La Capucinière, ou le bijou enlevé à la course/00-2

Chez les Marchands de Nouveautés (p. vii-x).




AVANT-PROPOS.



Nous ne dirons pas comment cette bluette est tombée entre nos mains ; le public est, sans doute, fort peu curieux de le savoir. Il nous paraît également inutile de lui en faire connaître l’auteur. Si elle est assez heureuse pour amuser, son nom n’ajoutera rien au plaisir qu’elle procurera. Si, au contraire, elle ennuie, raison de plus pour que l’auteur reste inconnu.

En supposant que des plaisanteries dussent être prises au sérieux, nous conviendrons que cet ouvrage pourrait, à la rigueur, être taxé de renfermer quelques traits hardis et quelques peintures un peu libres ; mais alors nous demanderons ce qu’a donc avancé l’auteur de la Capucinière, que les écrivains les plus célèbres du dix-huitième siècle n’aient dit avant lui ? Ouvrons les œuvres de Voltaire, de Diderot, de Boulanger, d’Helvétius, de l’abbé Raynal, &c., nous y trouverons, à chaque page, le ridicule semé à pleines mains sur notre religion, qui, d’après M. Geoffroy lui-même, ne vaut pas mieux que celle des peuples les plus barbares[1]. Leurs écrits d’ailleurs l’attaquent ouvertement ; au lieu que notre auteur n’en a parlé que par occasion, et parce qu’elle tenait à son sujet. Ce n’est qu’aux couvens qu’il paraît en vouloir. Eh ! n’est-il donc pas reconnu maintenant que le culte catholique peut très-bien se passer de moines, de capucins, de nonnes, de cloîtres en un mot ? Mais les prêtres et les bigots, intéressés à arrêter la propagation de cette vérité, s’emporteront toujours contre l’homme courageux qui dénoncera ces repaires du vice, ou de véritables animaux se réunissent

Pour s’engraisser et vivre à nos dépens.

Il est un reproche plus fondé en apparence, qu’on pourrait adresser à notre auteur. Je veux parler des mœurs qu’il n’a pas assez respectées, dira-t-on. Nous ne pensons pas qu’en chantant des capucins, il ait eu la prétention de faire un cours de morale. Quoi qu’il en soit, son ouvrage n’en est pas entièrement dépourvu, et il nous serait facile de le prouver. Mais examinons si ceux qui ont écrit dans le même genre, ont été plus réservés que lui. Sans parler des productions des anciens, et en nous restreignant à celles des écrivains de nos jours et de notre pays, nous verrons que l’auteur de la Capucinière a été bien moins libre que ses maîtres.

Dans la Pucelle, Jeanne aux prises avec le Muletier et Grisbourdon, aux prises avec son âne brûlant d’amour pour elle ; dans la Guerre des Dieux, la Parodie de la Passion de Notre Seigneur, la Chapelle des Claques, les Exploits de Priape et de ses Satyres ; dans les Bijoux indiscrets et dans Parapilla, les Aveux des Bijoux, les Fredaines de Parapilla ; enfin dans les Contes de Lafontaine, les Trois Commères, le Berceau, &c. ; toutes ces scènes ne sont-elles pas bien plus indécentes que celles de la Capucinière ? Cependant ces ouvrages se vendent publiquement et par-tout.

Au surplus, si notre auteur a présenté quelques tableaux trop libres parfois, du moins ses expressions sont toujours chastes ; et, à l’exception de deux ou trois mots, qu’il lui aurait été impossible de ne pas employer, tels que pucelage et pucelle, sa Capucinière n’en offre aucun qui ne dût être reçu dans la meilleure société. Or, le bon homme a dit :

Quand le mot est bien trouvé,
Le sexe, en sa faveur, à la chose pardonne.
Ce n’est plus elle alors, c’est elle encor pourtant :
Vous ne faites rougir personne,
Et tout le monde vous entend.



  1. M. Geoffroy a dit dans son Feuilleton du 19 août 1807 : Le progrès des lumieres nous a fait voir que toutes les religions sont aussi bonnes les unes que les autres ; que toutes les manières d’adorer Dieu, lui plaisent également, etc.