La Chanson d’Ève/D’entre les roses de l’aurore

Société du Mercure de France (p. 168-170).

*

D’entre les roses de l’aurore
Elles sont venues, mes anges sonores.

Ils sont venus comme un rire dans l’air,
Et comme des souffles sur la mer.

Je me tenais, mains jointes devant elles,
Silencieuse, immobile et debout.

Ils m’ont saluée du vent de leurs ailes,
Et sont tombés à mes genoux.


Elles m’ont dit : Voici tes servantes.
Déjà leurs bouches m’effleuraient.

Leurs lèvres n’étaient pas de celles qui chantent ;
Leurs paroles n’étaient qu’un baiser.

Dans le grand matin diaphane,
Ils sont venus mes anges joyeux.

D’un horizon de neige et de flamme
Ils ont fermé le monde à mes yeux.

De mes pieds clairs à ma tête blonde
Toute par eux jonchée de fleurs,

Ils ont tracé de grandes ondes,
Et des spirales de splendeur.


Puis frémissants, ailés sur moi,
M’ont tout entière et tous à la fois,

Au fond de leurs âmes altérées,
Longuement, doucement, comme une ombre, aspirée.