La Côte d’Azur russe (Riviera du Caucase)
Librairie Ch. Delagrave (p. 1-31).
Col de Pséachka. (V. chap. XIV.)

CHAPITRE PREMIER

INTRODUCTION

Objet du voyage. — L’aménagement de la Riviera russe. — Mission du ministère de l’agriculture et des domaines de Russie. — L’exode des Tcherkesses ou Circissiens. — Colonisation et mise en valeur de leur territoire. — Création d’une Riviera russe au Caucase occidental. — Erreurs géographiques. — Nécessité d’un chemin de fer côtier. — Le paludisme. — Vues d’ensemble. — Histoire et archéologie. — Géographie. — Géologie. — Hydrologie. — Cavernes. — Ethnographie. — Itinéraire et photographies. — La nouvelle carte russe au 42,000°. — Remerciements à mes collaborateurs.

Le 29 novembre 1902, M. Stanislas Meunier, professeur de géologie au Muséum d’histoire naturelle, m’informait que Son Excellence M. A.-S. Yermoloff, ministre de l’agriculture et des domaines de Russie, l’avait prié de me demander si je serais disposé à entreprendre, au Caucase occidental, un voyage d’études géographiques et particulièrement de recherches hydrologiques, relatives à la mise en valeur du littoral russe de la mer Noire. Aussi flatteuse et séduisante qu’inattendue, la proposition ne pouvait être qu’acceptée avec joie ; et le 13 juillet (30 juin) 1903, Sa Majesté le Tsar voulait bien donner sa haute et pleine approbation au programme élaboré par M. Yermoloff et qu’il importe d’expliquer : car le récit de la mise à exécution de ce programme est l’objet du présent volume, qui se trouve constituer ainsi le rapport complet officiel[1] de la mission qu’a daigné me confier le gouvernement russe.

On me permettra d’exprimer avant tout ma bien profonde reconnaissance à Son Excellence le ministre Yermoloff pour l’inappréciable témoignage de distinction qu’il m’a spontanément octroyé dans cette occurrence, et toute ma gratitude à M. Stanislas Meunier pour en avoir été l’obligeant intermédiaire.

On sait que la conquête russe des régions caucasiennes et la soumission de ses nombreuses tribus autochtones, d’une si surprenante variété ethnographique, a duré soixante-cinq ans : depuis la cession de la Géorgie à l’empereur Paul par le roi George III (5 décembre 1799) jusqu’à la reddition de Chamyl à Gounib (25 août/6 sept. 1859), pour le Caucase oriental, et, pour le Caucase occidental, jusqu’au printemps de 1864 (soumission des Adighé de Sotchi au grand-duc Michel). L’une des races aborigènes les plus difficiles à dompter fut celle des chevaleresques et belliqueux Tcherkesses (Circassiens) ou Adighé, dont le territoire fut formellement cédé à la Russie par la Turquie, lors du traité d’Andrinople (14 sept. 1829) ; les annales militaires des multiples et meurtrières expéditions nécessaires pour les réduire, ne se montrent pas moins héroïques que l’épopée de la résistance lesghienne en Daghestan sous Chamyl. On suppose que, vers 1850, plus de 500,000 Tcherkesses occupaient les vallées des deux versants du Caucase occidental[2]. Une fois vaincus, l’orgueil de race[3], la foi musulmane, et surtout leurs instincts pillards, ne leur permirent point de supporter la nouvelle et régulière autorité établie ; la plupart préférèrent l’exil volontaire, qui commença dès 1858.

En 1864, on dut recourir à un décret, pour l’expulsion de ceux qui étaient demeurés réfractaires. Durant ces six années, on enregistra le départ de trois cent quatre-vingt-dix-huit mille Tcherkesses.

Ce fut l’exode des Circassiens, partiellement renouvelé en 1877-78, principalement pour les Abkhases, expulsés en masse à cause de leur défection pendant la dernière guerre russo-turque, tous s’en allèrent végéter dans certaines provinces turques de l’Asie Mineure.

Accueillis là avec défiance et n’ayant point su, pour se faire bien venir, mettre un frein à leur fierté ni même à leurs rapines, ils déchurent, en pays ottoman, à une si misérable condition que, depuis 1880 environ, beaucoup (surtout des Abkhases expulsés en 1878) ont sollicité et obtenu sans peine le retour au sol des ancêtres, avec, il est vrai, quelques restrictions à leurs droits. J’insiste tout de suite, pour qu’on l’apprécie comme elle mérite de l’être, sur la portée exceptionnellement significative de cette rentrée volontaire en terre natale annexée ; elle montre toute la grande valeur philosophique et économique des procédés de la colonisation russe. Avec ténacité et intelligence le gouvernement du Tsar, quoi que l’on en ait pu dire, possède le talent spécial d’assimiler les peuplades vaincues, en respectant leurs mœurs et leurs croyances, en ménageant leurs intérêts et leur amour-propre. Par une ferme discipline et une tolérance indulgente, la Russie a réalisé dans ses expansions le seul objectif moral des conquêtes : l’aménagement rationnel, laborieux et scientifique des territoires annexés, qui, mal exploités jadis, voient décupler leur production au profit et par l’effort communs de l’ancien et du nouvel occupant, désormais solidaires. C’est une bienfaisante action que la Russie excelle ainsi à répandre dans toutes les zones où elle a débordé ; la Géorgie et le Turkestan déjà en avaient administré la formelle preuve et étalé les louables résultats, avant les commotions récentes dues à des causes extérieures et qui ne sauraient être durables. Par opposition avec d’autres puissances accaparcuses, la Russie se garde sagement et humainement d’anéantir l’indigène ; elle le préserve et l’encadre soigneusement pour le conduire à une amélioration générale de ses facultés, à un rendement perfectionné dont il est le premier à bénéficier ! Sous ce rapport, l’œuvre de pénétration russe est universellement admirable.

C’est du moins l’impression durable que j’ai ressentie à mon intime contact avec les Caucasiens et Abkhases.

Actuellement il peut y avoir 120,000 à 150,000 Tcherkesses (surtout de la tribu des Khabardes) sur le versant nord, à l’ouest de Piatigorsk ; plus, dans le cercle de Soukhoum, sur la mer Noire, entre les fleuves Bzib et Rion, 40,000 à 50,000 Abkbases qui, tribu pacifique et de mœurs douces, n’auraient pas volontairement encouru les risques de l’émigration, s’ils ne s’étaient fait chasser temporairement lors de la guerre d’Orient en 1878. Entre temps, et depuis 1864, la Russie se préoccupa rationnellement d’utiliser le vaste territoire abandonné par les Adighé et de coloniser, pour en assurer la bonne exploitation, la région montagneuse susceptible d’alimenter, voire d’enrichir, une population trois ou quatre fois plus nombreuse au moins que le demi-million d’anciens occupants.

Tandis qu’un ingénieux système de concessions temporaires, sinon tout à fait gratuites, du moins assujetties à une faible revenance annuelle, — ne laissant le bénéficiaire plein propriétaire du sol au bout de cinq ans, qu’à la condition de l’avoir dûment et profitablement perfectionné par son travail[4], — substituait en maintes plages et vallées la vigne prospère et les cultures abondantes (maïs, tabac, céréales) aux vergers demi-sauvages des anciens aouls ou hameaux tcherkesses, — le moderne courant d’idées hygiéniques sur les stations climatiques, de rivages ou d’altitudes, suggérait la pensée de créations de ce genre sur la côte de l’ancienne Circassie : entre Novorossiisk et Soukhoum, au pied de la chaîne s’élevant graduellement vers l’est, 370 kilomètres de grèves s’allongeaient presque sans interruption, merveilleusement préparées pour les bains de mer ; de grandioses forêts, propices à l’ombrage des villes et au rafraîchissement des promeneurs d’été, montaient du sable même de ces grèves jusqu’aux premières cimes glacées du Caucase, à plus de 3 kilomètres en l’air ; et, sur les pentes inférieures de ces sommets, les vallées déjà montagneuses étaient défendues des vents, à la fois du nord et du large, pour l’installation idéale de sanatoriums futurs !

La douceur relative du climat autorisait la conception d’une Riviera caucasienne faisant pendant, vers l’autre bout du bassin méditerranéen, à celle de Provence et de Ligurie ; le littoral caucasien de la mer Noire est, à tous égards, particulièrement apte à un plus complet développement que la côte de Crimée, où Yalta, la célèbre Nice russe, se trouve déjà, avec ses annexes d’Aloupka, Livadia, Alouchta, trop à l’étroit contre les escarpements, de monégasque allure, des calcaires monts Jaïla. Le mérite de cette conception et l’initiative de cette mise en valeur reviennent à M. Abaza, qui, comme médecin militaire, prit part aux expéditions caucasiennes d’il y a un demi-siècle ; comme membre du Conseil de l’empire, il a consacré les dernières années de sa vie († 1902) à organiser l’œuvre qui se poursuit actuellement sur le littoral caucasien[5].

Dans les lettres où il prenait la peine de m’expliquer d’avance la nature et l’objectif de ma mission, M. Yermoloff, en des termes trop heureux pour ne pas être intégralement rapportés, indique comment « les grands travaux qui se font actuellement au Caucase ont été placés sous sa direction personnelle par Sa Majesté l’empereur Nicolas II, qui s’intéresse infiniment à tout ce qui concerne le Caucase, un des plus beaux joyaux de sa couronne : c’est la contrée entre les villes de Novorossiisk et de Soukhoum qui attire pour le moment plus spécialement l’attention du gouvernement russe ; on s’occupe de la coloniser, d’y introduire des cultures spéciales d’un caractère presque tropical, d’y faire élever des sanatoriums, des stations balnéaires et même des villes nouvelles dans des localités qui ne présentaient jusqu’ici que des forêts vierges ».

Il est impossible de mieux résumer que par cette définition officielle l’œuvre ainsi entreprise sur le rivage oriental de la mer Noire.

Depuis 1898, les localités principales ont été l’objet de développements ou de créations considérables, témoignant d’une activité et surtout d’une volonté irrésistibles pour la lutte contre les difficultés naturelles à vaincre dans un pays sinon désert, du moins à peu près vide et qui veut être fructueusement rempli :

Novorossiisk, avec son port de mer de premier ordre, entouré de villas et de vignobles qui donnent le meilleur vin de la côte, y compris le célèbre vin mousseux d’Abraou-Durso (domaine de la famille impériale).

Guélendjik, au fond d’une baie profonde du même nom, plage et bains de mer très fréquentés, surtout par un public appartenant à la classe moyenne.

Touapsé, port de mer en construction, point terminal du chemin de fer projeté entre la station d’Armavir, de la ligne Rostoff-Vladicaucase, la ville de Maikop et le littoral, est destiné à devenir une des stations principales.

Sotchi, entre la plage et des collines d’où se déroule un superbe horizon de montagnes neigeuses, environ à mi-distance des deux grands ports de Novorossiisk et Poli, présente avec le Cannes de la Côte d’Azur une frappante analogie de site et d’allure que je ferai comprendre ci-après : ce sera le séjour préféré des familles amies du repos et de la villégiature tranquille ; elle a toute la sollicitude de M. Yermoloff, qui y a préparé et parachevé le cadre très esthétique d’une station accomplie.

Khosta, ville naissante au bord de la mer, qui compte déjà plus de 1,000 habitants.

Adler, petit port commercial, point de départ de la chaussée menant dans la montagne, à krasnaia-Poliana.

Gagri, luxueuse création de son A. I. le prince d’Oldenbourg, sortie de terre avec la fantasmagorique rapidité d’une année à peine, représentera, sur la route de Soukhoum, un Monte-Carlo attirant pour l’aristocratie et la finance : antithèse


1. Construction de l’aqueduc de Gagri. (Chap. XVII.) — 2. Construction de la roule de la Mzimta. (Chap. XIII.)
(Dessins de Lucien Rudaux.)

absolue de Sotchi, aussi bien par sa position physique que par son adaptation

mondaine.

Krasnaia-Poliana, un site de montagnes que rien ne surpasse en beauté parmi toutes les chaînes de l’Europe, fera, vers 500 ou 600 mètres d’altitude, à 40 kilomètres de la mer et à la base de cimes glacées dépassant 3,250 mètres, un Interlaken ou Grindelwald caucasien, savoureux aux touristes, aux ascensionnistes, aux convalescents ! En automne 1903, on y achevait la construction d’un pavillon de chasse impérial.

Novi-Athou, couvent célèbre, fréquenté par des milliers de pèlerins, possède de curieux travaux hydrauliques et d’admirables jardins et vergers.

Quant à Soukhoum, elle fut la première en date, bien avant même que l’on songeât à rien faire à Sotchi et Gagri ; son climat plus doux, qui admet le palmier et l’eucalyptus, lui assigne même le rôle de séjour d’hiver.

Poli, grand port de mer, exclusivement commercial.

Datoum, port de mer, avec de nombreuses villas dans la direction du nord et la station d’acclimatation Tchakwa (domaine de la famille impériale), centre de la culture du thé. Toutes ces stations seront décrites à leur place dans les pages qui vont suivre.

Spécialement appelé, en principe, pour l’étude particulière de l’hydrologie souterraine et des alimentations en eau potable, j’ai eu la surprise, en accostant silices rivages, d’y trouver non seulement toutes les beautés d’une nature splendidement neuve, mais encore un pays de 370 kilomètres de long sur 10 à 70 de largeur, dont nos géographies de l’Europe occidentale ne savaient en somme que peu de chose et ne parlaient qu’à grands renforts d’erreurs.

Voici trente ans d’ailleurs que l’alpiniste anglais Grove, redescendant, en 1874, par la vallée du Kodor, de la première escalade du plus haut sommet de l’Elbrouz, prophétisait en quelque sorte les révélations futures de cette région. Il faut reproduire intégralement le passage suivant de son petit volume justement réputé, le Caucase glacé : « Il est certain qu’une partie du Caucase encore inexplorée offre le plus haut intérêt. Nous avions vu un coin de cette région, et nous eussions voulu en voir davantage[6]. Sur le versant méridional de la chaîne, bornée à l’est par la rivière Ingur, est une grande étendue de pays magnifique, coupée de vallées, arrosée par de puissantes rivières et couverte d’une vaste forêt… On n’y trouve pas d’habitants… il y aurait sans doute quelque difficulté à explorer cette région ; il y aurait aussi le danger de la malaria ; mais l’on peut bien supporter quelques maux et courir quelques risques pour voir ces magnifiques vallées inexplorées de l’Abkhasie. Il semblerait donc que le Caucase occidental ne pourrait pas encore être considéré actuellement comme mis en ordre, arrangé et garni pour les voyageurs… Probablement pendant un certain temps encore, un voyage dans les vallées situées sous les grands pics présentera plus de nouveauté qu’un tour en Suisse ou au Tyrol. » C’est ce temps qui bientôt va être révolu, c’est ce prestigieux voyage que j’ai réalisé en 1903, c’est l’inconnu du Caucase occidental que le présent livre va dégager dans ses principales lignes.

Le grand dictionnaire de géographie universelle de Vivien de Saint-Martin, même dans son supplément postérieur à 1897, mentionne une cime de 3,120 mètres à l’est du fort Golovinsky, attribue 4,575 mètres au mont Ochten, au nord de Sotchi, et 3,500 mètres au col de Maroukh, au nord de Soukhoum ; or, nous verrons que le massif de l’Ochten n’atteint point 2,900 mètres, que les premières cimes de 3,000 mètres se rencontrent plus à l’est encore autour de Krasnaia-Poliana, et que le col de Maroukh ne mesure que 2,709 mètres et reste presque toute l’année praticable aux mulets. Il est vrai que la carte n° 46 de l’atlas Vivien de Saint-Martin et Schrader a rectifié une partie de ces erreurs : cependant elle persiste à attribuer 3,500 mètres au col de Maroukh et omet Sotchi et Goudaout, de même que les monts Agepsta et Abagua, plus élevés cependant que le Tchougouch (et omis aussi dans l’atlas Stieler, qui donne 3,505 m. au col de Maroukh).

D’autre part, dans son monumental ouvrage, Aus den Hoch Gebirgen des Caucasus (Leipzig, 1901), qui décrit complètement les massifs glacés du Caucase central, l’alpiniste G. Merzbacher expose que, dans le Caucase occidental (ou Alpes Pontiques et d’Abkbasie), de Novorossiisk au col de Nachar, on n’est pas encore, fixé sur les vraies altitudes ; la carte publiée par Radde en 1894 (Petermann’s Mittheilungen, supplément n° 112) porte un Tschifri-Baschi haut de 4,033 mètres et un Chychy-Kara de 5,505 mètres à l’ouest de l’Elbrouz ; avec raison Merzbacher avait supposé que ces chiffres étaient des fautes d’impression : car, des sommets de l'Arabika (2,521 et 2,060 m.), au-dessus de Gagri, j’ai pu constater de visu, en un jour de panorama idéalement pur, que nulle cime n’arrive à ces hauteurs entre l’Elbrouz et le Psyrs (3,788 m.) : dans cette section le plus grand sommet (Dombaï-Ulgen) n’atteint que 4,038 mètres. Dans son superbe Kaukasus, 3 vol. in-4o, Berlin, 1905-1907, M. Moritz de Déchy attribue encore 3,781 mètres selon les anciennes appréciations à l’Agepsta (au lieu de 3,261 m.), la plus haute cime du Caucase à l’ouest de la Bzib ; mais les laborieuses et soigneuses investigations de ce savant auteur n’ont pas atteint la région que j’ai visitée, et se sont arrêtées à l’est du col de Maroukh.

Tout récemment encore, une grande revue géographique française publiait l’appréciation ci-après, où je souligne tout ce qui est inexact :

« Le Caucase s’élève à 1,000 mètres derrière Novorossiisk, à 3,000 derrière Touapsé, à 4,000 derrière Pitsounda.

« Entre la principale chaîne et la mer, deux chaînes secondaires atteignent souvent la même altitude que la principale. Pour les parcourir, ce sont des ascensions et des descentes perpétuelles qui en rendent l’accès infiniment laborieux, surtout du côté de la mer.

« À Sotchi, la moyenne est en hiver de 5°,9 ; au printemps, de 11°,4 ; en été, de 21°,7 ; en automne, de 15°,4.

« Touapse, Pitsounda, Soukhoum, sont des ports qui, sans valoir Novorossiisk, offrent cependant de suffisants abris. C’est autour de ces centres que la vie commence à renaître.

« Actuellement, on compte un peu plus de cinq cents villages ; malgré les efforts du gouvernement russe pour la peupler, il n’y a encore que 8 habitants par kilomètre carré (Suisse = 115). La population est infiniment variée.


1 et 7. Ma caravane au repos. — 2 et 6. Colonies russes près Sotchi. — 3. Débardeurs abkhases à Poli. — 4 et 5. Chemin dans la Sotchi. (Chap. X.)

« Et c’est là un gros obstacle aux progrès du pays ; de sourdes rivalités séparent ces races et empêchent toute sécurité, toute initiative, toute application durable des lois.

« Telle est cette « Riviera » de la Russie, à qui les Russes ont donne ce nom peut-être plus encore dans l’espoir de la voir ressembler un jour à son modèle que parce qu’elle lui ressemble effectivement[7]. »

La grande carte géologique officielle de Russie publiée en 1892, à l’échelle de 1/520,000e, marque en blanc, avec un point d’interrogation, comme une région inexplorée, tout le revers sud du Caucase occidental, depuis Novorossiisk jusqu’à Gagri[8].

Il est vrai que, postérieurement à cette date, les études faites sur place et les mémoires publiés par les professeurs et ingénieurs Lagorio, Konchin, Sergueïeff, Constanlinoff, etc., ont notablement comblé cette lacune géologique, mais plutôt par des travaux de détail que par des conclusions d’ensemble.

Il est certain aussi que la monographie préliminaire (citée ci-dessus) du Dr G. Radde et E. Kœnig, Das Ostufer der Pontus (le rivage oriental du Pont, Petermann’s Mittheilungen, supplément n° 112, Gotha, 1804, 120 p. et 2 cartes), constitue déjà un excellent aperçu géographique général de la contrée que j’ai eu à parcourir moi-même ; mais Radde, le plus grand naturaliste du Caucase, décédé en 1903, et à qui l’on doit notamment la création du magnifique Musée du Caucase, à Tiflis, a particulièrement donné ses soins à la botanique, la zoologie et la géographie économique.

Aussi je ne prétends point fournir, dans les pages qui vont suivre, une révélation intégrale d’un pays inconnu, mais simplement une mise au point générale, une condensation documentaire et, par places, un complément de ce qu’on en a dit jusqu’à présent : ceci constituait en somme un des objets de ma mission, l’idée du gouvernement russe ayant été avant tout, semble-t-il, d’avoir, sur la région à mettre en valeur, l’appréciation critique et le jugement impartial d’un étranger, que ses goûts et travaux personnels avaient quelque peu rompu à l’évaluation rationnelle des sites, monuments et curiosités scientifiques dignes de l’intérêt public. Le choix d’un Français, dont j’ai si inespérément bénéficié, s’explique aussi par ce fait que les remarquables travaux personnels et scientifiques de. M. Yermoloff lui ont fait conférer, en 1902, par l’Institut de France, le titre de membre correspondant de l’Académie des sciences de Paris.

Cependant le présent volume ne se montrera pas une pure et simple compilation, car il restait, même en 1903, dans la zone parcourue, suffisamment de points à éclaircir pour qu’une notable part de ce que j’aurai à en dire puisse, avec une grande variété de sujets, être considérée comme neuve et originale ; par exemple, ce qui concernera les mystérieux dolmens de Pchada et de Touapsé, — l’orographie générale du versant maritime du Caucase occidental, — les sources sulfureuses de Matsesta, — la coupe géologique de la vallée de la Mzimla, — la gorge rocheuse de l’Agouri, — le panorama du mont Okhoun, — la beauté pittoresque des massifs de l’Abagua et de l’Arabika, — l’hydrologie souterraine des avant-monts crétacés, — certains détails archéologiques d’Abkhasie, — voire même en pleine Géorgie, près de Tiflis, l’abîme surprenant d’Oupliz-Tsiké, naturellement érodé dans le grès tertiaire ; autant de faits inédits, dont de patientes recherches bibliographiques ne m’ont point révélé d’antérieures mentions.

Et puisque j’ai prononcé le mot de bibliographie, qu’on ne s’étonne point de ne pas trouver ici un essai (forcément incomplet) de références à ce point de vue : j’ai employé (je dirai même perdu) beaucoup de temps à cette tentative ; j’ai fini par l’abandonner, devant cette double difficulté d’une recherche parmi des publications très malaisées à atteindre dans les bibliothèques parisiennes, et du renvoi, sans portée pour la plupart des lecteurs français, à cette belle langue slave que l’on ignore trop et dont on s’exagère en somme l’inaccessibilité.

Il existe d’ailleurs un monument bibliographique colossal relatif au Caucase entier, la Bibliotheca Caucasien et Transcaucasica de Mijansarov, publiée d’abord en 2 vol. in 8°, 1874-1880, et qui a été recommencée en 1896 (tome Ier) à Saint-Pétersbourg (Bakst et Hohenfelden). C’est là que les érudits et les spécialistes trouveront les titres de ce qui pourra les intéresser[9], surtout de ces mémoires isolés, souvent magistraux, publiés par les divers corps savants de la Russie : on y rencontre, dans toutes les branches du savoir humain, depuis l’archéologie et la géologie jusqu’à l’économie politique et l’ethnographie, une abondance de doctes dissertations locales ou générales, dont l’Occident ne soupçonne guère ni la valeur ni l’étendue. Effrayé par cette richesse de production autochtone, j’ai dû me résigner à présenter mon livre sous la forme d’une œuvre personnelle : ceci, pour les Russes instruits, ne sera exact que pour moins de moitié de mes chapitres. Ils me pardonneront ce qui, à leur égard, se trouvera par places bien voisin du plagiat, en considérant avec bienveillance que ce livre, en somme, répond au désir de faire connaître une des plus belles provinces de l’empire des Tsars et de contribuer à sa fructueuse mise en valeur.

Ce caractère mixte de mon travail, composé donc de ma part d’observations et du tableau synthétique de celles d’autrui, se retrouve aussi dans la matérialité du voyage ; car les péripéties de mes trois mois de séjour au Caucase ont présenté une allure moyenne entre l’exploration proprement dite et le vulgaire tourisme : sans avoir couru aucun risque sérieux de la part de prétendus brigands aussi légendaires qu’inexistants, — ni de carnassiers parfois entendus, jamais rencontrés face à face, — ni d’éléments naturels trouvés assez cléments, je ne suis nui ni resté sans subir — parmi plusieurs semaines de campements montagneux, — dans les ci-devants sentiers tcherkesses totalement oblitérés par la forêt vierge, — ou à la traversée des torrents sans ponts, — certains incidents qui n’eussent point réjoui nos actuels promeneurs alpins de l’Europe centrale : même, dès les premiers jours du voyage, une imprudence dans l’hydrogène sulfuré de Matsesta faillit mettre un terme à la mission en supprimant net son titulaire. Mais de combien la somme des heures pénibles est demeurée inférieure à celle des jours enchanteurs, parmi des paysages qui appartiennent aux plus grands du monde, c’est ce que je tenterai de faire comprendre, avec l’aide des photographies reproduites.

La forêt surtout est la splendeur du pays. Jusque dans la mer les premiers arbres viennent baigner leurs racines, et les derniers montent à l’assaut des croupes de 1,800 à 2,000 mètres, à peu de distance des neiges éternelles. Si le Caucase central, le grand Caucase de 5,000 mètres, a ses glaciers et ses pyramides plus farouches encore que celles des Alpes, la verdure lui manque, parce que son socle, ses thalwegs, dépassent la limite de la végétation. Sur la route battue de Géorgie, le site grandiose de la station Kazbeck n’a pas un arbre pour égayer la majesté de son ensemble : pareil en cela aux sévérités des hauts vallons dauphinois, les Étançons, l’Alpe de la Romanche ou le Pré de Madame Carie, trop élevés pour être verdoyants ; au grand scandale des grimpeurs professionnels, je persiste à voir là une infériorité esthétique, que rachètent insuffisamment les superbes envolées à pic de murailles comme la Meije, la Grande Ruine et le Pelvoux. Ceux qui, avant moi, ont vécu la forêt caucasienne n’ont point manqué, comme j’essayerai de le faire, d’en montrer la pénétrante séduction : ici encore je ne résiste point au plaisir de citer un autre passage de Grove, sorte d’évocation prévoyante, que j’entérine intégralement : « La beauté des forets produit, sous certains rapports, un effet plus grand que la beauté des montagnes. Tout le monde la saisit immédiatement par intuition. L’aspect des neiges, en dépit de l’enthousiasme de convention qu’il produit, n’impressionne pas toujours profondément ceux qui contemplent un pic ou un glacier pour la première fois. Pour apprécier les hautes montagnes, il faut de la réflexion et de l’observation, mais quiconque a le sens de ce qui est beau dans la nature, ne peut traverser sans émotion les clairières d’une grande forêt. Le mystère et la grandeur des forêts semblent toucher également l’esprit grossier et l’esprit cultivé. Les Caucasiens, comme tous les peuples primitifs, ne savent pas apprécier d’ordinaire les belles scènes de la nature ; cependant l’un d’eux nous parla avec enthousiasme des forêts situées près de l’Ingur.

« Ceux qui ne connaissent que les pins qui revêtent les Alpes ne peuvent se faire une idée de la grandeur et de la variété des forêts qui couvrent les pentes méridionales du Caucase ; elles sont aux forêts des Alpes ce qu’une cathédrale est à une église, ou ce qu’un vaisseau de ligne est à une frégate. Le souvenir des riches vallées des Alpes italiennes elles-mêmes pâlit lorsqu’on les compare. » (Caucase glacé, p. 308.)

C’est une pensée non seulement sage, mais généreuse, que celle d’ouvrir à la civilisation, à la culture et au commerce une zone privilégiée où il ne manque que. des bras pour provoquer un magnifique essor productif. Et si, par la consultation, en quelque sorte, qu’on a bien voulu me demander, on a cherché à s’éclairer sur la valeur comparative, par rapport aux célèbres sites de l’Europe, du Caucase occidental maritime, on m’a mis dans l’agréable posture de fournir une réponse aussi formelle que favorable : oui, le gouvernement de la mer Noire et l’Abkhasie sont une accomplie merveille, naturellement préparée de tous points à un avenir de Riviera d’Orient, et par laquelle la grande Russie peut être à bref délai dotée d’une concurrence nationale à la Côte d’Azur et de Ligurie.

Seulement, la conviction la plus louangeuse ne devant jamais exclure la sincérité éclairée, on me laissera déclarer nettement, dans l’intérêt môme de l’entreprise commencée, que deux défauts essentiels devront y être corrigés pour assurer la prospérité rêvée : il y a d’autant moins de scrupules à formuler ce restrictif aveu, que la correction est plus que possible, je veux dire réalisable par les plus praticables moyens. L’un est la création, depuis longtemps à l’étude, d’une voie ferrée reliant Novorossiisk à Poti ; ceci est la condition sine qua non, le facteur indispensable, l’appoint nécessaire à l’avenir de ce littoral. Car sa nature est telle que l’actuel moyen de communication par bateaux à vapeur se montre de plus en plus insuffisant. Entre les deux ports, sur 450 kilomètres de côtes, il n’existe que deux havres de refuge pour les grands navires. (La baie de Guélendjik, en effet, est trop proche, 30 kilom., de Novorossiisk pour être utilement aménagée.) A Touapsé (130 kilom. de Novorossiisk), on a créé à grands frais et l’on améliorait en 1903 un port, accessible maintenant aux grands paquebots à vapeur ; ensuite à Soukhoum, qui, sans posséder un véritable port, offre cependant une baie de mouillage ; si bien que, sur toute la côte inhospitalière, entre Touapsé et Soukhoum, le service des voyageurs et des marchandises n’est assuré que par des barques (felouques) entre la terre et les navires ; ceux-ci doivent stopper de 500 à 1,500 mètres du bord ; par les grosses mers, fréquentes en ces parages, le va-et-vient, qui d’ailleurs fait perdre de longues heures à chaque escale, est impossible en raison du surf ou déferlage des lames : durant mon séjour, j’ai vu fréquemment les services réguliers interrompus plusieurs jours de suite, les paquebots ne pouvant jeter l’ancre en pleine mer et l’accostage des felouques étant impossible ; on m’a cité des personnes qui, se rendant à Sotchi ou à Gagiï, ont vu jusqu’à quatre fois de suite, en deux navettes successives, leurs bateaux contraints de brûler tout arrêt entre Novorossiisk et Soukhoum[10] ; moi-même, pour une excursion de Sotchi à Touapsé, j’ai dû attendre deux jours pleins et une nuit presque entière sur la grève, jusqu’à deux heures du malin, pour qu’un vapeur quelconque pût stopper ; et l’un de mes compagnons, M. Sergueïeff, s’est trouvé, dans pareilles conditions, contraint avec toute sa famille, après avoir manqué plusieurs bateaux vers Novorossiisk, de regagner Saint-Pétersbourg, depuis Sotchi, en décrivant toute la périphérie du Caucase par l’immense détour de la voie ferrée de Poti à Bakou, à travers toute la Géorgie, et de Bakou à Cavcascaja par Vladicaucase. Assurément il y a bien trois routes de voitures praticables : l’une d’Armavir à Touapsé par Maikop, qui rejoint la seconde (chaussée du général Annenkoff) le long de la côte ; la troisième par les classiques col de la Croix et défilé du Darial (roule militaire de Géorgie) au beau milieu du Caucase. Mais la seconde s’arrête à Otchemlchiry, un peu au delà de Soukhoum, et ne mène pas les véhicules jusqu’à Poti, à cause des difficultés de traversée du fleuve Ingur, des marais du Rion, etc. ; elle est péniblement longue (plus de 450 kilom.), en raison des innombrables contours et dépressions des débouchés de torrents ; et une petite calèche particulière de Novorossiisk à Soukhoum coûterait, pour son trajet d’une semaine, de.300 à 400 francs. La troisième, dont la grandeur est bien digne de sa célébrité, prend aussi deux à trois jours, coûte 200 francs en voiture privée, est très fatigante et mal vue en omnibus public, et se trouve fréquemment interrompue par les neiges en hiver. Si j’insiste sur ces détails, c’est pour bien faire comprendre l’absolue obligation de mettre à la disposition permanente du public et du commerce le mode de transport sûr, confortable, économique et continu, que peut seule constituer la voie ferrée de Novorossiisk à Poti : le terrain où elle se déroulerait ne présente point de difficultés importantes ; la traversée des grands fleuves, il est vrai, exigera des ponts coûteux ; mais les ingénieurs russes sont passés maîtres en l’art de ces constructions, qui ont produit des chefs-d’œuvre industriels sur les grandes artères fluviales de leur pays et de la Sibérie.

Le sort du littoral caucasien est donc inéluctablement subordonné à ce bouclement de la boucle à rails tout autour de la grande chaîne asiatico-européenne : il sera d’autant mieux assuré lorsque Novorossiisk sera, d’autre part, relié à la Crimée par le tronçon projeté d’Anapa, Taman, Iénikalé et Kertch, qui comporte un pont de plus de 2 kilomètres et demi sur le détroit de Kertch-Iénikalé. Un jour même il faudra songer à mener les trains par le Darial ; mais ce projet, moins urgent, serait d’une exécution considérablement plus difficile et plus coûteuse.

Le deuxième correctif à introduire dans l’état actuel de la région qui nous occupe est la suppression de la fièvre paludéenne : car la malaria existe, endémique, comme dans tous les pays d’Orient, sur les rivages de la mer Noire, où l’humidité entretient une exubérante végétation. Il y aurait enfantillage à nier cet état de choses : dans tous les travaux déjà exécutés ou en cours à Gagri, Sotchi, etc., on a dû construire des ambulances permanentes et spéciales pour les ouvriers atteints du fâcheux mal ; moi-même je me suis trouvé à maintes reprises incommodé par ses premiers symptômes, déroutés sans peine, je me hâte de l’ajouter, par le préventif et soigneux usage de la quinine. Bien heureusement la malaria de la côte pontique a déjà montré que sa ténacité n’égale point celle de la Corse, de la Sardaigne, des Maremmes, des marais Pontins : les différences de topographie, d’hydrographie, de climat, entre la campagne romaine et le littoral caucasique sont tout à fait en faveur de ce dernier. Partout où les terres concédées aux colons russes ont été défrichées, leurs forêts soigneusement nettoyées (mais non abattues), partout où le drainage et l’hygiène sont judicieusement conduits, la malaria a déjà complètement disparu le long de la Riviera russe, faisant ainsi des taches indemnes de fièvre parmi la bande de terrain restant à assainir. Car c’est une bande seulement du littoral qui est infectée, zone étroite, à cause de la faible largeur relative du sol plat et bas, allongé entre la mer et les premières terrasses montagneuses qui se haussent graduellement jusqu’aux 3, 000 mètres de la crête centrale. Dès qu’on aborde ces terrasses, la salubrité reparaît, et dans l’air pur des vallées moyennes s’abriteront, je l’ai déjà dit en nommant Krasnaïa-Pohana, ces impeccables sanatoriums où s’accomplissent les cures d’air de la thérapeutique.

Soumis à la prophylaxie inspirée surtout par les beaux travaux du docteur Laveran, le paludisme est condamné à disparaître, pour ainsi dire automatiquement, au fur et à mesure de l’occupation rationnelle et de l’aménagement du territoire ; le système a fait ses preuves, je le répète, puisqu’il est d’ores et déjà empiriquement établi que tout domaine normalement mis en valeur est désormais affranchi des fièvres locales.

Sur quelques points seulement, rebelles par leurs dispositions naturelles à l’occupation agricole (marécages et deltas de Pitzounda et de la Bzib, — de la Mzimta, — de la Chakhé, etc.), des travaux spéciaux seront nécessaires ; ils ont été bien commencés, sous la direction du lieutenant-général Jilinski, près de Touapsé, de Lazarewsky, d’Adler et (sur des proportions grandioses) de Batoum ; beaucoup de ces entreprises d’assainissement ne dépasseront guère la portée des ressources privées, et ceux qui, çà et là, sont publiquement accomplis par l’État paraîtront bien simples à coté de tant d’autres colossales entreprises antérieures du même genre, réalisées avec le plus grand succès, telles que les mémorables dessèchements des marais de Pinsk en Wolhynie (1873-1898) et de Baraba (depuis 1895), en Sibérie, victorieusement menés à bien par le même lieutenant général J. Jilinski.

En résumé, l’étude qui va suivre se présente à la fois comme un rapport officiel sur la valeur des ressources et sur les moyens pratiques de faire fructifier le versant du Caucase occidental, compris entre la mer Noire, la côte centrale et les points extrêmes de Novorossiisk et de Soukhoum, — et comme l’esquisse générale d’un recoin du globe ainsi limité et jusqu’ici fort mal connu : pour les savants russes assurément tout ce que je vais relater ne sera que partiellement nouveau et demeurera surtout fort incomplet ; ce n’est pas en trois mois qu’on peut faire la monographie complète d’une surface de cette étendue ; des années d’études techniques seront nécessaires pour compléLer la conquête scientifique intégrale de ce qui reste à apprendre dans la Circassie maritime etl’Abkhasie ; mais pour les géographes occidentaux, ma description générale et sommaire comblera à grands traits une véritable lacune en prolongeant, comme suite aux livres de Freshfield, Merzbacher et de Déchy, les notions dès maintenant acquises à l’ouest de l’Elbrouz et en y fixant quelques noms que nul atlas encore n’a mentionnés.

On s’en rendra surtout compte en se reportant au petit volume publié en 1899 par M. Jean Carol[11]. Ces Notes d’un touriste, prises en 1894, avant l’achèvement de la chaussée d’Annenkoff et surtout avant le début des entreprises de M. Abaza, arrivèrent « quelques années trop tôt », selon leur auteur même, qui cependant déjà « donnerait quatre Madagascar pour l’étroite bande de pays comprise entre Novorossiisk et Soukhoum ». Il y a décrit fort bien Novorossiisk, — Touapsé (sans les dolmens), et ses aouls tcherkesses de Karpofka et Kitchmaï, exceptionnellement subsistants, — Adler (sans la Mzimta), — Gagri où il n’y avait rien que le quadrilatère du fort ruiné, — Lichnii et son église dont il avoue qu’il aurait dû « la


1. Chevauchée sur la grève de Sotchi à Dagomis. (Chap. IX.) — 2. Débarquement des felouques. (P. 14) — 3. Chaussée d’Annenkoff.

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INTRODUCTION

regarder davantage », — le Nouvel Athos (sans un mot sur la montagne d’Ibérie — les Abkhases, — Soukhoum, et c’est tout ! Neuf ans plus tard, quels changements !

Les vieux bardes grecs ont déroulé le mythe de la Toison d’or et l’épopée des Argonautes dans le pays de Colchide ; le Rion actuel, qui emmarécage les alentours de Poli, serait le fleuve Phase, remonté par la nef de Jason vers la demeure d’Aétès, extrémité du monde, lit du soleil et berceau des races humaines ; Mingréliens et Imérétiens occupent maintenant les forêts d’Ares et de Médée, à la lisière même de ce qui sera la Riviera russe.

Comme les dolmens de Pchada et de Touapsé restent, en chronologie datée, aussi muets que tous les témoins de préhistoire ou protohistoire, il faut rechercher au nord-ouest de Poti la plus vieille notion historique relative aux rivages d’Abkhasie et de Circassie, c’est-à-dire dans les colonies grecques qu’y auraient fondées les Milésiens sept ou huit siècles avant Jésus-Christ.

Pendant les travaux de construction de Gagri (1902-1903), de menues antiquités helléniques ont été ramenées au jour par les terrassiers du prince d’Oldenbourg. On ne saurait nier que les Tcherkesses devaient à leurs plus lointains ancêtres aborigènes l’hérédité de leur farouche et fiêre indépendance, trop sauvage pour avoir laissé des annales historiques ; car le grand Mithridate Eupator lui-même[12], après ses victoires sur les Scythes de Tauride (110 av. J.-C.) et l’établissement de son protectorat en Crimée, à Chersonèse et à Panticapée, ne réussit point à soumettre les tribus circassiennes entre le Caucase et la mer Noire ; de ce côté, l’extension du royaume de Pont fut limitée à la Colchide, et le poste militaire de Gagri, défilé stratégique de premier ordre, dut être son dernier fort d’observation ou son boulevard le plus avancé contre les Tcherkesses d’il y a vingt siècles. Pas davantage les Romains ne parvinrent à les réduire, et cela est prouvé par l’absence de toute ruine romaine en deçà de Gagri, et surtout par ce fait significatif que la source sulfureuse de Matsesta ne montre aucune trace d’aménagement antique : une pareille richesse naturelle n’eût certes point été négligée par les Romains, si grands amateurs d’eaux thermo-minérales que, partout où ils les ont rencontrées, ils les ont savamment captées, et nous ont laissé les importants débris de leurs bains modèles, depuis Bath (Angleterre) jusqu’en Algérie et en Asie Mineure. La Colchide même ne fut point érigée en province romaine ; le nom d’Ibérie donné par Trajan à la Caucasie occidentale est demeuré éphémère ; enfin la forteresse colossale, relativement bien conservée encore, dont cet empereur arma la montagne dite précisément d’Ibérie, à Novi-Athon, dénonce suffisamment quels risques perpétuels courait en ces parages la domination de l’Occident.

Des apôtres chrétiens vinrent y prêcher l’Evangile dès le quatrième siècle, et Justinien, après avoir guerroyé contre les Lazes de Colchide (de 349 à 556), catéchisa l’Abkhasie avec un succès définitif ; nous visiterons ses curieuses églises de Pitzounda (réduction de Sainte-Sophie de Constantinople), de Saint-Siméon à Novi-Athon, etc., debout (il est vrai restaurées) depuis quatorze cent cinquante ans ; et nous savons que l’architecture sacrée de l’Abkhasie à Lichnii, de la Géorgie, à Ghélati, Tiflis, Mtskeht, Ananour, etc., de l’Arménie à Ani, s’est inspirée pendant dix siècles des principes de la construction byzantine.

On ignore ce que les Barbares accomplirent en Circassie, si ce n’est que certains fragments de leurs hordes s’y accrochèrent soit au passage, soit au retour de leurs invasions en Europe ; imposés ou juxtaposés aux indigènes, ils se fondirent avec eux de méconnaissable manière.

Byzance, la Perse, les Arabes, les Tatars-Mongols, ne surent certainement pas, durant le moyen âge, s’établir sur la côte orientale de la mer Noire avec la même solidité que paraissent l’avoir fait les Génois de 1266 à 1475 : ces commerçants protégèrent tous leurs comptoirs, de Kaffa (Teodosia), en Crimée, à Batoum, par une li CT ne de forts dont les restes subsistent à Sotchi, Gagri, à la Bzib, etc. ; ceci a fait supposer l’existence, sous leur domination, d’une véritable route littorale tout le long de la Circassie maritime ; on a prétendu aussi que Mithridate avait déjà réuni par une voie semblable ses possessions de Tauride à celles de Colchide ; le tout paraît imaginaire.

Aux temps modernes, la possession fut disputée et alternativement exercée, pendant quatre cents années d’inextricables conflits et compétitions, par les Turcomans, Géorgiens, Persans, Tatars, Ottomans, Moscovites : j’ai dit que ceux-ci l’ont emporté politiquement et matériellement. Mais l’islam est demeuré maître de la foi religieuse des Tcherkesses, dont le résidu, même sur sol russe, pratique le mahométisme.

Telle est, avec le minimum de mots, l’évolution historique du pays que nous allons décrire.

La géographie générale se résume ainsi : comme division politique le pays se partage entre le gouvernement de la mer Noire[13], de Novorossiisk à la Bzib, — et l’arrondissement de Soukhoum, dont relève YAbkhasie de la Bzib au Kodor.

En forme, il figure un étroit triangle, basé à l’est sur une ligne d’environ 70 kilomètres de longueur, qu’on lire depuis le cap Iskoura et l’embouchure du fleuve Kodor (au sud-est de Soukhoum), jusqu’au col de Maroukh, sur la crête centrale (à 85 kilom. ouest de l’Elbrouz) ; le grand côté est celui de la mer Noire, étendu sur 370 kilomètres à vol d’oiseau, partant de Novorossiisk pour passer devant Ghélendjik, Djoubga, Touapsé, Golovinsk, Sotchi, Adler, Gagri, Pitzounda, Goudaout, Novi-Athon et Soukhoum, que je nomme ici simplement à titre de points de repère. Sur ces 370 kilomètres, la plage de sable et de menus galets où se construisent les bains de mer de la Riviera s’étend presque continue, admirablement propice aux plus amusantes chevauchées ; bien peu de falaises ou caps en interrompent l’harmonieuse courbe (Idoukopass, Kodoch, Doob, etc.) ; et la chaussée du général Annenkoff y fournit des ponts pour franchir les bouches ou les deltas des fleuves torrentiels de 10 à 100 kilomètres de long, que la carte appelle rivières de Chaklié, Sotchi, Mzimta, Bzib, Goumista, etc.

Le troisième côlé du triangle n’atteint (toujours à vol d’oiseau) que 330 kilomètres entre les points extrêmes de Novorossiisk et du col Maroukh ; c’est la crète


1. Anciens Tcherkesses. — 2 et 4. Ma troupe. — 3. Au large d’Adler.

centrale du Caucase, la partie occidentale de la grande chaîne, où nulle cime n’atteint à 3,800 mètres d’altitude. Depuis ses premières collines entre Anapa et

Novorossiisk, les sommités s’élèvent graduellement, sans silhouettes ni noms notables, du niveau de la mer à 700, 800, 900 mètres, pour laisser le col Goitkh (407 m.) conduire la route de Touapsé à Maikop (versant nord). S’éloignant progressivement de la mer, une deuxième section de la chaîne culmine au massif du Ficht, — Pchekho-Sou ou Tchouba, — Ochten[14], un trio de cimes contiguës, hautes de 2,852, 2,746 et 2,807 mètres ; leur élévation, relativement aux sommets environnants, est telle que les navires du large et même les habitants de Sotchi et Adler les voient de très loin, dominant tous leurs alentours : c’est ce qui leur fit attribuer si longtemps l’altitude exagérée de 4,575 mètres ; ils n’en restent pas moins le premier grand massif du Caucase, et leur revers nord cache dans ses combes supérieures des glaces permanentes. Les trois pointes supérieures sont d’ailleurs dressées au delà de la crête principale sur le versant nord ; dès le milieu de septembre je les ai vues distinctement et à plusieurs reprises abondamment couvertes de neige. Ensuite le Koud, avec 2,173 mètres, flanque le haut bassin de la Chakhé ; aux sources de celle-ci et de la Sotchi, le mont Tchoura (40 kilom. du rivage), quoique abaissé à 2,247 mètres, est un important nœud hydrographique et orographique, d’où rayonnent en tous sens de nombreux cours d’eau et chaînes latérales. — Au delà, l’écartement s’accentue entre la ligne du littoral et celle de la crête, qui se maintient éloignée de la mer Noire de 50 à 60 kilomètres.

Autour du haut bassin de la Mzimta, trois grands groupes montagneux dépassent formellement la limite des neiges éternelles : c’est la naissance du grand Caucase et des véritables glaciers, glaciers de sommets assurément, de restreinte étendue, pareils à ceux des Pyrénées ou des Alpes autrichiennes, mais bien caractéristiques de la montagne déjà grandiose ; on les nomme Tchougouch, 3,244 mètres (au nord de la ligne de faîte), Abagaa (ou Pséachka), 3,253 mètres, et Agepsta, 3,261 mètres, dans un contrefort méridional. En continuant vers l’est il n’y a plus guère de cimes inférieures à 2,800 mètres ni de cols plus bas que 2,200 mètres ; il est formel que le chaînon du Loyoub (2,940, 2,946, 3,042 m) n’arrive nullement aux altitudes de 3,300 à 3,400 mètres dont on m’avait parlé à Sotchi.

Au fond de la vallée de la Bzib et après le grand Psirs, 3,788 mètres, la chaîne reste à 3, 400-3, 500 mètres (Psîch, 3,503, 3,518, 3,458, 3,437), et le Papichisira surpasse de près de 700 mètres le seuil muletier du Maroukh (2,769 m.). On pourrait rattacher au Caucase central les 85 kilomètres de crête glacée qui s’étendent du Maroukh à l’Elbrouz avec leur culmination au Dombaï-Ulgen (4,037 et 4,040 m.), et les deux cols élevés de Kloukhor (2,882 m., 2,816 selon Chelmitzkii) et de Nachar (2,933 m., ou 2,867 m. d’après Merzbacher, 2,870 Chelmitzkii[15]). Ces passages, fréquemment utilisés par les visiteurs du massif de l’Elbrouz pour se rendre du bassin du Kodor dans celui du Kouban, avaient déjà été franchis par Grove (1874), redescendant du plus haut sommet de l’Elbrouz, vers Nachar et la vallée du Kodor jusqu’à Soukhoum, et par Levier, traversant le Kloukhor (1890)[16]. Les récents ouvrages de M. de Déchy, Merzbacher, Freshfield[17] et surtout le mémoire de Chelmitzkii : Description d’une partie de la chaîne principale entre les passes de Nachar et de Maroukh, ont montré qu’il y existe nombre de sommets ardus et pittoresques au-dessus de 3,800 mètres.

C’est le très important travail de M. Chelmitzkii publié en 1896[18] qui a décrit et fixé (voyage exécuté pendant l’été de 1895) la topographie de la chaîne centrale entre les cols de Maroukh et de Nachar, en détaillant surtout le chemin du col de Kloukhor, une partie de celui de Maroukh et les passages qui entourent le massif de Dombaï-Ulgen, et en établissant qu’entre le Psirs et l’Elbrouz rien ne dépasse 4,040 mètres. On y trouve les renseignements suivants sur les altitudes : col de Nachar, 2,870 mètres (9,415 pieds) ; col de Kloukhor, 2,816 mètres (9,238P,5) ; la hauteur du col de Maroukh (2,769 m.) n’avait pas été encore déterminée à l’aide d’instruments, mais, selon M. Chelmilskii, elle était inférieure même à celle du col de Kloukhor (p. 4), ce qui s’est trouvé exact. Sa grande carte à 2 verstes ne s’étend que du mont Ertzog (3,808 m.) au col de Nachar ; ses couleurs indiquent les glaciers (trois atteignent 4 et 5 kilom. de longueur et descendent sur le versant nord jusqu’à 2,000 et 1,800 m.).

C’est d’après ce document capital que Freshfield a dressé sa jolie carte (au 150,000e) des deux tiers de ce tronçon de chaîne du Nachar au mont Ertzog, 3.868 mètres ; celle de Merzbacher s’arrête un peu à l’ouest du Doungouz-Oroun, c’est-à-dire juste en deçà du nœud d’attache du massif elbrouzien.

Au 400,000e enfin, de Déchy vient de nous donner toute la carte du Caucase, très exacte jusqu’au Psirs et incomplète précisément pour la région que je vais décrire. Il ne fournit pas non plus l’altitude du col de Maroukh, mais nous montre de fort belles vues des grandes cimes du chaînon Dombaï-Ulgen, notamment de la Belala-Kaya, 3,927 mètres et 3,852 mètres, du Psirs et des glaciers d’Amanaus, Dombaï-Ulgen, Klytsch, etc. Enfin, en 1904, MM. von Meck (président du Club alpin russe) et le docteur Fischer ont accompli nombre de premières ascensions entre les deux cols de Nachar et de Maroukh. Dans l’Alpine journal d’août 1905[19], ils ont reproduit la carte de Freshfield, mais complétée et prolongée (Djalovtchat, 3,869 m. ; Semenow-Bachi, 3,925 ; Aksout, 3,848) au nord-ouest jusqu’au col de Maroukh, toujours sans cote[20]. L’énigme posée par l’esquisse de Raddc est donc définitivement résolue !

Ceci établi, un mot bref de géologie[21] veut être introduit ici pour nous expliquer la morphologie géographique de l’intérieur du triangle de pays compris entre Novorossiisk, Soukboum et la chaîne principale.

À grands traits, le Caucase occidental est constitué par une épine dorsale éruptive (granit) ou volcanique ancienne (porphyrite, diabase, etc.) contre laquelle sont venus se plaquer successivement les sédiments des schistes primaires, du jurassique, du crétacé et du tertiaire. Les plissements et refoulements tectoniques ont diversement redressé ou ondulé tous ces dépôts ; la direction générale des synclinaux et anticlinaux ainsi juxtaposés, superposés ou chevauchés, va de l’est à


Une famille abkbase. (À Lichnii, chap. XVIII.)

l’ouest, obliquement, par conséquent à la fois à la crête centrale et à la mer. Il s’ensuit que, d’une manière presque absolue, les ramifications montagneuses interposées entre ces deux lignes sont inclinées sur l’une et l’autre entre 40° et 50° en moyenne ; les cours d’eau ont tous subi, de ce chef, une disposition topographique uniforme : la partie supérieure des principaux (Kodor, Bzib, Mzimta, Chakhé) occupe la fosse synclinale ou le contact discordant entre le rempart de roches éruptives et le premier bourrelet anticlinal ou ligne de rivage ancien des roches jurassiques ; leur cours moyen, recoupant en étroits défilés ce bourrelet et aussi le suivant ou anticlinal crétacique, se coude brusquement et devient normal à la mer, où il se termine perpendiculairement, après la section, plus facile, des collines tertiaires externes. Quelques fleuves de moindre importance (Goumista, Page:Martel - La Côte d’Azur russe.djvu/40 Page:Martel - La Côte d’Azur russe.djvu/41 Page:Martel - La Côte d’Azur russe.djvu/42 Page:Martel - La Côte d’Azur russe.djvu/43 Page:Martel - La Côte d’Azur russe.djvu/44 Page:Martel - La Côte d’Azur russe.djvu/45

  1. Dont la publication a été retardée de près de cinq ans par les événements survenus depuis le début de 1904.
  2. Selon Kondratenko, la Transcaucasie possédait en 1886 soixante-huit races différentes, comptant 4 millions 702,895 habitants, dont 3,971 Khabardes et Tcherkesses, — 60,445 Abkhases, — 122,257 Russes, — 939,131 Arméniens, — 1,307,688 Turcs, Mongols et Tatars, — et 1,863,417 Caucasiens (dont 972,410 Géorgiens),… et 18 Français (carte ethnographique de la Transcaucasie, p. 22 du Supplément aux Mémoires pour 1896 de la section caucasienne de la Société impériale russe de géographie).
    Au recensement du 28 janvier (9 février) 1897, la Transcaucasie seule comptait 4,929,503 hab. (la Caucasie entière, 9,748,695 avec les provinces de Kouban, Slavropol, Térek, Daghestan, situées au nord de la chaîne).
  3. Cette brave race de paladins qui ne peut supporter aucun joug… Il serait fort à désirer que l’on put en faire de bons vassaux. » (Pallas, Voyage en Russie méridionale, t. Ier, p. 426, 1805.)
  4. V. A.-S. Yermoloff, la Russie agricole, p. 276 et 282.
  5. En 1905, M. Yermoloff, ayant quitté le poste de ministre pour entrer au Conseil de l’empire, est demeuré, comme président de la commission des améliorations caucasiennes, spécialement chargé de l’aménagement de la Riviera russe.
  6. Trad. J. Leclercq, Paris, Quantin, in-12, 1881, p. 331.
    Le pays compte « parmi les plus beaux paysages que j’aie jamais vus ». (Dubois de Montbéreux.)
  7. G. Robert, Tour du Monde (À Travers le monde), p. 85, 18 mars 1905.
  8. En 1883 on a commencé une carte géologique et générale (encore fort peu avancée) de la Russie d’Europe, à l’échelle du 420,000e en 154 feuilles avec texte. C’est la réfection totale de celle de Tschewkin, Murchison et Verneuil, datant de 1854.
  9. Je note seulement et pour ainsi dire au hasard les ouvrages suivants, traitant particulièrement de la Circassie et de l’Abkhasie : Klaproth (J.), Voyage au Caucase et en Géorgie (1807-9), 2 vol. in-8o, Halle, 1812-181-4, et Paris, 1823 ; — Idem, Tableau historique du Caucase, in-8o, Paris et Leipzig, 1827. — Taitbout de Marigny, Voyage en Circassie, Paris, 1829. — Dubois de Montpéreux, Voyage autour du Caucase, Paris, 1839. — Bell, Journal of a résidence in Circassia, Londres, 1840. — Longworth and Bell, Two Years résidence among the Circassians, Londres, 1840. — Koch, Wanderungen in Orient (Pontisches Gebiet), 1843-44). — Kolenati, Bereisung Circassien, Dresde, 1859. — Erckert, Ueber die Tcherkessen (Petermann’s Mitthetlungen, 1888, p. 82-87). — Vivien de Saint-Martin, mémoires divers. — Radde et Kœnig, Ostufer des Pontus (V. supra). — S. Basioukoff, Au Pays des somptueuses beautés, in-8o, Saint-Pétersbourg, 1903 (en russe). — Kalaboukoff et Jablonsky, le Pays du chaud soleil, in-8o, Moscou, 1904 (en russe). — V. Dingelstedt, The Riviera of Russia (Scottish Geographical Magazine, juin 1904), p. 285-306. — Compte rendu de l’expédition scientifique sur le littoral oriental de la mer Noire par le prof. Voiekoff, le docteur Pasternetzky et l’ing. Serguéieff, Saint-Pétersbourg, 1899 (en russe). — Les Bases de l’agriculture dans la région de Sotchi, par M. J. Klingen, Saint-Pétersbourg, 1897 (en russe). — Aperçu sur le passé et le présent du littoral caucasien de la mer Noire, par M. L. Litchkoff, Kieff, 1907 (en russe). — A. Yermoloff, Notes de voyage au littoral caucasien de la mer Noire, en 1907, Saint-Pétersbourg, 1908 (en russe). — Baron Tornaou, Prisonniers chez les Tcherhesses en 1836, mémoires d’un officier. — A. Yermoloff, la Russie agricole, Paris, Hachette, 1907, in-8o.
  10. L’entrée de Touapsé étant quelquefois difficile par certains vents. Il n’y a que sept phares : Anapa, Penaï, Doob, Kodoch, Sotchi, Pitsounda, Soukhoum.
  11. Jean Carol, les Deux Routes du Caucase, Paris, Hachette, in-12, 1899, 31 grav.
  12. V. Théod. Reinach, Mithridate Eupator, roi de Pont, Paris, 1890.
  13. Au recensement du 28 janvier (9 février) 1897, le gouvernement de la mer Noire, de 7,347 kilomètres carrés, n’avait que 54,228 habitants, soit 7 habitants par kilomètre carré ; en 1900, 55,128 habitants (dont 23,375 femmes seulement). Gagri y a été rattaché en 1905.
  14. Du 3 août au 2 septembre 1894, M. N. Alboff a exécuté dans le bassin de la Psoou, entre la Mzimta et la Bzib, surtout au point de vue botanique, un Voyage dans les montagnes du district de la mer Noire, publié en 1896 dans les Mémoires de la section caucasienne de la Société impériale russe de géographie. L’Agepsta ou Adzikouto y est noté comme mesurant de 3,500 à 3,600 mètres d’altitude, avec de petits glaciers descendant 500 mètres plus bas que la cime.
    Dans l’année suivante du même recueil (1897), M. L. Dinnik donnait la carte (à 5 verstes par pouce) de la région de Golovinsk au mont Aichka (suppl. I, 81 p.), c’est-à-dire des environs de Sotchi (Posad-Dochovskii) : on y relève les altitudes suivantes : mont Ficht, 9,360 pieds ; Pehekho-sou (Tchouba), 9,001 ; Ochten, 9,199 ; Bzib, 6,945 ; Tchoura, 7,352, à peu de chose près égales à celles du nouveau 42,000e.
  15. Il arrive que, dans les plus soigneux et les plus récents ouvrages et cartes, on trouve pour une même montagne des divergences d’altitude atteignant 4 mètres. Cela tient à ce que les réductions en mètres des cotes exprimées en pieds sont basées sur le chiffre 0m,305 au lieu de Om,30479 pour pied : par 10, 15 ou 18,000 pieds cela fait une erreur en tout de 2, 3, 3m,6.
  16. Émile Levier, À travers le Caucase (impressions d’un botaniste), Neuchâtel, Attinger, in-4o, 1894.
  17. Freshfield et Sella, The Exploration of the Caucasus, 2 vol. in-8o, E. Arnold, Londres, 1896 ; — 2e édit. populaire) en 1902.
  18. Description de la crête principale entre les cols de Nachar et de Maroukh, Bulletin de la Société impériale russe de géographie, section caucasienne [12 avril 1896], Tillis, 81 p. et 2 cartes, 1 en noir à 20 verstes par pouce ; 1 en couleurs à 2 verstes par pouce ; les cotes en pouces des profils annexés à cette carte diffèrent de celles du texte.
  19. V. aussi la Montagne (Club alpin français, 20 février 1905, p. 85).
  20. Une faute d’impression donne 15,256 pieds, au lieu de 13,256, au plus haut sommet du Dombaï-Ulgen.
  21. Sur la géologie du Caucase, V. les travaux de Favre, Abich, Léon Dru, Inostranzeff, von Kochkoul, Sjötgren, Androussow, Lagorio, P. Pjatnizky, Simonovitch, Konchin, Léwisson-Lessing, Batsewitch, Sorokine, Serguéieff, E. Fournier, M. Bertrand, Suess, Kolenko, Stark, etc.