La Cithare, Texte établi par Georges Barral Voir et modifier les données sur WikidataLibrairie Fischbacher (Collection des poètes français de l’étranger) (p. 131-132).
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SOPHOCLE


 
Sophocle ! nom si doux aux lèvres, demi-dieu
Qui, sur le promontoire éblouissant et bleu,
Conduis les chœurs sacrés enivrés d’harmonie,
Salut, céleste enfant, ô lumineux génie,
Qui, les cheveux en fleurs, calme, superbe et nu,
Aux battements joyeux de ton cœur ingénu,
Sur les rivages d’or que la mer illumine,
Près des autels dressés, danses à Salamine !
La voix des dieux passait dans l’air spirituel
Quand, accordant ta lyre au rythme universel

Qui modère la vie et gouverne les mondes,
Tu chantais, devinant les essences profondes,
La beauté, la douceur, la grâce et la vertu.
Mais le clair horizon s’assombrit : tout s’est tu ;
L’ombre triste du soir traîne dans les ravines.
Sophocle est mort. Hélas ! ses prières divines
Ne détourneront plus de la blanche Cité
La colère du ciel et le vent empesté.
Il est parmi les dieux ; et c’est pourquoi Lysandre,
Sur l’ordre de Bacchus, au plus fier, au plus tendre,
Au plus harmonieux entre tous les mortels
Éleva cette tombe et para ces autels.

Cher gardien printanier du tombeau de Sophocle,
Rampe paisiblement, ô lierre, sur le socle !
Ramène en cet enclos le silence et la paix ;
Que les myrtes voisins, de leur ombrage épais,
L’abritent, et qu’auprès du pavot écarlate
La vigne offre à l’ormeau sa grappe délicate,
Pour toujours honorer le poète pieux
Dont les chants désormais réjouissent les dieux.