La Catastrophe de la Martinique, Le Tour du monde 1902/02
II
Destruction de Saint-Pierre.
C’est une dépêche transmise par Saint-Thomas, une des Antilles danoises, qui a annoncé l’effroyable catastrophe survenue le jeudi matin, 8 mai, à la Martinique. Quelques heures plus tard un télégramme émanant du capitaine de frégate Le Bris, commandant du croiseur Suchel, ne laissait aucun doute sur l’exactitude de cette terrifiante nouvelle.
Voici cette dépêche :
« Commandant du Suchet à Marine, Paris.
« Reviens de Saint-Pierre, ville complètement détruite par masse de feu vers huit heures du matin. Suppose toute population anéantie. Ai ramené les quelques survivants, une trentaine. Tous navires sur rade incendiés et perdus ; je pars pour Guadeloupe chercher vivres. L’éruption du volcan continue ».
Que s’était-il passé entre le départ du paquebot le Saint-Germain et cette fatale matinée du 8 mai ?
Les récits de quelques fugitifs qui ont quitté Saint-Pierre avant la catastrophe et le rapport de M. Lhuerre, gouverneur par intérim, nous apprennent que, le lundi 5, l’usine Guérin située au bord de la mer, à l’embouchure de la rivière Blanche, avait été détruite sous une avalanche de laves et de boues, engloutissant une trentaine de personnes. L’affolement fut grand à Saint-Pierre ; le gouverneur Mouttet vint dans la journée réconforter la population. La situation du volcan étant stationnaire, le Gouverneur rentra à Fort-de-France, le mardi 6 mai, dans l’après-midi. L’avis des gens compétents était que la lave avait trouvé issue par la vallée de la Rivière Blanche et que Saint-Pierre n’était pas menacé.
Dans la nuit du 6 au 7, un orage éclata. Le 7, le volcan fumait abondamment ; les rivières débordèrent. « La population de Saint-Pierre, dit M. Lhuerre, entra dans une émotion indescriptible. » Le maire, à deux heures de l’après-midi, téléphonait au Gouverneur pour lui demander l’envoi d’un détachement destiné à maintenir l’ordre dans la ville. Le Gouverneur arriva lui-même à quatre heures, accompagné de Mme Mouttet, du colonel Gerbault et de sa femme et de quelques fonctionnaires. L’arrivée du Gouverneur et la publication d’un communiqué officiel rassurant calmèrent un peu les habitants de Saint-Pierre. Voici ce communiqué :
« La Commission chargée d’étudier les phénomènes volcaniques de la montagne Pelée s’est réunie hier soir, 7 mai, à Saint-Pierre, à l’hôtel de l’Intendance, sous la présidence de M. le Gouverneur.
« Après examen des faits constatés successivement depuis le commencement de l’éruption, la Commission a reconnu :
« 1o Que tous les phénomènes qui se sont produits jusqu’à ce jour n’ont rien d’anormal et qu’ils sont au contraire identiques aux phénomènes observés dans tous les autres volcans ;
« 2o Que les cratères du volcan étant largement ouverts, l’expansion des vapeurs et des boues doit se continuer, comme elle s’est déjà produite, sans provoquer des tremblements de terre ni des projections de roches éruptives ;
« 3o Que les nombreuses détonations qui se font entendre fréquemment sont produites par des explosions de vapeurs localisées dans la cheminée, et qu’elles ne sont nullement dues à des effondrements de terrain ;
« 4o Que les coulées de boue et d’eau chaude sont localisées dans la vallée de la Rivière Blanche ;
« 5o Que la position relative des cratères et des vallées débouchant vers la mer permet d’affirmer que la sécurité de Saint-Pierre reste entière ;
« 6o Que les eaux noirâtres roulées par les rivières des Pères, de Basse-Pointe, du Prêcheur, etc., ont conservé leur température ordinaire et qu’elles doivent leur couleur anormale à la cendre qu’elles charrient.
« La Commission continuera à suivre attentivement tous les phénomènes ultérieurs, et elle tiendra la population au courant des moindres faits observés ».
Les journaux aussi prêchaient le calme et la confiance !
« N’y a-t-il pas lieu, dit l’Opinion, aujourd’hui comme en 1851, de charger une Commission, composée d’hommes compétents, de se rendre sans retard au Prêcheur pour examiner le phénomène d’aussi près que possible et rassurer ceux qu’alarme le spectacle qu’offre à cette heure la montagne Pelée.
« Les habitants du Prêcheur et des environs sont dans la consternation. Une véritable pluie de cendres s’abat sur les hauteurs de cette commune. Les écoles sont fermées. À Saint-Pierre, beaucoup de personnes commencent à s’émouvoir.
« Nous avons lu le rapport adressé au Gouverneur en 1851, par la Commission qui avait examiné le volcan. Il en résulte que l’éruption de la montagne Pelée n’offre aucun danger. Ce volcan n’a jamais lancé que de la boue et des cendres.
« Prêchotins, mes amis, dormez tranquilles ! »
Le lendemain même du jour où le journal affichait tant de confiance, Saint-Pierre disparaissait !
Jamais on ne saura rien de précis sur la destruction de Saint-Pierre, puisque pas un seul des habitants de la ville témoin de la catastrophe n’a survécu. Il est difficile de se faire une idée d’un cataclysme ensevelissant plus de trente mille personnes, rasant une cité entière, détruisant tout sur son passage et changeant, en quelques secondes, une contrée vivante et habitée en un épouvantable désert ! Seul, M. Ellery Scott, Fun des officiers du Roraïma, l’unique navire qui n’ait pas été complètement détruit en rade de Saint-Pierre, a vu de près l’épouvantable catastrophe et en a fait un récit poignant :
« Le jour commençait à poindre, lorsque le 8 mai, au matin, la Martinique fut signalée. Nous venions de traverser un orage, et il était environ six heures lorsque nous jetâmes l’ancre en vue du débarcadère de la place Bertin. Quand l’agent vint à bord avec les chalands et les gabariers, il nous dit que la montagne Pelée faisait des siennes depuis le samedi et que jusque dans Saint-Pierre il était tombé une forte pluie de cendres chaudes. Cependant le volcan paraissait apaisé, et les gabariers se mirent vaillamment au travail.
« Il y avait à l’ancre à côté de nous, dans la rade, environ dix-huit vapeurs ou caboteurs, dont l’un était un navire français du port de Nantes, le Tamaya, capitaine Moritz ou Maurice, sans compter quatre grands voiliers. Le steamer anglais Roddam était mouillé tout près de nous.
« Il se produisit alors un singulier phénomène, comme une sorte de trépidation de l’atmosphère, et j’eus la sensation d’avoir été bousculé par une main invisible. Immédiatement, quelqu’un s’écria auprès de moi :
« — Grand Dieu ! regardez.
« Il avait les yeux fixés sur la montagne Pelée, et les regards de tous prirent la même direction. Ce que je vis, je suis impuissant à le décrire, mais ma première pensée fut que c’était la fin du monde. On aurait dit que tout ce qu’il y a de dynamite dans l’univers venait de faire sauter la montagne.
« Une immense colonne de flammes s’éleva droit dans l’air, puis, s’élargissant, sembla crouler sur nous du haut du ciel. Je courus alors, avec notre second, Moxley, et quelques hommes vers la pointe d’avant pour essayer de lever l’ancre. En passant, j’entendis le capitaine donner des ordres, et je vis Mac Fear, le mécanicien, descendre précipitamment dans l’entrepont.
« Au moment où nous arrivions à l’avant, la terrible trombe était sur nous. Une véritable avalanche de pierres incandescentes, de fange bouillante et de gouttes de feu s’abattit sur le bâtiment comme une volée de mitraille. En même temps, on aurait dit que toute l’eau du port se ramassait en bloc, avec un fracas épouvantable, pour se ruer à l’assaut des navires qui, soulevés par l’énorme vague, semblèrent capoter et couler à pic. Quand le raz de marée atteignit le Roraïma, ce fut un effroyable coup de tangage, et tout fut rasé sur le pont : les mâts, les cheminées, les embarcations, tout. Il y avait une manche à air à ma portée : je m’y accrochai de toutes mes forces, ce qui faillit me coûter la vie, car la force du flot fit entrer mon corps dans l’orifice. Deux gabariers me dégagèrent et m’entraînèrent dans l’entrepont. Je restai là quelques instants, à moitié évanoui, pendant que les projectiles et le feu faisaient rage au-dessus de moi.
« De temps en temps, un matelot carbonisé dégringolait, avec des hurlements atroces, à travers l’écoutille et expirait en bas : je fus bientôt enseveli sous un monceau de cadavres. Quelqu’un pourtant m’ayant relevé, je remontai sur le pont et je me mis à essayer de sauver les blessés qui étaient tous étendus çà et là sous la boue et les pierres incandescentes qui continuaient de pleuvoir. Pendant que j’étais à cette besogne, le capitaine Muggah parut : je ne le reconnus qu’à ses vêtements qui fumaient, car son visage, entièrement brûlé, était méconnaissable.
« Amène tout, cria-t-il.
« Il fut impossible d’obéir à cet ordre, car, après avoir échappé au raz de marée, le navire avait été troué comme une écumoire par la pluie de feu.
« Je n’ai plus revu le capitaine depuis, mais un gabarier m’a dit qu’il avait sauté par-dessus bord, s’était réfugié sur un radeau qu’on avait improvisé en toute hâte, et qu’il y était mort presque aussitôt.
« Pendant ce temps, la mer continuait de rouler de formidables lames de fond, la montagne Pelée ne cessait de mugir, et de prodigieuses secousses ébranlaient l’atmosphère. Du côté de Saint-Pierre, le spectacle était terrifiant. La ville avait disparu, et à sa place on n’apercevait plus qu’une immense traînée de poussière grise, de flamme et de fumée. Tout autour de nous, les navires qui n’avaient pas coulé flambaient et toute la rade était couverte de cadavres flottant isolément ou par groupes.
« Quelques heures plus tard — je ne saurais dire au juste combien — vers trois heures de l’après-midi, d’après ce qu’on m’a raconté, le navire français Suchet put nous accoster : c’est ainsi que j’ai été sauvé avec seize autres personnes, toutes plus mortes que vives. On nous conduisit à Fort-de-France, où nous avons été recueillis à l’hôpital. »
M. Lhuerre dans son rapport officiel raconte comment la fatale nouvelle fut apprise à Fort-de-France :
« À huit heures cinq du matin, au moment où le vapeur de la Compagnie Girard allait quitter le chef-lieu pour se rendre à Saint-Pierre, une énorme poussée de nuages blanchâtres, roulant en volutes gigantesques, fut aperçue de Fort-de-France dans la direction de la montagne Pelée ; au même instant, les lignes du câble et du téléphone reliant Saint-Pierre au chef-lieu furent rompues, le baromètre subit une baisse brusque et un raz de marée se fit sentir sur le rivage.
« Les nuages obscurcirent en quelques instants tout le ciel ; une pluie de pierres, dont quelques-unes du poids de 20 grammes, s’abattit sur Fort-de-France, suivie d’une pluie de cendres qui dura jusque vers onze heures. Le bateau Girard, qui avait quitté le chef-lieu à huit heures un quart, après le raz de marée, pour se rendre à Saint-Pierre, continua sa route jusqu’à la hauteur de Case-Pilote, qui est exactement à mi-route, et là, arrêté par les pierres et la cendre qui tombaient en quantité considérable, rebroussa chemin pour rentrer à Fort-de-France.
« Il repartit vers dix heures, après que la grosse émotion causée à Fort-de-France par la pluie de pierres se fut calmée. Quelques instants après, un spectacle terrifiant s’offrit aux yeux des passagers : au pied du volcan, entouré d’un nuage opaque de fumées et de cendres, tout le littoral était en feu sur une étendue de près de 5 kilomètres ; les arbres et les maisons isolées de la campagne brûlaient également ; une douzaine de bateaux sur rade de Saint-Pierre, dont deux steamers américains, flambaient, encore à l’ancre. Le littoral paraissait désert ; sur la mer, rien ne surnageait que des épaves. La chaleur rayonnante dégagée par cet immense brasier empêcha le bateau d’avancer, et il rentra à Fort-de-France à une heure de l’après-midi, rapportant la sinistre nouvelle ».
Le Suchet partait aussitôt pour Saint-Pierre, et à neuf heures le commandant Le Bris descendait sur la place Bertin. Nos marins qui se montrèrent si dévoués dans l’horrible tâche qui leur incombait, furent bientôt rejoints par le procureur de la République Lubin. Le récit de M. Lubin est un des plus poignants qui aient été faits de l’aspect de Saint-Pierre, quelques heures après sa destruction.
« Je suis parti par le vapeur Rubis, à deux heures et demie de l’après-midi, avec une compagnie de trente hommes de troupe, commandée par le lieutenant Tessier… En outre, l’abbé Parel, administrateur du diocèse, accompagné d’un de ses vicaires, avait pris passage à bord.
« Après avoir passé Case-Pilote, nous constatons que la mer est jonchée d’épaves. Le Rubis doit ralentir sa marche pour éviter de briser son hélice. Nous remarquons quelques groupes de personnes.
« Nous approchons du Carbet ; à notre grand étonnement, il y a relativement peu de monde sur le rivage. Saint-Pierre est enveloppé dans un nuage de fumée, accompagné de flammes, surtout dans la partie nord, dite le Fort.
« Saint-Pierre et ses environs nous apparaissent comme un monceau de cendres et de ruines. La rade ne contient qu’une énorme quantité de morceaux de bois. Deux navires à vapeur, en fer, complètement démâtés, penchés sur la côte, les canots à moitié descendus dans les porte-manteaux, sont devenus la proie des flammes. Pas trace de la coque d’un navire à voile ; pas un canot ; nous rencontrons seulement trois ou quatre bateaux côtiers, dits pirogues, de la Basse-Pointe, la quille en l’air, chavirés : sur le rivage et dans la campagne environnante, pas un être vivant.
« Une douzaine d’individus seulement se sont réfugiés sur les rochers situés entre Saint-Pierre et le Carbet ; les chaloupes du Suchet vont les recueillir. Nous avons su que ces personnes appartenaient aux équipages des navires disparus.
« Je demande au capitaine de s’approcher le plus près possible de Saint-Pierre et, faisant mettre un canot à la mer, nous nous dirigeons vers la ville même, le lieutenant, l’enseigne (l’enseigne de vaisseau Hébert, du Suchet) et moi. Nous débarquons un peu après à la place du Mouillage ; la solitude est complète et nous pénétrons jusqu’à la rue Bouillé.
« À cet endroit, nous trouvons de place en place des cadavres, quelques-uns gonflés par les gaz et non carbonisés ; quant à ceux qui recouvrent l’emplacement des maisons, ils nous paraissent entièrement carbonisés. Impossible de pénétrer dans l’intérieur et d’arriver à la rue centrale de la ville, la rue Victor-Hugo. Il faudrait, en effet, marcher sur un brasier ardent.
« Nous reprenons le canot et débarquons à la place Bertin. Là également des cadavres gonflés par les gaz et non carbonisés. Les mains ne sont pas crispées ; la mort parait avoir été rapide et exempte de souffrance. Sur cette place une douzaine de cadavres dont un, celui d’une femme, a la cuisse traversée par une poutre. Les quais n’existent plus, les troncs d’arbre, non plus. Le phare de la place Bertin, haut de 20 mètres environ, est rasé à environ 3 mètres.
« L’escalier intérieur en fer qui le dessert semble avoir été cassé. Les pierres qui restent ne sont pas calcinées, le fer de l’escalier n’a pas souffert du feu. La grille de la fontaine de cette place est tordue, un tuyau déformé donne encore de l’eau.
« Nous essayons de pénétrer dans la rue Lucy, mais la chaleur est tellement suffocante qu’il faut y renoncer, et nous regagnons le vapeur pour aller trouver les personnes qui se trouvent au Carbet. »
L’épouvantable spectacle qu’offrait la malheureuse ville de Saint-Pierre, quelques heures après son anéantissement, est relaté dans le récit suivant, qu’on ne pourra lire sans éprouver un véritable saisissement :
« Des spectacles déchirants s’offrent à notre vue. Ici, c’est une femme prosternée, les deux mains sur la tête, dans l’attitude de l’imploration ; là, c’est un groupe de cinq personnes qui causaient probablement dans la rue lorsqu’elles furent surprises par la mort brutale et inattendue : l’une d’elles a la tête en bas et les pieds arcs-boutés contre les autres. Dans une maison, on s’approche d’un cadavre qui a conservé son aspect naturel ; mais à peine y a-t-on touché, que la peau se détache du corps. Dans une autre habitation, à la rue Victor-Hugo, un homme est assis à son bureau ; une jeune femme, probablement sa fille, s’appuie sur son épaule, les bras autour de son cou, tandis qu’un jeune homme, à ses genoux, semble lui demander protection. Sur un balcon, un homme a la main droite sur le ventre et se ploie en deux. Un douanier est retrouvé intact, asphyxié sous un canot qu’il avait retourné, espérant y trouver un asile contre la mort implacable. Et partout ce sont les mêmes scènes de suprême douleur, d’épouvante et d’horreur. Les groupes sont nombreux. Il semble qu’on ait voulu se réunir pour se sentir plus fort devant l’événement dernier, pour mourir comme on avait vécu, dans une communion intime des âmes. Les membres d’une même famille, étroitement entrelacés, paraissent ainsi accepter avec plus de courage la mort en commun, le passage en compagnie dans l’éternité pleine de mystérieux effroi… »
Voici maintenant quelques lignes qui nous racontent comment s’opère, au milieu des ruines, la lugubre besogne de l’incinération des cadavres :
« Les équipes travaillent courageusement. Les ouvriers, un mouchoir imbibé d’acide phénique sur le nez et sur la bouche, placent sur les morts quelque menu bois et versent dessus du pétrole. Une allumette est enflammée, puis le bois, et l’incinération commence. Les cadavres sont brûlés à la place où on les trouve, isolément ou en groupe, selon le cas. »
La population de Saint-Pierre comptait six mille blancs : on croit qu’il n’y avait pas plus de deux ou trois cents absents le matin du sinistre. La plupart sont aujourd’hui sans ressources. Un grand nombre de familles disparues avaient des enfants en France : des filles dans des couvents de Paris, des fils en pension ; l’Université compte une vingtaine de Martiniquais dans les lycées de la capitale ; ces malheureux enfants ne possèdent plus rien. Les journaux américains parlent d’une perte totale de quarante millions de dollars. Mais, en outre, Saint-Pierre était le centre du commerce et de l’industrie de l’île qui vont se trouver paralysés pour longtemps. La terre, bien au delà du champ du sinistre, est recouverte d’une couche de cendres qui a détruit les végétaux ou qui les a rendus impropres à la nourriture des bestiaux.
Que de ruines et que de deuils accumulés sur cette pauvre petite terre si française !
Et depuis la terrible éruption du 8 mai, d’autres éruptions d’une violence extrême se sont produites, jetant l’épouvante au milieu de cette malheureuse population, déjà si éprouvée. L’éruption du 20 mai, plus terrible, dit-on, que celle du 8, a causé une véritable panique à Fort-de-France ; elle a renversé les dernières murailles de Saint-Pierre, restées debout, et a enseveli sous plusieurs mètres de cendres les corps des innombrables victimes. Des savants annoncent d’autres sinistres.
Dieu veuille qu’ils se trompent et que la pauvre Martinique, après avoir subi un des plus affreux désastres qu’ait jamais enregistrés l’histoire de l’humanité, soit conservée à la France qui pleure avec elle ses enfants disparus !