La Chanson du biniou/05
V
La chambre destinée au « Parisien » était située au premier étage, immédiatement au-dessus de la cuisine. Deux lits d’acajou, drapés de calicot blanc, faisaient vis-à-vis à deux fenêtres drapées de mousseline blanche. Sur la cheminée, au-dessous d’une glace dédorée, il y avait un vase en forme de corbeille, une vierge de porcelaine dont la ceinture bleue flottait sur un serpent et deux gros coquillages hérissés de pointes, très roses, de ces coquillages bizarres dans lesquels, tout enfants, nous entendions le soupir lointain de la mer. Sur une vieille commode, un très simple service à toilette ; sur la table ronde, une toile cirée représentant les armoiries des principales villes de France, sur fond noir. Çà et là, des chaises de paille. Les lits étroits avec leurs édredons rouges, les blancheurs crues des rideaux, les solives du plafond, peintes en gris tendre, rappelaient à Robert les vieux appartements de province qu’il avait vus dans son enfance, où vivent des parents qu’on voit rarement, qui écrivent peu, dont on ne parle jamais et dont les jours s’écoulent dans des chambres pareilles à celle-ci, aussi claires, aussi silencieuses, avec le même battement du coucou marquant la fuite des secondes dans le corridor voisin, — vie paisible de braves gens ignorés, sans grandes douleurs ni grandes joies, monotone dans un décor de monotonie.