Traduction par Maurice Prozor.
Perrin (p. 133-182).
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ACTE IV

(Le salon des Wangel. Porte à droite, porte à gauche. Au fond, entre les deux fenêtres, une porte vitrée ouverte, conduisant à la vérandah. Au bas de celle-ci, on aperçoit une partie du jardin. Au premier plan, à gauche, un sofa et une table. À droite, un piano. Un peu plus au fond, une grande corbeille de fleurs. Au milieu de la chambre, une table ronde et deux chaises. Sur la table, un rosier fleuri, entouré d’autres pots de fleurs. L’avant-midi.)

(Bolette est assise sur le sofa, à gauche. Elle fait de la broderie. Sur une chaise, de l’autre côté de la table, vers le fond, Lyngstrand. En bas, dans le jardin, Ballested peint. À côté de lui, Hilde le regarde.)

Lyngstrand, accoudé à la table, regarde un instant en silence Bolette travailler.

Cela doit être difficile à broder, cette bande, mademoiselle Wangel.

Bolette

Non, pas trop. Si l’on trace bien le dessin.

Lyngstrand

Vous dessinez donc ?

Bolette

Oui, pour la broderie. Regardez.

Lyngstrand

C’est juste ! Mais c’est presque de l’art, cela ! Ainsi, vous savez dessiner ?

Bolette

Oh oui ! Si j’ai un modèle.

Lyngstrand

Pas sans cela ?

Bolette

Non, pas sans cela.

Lyngstrand

Alors, ce n’est tout de même pas de l’art.

Bolette

Non, il ne s’agit que d’un peu d’habileté.

Lyngstrand

Mais je crois que vous pourriez apprendre un art.

Bolette

Même sans talent ?

Lyngstrand

Mais oui, en compagnie d’un véritable artiste.

Bolette

Vous croyez qu’il m’enseignerait son art ?

Lyngstrand

Pas au sens ordinaire du mot. Mais vous arriveriez peu à peu à le refléter. Cela tient du prodige, mademoiselle Wangel.

Bolette

C’est étrange, en effet.

Lyngstrand, après un court silence.

Avez-vous jamais réfléchi au mariage, Mademoiselle ? Là, bien sérieusement ?

Bolette, le regardant un moment.

Moi ?… Non.

Lyngstrand

J’y ai réfléchi, moi.

Bolette

Ah ? Vraiment ?

Lyngstrand

Mais oui, je réfléchis beaucoup à ces choses-là. Surtout au mariage. Et puis j’ai beaucoup lu sur le sujet. Je crois que, dans le mariage aussi, il se passe un prodige. Il est prodigieux, en effet, que la femme puisse se transformer, jusqu’à finir par ressembler à son mari.

Bolette

Jusqu’à s’intéresser aux mêmes objets que lui, voulez-vous dire ?

Lyngstrand

Oui.

Bolette

Cependant, les dispositions innées, — les facultés, — les talents…

Lyngstrand

Hem ! Je me demande si, même sous ce rapport…

Bolette

Vous finirez par soutenir qu’un homme peut transmettre à sa femme tout ce qu’il a appris ou pensé.

Lyngstrand

Pourquoi pas ? Peu à peu. Comme par miracle. Mais, j’en conviens, cela ne peut se réaliser que dans les ménages très unis, parfaitement heureux.

Bolette

N’avez-vous jamais pensé qu’un homme puisse, de même, subir la contagion de sa femme ? Devenir semblable à elle ?

Lyngstrand

Un homme ? Non ! je ne me représente pas cela.

Bolette

Pourquoi pas un homme aussi bien qu’une femme ?

Lyngstrand

Parce qu’un homme a une vocation. C’est elle qui constitue sa force, sa puissance. Oui, mademoiselle Wangel, l’homme a une vocation.

Bolette

Chaque homme ?

Lyngstrand

Oh ! non. Je songe surtout aux artistes.

Bolette

Trouvez-vous qu’un artiste fasse bien de se marier ?

Lyngstrand

Oui, s’il aime vraiment.

Bolette

N’importe. À mon avis, il ne devrait vivre que pour son art.

Lyngstrand

Certainement. Mais il peut continuer à le faire même après le mariage.

Bolette

Eh bien ! et sa femme ?

Lyngstrand

Que voulez-vous dire ?

Bolette

Oui, sa femme ? S’il vit pour son art, pour quoi vivra-t-elle ?

Lyngstrand

Pour l’art de son mari. Je ne puis pas me figurer de plus grand bonheur pour une femme.

Bolette

Hem ! C’est une question…

Lyngstrand

Soyez-en persuadée, Mademoiselle. Il ne s’agit pas seulement de l’honneur et de la considération qui rejailliront sur elle. C’est secondaire, je le veux bien. Mais l’aider dans son œuvre, lui faciliter le travail en veillant sur lui, en le soignant, en le dorlottant, en lui rendant la vie douce, quelle joie pour une femme !

Bolette

Oh ! vous ne savez pas combien vous êtes égoïste !

Lyngstrand

Égoïste ! moi ! Comme on voit que vous ne me connaissez pas ! (Se penchant vers elle.) Mademoiselle Wangel, quand je ne serai plus là, — et je n’en ai pas pour longtemps…

Bolette, le regardant avec compassion.

Chassez donc ces tristes pensées.

Lyngstrand

Mais… il n’y a là rien de bien triste.

Lyngstrand

Comment ?…

Lyngstrand

Mais oui : je m’en vais dans un mois. Je vous dis adieu. Puis je pars pour le Midi.

Bolette

Ah ! très bien.

Lyngstrand

Quand je ne serai plus là, penserez-vous quelquefois à moi, Mademoiselle ?

Bolette

Certainement.

Lyngstrand, joyeusement.

Vous me le promettez ?

Bolette

Je vous le promets.

Lyngstrand

Vous me le jurez, mademoiselle Bolette ?

Bolette

Je vous le jure. (Changeant de ton.) Mais à quoi bon tout cela ? Qu’est-ce qui vous en reviendra ?

Lyngstrand

Qu’est-ce qui m’en reviendra, dites-vous ? La joie de vous savoir ici, dans votre coin, occupée de moi en pensée.

Bolette

Et après ?

Lyngstrand

Après ? Je ne sais pas…

Bolette

Ni moi non plus. Il y a tant d’obstacles. Tout un monde !…

Lyngstrand

Oh ! il peut arriver un miracle. Un coup du sort, — que sais-je ? Je crois en mon étoile.

Bolette, vivement.

Vous avez raison ! Il faut y croire !

Lyngstrand

Oh ! j’y crois absolument. Et alors dans quelques années, — quand je serai devenu un sculpteur célèbre, et que je reviendrai, dans tout l’éclat de la gloire et de la santé…

Bolette

Oui, oui. Espérons qu’il en sera ainsi.

Lyngstrand

Vous pouvez en être sûre. Pourvu que vous me conserviez une pensée tendre et fidèle. Et vous me l’avez juré ?

Bolette

Oui. (Hochant la tête.) Et pourtant cela ne peut aboutir à rien.

Lyngstrand

Eh ! mademoiselle Bolette, cela aboutira tout au moins à me faciliter mon œuvre, à en hâter l’éclosion.

Bolette

Vous croyez ?

Lyngstrand

Oui, j’en ai le sentiment très profond. Et il me semble que cela devrait vous stimuler vous-même de savoir que, de votre coin reculé, vous contribuez, jusqu’à un certain point, à ma création artistique.

Bolette, le regardant.

Eh bien ! et vous, de votre côté ?

Lyngstrand

Moi ?

Bolette, regardant du côté du jardin.

Chut ! Parlons d’autre chose. Voici le professeur.

(Arnholm paraît dans le jardin, à gauche. Il s’arrête et parle à Ballested et à Hilde.)
Lyngstrand

Vous aimez votre ancien professeur, mademoiselle Bolette ?

Bolette

Si je l’aime ?

Lyngstrand

Je vous demande si vous avez de l’affection pour lui ?

Bolette

Mais oui. C’est un excellent ami, de bon conseil et toujours prêt à rendre service.

Lyngstrand

N’est-ce pas étonnant que, dans ces conditions, il ne soit pas marié ?

Bolette

Cela vous étonne ?

Lyngstrand

Mais oui. On dit qu’il a de la fortune.

Bolette

On le dit. Et pourtant il lui est plus difficile qu’à un autre de trouver une jeune fille qui veuille l’épouser.

Lyngstrand

Pourquoi cela ?

Bolette

Il a donné des leçons, dit-il lui-même, à presque toutes les jeunes filles de sa connaissance.

Lyngstrand

Qu’est-ce que cela fait ?

Bolette

On n’épouse pas son professeur.

Lyngstrand

Vous ne croyez donc pas qu’une jeune fille puisse être amoureuse de son professeur ?

Bolette

Une grande jeune fille, non.

Lyngstrand

Vraiment ? Vous m’étonnez.

Bolette, doucement, le menaçant du doigt

Allons, allons !

(Ballested a, pendant ce temps, rassemblé ses objets de peinture. Il les emporte et disparaît à droite. Hilde l’aide et s’en va du même côté, Arnholm monte sur la vérandah et entre au salon.)
Arnholm

Bonjour, ma chère Bolette. Bonjour, monsieur — monsieur — hem !

(Il regarde Lyngstrand d’un air mécontent et le salue d’un signe de tête très sec. Lyngstrand se lève et salue.)
Bolette, se lève également et s’avance vers Arnholm.

Bonjour, monsieur le professeur.

Arnholm

Comment cela va-t-il ce matin ?

Bolette

Très bien, merci.

Arnholm

Votre belle-mère prend son bain, comme d’habitude ?

Bolette

Non, elle est dans sa chambre.

Arnholm

Serait-elle indisposée ?

Bolette

Je ne sais pas… Elle s’est enfermée.

Arnholm

Hem. — Vraiment ?

Lyngstrand

L’arrivée de cet Américain semble avoir vivement impressionné Mme  Wangel.

Arnholm

Qu’en savez-vous ?

Lyngstrand

Je l’ai vu à son attitude, quand je lui ai dit que je venais de rencontrer cet homme en chair et en os, tout près de son jardin.

Arnholm

Ah ?

Bolette, à Arnholm.

Vous êtes resté longtemps chez mon père hier soir.

Arnholm

Oui, assez longtemps. Nous avons eu un entretien sérieux.

Bolette

Avez-vous eu l’occasion de l’entretenir un peu de moi et de ce qui me concerne ?

Arnholm

Non, chère Bolette. Je n’ai pu lui en parler, il était trop préoccupé d’autre chose.

Bolette, soupirant.

Oh ! il l’est toujours.

Arnholm, avec un regard significatif.

Mais nous en causerons à fond dans le courant de la journée. — Où est votre père ? Il est sorti ?

Bolette

Non. Il doit être dans son cabinet de travail. Je vais le chercher.

Arnholm

Merci. N’en faites rien. Je préfère aller le trouver moi-même.

Bolette, tendant l’oreille à gauche.

Attendez un peu. Je crois que je l’entends descendre. Oui. Il vient, sans doute, de chez elle.

(Wangel entre par la porte de gauche.)
Wangel, tendant la main à Arnholm.

Comment, cher ami, — vous ici, à cette heure ? C’est gentil à vous. J’ai justement à vous parler.

Bolette, à Lyngstrand.

Voulez-vous que nous rejoignions Hilde au jardin ?

Lyngstrand

Bien volontiers, Mademoiselle.

(Bolette et Lyngstrand descendent au jardin et se dirigent vers le bouquet d’arbres du fond.)
Arnholm, qui les a suivis des yeux, se retournant vers Wangel.

Vous connaissez bien ce jeune homme ?

Wangel

Je le connais à peine.

Arnholm

Ne le trouvez-vous pas bien familier avec les fillettes ?

Wangel

Vraiment ? Je ne m’en étais pas aperçu.

Arnholm

Il faudrait y faire attention.

Wangel

Certainement. Vous avez raison. Mais qu’y puis-je, mon ami ? Les petites sont si accoutumées maintenant à n’en faire qu’à leur tête. Elles ne se laissent conduire ni par moi, ni par Ellida.

Arnholm

Pas même par votre femme ?

Wangel

Non. D’ailleurs, je ne puis exiger qu’elle s’occupe des enfants. Ce n’est pas fait pour elle. (S’interrompant.) Mais ce n’est pas de cela que nous avons à causer. Dites-moi, — avez-vous réfléchi à tout ce que je vous ai dit ?

Arnholm

Je n’ai pensé qu’à cela depuis que nous nous sommes quittés.

Wangel

Et que croyez-vous qu’il me reste à faire ?

Arnholm

Mon cher docteur, en qualité de médecin, vous devez, je crois, le savoir mieux que moi.

Wangel

Oh ! si vous saviez combien il est difficile à un médecin de bien juger le cas d’un malade auquel il tient par tous les liens de la plus tendre affection ! Et notez qu’il ne s’agit pas ici d’une maladie ordinaire. Et ce n’est pas un médecin ordinaire qui pourrait y remédier, — ni des moyens originaires qu’il faudrait employer.

Arnholm

Comment va-t-elle ce matin ?

Wangel

Je viens de chez elle. Elle paraissait tout à fait calme. Mais, quel que soit son état, il y a toujours en elle un mystère que je ne parviens pas à saisir. Elle est, en outre, si inégale, — si décevante,– si sujette à se transformer d’un instant à l’autre.

Arnholm

Cela tient, sans doute, à son état général.

Wangel

Pas seulement. À proprement parler, c’est inné. Ellida est de la race des gens de mer. C’est tout dire.

Arnholm

Comment l’entendez-vous, cher docteur ?

Wangel

N’avez-vous jamais remarqué que les gens de là-bas, des bords de l’Océan, forment, en quelque sorte, une race à part ? C’est comme si leur vie tenait à celle de la mer. Il y a de la fluctuation,– de la marée,– dans leurs pensées et dans leurs sensations. Et ils ne s’acclimatent nulle part. Ah ! j’aurais dû y songer ! Ce fut un vrai crime envers Ellida que de l’enlever à son élément pour l’amener ici.

Arnholm

Vous en êtes certain ?

Wangel

De plus en plus. Mais j’aurais dû me le dire plus tôt. Au fond, je le savais. Mais je ne voulais pas me l’avouer. Je l’aimais tant, voyez-vous ! Et je ne pensais qu’à moi-même. J’étais égoïste !

Arnholm

Mon Dieu ! qui n’eût pas été un peu égoïste à votre place ? D’ailleurs, c’est là un défaut que je ne vous ai jamais connu, cher docteur.

Wangel, allant et venant, inquiet.

Oh si ! j’ai été égoïste alors et plus tard. J’ai tant d’années de plus qu’elle ! J’aurais dû être un père, un guide pour elle. J’aurais dû faire de mon mieux pour développer son esprit, éclaircir ses idées. Hélas ! je n’en ai rien fait. J’ai manqué d’énergie, voyez-vous ! Je préférais la conserver telle qu’elle était. Les choses allèrent de mal en pis. Je ne savais plus que faire. (Plus bas) C’est dans cette cruelle perplexité que je vous écrivis, que je vous invitai à venir nous voir.

Arnholm, le regardant avec surprise.

Comment ? C’est pour cela que vous m’avez écrit ?

Wangel

Oui, mais faites semblant de l’ignorer.

Arnholm

Mais, en vérité, cher docteur, qu’attendiez-vous de moi ? Je n’y comprends rien.

Wangel

Cela ne m’étonne pas. J’étais sur une fausse piste. Je croyais que le cœur d’Ellida avait battu pour vous. Et que toute trace de ce sentiment n’avait pas encore disparu. Vous causeriez ensemble de l’ancien temps, de son ancien foyer. Cela lui ferait du bien, me disais-je.

Arnholm

Ainsi, quand vous m’écriviez en termes énigmatiques qu’– on m’attendait ici, — que peut-être — on soupirait après moi, — c’est de votre femme qu’il s’agissait ?

Wangel

Oui. À qui avez-vous donc pensé ?

Arnholm, brusquement.

Non, non. — Seulement, — je n’ai pas compris.

Wangel

Encore une fois, cela ne m’étonne pas. J’étais sur une fausse piste.

Arnholm

Et vous dites que vous êtes égoïste !

Wangel

C’est que j’avais une si grande faute à réparer. Avais-je le droit de négliger quoi que ce fût qui pût la soulager un peu ?

Arnholm

Comment expliquez-vous le pouvoir que cet homme exerce sur elle ?

Wangel

Hem,– cher ami. Nous sommes là, je le crains, dans le domaine de l’inconnaissable.

Arnholm

C’est bien obscur, en effet.

Wangel

Oui, c’est inexplicable, tout au moins jusqu’à nouvel ordre.

Arnholm

Vous croyez à ces choses-là ?

Wangel

Je ne dis ni oui, ni non. J’ignore, voilà tout. C’est pourquoi j’élimine la question.

Arnholm

Oui, mais… je pense à une chose. Ce qu’elle dit des yeux de l’enfant, — cette assertion si étrange, si répugnante…

Wangel, vivement.

Quant à cela, je n’y crois pas ! Je ne veux pas y croire ! C’est de la pure fantaisie. Ce ne peut être que cela.

Arnholm

Avez-vous observé les yeux de cet homme, hier ?

Wangel

Certainement.

Arnholm

Et vous n’avez pas trouvé de ressemblance ?

Wangel, embarrassé

Hem ! Mon Dieu, je ne sais que vous dire. Il faisait déjà un peu sombre. Et puis Ellida m’avait tant parlé de cette ressemblance. J’étais peut-être sous l’influence de ses propos.

Arnholm

Non, non, c’est possible. Mais cet autre mystère, cette angoisse qu’elle commença à éprouver précisément à l’époque où l’homme prétend avoir fait voile vers la Norvège ?

Wangel

Encore quelque chose qu’elle aura rêvé, que sa fantaisie aura brodé avant-hier. Cette angoisse n’est pas née tout à coup, comme elle le prétend. C’est seulement depuis le récit de Lyngstrand qu’elle rapporte ses premiers troubles à l’époque où ce jeune homme aurait rencontré Johnston ou Friman, — peu importe son nom, — rentrant en Norvège. Cela se serait passé en mars, il y a trois ans.

Arnholm

D’après vous, ce ne serait qu’une illusion ?

Wangel

Oui. Les premiers symptômes remontent à une époque bien antérieure. Ce qui est exact, c’est que, il y a trois ans, ils ont abouti à une crise assez violente.

Arnholm

Tout de même… !

Wangel

Oui, mais cela s’explique simplement par l’état où elle se trouvait à ce moment.

Arnholm

Ainsi, indication et contre-indication.

Wangel, se tordant les mains.

Et dire que je ne puis rien pour elle ! Je ne sais que faire ! Je ne vois aucun moyen !…

Arnholm

Si vous vous décidiez à changer de résidence ? À aller demeurer ailleurs ? À vivre dans des conditions plus appropriées à sa nature ?

Wangel

Croyez-vous, mon ami, que je ne le lui ai pas offert ? Je lui ai proposé de nous transporter à Skioldviken. Mais elle ne veut pas.

Arnholm

Elle ne veut pas ?

Wangel

Non. Elle prétend que cela ne servirait à rien. Elle a peut-être raison.

Arnholm

Hem. Vous croyez ?

Wangel

Oui. Et puis, — quand j’y pense, — je ne sais, à vrai dire, comment exécuter ce projet. En ai-je bien le droit, comme père ? Ne faut-il pas que nous habitions quelque part où les fillettes aient, tout au moins, quelque chance de se marier ?

Arnholm

Se marier ? Vous y songez déjà ?

Wangel

Eh ! mon ami, – il le faut bien ! Oui, mais, d’autre part, je dois penser à ma pauvre Ellida ! Ah ! mon cher Arnholm, — on peut dire que je suis entre l’enclume et le marteau !

Arnholm

Peut-être n’avez-vous pas tant que cela à vous préoccuper de l’avenir de Bolette. (S’interrompant.) Je voudrais bien savoir où elle — où ils sont allés ?

(Il va vers la porte ouverte et regarde dehors.)
Wangel, près du piano.

Oh ! je suis prêt à n’importe quel sacrifice pour ces trois êtres. — Si seulement je savais que faire !

(Ellida entre par la porte de gauche.)
Ellida, vivement, à Wangel.

Je t’en prie, ne sors pas ce matin !

Wangel

Non, non. Certainement. Je resterai près de toi. (Indiquant Arnholm, qui se rapproche.) Tu ne dis pas bonjour à notre ami ?

Ellida, se retournant.

Ah ! c’est vous, monsieur Arnholm ? Bonjour.

Arnholm

Bonjour, Madame. Vous n’avez donc pas pris votre bain ce matin, comme d’habitude ?

Ellida

Non, non, non ! Pas aujourd’hui ! Mais asseyez-vous donc un moment.

Arnholm

Non, merci. (Avec un coup d’œil à Wangel.) J’ai promis aux fillettes d’aller les rejoindre au jardin.

Ellida

Êtes-vous sûr de les y trouver ? Je ne sais jamais où elles sont.

Wangel

Oh ! elles doivent être au bord de l’étang.

Arnholm

Soyez tranquille ! Je saurai les retrouver.

(Il salue d’un signe de tête et prend par la vérandah pour descendre au jardin, à droite.)
Ellida

Quelle heure est-il, Wangel ?

Wangel, regardant sa montre.

Il est onze heures un peu passées.

Ellida

Un peu passées. Et c’est cette nuit, entre onze heures et minuit, que vient le bateau. Ah ! si c’était fini !

Wangel, se rapprochant d’elle.

Chère Ellida, — je voudrais te demander…

Ellida

Quoi ?

Wangel

Hier soir, — au Belvédère, – tu me disais que, depuis trois ans, il t’arrivait souvent de le voir bien nettement devant toi.

Ellida

Oui. C’est vrai.

Wangel

Sous quel aspect t’apparaissait-il ?

Ellida

Sous quel aspect ?

Wangel

Oui, quelle apparence avait-il au moment où tu croyais l’apercevoir ?

Ellida

Mais, mon cher Wangel, tu l’as vu, tu connais sa figure.

Wangel

Et c’est bien ainsi qu’il se montrait à ton imagination ?

Ellida

Oui.

Wangel

Tel que tu l’as vu hier soir ?

Ellida

Exactement.

Wangel

Comment se fait-il alors que tu ne l’aies pas reconnu tout de suite ?

Ellida, surprise.

Ne l’ai-je pas reconnu ?

Wangel

Non. Tu m’as dit qu’au premier moment tu ne savais pas qui était cet étranger.

Ellida, frappée.

Tiens ! c’est vrai. Je crois que tu as raison ! N’est-ce pas étrange, Wangel ? Dire que je ne l’ai pas reconnu tout de suite !

Wangel

Tu ne l’as fait, m’as-tu dit, qu’en apercevant ses yeux.

Ellida

Ses yeux, — oui ! ses yeux !

Wangel

Maintenant, — tu m’as dit là haut, au Belvédère, que tu le revoyais toujours tel qu’il était au moment des adieux. Il y a dix ans.

Ellida

J’ai dit cela ?

Wangel

Oui.

Ellida

C’est que, sans doute, il n’a pas changé depuis lors.

Wangel

Si. Tu m’en as fait un portrait tout différent l’autre soir, en rentrant. Il y a dix ans, il n’avait pas de barbe. Il était autrement vêtu. Et cette épingle à perle ? Il ne l’avait pas sur lui hier.

Ellida

Non, il ne l’avait pas sur lui.

Wangel, la scrutant du regard.

Tâche de te souvenir, chère Ellida… Ou bien – serait-ce impossible ? Ne te rappellerais-tu plus la figure qu’avait cet homme quand vous vous êtes séparés à la pointe de Bratthammer ?

Ellida, réfléchit un instant, les yeux fermés.

Pas bien distinctement. Non, aujourd’hui, je ne peux pas. N’est-ce pas étrange ?

Wangel

Moins que tu ne le crois. Tu as eu une nouvelle impression. La réalité d’hier efface l’ancienne, – qui disparaît.

Ellida

Tu crois cela, Wangel ?

Wangel

Et avec elle disparaissent tes fantaisies morbides. Il est donc bon que la réalité soit venue dissiper les rêves.

Ellida

Comment ! Cela est bon, dis-tu !

Wangel

Oui. Nous tenons peut-être le remède.

Ellida, s’asseyant sur le sofa.

Viens t’asseoir là, Wangel. Je veux te dire tout ce que je pense.

Wangel

Je t’écoute, chère Ellida.

(Il s’assied sur une chaise, de l’autre côté de la table.)
Ellida

C’est un grand malheur — pour nous deux — que nous nous soyons rencontrés.

Wangel, avec un haut-le-corps.

Que dis-tu là !

Ellida

C’est vrai. Et c’est bien naturel. À quoi pouvait-on s’attendre, dans de telles conditions ?

Wangel

De quelles conditions parles-tu ?

Ellida

Écoute, Wangel, — il est inutile, à l’heure qu’il est, de nous payer de mensonges.

Wangel

Nous nous sommes donc payés de mensonges, jusqu’à présent ?

Ellida

Oui. Ou, du moins, nous nous sommes dissimulé la vérité. La vérité, — la vérité pure et sans fard — c’est que tu es venu là-bas, — m’acheter…

Wangel

T’acheter ! — tu dis que je t’ai — achetée !

Ellida

Oh ! je ne me fais pas meilleure que toi. J’ai consenti. Je me suis vendue.

Wangel, la regardant douloureusement.

Ellida, — as-tu vraiment le cœur de parler ainsi ?

Ellida

De quel nom veux-tu donc que j’appelle ce qui s’est passé ? La solitude te pesait, tu as cherché une autre femme.

Wangel

J’ai cherché une seconde mère pour les enfants, Ellida.

Ellida

Oui, par surcroît. Peut-être. Et, encore, tu ne pouvais pas savoir si je convenais à ce rôle. Tu m’avais vue. Tu m’avais parlé deux ou trois fois. C’est tout. J’étais de ton goût, et alors…

Wangel

Bien, appelle cela comme tu voudras.

Ellida

De mon côté j’étais seule, sans ressources, sans soutien. Rien d’étonnant à ce que j’aie accepté l’offre que tu m’as faite d’assurer mon avenir.

Wangel

Ce n’est vraiment pas ainsi que j’ai envisagé la question, chère Ellida. Il ne s’agissait pas d’assurer ton avenir, il s’agissait, je te l’ai loyalement déclaré de partager avec les enfants et moi le peu que je possède.

Ellida

Oui, tu me l’as déclaré. Et moi, j’aurais dû dire non ! Jamais, à aucun prix, je n’aurais dû me vendre ! Plutôt le travail le plus humble, les conditions les plus misérables, librement acceptées, librement choisies !

Wangel, se levant.

Ainsi, les cinq à six ans que nous avons vécus ensemble ne comptent pas pour toi ?

Ellida

Oh ! non, Wangel, ce n’est pas ce que je veux dire ! Tu m’as fait l’existence la plus douce qu’on puisse imaginer. N’empêche qu’en venant chez toi je n’ai pas agi librement. Tout est là.

Wangel, la regardant.

Tu n’as pas agi librement, dis-tu ?

Ellida

Non. Je n’ai pas agi librement, je le répète.

Wangel, d’une voix étouffée.

Ah ! — j’y suis — l’épreuve d’hier…

Ellida

Cette épreuve dit tout. Elle m’a ouvert les yeux Et je vois les choses telles qu’elles sont.

Wangel

Que vois-tu ?

Ellida

Je vois la vie que nous vivons ensemble : une telle union n’est pas un mariage.

Wangel, amèrement.

En cela, tu as raison. Si tu parles de la vie que nous menons aujourd’hui. Non, en effet, une union de cette espèce n’est pas un mariage.

Ellida

Je parle de la vie que nous avons toujours vécue. Notre union n’a jamais été un mariage. Dès le premier jour. (Le regard perdu devant elle.) L’autre… aurait pu l’être…, dans toute sa plénitude, dans toute sa vérité.

Wangel

L’autre ? De quel autre parles-tu ?

Ellida

Je parle de mon union avec lui.

Wangel, la regarde, étonné.

Je ne te comprends pas.

Ellida

Oh ! mon cher Wangel, cessons donc de nous mentir l’un à l’autre et de nous payer nous-mêmes de mensonges.


Wangel

Continue. Où veux-tu en venir ?

Ellida

Vois-tu, nous aurons beau faire, nous n’arriverons pas à nous persuader qu’un engagement volontaire ait moins de valeur qu’un mariage en règle.

Wangel

Ah ! c’est vraiment…

Ellida, se levant brusquement.

Laisse-moi partir, Wangel !

Wangel

Ellida !… Ellida !…

Ellida

Oui, laisse-moi partir ! Crois-moi, si je restais ici, cela ne changerait rien, étant donnée la façon dont nous avons été unis.

Wangel, maîtrisant sa douleur.

Nous en sommes donc là.

Ellida

C’était inévitable.

Wangel, la regardant avec accablement.

Ainsi, je n’ai jamais pu te conquérir. Je ne t’ai jamais entièrement possédée.

Ellida

Ah ! Wangel, si je pouvais t’aimer comme je le voudrais ! Avec toute la tendresse que tu mérites ! Mais je sens que je ne le pourrai jamais.

Wangel

C’est donc le divorce ? C’est le divorce que tu veux ? Un divorce en règle ?

Ellida

Tu me comprends si mal, mon ami ! Je me soucie bien de la règle ! Ce n’est pas de formes qu’il s’agit ici. Ce que je veux c’est que nous nous mettions d’accord pour rompre librement les liens qui nous unissent.

Wangel, amèrement, avec un lent hochement de tête.

Oui, pour rompre le marché.

Ellida, vivement.

C’est cela ! Pour rompre le marché !

Wangel

Et après, Ellida ? Oui, quand ce sera fait ? Où en serons-nous l’un et l’autre ? Comment la vie va-t-elle se dessiner pour chacun de nous ? As-tu pensé à cela ?

Ellida

Peu importe. Advienne que pourra. Le principal, Wangel, c’est ce que je te supplie de faire. Rends-moi ma liberté ! Ma pleine liberté !

Wangel

C’est là, Ellida, une terrible exigence. Laisse-moi, du moins, le temps de prendre une résolution. Il faut que nous en parlions encore. Et il te faut à toi-même le temps de réfléchir avant de te décider.

Ellida

Mais nous n’avons pas le temps de réfléchir. J’ai besoin de ma liberté aujourd’hui même.

Wangel

Aujourd’hui ? Pourquoi cela ?

Ellida

Mais — c’est cette nuit qu’il doit venir.

Wangel, sursautant.

Qu’il doit venir ? Comment ? Qu’a-t-il à faire là dedans, cet étranger ?

Ellida

Avant de le revoir, je veux être libre.

Wangel

Et après ? Que comptes-tu faire ?

Ellida

Je ne veux pas m’abriter derrière le mariage, objecter que je n’ai pas de choix à faire. Ce ne serait pas là une solution.

Wangel

Tu parles de choix, Ellida ! De choix ! Il y aurait là matière à choix !

Ellida

Oui, je dois avoir le choix. Le choix de le laisser partir seul, — ou de le suivre.

Wangel

Tu ne sais pas ce que tu dis. Le suivre ! Remettre tout ton sort entre ses mains !

Ellida

Je l’ai bien remis entre les tiennes ! Tout simplement. Un beau jour.

Wangel

Fort bien. Mais songe un peu à ce qu’il est. Un étranger. Un inconnu.

Ellida

Eh ! toi aussi tu étais pour moi un inconnu. Peut-être encore plus inconnu que lui. Cela ne m’a pas empêchée de te suivre.

Wangel

Du moins savais-tu à peu près l’existence qui t’attendait. Mais ici ! Ici ! Réfléchis un peu ! Tu ne sais rien, rien. Tu ne sais même pas qui il est, ni ce qu’il est.

Ellida, lentement, le regard perdu devant elle.

Tu as raison. C’est là l’épouvantable.

Wangel

Oh ! oui, c’est épouvantable.

Ellida

Il me semble que j’ai ordre d’avancer.

Wangel, la regardant.

Parce que cela t’épouvante ?

Ellida

Oui.

Wangel, se rapprochant d’elle.

Dis-moi, Ellida, — qu’appelles-tu l’épouvantable ?

Ellida, réfléchit un instant.

L’épouvantable, c’est ce qui effraie et attire.

Wangel

Et attire ?

Ellida

Et attire… surtout.

Wangel, lentement.

Ah ! tu es bien une fille de la mer.

Ellida

J’en ai les épouvantes en moi.

Wangel

Et tu les propages. Toi aussi, Ellida, tu effraies et attires à la fois.

Ellida

Tu trouves cela, Wangel ?

Wangel

C’est vrai, je ne t’ai jamais bien connue, telle que tu es. Je commence à m’en rendre compte.

Ellida

Alors, rends-moi ma liberté ! Délie-moi de tout ce qui nous unit ! Je ne suis pas celle que tu croyais, tu le reconnais toi-même. Nous pouvons donc nous séparer en toute conscience — et en toute liberté.

Wangel, péniblement.

Cela vaudrait peut-être mieux pour nous deux. Et pourtant non ! Je ne peux pas ! Toi aussi, Ellida, dans l’épouvante que tu inspires, c’est l’attirance qui domine.

Ellida

Tu trouves ?

Wangel

Quoi qu’il en soit, ne nous laissons pas égarer. Jusqu’à la fin du jour, gardons tout notre jugement, Je ne puis te libérer aujourd’hui. J’ai des devoirs envers toi. J’ai le devoir de te défendre. Et c’est aussi mon droit.

Ellida

Me défendre ? Contre quoi ? Rien ne me menace du dehors. L’épouvante, Wangel, vient d’ailleurs. Elle a une source plus profonde ! Ce qui est épouvantable dans la puissance qui m’attire, c’est qu’elle est en moi. Que peux-tu contre cela ?

Wangel

Je puis te fortifier pour la lutte.

Ellida

Et — si je ne veux pas lutter ?

Wangel

Quoi ! tu ne voudrais pas ?…

Ellida

Je ne sais que te répondre.

Wangel

Cette nuit, chère Ellida, tout sera résolu.

Ellida, avec explosion.

Pense donc ! Dans quelques heures, ma vie se décidera !

Wangel

Et demain…

Ellida

Demain, mon véritable avenir sera peut-être détruit à jamais.

Wangel

Ton véritable… ?

Ellida

Détruite la grande vie puissante et libre, — détruite pour moi ! Et peut-être aussi pour lui !

Wangel, plus bas, lui saisissant le poignet.

Ellida, — as-tu de l’amour pour cet homme ?

Ellida

Est-ce que je sais ! Il est, pour moi, l’épouvante et…

Wangel

Et… ?

Ellida, se dégageant brusquement.

…et ma place, je crois, est auprès de lui.

Wangel, baissant la tête.

Je commence à tout comprendre.

Ellida

Et que peux-tu contre cela ?

Wangel

Demain… il sera parti. Le malheur sera détourné de ta tête. Et alors, je consentirai à te délier, à t’affranchir. Nous romprons le marché, Ellida.

Ellida

Ah ! Wangel, demain il sera trop tard !

Wangel, regardant vers le jardin.

Les enfants ! Les enfants ! Ménageons-les, du moins, jusqu’à nouvel ordre.

(Arnholm, Bolette, Hilde et Lyngstrand apparaissent dans le jardin. Lyngstrand prend congé des autres et s’éloigne à gauche. Arnholm, Bolette et Hilde entrent au salon.)
Arnholm

Eh bien ! on peut dire que nous avons fait des projets.

Hilde

Ce soir, nous allons nous promener sur le fiord. Et après cela…

Bolette

Chut ! Ne dis rien !

Wangel

Nous aussi, nous avons formé des projets.

Arnholm

Ah ! Vraiment ?

Wangel

Demain, Ellida part pour Skioldviken, où elle passera quelque temps.

Bolette

Elle part ?

Arnholm

Voilà qui est raisonnable, madame Wangel.

Wangel

Ellida veut rentrer. Retrouver la mer.

Hilde, bondissant jusqu’à Ellida.

Tu nous quittes ! Tu nous quittes !

Ellida, effrayée.

Voyons, Hilde !… Qu’as-tu !

Hilde, se ressaisit.

Oh ! ce n’est rien. (À demi voix, se détournant d’elle.) Eh bien ! pars.

Bolette, avec anxiété.

Père, je vois cela à ta figure, tu pars aussi pour Skioldviken !

Wangel

Du tout ! Je vais peut-être y aller de temps en temps.

Bolette

Et puis tu viendras ici.

Wangel

Oui, je viendrai.

Bolette

De temps en temps, aussi !

Wangel

Chers enfants, il le faut.

(Il traverse la chambre.)
Arnholm, bas

Nous avons à causer, Bolette. Un peu plus tard.

(Il rejoint Wangel. Ils se parlent bas, près de la porte. )
Ellida, à demi voix, à Bolette.

Qu’est-ce qui est arrivé à Hilde ? Elle avait l’air égarée !

Bolette

Tu n’as donc pas remarqué son tourment de tous les instants ?

Ellida

Tourmentée, elle ?

Bolette

Oui, depuis ton arrivée à la maison.

Ellida

Et qu’est-ce qui la tourmente ainsi ?

Bolette

Le désir d’entendre de toi une parole de tendresse.

Ellida

Ah !… Y aurait-il ici un rôle pour moi !

(Elle se prend la tête dans les deux mains et reste immobile, comme en proie à des pensées et à des impulsions qui se combattent en elle.)
(Wangel et Arnholm traversent la chambre et se rapprochent en causant à voix basse.)
(Bolette va jeter un regard dans la chambre de droite, dont elle ouvre la porte.)
Bolette
Mon cher père, le dîner est servi. Veux-tu…
Wangel, avec un calme forcé.

Le dîner est servi ?… Eh bien ! mes enfants, nous allons nous mettre à table. Mon cher professeur, veuillez passer ! Nous allons vider la coupe des adieux à la santé de « la Dame de la Mer ».

(Ils sortent par la porte de droite )