir le pollen, appareil propre à la femelle, a été souvent transmis au mâle bien qu’il lui soit absolument inutile[61].
Le Mutilla Europæa fait entendre un bruit strident, et Goureau[62] affirme que les deux sexes possèdent cette aptitude. Il attribue le son au frottement du troisième segment de l’abdomen contre le segment précédent ; je me suis assuré, en effet, que ces surfaces portent des projections concentriques très-fines, mais il en est de même du collier thoracique saillant sur lequel s’articule la tête, et qui, gratté avec la pointe d’une aiguille, émet le même son. Il est assez surprenant que les deux sexes aient la faculté de produire ces sons, car le mâle est ailé et la femelle aptère. On a constaté que les abeilles expriment certaines émotions telles que la colère, par le ton de leur bourdonnement. H. Müller (p. 80) affirme que les mâles de quelques espèces font entendre un bourdonnement particulier quand ils poursuivent les femelles.
Ordre, Coléoptères (Scarabées). — La couleur de nombreux Coléoptères ressemble à celle des surfaces sur lesquelles ils séjournent habituellement ; cette coloration identique leur permet d’échapper à l’attention de leurs ennemis. D’autres espèces, le Scarabée diamant, par exemple, revêtent des couleurs splendides disposées souvent en bandes, en taches, en croix et en d’autres modèles élégants. Ces couleurs ne peuvent guère servir de moyen direct de protection, sauf pour quelques espèces qui fréquentent habituellement les fleurs ; mais elles peuvent servir d’avertissement, tout comme la phosphorescence du ver luisant. Les coléoptères mâles et femelles affectent ordinairement les mêmes couleurs, de sorte que nous ne pouvons affirmer que ces couleurs soient dues à la sélection sexuelle ; mais il est au moins possible que ces couleurs se soient développées chez un sexe, puis qu’elles aient été transmises à l’autre, ce qui est probable dans les groupes qui possèdent d’autres caractères sexuels secondaires bien tranchés. M. Waterhouse affirme que les Coléoptères aveugles, incapables, par conséquent, d’apprécier leur beauté mutuelle, n’affectent jamais de vives couleurs, bien qu’ils aient souvent une carapace polie ; mais on peut aussi attribuer leurs couleurs ternes au fait que les insectes aveugles n’habitent que les cavernes et autres endroits obscurs.
Quelques Longicornes, surtout certains Prionides, font, cependant, exception à cette règle générale de la coloration identique des coléoptères mâles et femelles. La plupart de ces insectes sont grands et admirablement colorés. Les Pyrodes[63], comme j’ai pu m’en assurer dans la collection de M. Bates, sont généralement plus rouges mais moins brillants que les femelles, qui sont teintées d’un vert doré plus ou moins vif. Le mâle d’une autre espèce, au contraire, est vert doré, et la femelle est richement nuancée de pourpre et de rouge. Les mâles et les femelles du genre Esmeralda affectent des couleurs si complètement différentes, qu’on les a pris pour des espèces distinctes : chez une espèce, les mâles et les femelles sont vert brillant, mais le mâle a le thorax rouge. En résumé, autant que j’ai pu en juger chez les Prionides, quand les mâles et les femelles affectent une coloration différente, les femelles sont toujours plus brillamment colorées que les mâles ; ce qui ne concorde pas avec la règle générale relative à la coloration due à l’action de la sélection sexuelle.
Les grandes cornes, qui s’élèvent sur la tête, sur le thorax ou sur l’écusson des mâles, et qui, dans quelques autres cas, hérissent la surface inférieure du corps, constituent une distinction très-remarquable entre les individus de sexe différent chez les coléoptères. Ces cornes, dans la grande famille des Lamellicornes, ressemblent à celles de divers mammifères, tels que le cerf, le rhinocéros, etc., et sont fort curieuses, tant par leurs dimensions que par les formes diverses qu’elles affectent. Au lieu de les décrire, je me borne à donner les figures des formes mâles et femelles choisies parmi les plus remarquables (fig. 16 à 20). Les femelles portent ordinairement, sous forme de petites projections ou tubercules, les rudiments des cornes des mâles, mais certaines femelles n’en présentent aucune trace. D’autre part, les cornes ont acquis un développement presque aussi complet chez la femelle du Phanæus lancifer que chez le mâle ; elles sont un peu moins développées chez les femelles de quelques autres espèces du même genre et chez les Copris. M. Bates affirme que, dans les diverses subdivisions des cornes ne concordent pas avec les autres différences plus caractéristiques et plus importantes ; ainsi, dans un même groupe du genre Onthophagus, certaines espèces ont une seule corne, tandis que d’autres ont deux cornes distinctes.
Dans presque tous les cas, on constate une excessive variabilité des cornes, de sorte qu’on peut établir une série graduée entre les mâles les plus développés jusqu’à d’autres assez dégénérés pour qu’on puisse à peine les distinguer des femelles. M. Walsh[64] a constaté que certains Phanæus carnifex mâles ont des cornes trois fois plus longues que celles d’autres mâles. M. Bates, après avoir examiné plus de cent Onthophagus rangifer mâles (fig. 20), crut avoir enfin découvert une espèce chez laquelle les cornes ne varient pas ; mais des recherches ultérieures lui ont fait reconnaître le contraire.
La grandeur extraordinaire des cornes, et la différence notable de leur conformation chez des formes très-voisines, indiquent qu’elles doivent jouer un rôle important ; mais leur variabilité excessive chez les mâles d’une même espèce permet de conclure que ce rôle ne doit pas avoir une nature définie. Les cornes ne présentent aucune trace de frottement ; elles ne servent donc pas à exécuter un travail habituel. Quelques savants supposent[65] que les mâles, beaucoup plus vagabonds que les femelles, ont besoin de cornes pour se défendre contre leurs ennemis ; mais, dans bien des cas, les cornes ne paraissent nullement propres à cet usage, car elles ne sont point tranchantes. La supposition la plus naturelle est qu’elles servent aux mâles dans leurs combats ; mais on n’a jamais observé un seul de ces combats, et, après avoir examiné attentivement de nombreuses espèces, M. Bates n’a pu découvrir ni mutilations ni fractures témoignant que ces organes ont servi à un pareil usage. Si les mâles avaient l’habitude de lutter les uns avec les autres, la sélection sexuelle aurait probablement augmenté leur taille, qui aurait alors dépassé celle de la femelle ; or M. Bates, après avoir comparé les mâles et les femelles de plus de cent espèces de Coprides, n’a pas constaté de différence marquée, sous ce rapport, chez les individus bien développés. D’ailleurs, chez le Lethrus qui appartient à la même grande division des Lamellicornes, les mâles se livrent de fréquents combats ; or, le Lethrus mâle n’est pas armé de cornes, bien qu’il ait des mâchoires beaucoup plus grandes que celles de la femelle.
La supposition que les cornes ont été acquises à titre de simples ornements est celle qui concorde le mieux avec le fait que ces appendices ont pris de vastes proportions sans se développer d’une manière fixe, — fait que démontrent leur variabilité extrême chez une même espèce, et leur diversité chez des espèces très-voisines. Cette hypothèse peut, au premier abord, paraître très-invraisemblable ; mais nous aurons plus loin l’occasion de constater que, chez beaucoup d’animaux placés à un rang bien plus élevé sur l’échelle, c’est-à-dire chez les poissons, chez les amphibies, chez les reptiles et chez les oiseaux, diverses sortes d’aigrettes, de protubérances, de cornes et de crêtes, ne doivent apparemment leur développement qu’à cette seule influence.
Les Onitis furcifer mâles (fig. 21), ainsi que les mâles de quelques autres espèces du genre, ont les cuisses antérieures pourvues de singulières projections ; leur thorax porte, en outre, à la surface inférieure, une paire de cornes formant une grosse fourchette. Si l’on en juge par ce qui se passe chez d’autres insectes, ces appendices doivent servir au mâle à maintenir la femelle. On ne remarque, chez les mâles, aucune trace de cornes à la surface supérieure du corps, mais on aperçoit visiblement sur la tête des femelles le rudiment d’une corne unique (fig. 22, a), et d’une crête sur le thorax (b). Il est évident que la légère crête thoracique de la femelle est le rudiment d’une saillie propre au sexe mâle, bien qu’elle fasse complètement défaut chez le mâle de cette espèce particulière ; car le Bubas bison femelle (forme très-voisine de l’Onitis) porte sur le thorax une légère crête semblable, placée dans la même situation qu’une forte projection qui existe chez le mâle. Il est évident que la petite pointe (a) qui existe sur la tête de l’Onitis furcifer femelle, ainsi que sur les femelles de deux ou trois espèces voisines, est le rudiment de la corne céphalique, commune aux mâles de beaucoup de Lamellicornes, par exemple chez le Phanaeus (fig. 18).
On supposait autrefois que les rudiments ont été créés pour compléter le plan de la nature. On ne saurait, dans ce cas, admettre cette hypothèse, inadmissible d’ailleurs, car cette famille présente une inversion complète de l’état ordinaire des choses. Nous avons lieu de penser que les mâles portaient originellement des cornes et qu’ils les ont transmises aux femelles à l’état rudimentaire, comme chez tant d’autres lamellicornes. Nous ne saurions dire pourquoi les mâles ont subséquemment perdu leurs cornes ; il se peut que cette perte résulte, en vertu du principe de la compensation, du développement ultérieur des appendices qui se trouvent sur la surface inférieure, disparition qui n’a pu s’effectuer chez la femelle où ces appendices font défaut ; aussi cette dernière a-t-elle conservé des rudiments de cornes sur la face supérieure.
Tous les exemples cités jusqu’ici se rapportent aux Lamellicornes ; quelques coléoptères mâles, appartenant à deux groupes très-différents, les Curculionides et les Staphylins, portent aussi des cornes ; — les premiers, à la surface inférieure du corps[66], les seconds, à la surface supérieure de la tête et du thorax. Les cornes des mâles, comme chez les Lamellicornes, sont très-variables chez les Staphylins appartenant à une même espèce. On observe un cas de dimorphisme chez le Siagonium, car on peut diviser les mâles en deux catégories, qui diffèrent beaucoup au point de vue de la grandeur du corps et du développement des cornes, sans qu’on trouve de gradations intermédiaires. Chez une autre espèce du genre Staphylin, le Bledius (fig. 23), on trouve, dans une même localité, des individus mâles chez lesquels, comme l’a constaté le professeur Westwood, « la corne centrale du thorax est très-développée, tandis que celles de la tête restent rudimentaires, et d’autres chez lesquels la corne thoracique est beaucoup plus courte, tandis que les protubérances situées sur la tête sont très-longues[67]. » C’est évidemment là un exemple de compensation de croissance, qui jette un grand jour sur la disparition des cornes supérieures chez les Onitis furcifer mâles.
Loi du combat. — Certains coléoptères mâles paraissent mal adaptés pour la lutte ; ils ne s’en battent pas moins avec leurs semblables pour s’emparer des femelles. M. Wallace[68] a vu deux Leptorhinchus augustatus mâles, une espèce de coléoptère linéaire, à trompe très-allongée, « combattre pour la possession d’une femelle qui se tenait dans le voisinage occupée à creuser un trou. Emportés par la colère, ils se poussaient l’un l’autre, se saisissaient par la trompe et se portaient des coups terribles. Bientôt, le mâle le plus petit abandonna le champ de bataille et, prenant la fuite, s’avoua vaincu. » Parfois aussi les mâles sont bien conformés pour la lutte, armés qu’ils sont de grosses mandibules dentelées, beaucoup plus fortes que celles des femelles. Nous pouvons citer, par exemple, le cerf-volant (Lucanus cervus) commun ; les mâles sortent de la chrysalide une semaine environ avant les femelles, de sorte que plusieurs mâles se mettent souvent à la poursuite d’une même femelle. Ils se livrent alors de terribles combats. M. A. H. Davis[69] enferma un jour dans une boîte deux mâles avec une seule femelle ; le plus grand mâle se précipita immédiatement sur le plus petit, et le pinça fortement jusqu’à ce qu’il eût renoncé à toutes prétentions. Un de mes amis, lorsqu’il était jeune, réunissait souvent des mâles pour les voir combattre ; il avait remarqué alors combien ils étaient plus hardis et plus féroces que les femelles, ce qui, comme on sait, est le cas chez les animaux supérieurs.
Les mâles, s’ils pouvaient y parvenir, se saisissaient de son doigt, au lieu que les femelles ne cherchaient pas à le faire, bien qu’elles aient de plus grandes mâchoires. Chez beaucoup de Lucanes, comme chez le Leptorhynchus dont nous venons de parler, les mâles sont plus grands et plus forts que les femelles. Le mâle et la femelle du Lethrus cephalotes (Lamellicornes) habitent le même trou ; le mâle a les mandibules plus grandes que celles de la femelle. Si, pendant la saison des amours, un étranger cherche à pénétrer dans le logis, le mâle l’attaque immédiatement ; la femelle ne reste pas inactive ; elle ferme l’ouverture du réduit, et encourage le mâle en le poussant continuellement par derrière. Le combat ne cesse que lorsque l’agresseur est tué ou s’éloigne[70]. Les Ateuchuis cicatricosus, un autre Lamellicorne, mâles et femelles, s’apparient et paraissent être fort attachés l’un à l’autre ; le mâle oblige la femelle à rouler les boulettes de fumier dans lesquelles elle dépose ses œufs ; si on lui enlève la femelle, il court de tous côtés en donnant les signes de la plus vive agitation ; si on enlève le mâle, la femelle cesse tout travail, et, d’après M. Brûlerie[71], reste immobile jusqu’à ce qu’elle meure.
Les dimensions et la structure des grandes mandibules des Lucanes mâles varient beaucoup sous ce rapport, elles ressemblent aux cornes qui surmontent la tête et le thorax de beaucoup de Lamellicornes et de Staphylins mâles. On peut établir une série complète de gradations entre les mâles qui, à ce point de vue, sont le mieux et le plus mal pourvus. Les mandibules du cerf-volant commun, et probablement de beaucoup d’autres espèces, servent à ces insectes d’armes réelles pour la lutte ; il est douteux, cependant, qu’on puisse attribuer à cette cause leur grandeur démesurée. Nous avons vu que le Lucanus elaphus de l’Amérique du Nord s’en sert pour saisir la femelle. Leur élégance m’a aussi fait supposer qu’elles pouvaient constituer un ornement pour le mâle, au même titre que les cornes céphaliques et thoraciques des espèces dont nous avons parlé plus haut. Le Chiasognathus grantii mâle, du sud du Chili, — coléoptère magnifique appartenant à la même famille, — a des mandibules énormément développées (fig. 24) ; il est hardi et belliqueux, fait face du côté où on le menace, ouvre ses grandes mâchoires allongées, et fait entendre en même temps un bruit très-strident ; mais ses mandibules ne sont pas assez puissantes pour causer une véritable douleur quand il pince le doigt.
La sélection sexuelle, qui implique la possession d’une puissance perceptive considérable et des passions très-vives, paraît avoir joué un rôle plus important chez les Lamellicornes que chez aucune autre famille de coléoptères. Les mâles de quelques espèces possèdent des armes pour la lutte ; d’autres vivent par couples et se témoignent une grande affection ; beaucoup ont la faculté de produire des sons perçants lorsqu’on les excite ; d’autres portent des cornes extraordinaires, qui servent probablement d’ornement ; quelques-uns, qui ont des habitudes diurnes, affectent des couleurs très-brillantes ; enfin, la plupart des plus grands coléoptères appartiennent à cette famille que Linné et Fabricius avaient placée à la tête de l’ordre des Coléoptères[72].
Organes de stridulation. — On observe des organes de cette nature chez des coléoptères appartenant à de nombreuses familles très-éloignées et très-distinctes les unes des autres. Les sons qu’ils produisent sont perceptibles à quelques mètres de distance[73], mais ne sont point comparables à ceux que font entendre les Orthoptères. La partie qu’on pourrait appeler la râpe consiste ordinairement en une surface étroite, légèrement saillante, traversée de lignes parallèles fines, au point de provoquer parfois des couleurs irisées, et présentant, sous le microscope, un aspect des plus élégants. Dans quelques cas, chez le Typhæus, par exemple, on distingue parfaitement des proéminences écailleuses très-petites qui recouvrent toute la surface environnante en lignes à peu près parallèles ; ces proéminences, en se redressant et en se soudant, constituent les lignes saillantes ou côtes de la râpe, qui sont à la fois plus proéminentes et plus unies. Une saillie dure, située sur quelque partie adjacente du corps, parfois spécialement modifiée dans ce but, sert de grattoir à la râpe. C’est tantôt le grattoir qui se meut rapidement sur la râpe, tantôt, au contraire, la râpe qui se meut sur le grattoir.
Ces organes occupent les positions les plus diverses. Chez les Nécrophores, deux râpes parallèles (r. fig. 25) sont placées sur la face dorsale du cinquième segment de l’abdomen, et chaque râpe, d’après Landois[74], se compose de cent vingt-six à cent quarante petites lignes saillantes. C’est sur cette râpe que vient frotter une petite projection placée sur le bord postérieur des élytres. Chez beaucoup de Criocérides, chez le Clythra 4 punctata (Chrysomélide), ainsi que chez quelques Ténébrionides[75] etc., la râpe est placée au sommet dorsal de l’abdomen, sur le pygidium ou sur le propygidium, et, comme dans les cas précédents, ce sont les élytres qui viennent la gratter. Chez l’Heterocerus, qui appartient à une autre famille, les râpes sont situées sur les côtés du premier segment abdominal, et ce sont des saillies que portent les fémurs qui font l’office de grattoirs[76]. Chez quelques Curculionides et chez quelques Carabides[77] la disposition des parties est complètement intervertie ; en effet, les râpes occupent la surface inférieure des élytres, près du sommet, ou le long des bords externes, et les bords des segments abdominaux servent de grattoirs. Chez le Pelobius Hermanni (Dytique), une saillie puissante, placée près du bord sutural des élytres et parallèlement à ce bord, porte des côtes transversales, épaisses dans la partie médiane, mais qui deviennent graduellement plus fines à chaque extrémité, surtout à l’extrémité supérieure : lorsqu’on tient l’insecte sous l’eau ou dans l’air, on lui fait produire un bruit strident en frottant contre cette râpe le bord extrême et corné de l’abdomen. Chez un grand nombre de Longicornes, ces organes occupent une position toute différente ; la râpe est placée sur le mésothorax, qui frotte contre le prothorax. Landois a compté deux cent trente-huit saillies très fines sur la râpe du Cerambyx heros.
Beaucoup de Lamellicornes ont la faculté de produire des sons stridents au moyen d’organes dont la disposition varie considérablement. Quelques espèces font entendre des sons très puissants, au point que M. F. Smith ayant pris un Trox sabulosus, le garde-chasse qui était avec lui crut qu’il avait capturé une souris ; mais je n’ai pas pu arriver à découvrir les organes stridulants chez ce coléoptère. Chez le Geotrupes et chez le Typhæus, une crête étroite (r. fig. 26), qui traverse obliquement la cuisse de chaque patte postérieure, porte chez le G. Stercorarius 84 côtes sur lesquelles vient frotter une partie spéciale faisant saillie sur un des segments abdominaux. Chez le Copris lunaris, forme voisine, on remarque une râpe très fine, très étroite, qui occupe le bord sutural de l’élytre, outre une seconde râpe courte qui est placée près du bord externe de la base de l’élytre ; chez quelques autres Coprini, la râpe est, d’après Leconte[78], placée sur la surface dorsale de l’abdomen. Chez l’Oryctes, elle est située sur le propygidium, et chez quelques Dynastini, toujours d’après le même entomologiste, sur la surface inférieure des élytres. Enfin, Westring affirme que chez l’Omaloplia brunnea la râpe est placée sur le prosternum, et le grattoir sur le méta-sternum, les parties occupant ainsi la surface inférieure du corps, au lieu de la surface supérieure comme chez les Longicornes.
Les organes destinés à la stridulation présentent donc, chez les différentes familles de coléoptères, une grande diversité quant à la position, mais se ressemblent beaucoup au point de vue de la structure. Dans une même famille quelques espèces possèdent ces organes, pendant que d’autres en sont dépourvues. Cette diversité s’explique si on suppose qu’à l’origine certaines espèces ont pu produire un bruit strident en frottant l’une contre l’autre les parties dures de leur corps ; or, si le bruit ainsi produit a constitué pour eux un avantage quelconque, les surfaces rugueuses ont dû graduellement se développer pour se transformer en organes stridents réguliers. Quelques Coléoptères font entendre, avec ou sans intention, un bourdonnement particulier au moindre de leurs mouvements, sans posséder pour cela aucun organe spécial. M. Wallace m’apprend que l’Euchirus longimanus (Lamellicorne dont les pattes antérieures sont singulièrement longues chez le mâle) « produit, au moindre mouvement, un bruit sourd, mais qui ressemble à un sifflement résultant de l’expansion et de la contraction de l’abdomen ; en outre, lorsqu’on le saisit, il fait entendre une sorte de grincement en frottant ses pattes postérieures contre le bord des élytres. » Le sifflement est évidemment dû à une râpe étroite placée le long du bord sutural de chaque élytre ; j’ai pu également obtenir le grincement en frottant la surface chagrinée du fémur contre le rebord granuleux de l’élytre correspondante ; mais je n’ai pu découvrir de râpe spéciale, bien qu’il eût été difficile qu’elle m’échappât chez un insecte aussi gros. Après avoir examiné le Cychrus et avoir lu les deux mémoires de Westring sur ce coléoptère, il semble bien douteux qu’il possède une véritable râpe, bien qu’il soit capable de faire entendre un certain bruit.
Je m’attendais, en raison de l’analogie qui existe entre les Orthoptères et les Homoptères, à trouver, suivant le sexe, une différence dans les organes stridents des coléoptères ; mais Landois, qui a examiné plusieurs espèces avec beaucoup de soin, n’en a observé aucune ; pas plus que Westring, ou M. G. R. Crotch dans la préparation des nombreux individus qu’il a eu l’obligeance de soumettre à mon examen. Il serait toutefois, vu la grande variabilité de ces organes, difficile de remarquer des différences sexuelles très-légères. Ainsi, dans le premier couple de Necrophorus humator et de Pelobius, que j’ai examiné, la râpe était considérablement plus grande chez le mâle que chez la femelle ; mais il n’en fut pas de même chez les individus subséquents. Chez le Geotrupes stercorarius, la râpe me parut être plus épaisse, plus opaque et plus proéminente chez trois mâles que dans le même nombre de femelles ; en conséquence, désireux de savoir si les sexes diffèrent par l’intensité de leur aptitude à la stridulation, mon fils, M. F. Darwin, recueillit 57 individus vivants qu’il divisa en deux lots, selon que, traités d’une même manière, ils faisaient plus ou moins de bruit. Il examina ensuite les sexes, et trouva que, dans les deux lots, les proportions des mâles et des femelles étaient à peu près les mêmes. M. F. Smith a conservé vivants de nombreux Mononychus pseudacori (Curculionides), et s’est assuré que les deux sexes produisent des sons stridents et à un degré d’intensité à peu près égal.
Il n’en est pas moins vrai que la faculté d’émettre des sons constitue un caractère sexuel chez certains coléoptères. M. Crotch a découvert que, chez deux espèces d’Héliopathes (Ténébrions), les mâles seuls possèdent des organes de ce genre. J’ai examiné cinq H. Gibbus mâles : tous portaient une râpe bien développée, partiellement divisée en deux, sur la surface dorsale du segment abdominal terminal ; tandis que, chez le même nombre de femelles, il n’y avait pas même trace de râpe, la membrane du segment était transparente et beaucoup plus mince que celle du mâle. Le H. cribratostriatus mâle possède une râpe analogue, mais qui n’est pas partiellement divisée en deux parties ; la femelle en est complètement dépourvue ; le mâle porte, en outre, sur les bords du sommet des élytres, de chaque côté de la suture, trois ou quatre saillies longitudinales courtes, traversées de côtes très fines, parallèles, qui ressemblent à celles de la râpe abdominale ; mais je n’ai pu déterminer si ces saillies servent de râpe indépendante ou de grattoir pour la râpe abdominale ; la femelle n’offre aucune trace de cette dernière conformation.
Trois espèces du genre Oryctes (Lamellicornes) présentent un cas presque analogue. Chez les O. gryphus et nasicornis femelles, les côtes de la râpe du propygidium sont moins continues et moins distinctes que chez les mâles ; mais la différence principale consiste en ce que toute la surface supérieure de ce segment, examinée sous une inclinaison de lumière convenable, est recouverte de poils, qui n’existent pas chez les mâles ou ne sont représentés que par un très-fin duvet. Il faut noter que, chez tous les coléoptères, la partie agissante de la râpe est dépourvue de poils. Chez l’O. senegalensis on constate une différence encore plus sensible entre les mâles et les femelles ; le meilleur moyen de distinguer ces différences est de nettoyer le segment, puis de l’observer par transparence. Chez la femelle, toute la surface du segment est recouverte de petites saillies distinctes qui portent des piquants ; tandis que, chez le mâle, à mesure qu’on monte vers le sommet, ces saillies deviennent de plus en plus confluentes, régulières et nues ; de sorte que les trois quarts du segment sont couverts de saillies parallèles très-fines qui font absolument défaut chez la femelle. Toutefois, chez ces trois espèces d’Oryctes, lorsqu’on meut alternativement en avant et en arrière l’abdomen ramolli d’un individu, on peut déterminer un léger grincement ou un faible bruit strident.
On ne peut guère mettre en doute que, chez l’Heliopathes et chez l’Oryctes, le bruit strident que font entendre les mâles n’ait pour but l’appel et l’excitation des femelles ; mais, chez la plupart des coléoptères, ce bruit sert, selon toute apparence, comme moyen d’appel mutuel pour les deux sexes. Les coléoptères font entendre le même bruit quand ils sont agités par diverses émotions, de même que les oiseaux se servent de leur voix pour beaucoup d’usages autres que celui de chanter devant leurs compagnes. Le grand Chiasognathus fait entendre son bruit strident lorsqu’il se défie ou qu’il est en colère ; beaucoup d’individus d’espèces différentes agissent de même lorsqu’ils ont peur, alors qu’on les tient de façon qu’ils ne puissent s’échapper ; MM. Wollaston et Crotch, en frappant les troncs d’arbres creux dans les îles Canaries, ont pu y reconnaître la présence de coléoptères du genre Acalles, par les bruits qu’ils faisaient entendre. Enfin, l’Ateuchus mâle fait entendre ce même bruit pour encourager sa femelle au travail, et par chagrin lorsqu’on la lui enlève[79]. Quelques naturalistes croient que les coléoptères font entendre ce bruit pour effrayer leurs ennemis ; mais je ne peux croire qu’un son aussi léger puisse causer la moindre frayeur aux mammifères et aux oiseaux capables de dévorer les grands coléoptères pourvus d’enveloppes coriaces et dures. Le fait que les Anobium tessellatum répondent à leur tic-tac réciproque, ou, ainsi que je l’ai moi-même observé, répondent à des coups frappés artificiellement, confirme l’hypothèse que la stridulation sert d’appel sexuel. M. Doubleday a deux ou trois fois observé une femelle faisant son tic-tac[80], et au bout d’une heure ou deux, il la trouva réunie à un mâle, et dans une autre occasion, entourée de plusieurs mâles. En résumé, il semble probable que, dans l’origine, beaucoup de coléoptères mâles et femelles utilisaient, pour se trouver l’un l’autre, les légers bruits produits par le frottement des parties adjacentes de leur corps ; or, comme les mâles ou les femelles qui faisaient le plus de bruit devaient le mieux réussir à s’accoupler, la sélection sexuelle a développé les rugosités des diverses parties de leur corps et les a transformées graduellement en véritables organes propres à produire des bruits stridents.
- ↑ Sir J. Lubbock, Transact. Linnean Soc., vol. XXV, 1866, p. 484. Pour les Mutillidées, voir Westwood, Modern classif. of Insects, vol. II, p. 213.
- ↑ Ces organes diffèrent souvent chez les mâles d’espèces très voisines et fournissent d’excellents caractères spécifiques. Mais on a probablement exagéré leur importance fonctionnelle, comme me le fait remarquer M. R. Lachlan. On a suggéré que de légères différences de ces organes suffisaient pour empêcher l’entrecroisement de variétés bien marquées ou d’espèces naissantes, et contribueraient ainsi à leur développement. Mais nous pouvons conclure que cette suggestion n’est pas fondée, car on a observé l’union d’un grand nombre d’espèces distinctes. (Bronn, Geschichte der Natur, vol. II, 1843, p. 164, et Westwood, Trans. Ent. Soc., vol. III, 1842, p. 195). M. Mac Lachlan m’apprend (Stett. Ent. Zeitung, 1867, p. 155) que plusieurs espèces de Phryganides, présentant des différences très prononcées de ce genre, enfermées ensemble par le docteur Aug. Meyer, se sont accouplées, et un des couples produisit des œufs féconds.
- ↑ The Practical Entomologist, Philadelphia, vol. II, 1867, p. 88.
- ↑ M. Walsh, id., p. 107.
- ↑ Modern. Classif., etc., vol. II, 1840, pp. 205-206. M. Walsh qui a appelé mon attention sur ce double usage des mâchoires, me dit l’avoir observé lui-même très fréquemment.
- ↑ Nous avons là un cas curieux et inexplicable de dimorphisme, car quelques femelles de quatre espèces européennes de Dytisques et de certaines espèces d’Hydroporus ont les élytres lisses, et on n’a observé aucune gradation intermédiaire entre les élytres sillonnées ou rugueuses et celles qui sont lisses. Voir le Dr H. Schaum, cité dans le Zoologist, vol. V-VI, 1847-1848, p. 1896. Kirby et Spence, Introd. to Entom., vol. III, 1826, p. 305.
- ↑ Westwood, Mod. Class. of Insects, vol. II, p. 193. Le fait relatif au Penthe et quelques autres sont empruntés à M. Walsh, Practical Entomologist, Philadelphia, vol. II, p. 88.
- ↑ Kirby et Spence, Introduct., etc., vol. III, pp. 332-336.
- ↑ Insecta Maderensia, 1854, p. 20.
- ↑ E. Doubleday, Ann. et Mag. of Nat. Hist., vol. I, 1848, p. 379. Je puis ajouter que chez certains Hyménoptères les ailes diffèrent selon les sexes au point de vue de la nervure (Shuckard, Fossorial Hymenoptera, 1857, pp. 39-43).
- ↑ H. W. Bates, Journ. of Proc. Linn. Soc., vol. VI, 1862, p. 74. Les observations de M. Wonfor sont citées dans Popular Science Review, 1868, p. 343.
- ↑ The Naturalist in Nicaragua, 1876, pp. 316-320. Sur la phosphorescence des œufs, voir Annals and Magaz. of Nat. Hist., 1871, p. 372.
- ↑ Robinet, Vers à soie, 1848, p. 207.
- ↑ Transact. Ent. Soc., 3e série, vol. V, p. 486.
- ↑ Journ. of Proc. Entom. Soc, 4, fév. 1867, p. lxxi.
- ↑ Pour ce renseignement et les autres sur la grosseur des sexes, voyez Kirby et Spence, id., III, p. 300, et sur la durée de la vie des insectes, p. 344.
- ↑ Transact. Linnean Soc., vol. XXVI, 1868, p. 296.
- ↑ The Malay Archipelago, vol. II, 1869, p. 313.
- ↑ Modern. Classif., etc., vol. II, 1840, p. 526.
- ↑ Anwendung, etc., Verh. d. n. Jahrg. XXIX, p. 80. Mayer, American naturalist, 1874, p. 236.
- ↑ B. T. Lowne, On Anatomy of the Blow-Fly, Musca Vomitoria, 1870, p. 14. Il assure (p. 33) que « les mouches capturées font entendre une note plaintive particulière, et que ce bruit provoque la fuite des autres mouches ».
- ↑ Westwood, Modern. Class., etc., vol. II, p. 473.
- ↑ Détails empruntés à Westwood. id., vol II, p. 422. Voir aussi, sur les Fulgorides, Kirby et Spence, Introd., etc., vol. II, p. 401.
- ↑ Zeitschrift für wissenschaft. Zool., vol. XVII, 1867. pp. 132-158.
- ↑ Transact. New Zealand Institute, vol. V, 1873, p. 286.
- ↑ M. Walsh m’a procuré cet extrait d’un Journal of the doings of Cicada septemdecim, par le Dr Hartman.
- ↑ L. Guilding, Trans. Linn. Soc., vol. XV, p. 154.
- ↑ J’emprunte cette assertion à Köppen, Ueber die Heuschrecken in Südrussland, 1866, p. 32, car j’ai inutilement essayé de me procurer l’ouvrage de Körte.
- ↑ Gilbert White, Nat. Hist. of Selborne, vol. II, 1825, p. 262.
- ↑ Harris, Insects of New England, 1842, p. 128.
- ↑ The Naturalist on the Amazons, vol. I, 1863, p. 232. M. Bates discute d’une manière intéressante les gradations des appareils musicaux chez les trois familles, Westwood, Modern. Class., vol. II, pp. 445 et 453.
- ↑ Proc. Boston Soc. of Nat. Hist., vol. XI, avril 1868.
- ↑ Nouveau Manuel d’anat. comp. (trad. française), t. I, 1850, p. 567.
- ↑ Zeitschrift für wissenschaft. Zool., vol. XVII, 1867, p. 117.
- ↑ Westwood, o. c., vol. I, p. 440.
- ↑ Ueber der Tonapparat der Locustiden, ein Beitrag zum Darwinismus ; Zeitsch. für Wissensch. Zool. vol. XXII, 1872, p. 100.
- ↑ Westwood, o. c., vol. I, p. 453.
- ↑ Landois, Zeitsch., etc., vol. XVII, 1867, pp. 121-122.
- ↑ M. Walsh a remarqué que, lorsque la femelle du Platyphyllum concavum est capturée, elle produit un faible bruit en choquant ensemble ses élytres.
- ↑ Landois, id., p. 113.
- ↑ Insects of New England, 1842, p. 133.
- ↑ Westwood, l. c., vol. I, p. 462.
- ↑ Landois a récemment découvert chez certains Orthoptères des structures rudimentaires qui ressemblent beaucoup aux organes destinés à produire des sons chez les Homoptères ; c’est là un fait surprenant. Voir Zeitsch. für wissensch. Zool., vol. XXII, part. 3, 1871, p. 348.
- ↑ Transact. Ent. Soc., 3e série, vol. II (Journ. of Proceedings, p. 117).
- ↑ Westwood, l. c., vol. I, p. 427 ; pour les criquets, p. 445.
- ↑ M. Ch. Horne, Proc. Ent. Soc., p. xii, mai 3, 1869.
- ↑ L’OEcanthus nivalis ; Harris, Insects of New England, 1842, p. 124. Victor Carus affirme que les deux sexes de l’OEpellucidus d’Europe diffèrent à peu près de la même manière.
- ↑ Platyblemnus, Westwood, l. c., I, p. 447.
- ↑ B. D. Walsh, Pseudo-nevroptera of Illinois (Proc. Ent. Soc. of Philadelphia, 1862).
- ↑ Modern. Class., etc., vol. II, p. 37.
- ↑ Walsh, l. c., p. 381. J’ai emprunté à ce naturaliste les faits relatifs aux Hetærina, aux Anax et aux Gomphus.
- ↑ Transact. Ent. Soc., vol. I, 1826, p. lxxxi.
- ↑ Voir un extrait dans le Zoological Record, 1867, p. 450.
- ↑ Kirby et Spence, Introd. to Ent., vol. II, 1818, p. 35.
- ↑ Houzeau, les Facultés mentales, etc., vol. I, p. 104.
- ↑ The writings of Fabre dans Nat. Hist. Review, 1862, p. 122.
- ↑ Journ. of Proc. Entom. Soc., 7 sept. 1863, p. 169.
- ↑ P. Huber, Recherches sur les mœurs des fourmis, 1810, pp. 150, 165.
- ↑ Proc. Entom. Soc. of Philadelphia, 1866, p. 238-239.
- ↑ Anwendung der Darwinschen Lehre auf Bienen. (Verh. d. n. Jahrg. xxix.)
- ↑ M. Perrier, dans son article De la sélection naturelle, d’après Darwin (Revue scientifique, fév. 1873, p. 868 fait observer, sans avoir évidemment beaucoup réfléchi à ce sujet, que les mâles des abeilles sociables sont produits par des œufs non fécondés, et que, par conséquent, ils ne peuvent pas transmettre de nouveaux caractères à leur progéniture mâle. C’est là, tout au moins, une objection extraordinaire. Une abeille femelle, fécondée par un mâle qui possède quelques caractères propres à faciliter l’union des sexes ou à le rendre plus attrayant pour la femelle, pondra des œufs qui produiront seulement des femelles ; mais ces jeunes femelles produiront à leur tour des mâles l’année suivante, et il est au moins extraordinaire de prétendre que ces mâles n’hériteront pas des caractères de leur grand-père mâle. Prenons un exemple aussi rapproché que possible chez les animaux ordinaires. Supposons une race de quadrupèdes ou d’oiseaux ordinairement blancs, et qu’une femelle appartenant à cette race s’unisse avec un mâle appartenant à une race noire ; supposons enfin que les petits mâles et femelles provenant de ce croisement soient accouplés les uns avec les autres ; osera-t-on prétendre que les descendants n’auront pas acquis par hérédité de leur ancêtre mâle une tendance à la coloration noire ? Sans doute, l’acquisition de nouveaux caractères par les abeilles ouvrières stériles constitue un cas bien plus difficile ; mais j’ai essayé de démontrer, dans l’Origine des espèces, comment il se fait que ces individus stériles sont soumis à l’action de la sélection naturelle.
- ↑ Cité par Westwood, Modern Class., etc., vol. II, p. 214.
- ↑ Le Pyrodes pulcherrimus, espèce chez laquelle les sexes diffèrent notablement, a été décrit par M. Bates dans Transact. Ent. Soc., 1869, p. 50. Je citerai les quelques autres cas que je connais d’une différence de coloration chez les coléoptères mâles et femelles. Kirby et Spence (Introd., etc., vol. III, p. 301) mentionnent une Cantharis, le Meloe, le Rhagium, et le Leptura testacea ; le mâle de ce dernier est couleur brique à thorax noir, la femelle tout entière d’un rouge pâle. Ces deux coléoptères appartiennent à la famille des Longicornes. MM. R. Trimen et Waterhouse jeune me signalent deux Lamellicornes, un Peritrichia et un Trichius, chez ce dernier, le mâle est plus foncé que la femelle. Le Tillus elongatus mâle est noir, et la femelle est, croit-on, toujours bleu foncé avec thorax rouge. L’Orsodacna atra mâle est noir, d’après M. Walsh, la femelle (O. ruficellis) a le thorax roux.
- ↑ Proc. Entom. Soc. of Philadelphia, 1864, p. 228.
- ↑ Kirby et Spence, o. c., vol. III, p. 300.
- ↑ Kirby et Spence, o. c., vol. III, p. 329.
- ↑ Mod. Class., etc., vol. I, p. 172. On trouve sur la même page une description du Siagonium. J’ai trouvé au British Museum un Siagonium mâle dans un état intermédiaire ; le dimorphisme n’est donc pas absolu.
- ↑ The Malay Archipelago, vol. II, 1869, p. 276. Riley, Sixth report on Insects of Missouri, 1874, p. 115.
- ↑ Entomolog. Magazine, vol. I, 1833, p. 82. Voir, sur des luttes de cette nature, Kirby et Spence, o. c., vol. III, p. 314, et Westwood, o. c., vol. I, p. 187.
- ↑ Cité d’après Fischer, Dict. class. d’hist nat., tom. X, p. 324.
- ↑ Ann. Soc. Entom. de France, 1866.
- ↑ Westwood, o. c., vol. I, p. 184.
- ↑ Wollaston, On certain musical Curculionidæ (Annals and Mag. of Nat. Hist., vol. VI, 1860, p. 14).
- ↑ Zeitschrift für wiss. Zool., vol. XVII, 1867, p. 127.
- ↑ M. G.-R. Crotch m’a rendu grand service en m’envoyant de nombreux individus préparés de divers coléoptères appartenant à ces trois familles et à d’autres, ainsi que des renseignements précieux de tous genres. Il croit que la faculté d’émettre un son strident n’avait pas encore été observée chez le Clythra. Je dois aussi des remercîments à M. E.-W. Janson pour divers renseignements. J’ajouterai que mon fils, M. F. Darwin, a découvert que le Dermestes murinus produit des sons stridents, sans pouvoir trouver l’appareil producteur. Le docteur Chapman a récemment décrit le Scolytus comme insecte stridulant (Entomologist’s Monthly Magazine, vol. VI, p. 130).
- ↑ Schiödte, trad. dans Annals and Mag. of Nat. Hist., vol. XX, 1867, p. 37.
- ↑ Westring a décrit (Kroyer, Naturhist. Tidschrift, B. II, p. 334, 1848-1849) les organes stridulants dans ces deux familles et dans d’autres. J’ai examiné chez les Carabides les Emaphrus uliginosus et les Blethisa multipunctata que m’a envoyés M. Cretch. Chez le Blethisa, autant que j’ai pu en juger, les saillies transversales du bord sillonné du segment abdominal n’entrent pas en jeu pour faire frotter les râpes sur les élytres.
- ↑ M. Walsh, de l’Illinois, a eu l’obligeance de m’envoyer des extraits de Introduction to Entomology, de Leconte, pp. 101, 143.
- ↑ M. P. de la Brûlerie, cité par A. Murray, Journal of Travel, vol. II, 1868, p. 135.
- ↑ M. Doubleday assure que l’insecte produit ce bruit en s’élevant autant que possible sur ses pattes et en frappant cinq ou six fois de suite son thorax contre le corps sur lequel il est assis. Voir sur ce fait Landois, Zeitsch. für wissensch. Zoolog., vol. XVII, p. 131. Olivier, cité par Kirby et Spence, Introduction, etc., vol. II, p. 395), dit que le Pimelia striata femelle produit un son assez fort en frappant son abdomen contre une substance dure, « et que le mâle, obéissant à son appel, arrive, et l’accouplement a lieu. »