La Chanson des gueux/ Balochard

Maurice Dreyfous (p. 160-161).


IX

BALOCHARD


Y a des gens qui va en sapins,
En omnibus et en tramways.
Tous ces gonç’s-là, c’est des clampins,
Des richards, des muf’s, des gavés.

Avec le cul sur un coussin,
On n’a pas l’plaisir épatant
D’détacher auprès d’un roussin
Un’ pastill’ dans son culbutant.

Puis, dans un’ roulotte, on n’ voit rien :
Tout d’vant vous fil’ comme un rébus.
Pour louper, faut louper en chien.
L’ chien n’ mont’ pas dans les omnibus.

Mais, quoi ! Ces ventrus sur leurs pieds
N’ peuv’nt plus supporter leur gaviot.
Dans les veines d’ ces estropiés,
Au lieu d’ sang il coul’ du morviot.


Ils ont des guiboll’s comm’ leur stick,
Trop d’ bidoche autour des boyaux,
Et l’arpion plus mou qu’ du mastic.
Les pavés leur sembl’nt des noyaux.

Moi, d’ marcher ça n’ me fout pas l’ trac.
J’ai l’arpion plus dur que des clous.
Deux ronds d’ brich’ton dans l’estomac,
C’est pas ça qui m’ pès’ sur les g’noux.

Aussi j’ laisse l’ chic et les chars
Aux feignants et aux galupiers,
Et j’ suis le roi des Balochards,
Des Balochards qui va-t-à-pieds.

Où que j’ vas ? çà vous r’garde pas.
J’ vas où que j’ veux, loin d’où que j’ suis.
C’est à côté, tout près d’ là-bas.
Mon pif marche d’vant, et je l’ suis.