La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition critique/Laisse 283
◄ Laisse 282 | Laisse 283 | Laisse 284 ► |
CCLXXXIII | |||
3815 | Quant Carles veit que tuit li sunt faillit, | Quand Charles voit que tous lui font défaut, | |
Mult l’enbrunchit e la chere e le vis. | Son visage, ses traits deviennent tout sombres, | ||
A l’ doel qu’il ad si se cleimet caitif. | Et, de la douleur qu’il ressent : « Malheureux que je suis ! » s’écrie-t-il.
| ||
As li devant uns chevalers, Tierris, | Mais voyez-vous devant lui un chevalier : c’est Thierry, | ||
Frere Gefreid, à un duc angevin ; | C’est le frère au duc Geoffroi d’Anjou. | ||
3820 | Heingre out le cors e graisle e eschewit, | Thierry a le corps maigre, grêle, allongé ; | |
Neirs les chevels e alques brun le vis, | Ses cheveux sont noirs, ses yeux sont bruns ; | ||
N’est gueres granz ne trop nen est petiz ; | Il n’est d’ailleurs ni grand, ni trop petit. | ||
Curteisement à l’ Emperere ad dit : | Et il a dit courtoisement à Charles : | ||
« Bel sire Reis, ne vus dementez si. | « Ne vous désolez pas, beau sire Roi. | ||
3825 | « Ja savez vus que mult vus ai servit ; | « Vous savez que je vous ai déjà bien servi ; | |
« Par anceisurs dei jo tel plait tenir. | « Or, par mes ancêtres, j’ai droit à siéger parmi les juges de ce procès.
| ||
« Queque Rollanz à Guenelun forsfesist, | « Quelle que soit la faute dont Roland se soit rendu coupable envers Ganelon,
| ||
« Vostre servise l’en doüst ben guarir. | « Votre intérêt eût dû lui servir de défense. | ||
« Guenes est fels d’iço qu’il le traït, | « Ganelon est un félon, Ganelon a trahi votre neveu ; | ||
3830 | « Vers vus s’en est parjuret e malmis : | « Devant vous il vient de se mettre en mauvais cas, de se parjurer.
| |
« Pur ço le juz jo à pendre e à murir | « Pour tout cela je le condamne à mort. Qu’on le pende, | ||
« E sun cors metre el’ champ pur les mastins, | « Et puis, qu’on jette son corps aux chiens : | ||
« Si cume fel ki felonie fist. | « C’est le châtiment des traîtres. | ||
« S’ or ad parent ki m’en voeille desmentir, | « Que s’il a un parent qui me veuille donner un démenti, | ||
3835 | « A ceste espée que jo ai ceinte ici | « Avec cette épée que j’ai là, à mon côté, | |
« Mun jugement voeill sempres garantir. » | « Je suis tout prêt à soutenir mon avis. | ||
Respundent Franc : « Or avez vus ben dit. » | Aoi. | « — Bien parlé, » disent les Francs. |
◄ Laisse 282 | Laisse 283 : notes et variantes | Laisse 284 ► |
Vers 3815. — Tuz. O. Pour le cas sujet, tuit. ═ Faillid. O. V. la note du vers 2.
Vers 3817. — Caitifs. O. Au cas régime, caitif.
Vers 3818. — Ais. O. Lire as et chevalier. ═ Tierris a été ajouté par G. et Mu. Mi. avait proposé gentilz.
Vers 3820. — Eschewid. O. V. la note du vers 2.
Vers 3821. — Le vis n’existe pas dans le manuscrit. ═ Bruns. O. — G. substitue : Les oils alques brun[i]s.
Vers 3824. — Bels. O. V. la note du vers 15 sur les vocatifs. ═ Vos. O.
Vers 3825. — Vos. O.
Vers 3828. — Lire Bien. O.
Vers 3829. — Fels. O. Lire fel.
Vers 3830. — Vos. O.
Vers 3831. — Parjurez. O. Pour le cas régime, parjuret.
Vers 3832, 3833. — Ces deux vers ont été réunis en un seul par le scribe, distrait ou ignorant : E sun cors metre si cum fel qui felonie fist. Les deux vers ont été rétablis par tous les éditeurs. Mi., suivi par Mu., a proposé : El champ por les mastins, d’après les Quatre Livres des Rois, p. 332, et deux vers de la Mort de Garin. (Vers 2398, 3439.) ═ Mu. a seulement changé par en pur. ═ Génin avait proposé : En un feu e bruir. ═ Lire plutôt camp.
Vers 3834. — Se or. O. ═ Peut-être doit-on supprimer ki.
Vers 3836. — Voel. O. Nous avons adopté la forme voeill, qui est de beaucoup la plus usitée.
Vers 3837. — Vos. O. ═ Lire bien.
◄ Laisse 282 | Laisse 283 | Laisse 284 ► |