La Cithare (Gille)/La Prière d’Hippolyte

La Cithare, Texte établi par Georges Barral Voir et modifier les données sur WikidataLibrairie Fischbacher (Collection des poètes français de l’étranger) (p. 55-57).

LA PRIÈRE D’HIPPOLYTE


 
Salut, blanche Artémis ! Choisi parmi l’élite
Des éphèbes pieux et chastes, Hippolyte,
L’initié divin, le libre et fier chasseur,
T’adresse sa prière en la sombre épaisseur
De ces vastes forêts.
Ô Souveraine altière,
Dont l’esprit radieux domine la matière,
Pour toi j’ai dédaigné l’œuvre stérile et vain.
M’enseignant les beautés de ton monde divin,
Tu dissipas en moi l’erreur et le mensonge.

Ta clarté m’éblouit, et mon âme se plonge
Dans les pures splendeurs du royaume idéal.
Tu fus mon seul amour, et mon chant nuptial
Pour toi seule vibra dans la forêt sauvage.
La fraîcheur de ton souffle emplissait le feuillage
Quand je passais, humant l’air salubre des bois,
À travers les halliers frissonnants, aux abois
De mes chiens vigoureux. À moi tu te révèles
Dans les taillis épais pleins de clartés nouvelles ;
C’est toi qui, lorsque l’aube éveille les oiseaux,
Lances des flèches d’or parmi les verts rameaux.
Tu rôdes en ces lieux, et pourtant invisible ;
Tu m’appelles : j’entends ta voix douce et terrible ;
Tu hantes les vallons où je reviens m’asseoir ;
Partout je te devine, et ton ombre, le soir,
Entre les roseaux noirs glisse le long des berges.

Salut, ô la plus belle entre toutes les Vierges,
Artémis, au grand front d’ivoire, aux larges yeux
Où triomphe l’azur resplendissant des cieux !
Fille auguste de Zeus ! rempli de tes pensées,
Je dépose à tes pieds les fleurs que j’ai tressées
Sur les monts inconnus des pasteurs, dans un champ
Que jamais n’a souillé la faux de son tranchant,
Où, loin des vils troupeaux, seule, l’active abeille
Butinait au printemps l’anémone vermeille.

 
Sur les sommets déserts, sur ces autels, c’est là
Qu’en ta présence sainte Hippolyte mêla
L’églantine au safran pour sa pieuse offrande.
Ô Déesse aux yeux clairs, reçois cette guirlande
Et daigne, étant propice à cet humble trésor,
En parer ce matin ta chevelure d’or.