La Cithare (Gille)/La Naissance d’Apollon

La Cithare, Texte établi par Georges Barral Voir et modifier les données sur WikidataLibrairie Fischbacher (Collection des poètes français de l’étranger) (p. 25-27).

LA NAISSANCE D’APOLLON


Or, le fils de Lèto jaillit à la lumière.
Une clameur monta qui couvrit l’île entière,
La terre tressaillit et, toutes à la fois,
Les déesses en chœur élevèrent leur voix.
L’enfant ne tendit point sa bouche à la mamelle,
Mais Thémis, au bras blancs, de sa main immortelle
Lui versa l’ambroisie et le nectar divin.
Ayant bu longuement, le sublime Devin,
Apollon, s’échappa de sa large ceinture,
Et debout, embrassant d’un geste la nature

Qui frissonnait d’amour sous son regard ardent,
S’écria : — Qu’on m’apporte aussitôt l’arc d’argent
Et la noble cithare aux accents doux et graves !
Je parcourrai le monde et, brisant les entraves
Qui retiennent captifs les mortels soucieux,
Je rendrai les esprits lumineux, et les cieux
Feront une auréole au brillant Sagittaire.
Du serpent monstrueux je purgerai la terre,
Et les baisers riront où pleuraient les sanglots ;
Puis, de mes chants, profonds comme l’hymne des flots,
Harmonieux et clairs, brûlants et redoutables,
De Zeus j’enseignerai les desseins véritables. —



Ainsi parla Phoibos, le souverain Archer.
Alors, ayant posé son pied sur le rocher,
Il gravit, calme et nu, la riante colline.
Et voici que Délos, joyeuse, s’illumine :
Le sol de tous côtés se couvre de lueurs
Comme si la forêt eut secoué ses fleurs ;
Et tout se change en or, l’eau, le sable, les mousses,
Et le chêne, agitant au vent ses jeunes pousses,
Semble, dans le vallon, couvert de feuilles d’or.
Le dieu poursuit sa marche ; et, prenant leur essor,
Les oiseaux gazouilleurs le suivent, et les Muses
Dominent de leur voix leurs mille voix confuses.

 
Et tandis qu’Apollon s’élève vers le ciel,
Conduisant de ses chants le chœur universel,
On voit, dans la splendeur que répand son sourire,
Au sommet du Cynthos briller sa grande lyre.