La Cathédrale de Lyon/I/4

Henri Laurens (p. 14-18).

Construction de la cathédrale actuelle. — Le nécrologe de l’église de Lyon nous apprend de façon précise que l’archevêque Guichard, qui siégea de 1165 à 1180, entreprit et termina le mur d’enceinte fortifié du grand cloître qui englobait Saint-Jean, Saint-Étienne, Sainte-Croix et tous les édifices habités par les membres du chapitre. En même temps, il fonda l’église[1]. Le terme « inchoatum » est explicite et ne saurait laisser d’équivoque. Il s’agit expressément de la fondation de l’édifice et non d’une continuation des travaux, comme on a cru pouvoir l’avancer en appliquant le texte relatif à Gaucerand à la construction de l’abside actuelle. De plus, il est facile d’établir que la sculpture des édifices de la région lyonnaise à date certaine entre 1160 et 1180, comme celle des porches de Saint-Pierre et de l’ancienne chapelle de Fourvière, de l’église Saint-Paul à Lyon, de Saint-André à Vienne, est contemporaine, pour le style, de la décoration de l’abside de Saint-Jean.

En même temps que l’abside s’élevait jusqu’au-dessus du triforium, on construisait les deux chapelles latérales du chœur. Ces nouvelles constructions devaient envelopper l’ancienne église, de proportions beaucoup moins vastes, et dont le chevet, nous l’avons vu, se trouvait à plus de quinze mètres en deçà de la nouvelle abside. À mesure de l’avancement des travaux on démolissait progressivement l’ancien édifice.

Photo L. Bégule.

Abside de la cathédrale

Ici s’arrête l’œuvre entreprise par l’archevêque Guichard, où l’on constate l’influence des traditions ornementales de l’Orient comme celle des monuments romans de la Provence et aussi des édifices de la Bourgogne, où l’arc brisé commençait à s’imposer.

La construction de la « grande église » fut poursuivie sous l’administration de l’archevêque Jean de Bellesme, à partir de 1192. Cette deuxième campagne comprend les voûtes de l’abside et du chœur, les deux bras du transept jusqu’à la naissance des voûtes, et une faible partie du mur en retour des bas côtés de la nef, jusqu’aux voûtes et y compris le petit porche s’ouvrant au midi sur la cour de l’archevêché. C’est à cette campagne qu’il faut attribuer la plantation de tout le périmètre de l’édifice jusqu’au niveau des bases des piliers, dont les profils rappellent d’assez près les bases romanes de l’abside.

Dans le premier tiers du xiiie siècle, les archevêques Renaud de Forez et Robert d’Auvergne poursuivent les travaux en voûtant le transept, en élevant les deux tours qui le surmontent, ainsi que les quatre premières travées de la nef et des collatéraux. Tout ces travaux étaient achevés lorsque, en 1245, le pape Innocent IV, entouré de 144 évêques, après avoir consacré le maître-autel, tint, dans la cathédrale, du 28 juin au 17 juillet, le concile où fut excommunié et déposé l’empereur d’Allemagne Frédéric II.

En 1274, quand Grégoire X présida le grand concile de Lyon, où fut proclamée la réunion des Églises latine et grecque, le vaisseau était déjà assez vaste pour contenir les cinq cents évêques, les soixante-dix abbés et les mille autres prélats qui avaient répondu à la convocation du pape. Enfin, en 1293, on abattait le clocher de l’église primitive, encore debout.

À partir du dernier tiers du xiiie siècle les travaux n’avancent plus que lentement. La partie inférieure de la façade est élevée, au temps de Pierre de Savoie, de 1308 à 1332, sur les bases fondées à la fin du xiie siècle ainsi que les deux dernières travées qui ne reçoivent leurs voûtes qu’à la fin du xive siècle, grâce aux libéralités du cardinal de Talaru (1375-1389) et de l’archevêque Philippe de Turcy (1389-1415). En 1392, le maître de l’œuvre, Jacques de Beaujeu, ouvre dans le mur du deuxième étage de la façade la grande rose, dont les vitraux, exécutés l’année suivante par Henriet de Nivelle, illuminent la nef des feux du couchant.

Pendant le cours du xve siècle l’œuvre de Saint-Jean se poursuit et se termine dans son ensemble et ses détails : la partie supérieure du clocher méridional est élevée en 1413 ; seuls, les sommets des tours ne reçurent jamais leur couronnement. En 1419, on reconstruisit le petit cloître et, en 1467, on le remania du côté de la Saône : sa galerie occidentale sert aujourd’hui de chœur d’hiver au chapitre. En 1459 on édifia à nouveau la salle capitulaire et la salle du trésor. Enfin, la partie supérieure de la façade, avec le pignon central et les deux tours est de 1480. L’année suivante, ce pignon est couronné par les statues monumentales du Père Éternel, de la Vierge et de l’ange Gabriel, œuvres du « tailleur d’images » Hugonin de Navarre.


  1. « Guichardus Lugdunensis episcopus : Eoden praesidente, ambitus murourm claustri ceptus et consommatus est, et opus ecclesie inchoatum ». Obit. ludg. eccl., p. 123.