La Catastrophe de la Martinique (Hess)/03

Librairie Charpentier et Fasquelle (p. 7-8).


III

AUTRES VISIONS DU VOLCAN


La montagne émerge en tronc de cône et le nuage est un tronc de cône renversé. Nuage et montagne, c’est deux troncs de cônes se pénétrant par le sommet, un X gigantesque, à base solide, à ceinture lâche, vacillante, à sommet flottant…

Le volcan, 26 mai.

À cinq milles dans le vent, nous avons respiré l’odeur du souffre et reçu de la cendre. Cette cendre tamise la lumière, la poudre…

À chaque minute, pour ainsi dire, varie l’aspect de la montagne…

Le cône du nuage s’est écrasé, les fumées tombent très bas. Elles sont maintenant un panache renversé qui file en s’étalant vers le Nord.

Puis le nuage remonte, large, énorme, très haut, coupé nettement sur le ciel plus clair du côté du Sud ; se confondant avec le ciel noir du côté du Nord, c’est une masse sombre, fuligineuse, à reflets rougeâtres, jaunâtres, qui s’élargit en nappes très noires dans les hauts…

Est-ce imagination, toutes ces coulées de laves blanches sous la montagne ont l’air de dalles d’amphithéâtre.

Quand nous piquons dans le Sud et que nous nous éloignons, la montagne et le nuage, tout reprend l’aspect d’un pastel, d’un pastel sombre d’indigo ; et là où se devine le sommet, le cratère, nous voyons, sur une ligne courbe, un U très large, cinq points ardents qui doivent être énormes. Ils nous apparaissent, dans le vague, dans le bleu sombre de la nuit, comme cinq ballons rouges, vous savez, ceux de l’ingénieur Beau, ces ballons de celluloïd où la joie des villes enferme ses illuminations électriques et les rend plus pâles, plus jolies…