La Cité de Dieu (Augustin)/Livre XII/Chapitre XIV

La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 256).
CHAPITRE XIV.
DE LA CRÉATION DU GENRE HUMAIN, LAQUELLE A ÉTÉ OPÉRÉE DANS LE TEMPS, SANS QU’IL Y AIT EU EN DIEU UNE DÉCISION NOUVELLE, NI UN CHANGEMENT DE VOLONTÉ.

Est-il surprenant qu’égarés en ces mille détours, ils ne puissent trouver ni entrée, ni issue ? Ils ignorent et l’origine du genre humain et le terme de sa destinée terrestre, parce qu’ils ne sauraient pénétrer la profondeur des conseils de Dieu, ni concevoir comment il a pu, lui éternel et sans commencement, donner un commencement au temps, et comment il a fait naître dans le temps un homme que nul homme n’avait précédé, non par une soudaine et nouvelle résolution, mais par un dessein éternel et immuable. Qui pourra sonder cet abîme et pénétrer ce mystère impénétrable ? Qui pourra comprendre que Dieu, sans changer de volonté, ait créé dans le temps l’homme temporel, et d’un premier homme fait sortir le genre humain ? Aussi le Psalmiste, après avoir dit : « Vous nous conserverez toujours. Seigneur, depuis ce siècle jusqu’en l’éternité », a-t-il rejeté ensuite l’opinion folle et impie de ceux qui ne veulent pas que la délivrance et la félicité de l’âme soient éternelles, en ajoutant : « Les impies vont, tournant dans un cercle », comme si on lui eût adressé ces paroles : Quelle est donc votre croyance, votre sentiment, votre pensée ? Faut-il croire que Dieu ait conçu tout d’un coup le dessein de créer l’homme, après être resté une éternité sans le créer, lui à qui rien ne peut survenir de nouveau, lui qui n’admet en son être rien de muable ? — Le Psalmiste répond, en s’adressant ainsi à Dieu : « Vous avez multiplié les enfants des hommes selon la profondeur de vos conseils » ; comme s’il disait : Que les hommes en pensent ce qu’il leur plaira, vous avez multiplié les enfants des hommes selon vos conseils, dont la profondeur est impénétrable. Et en effet, c’est un profond mystère que Dieu ait toujours été et qu’il ait voulu créer l’homme dans le temps, sans changer de dessein ni de volonté.