La Cité de Dieu (Augustin)/Livre IX/Chapitre VI

La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 182-183).
CHAPITRE VI.
DES PASSIONS QUI AGITENT LES DÉMONS, DE L’AVEU D’APULÉE QUI LEUR ATTRIBUE LE PRIVILÉGE D’ASSISTER LES HOMMES AUPRÈS DES DIEUX.

Laissons de côté, pour le moment, la question des saints anges, et examinons cette opinion platonicienne que les démons, qui tiennent le milieu entre les dieux et les hommes, sont livrés au mouvement tumultueux des passions. En effet, si leur esprit, tout en les subissant, restait libre et maître de soi, Apulée ne nous le peindrait pas agité comme le nôtre par le souffle des passions et semblable à une mer orageuse[1]. Cet esprit donc, cette partie supérieure de leur âme qui en fait des êtres raisonnables, et qui soumettrait les passions turbulentes de la région inférieure aux lois de la vertu et de la sagesse, si les démons pouvaient être sages et vertueux, c’est cet esprit même qui, de l’aveu du philosophe platonicien, est agité par l’orage des passions. J’en conclus que l’esprit des démons est sujet à la convoitise, à la crainte, à la colère et à toutes les affections semblables. Où est donc cette partie d’eux-mêmes, libre, capable de sagesse, qui les rend agréables aux dieux et utiles aux hommes de bien ? Je vois des âmes livrées tout entières au joug des passions et qui ne font servir la partie raisonnable de leur être qu’à séduire et à tromper, d’autant plus ardentes à l’œuvre qu’elles sont animées d’un plus violent désir de faire du mal.

  1. De deo Socr., p. 48.