La Bonne aventure (Sue)/2/X

Michel Lévy Frères, libraires-éditeurs (p. 257-286).
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X

Après avoir lu la note qui accompagnait la lettre que lui avait remise Ducormier, M. le prince de Morsenne, plaçant ses papiers sur son bureau, jeta un regard attentif et pénétrant sur le jeune homme, et lui dit d’une voix affable :

— Eh bien mon cher monsieur Ducormier, parlons affaires.

— Je suis à vos ordres, prince.

— Vous savez de quoi il s’agit ?

— Prince, — répondit Ducormier avec finesse et en hésitant, — dois-je le savoir.

— Oui, oui, vous pouvez parler avec une entière sécurité.

— J’oserai pourtant vous prier, prince, de me mettre tout à fait en confiance, en daignant m’adresser quelques questions au sujet de cette affaire.

— Monsieur Ducormier est très prudent ?

— C’est mon devoir, prince… car j’ai l’honneur d’être chargé auprès de vous d’une mission fort délicate.

— Allons, monsieur Ducormier, — reprit M. de Morsenne d’un ton insinuant et flatteur, — je vois que vous êtes un diplomate consommé, plein de tact et de réserve. Eh bien donc, soit ; puisque vous préférez être interrogé, je vais vous interroger. L’on vous a remis des notes relatives à la question anglaise ?

— Oui, prince… et à l’aide de ces notes et des pièces dont elles sont accompagnées, j’ai préparé un travail complet, dans le sens qui m’a été indiqué.

— Nous verrons ce travail. Vous êtes en mesure de le faire publier dans le National sans que l’on puisse connaître la source de ces écrits ; vous êtes aussi en mesure de soutenir vigoureusement, et toujours ' incognito, la polémique qui s’engagera nécessairement à ce sujet avec les journaux officiels, organes du cabinet.

— Les faits en question sont d’une telle importance, ils ont un tel caractère d’authenticité, qu’il me suffira, prince, d’envoyer simplement par la poste, et sans me nommer, mon travail au National, pour qu’il s’empresse de faire usage de ces documents si dangereux pour le ministre. Une fois la polémique engagée à leur sujet, le National recevra de son collaborateur inconnu des réponses catégoriques aux objections des journaux ministériels.

— Je sais, mon cher monsieur Ducormier, que vous êtes un écrivain du premier ordre, et qu’avec votre esprit, votre discrétion et vos excellentes manières, vous pouvez aller fort loin, oh ! mais fort loin !

— Prince.

— Je vous dis cela entre parenthèses, cher monsieur Ducormier. Revenons à notre affaire. Le premier article du National amènera évidemment de la part de l’opposition des interpellations à la tribune.

— Et il en résultera, prince ; que M. le ministre des affaires étrangères, se trouvant dans un embarras extrême, opposera néanmoins aux faits allégués la dénégation la plus nette, la plus explicite, la plus catégorique.

— En vérité, — reprit le prince en souriant, — je crois l’entendre, ce cher ministre.

— Puis, — poursuivit Anatole, — M. le ministre, selon son procédé oratoire habituel, engagera solennellement sa parole qu’il dit vrai, et que ses adversaires mentent effrontément.

— Alors, monsieur Ducormier, nouvel article communiqué au National, accompagné cette fois de pièces d’une irrécusable authenticité.

— Stupeur de M. le ministre des affaires étrangères en présence de ce démenti à lui donné, démenti corroboré de la publication d’une pièce officielle signée de sa main. Alors, prince, fidèle à son système lorsqu’il est pris en flagrant délit de mensonge, M. le ministre ne se déferre point, hausse les épaules de pitié, dit qu’il reconnaît bien là les niais commérages d’une opposition tracassière aux abois ; puis, se drapant dans son austère et superbe dédain, il déclare avec majesté qu’il est des accusations si ridicules, si odieuses, si impudentes, que l’on ne s’abaisse pas à les relever, encore moins à les combattre, lorsque l’on a l’honneur d’être ministre du roi.

— Parfait ! parfait ! cher monsieur Ducormier, — dit le prince en riant de nouveau, le portrait est tracé de main de maître, c’est vivant ! Mais enfin, malgré les dénégations et l’audace de M. le ministre, le coup a porté à mort, le hautain personnage ne peut résister au tolle général qui s’élève contre lui dans la presse ; il est obligé de donner sa démission.

— Double bonheur pour les intérêts diplomatiques du pays, prince, car M. l’Ambassadeur de France en Angleterre conserve le poste que le ministre en question songeait à lui enlever ; puis, — ajouta Ducormier avec un accent significatif, — l’on voit enfin à la tête des affaires étrangères de la France un homme d’État à la fois illustre par son génie politique et par sa grande naissance.

— M. Ducormier est beaucoup trop indulgent pour l’homme d’État auquel il veut bien, je crois, faire allusion, — reprit de Morsenne, avec un sourire discret et coquet ; — le seul mérite de cet homme d’État serait d’aimer assez la gloire et la dignité de la France pour accepter le ministère des affaires étrangères, s’il devenait vacant ; alors, à défaut de génie, il mettrait du moins, aux pieds du roi, l’offre d’un dévouement inaltérable à sa personne et à sa politique.

— J’oserai prince, ne pas partager complètement votre avis au sujet de l’homme d’État auquel je viens, en effet, d’avoir l’honneur de faire allusion ; en parlant de son génie politique, le jugement que j’ai porté n’est pas le mien : dans ma condition, prince, l’on admire et l’on se tait ; mais je suis malgré moi l’écho de la France, je pourrais même dire de l’Europe, car mon séjour à Londres m’a mis à même, dans mon humble sphère, d’entendre souvent apprécier, par différents diplomates des cours étrangères, le célèbre homme d’État dont j’ai l’honneur de parler ici, prince.

— Vraiment ! Eh bien ! voyons, qu’en dit-on de cet homme d’État, cher monsieur Ducormier ?

— Prince, si on ne l’aimait pas tant, on le haïrait beaucoup.

— Le haïr ! et pourquoi ?

— Mais, prince, parce qu’il est très redoutable par la vigueur, par l’habileté de sa diplomatie ; cependant, d’un autre côté, ajoutent ceux qui ont eu l’honneur d’avoir quelques relations avec cet illustre homme d’État, il cache son immense et incontestable supériorité sous une si exquise courtoisie, il triomphe de ses adversaires avec tant de bonne grâce, qu’il séduit même ceux qu’il a vaincus.

— Il est impossible d’être plus effrontément et plus habilement adulateur que ce polisson-là, — pensa M. de Morsenne. — C’est un drôle à tout faire. Je ne m’étais pas trompé. Il pourra me servir ; cependant, tâtons-le encore.

Et M. de Morsenne reprit tout haut :

— Vous êtes tellement aveuglé sur l’homme d’État dont nous parlons, cher monsieur Ducormier, que je n’essaierai pas de vous faire revenir de vos préventions beaucoup trop flatteuses ; car enfin, voyons, examinons l’affaire dont il s’agit.

— Eh bien, prince ?

— Eh bien, établissons brutalement les choses : notre homme d’État et son ami, M. l’ambassadeur de France en Angleterre, ne vous semblent-ils pas tenir dans cette petite conspiration anti-ministérielle une conduite assez… assez machiavélique ?

— La raison d’État couvre tout, prince, et d’ailleurs, en affaires publiques et privées, l’insuccès seul est blâmable et blâmé.

— Ces principes sont élastiques…

— Oui, prince, comme la conscience humaine.

— Ainsi, la vôtre est… suffisamment large, cher monsieur Ducormier ?

— Suffisamment, prince, puisque je me suis chargé de l’affaire qui m’amène ici, et dont tout l’odieux retomberait sur moi, car je serais désavoué et accusé d’abus de confiance pour soustraction de dépêches ; mais, ainsi que dit le proverbe vulgaire : Qui ne risque rien, n’a rien.

— Cher monsieur Ducormier, encore une fois, vous irez loin, très-loin ; j’en sais qui, n’ayant pas vos avantages naturels, et partis de plus bas que vous, sont arrivés avec du secret et du dévoûment ; le tout est de rencontrer un protecteur puissant, et vous n’en manquerez jamais, (ceci soit dit aussi entre parenthèses). Quant à notre affaire, j’ai besoin de réfléchir aujourd’hui et demain sur l’opportunité du moment où il faudra engager l’action ; et encore quelquefois je me demande… à quoi bon reprendre une part active aux affaires ? c’est un si grand assujettissement ! À mon âge, on a tant besoin de repos, d’indépendance, mon pauvre monsieur Ducormier !

— Prince, vous ne vous appartenez pas, vous vous devez au pays.

— Oui, c’est singulier comme il vous est reconnaissant, le pays ! comme il vous tient compte des sacrifices que l’on fait pour lui !

— Prince, il faut le traiter comme un enfant ingrat et rebelle, faire son bien malgré lui, et dédaigner ses puériles clameurs.

— Ah ! cher monsieur, le repos, l’indépendance, rien ne remplace ces biens-là ; aussi, je ne sais, mais depuis quelques jours j’hésite, en ce qui me touche du moins, à profiter des bénéfices probables de notre complot, qui suivra toujours son cours, car je hais cordialement le ministre en question, et je tiens à ce que Morval reste à l’ambassade de Londres ; mais quant à moi, j’hésite à rentrer aux affaires. Enfin je ne décide rien, je vous reverrai, vous viendrez dîner ici après demain. Non, j’y songe, ne venez pas après-demain, j’ai du monde, mais demain, je n’aurai personne ; c’est le jour de réception de madame de Morsenne. N’écrivez pas à Londres avant de m’avoir revu. Peut-être votre séjour à Paris sera-t-il prolongé. M. de Morval m’autorise à vous garder ici autant que je le jugerai nécessaire. J’userai de la permission et vous n’en serez pas fâché, j’imagine, cher monsieur Ducormier ; car nous voici justement dans la saison des plaisirs, des spectacles, des fêtes, du bal de l’Opéra, et je parie que vous ne manquez pas le bal de l’Opéra, hein ? cher monsieur Ducormier ?

Quoique cette question : Je parie que vous ne manquez pas le bal de l’Opéra ? fût faite par le prince de l’air le plus naturel du monde, et fût amenée par une transition parfaitement ménagée, Anatole, pressentant cependant que ce n’était pas une question banale, amenée par hasard, redoubla d’attention et répondit :

— En effet, prince, je suis allé cette nuit au bal de l’Opéra.

— C’est donc cela ! — reprit M. de Morsenne en paraissant rappeler ses souvenirs : — je ne me trompais pas.

— Comment, prince ?

— Votre figure ne m’était pas tout-à-fait inconnue.

— Prince, je ne croyais pas avoir encore eu l’honneur de vous rencontrer.

— Voici le fait, cher monsieur Ducormier ; rien de plus simple : cette nuit, un whist m’avait retenu assez tard au club de la rue de Grammont ; voyant la file des voitures qui se rendaient au bal de l’Opéra, j’ai eu l’idée d’y entrer ; un ressouvenir de jeunesse, comme vous voyez. J’y suis resté quelques minutes, et pendant que j’attendais mes gens, je crois vous avoir vu sous le péristyle, accompagnant une fort jolie femme, ma foi ! ce qui me prouve, cher monsieur Ducormier, que vous ne perdez pas votre temps au bal de l’Opéra, et que vous ne vous en allez pas comme on dit, les mains vides.

— Où veut-il en venir ? — pensa Ducormier. — Je croyais d’abord qu’il s’agissait peut être de ma rencontre avec sa fille la duchesse de Beaupertuis. — Et il reprit tout haut :

— Vous me faites, prince, beaucoup plus d’honneur que je n’en mérite… J’accompagnais momentanément la femme d’un de mes amis d’enfance, pendant qu’il était allé au vestiaire chercher son manteau.

— Comment ! une femme mariée déguisée ! déguisée… en je ne sais trop quoi ; mais enfin, il m’a paru assez leste, quoique fort joli, son costume !

— Il est vrai, prince, qu’un tel déguisement n’est pas de très-bon goût, mais mon ami et sa femme appartiennent au petit commerce, ils songent plus aux plaisirs qu’aux convenances.

— Et vous êtes fort lié avec le mari ?

— Intimement lié, prince, et notre longue séparation n’a en rien altéré cette amitié.

— Pardon de mon erreur, cher monsieur Ducormier ; entre nous je vous avais cru… en bonne fortune.

— Vous étiez, prince, dans une erreur complète, — répondit Anatole ; puis attachant un regard pénétrant sur M. de Morsenne, qui depuis quelques instants, malgré son assurance, trahissait un léger embarras, Ducormier reprit :

— Que voulez-vous, prince ! à défaut de vins exquis dont un pauvre diable comme moi ne doit jamais goûter, j’aime mieux boire de l’eau que de gros vin commun.

— C’est bien là cet imbécile orgueil dont Morval me parle dans sa lettre ; ce drôle-là se trouve trop haut placé probablement pour s’abaisser jusqu’à une petite marchande ! — pensa M. de Morsenne. — Allons, j’ai un poids de moins sur le cœur, je puis résolument aborder l’autre question.

Les traits du prince avaient trahi sa vive et secrète satisfaction à cette pensée : que Ducormier n’était ni le soupirant ni l’amant de Maria Fauveau. Cette émotion n’échappa pas à Anatole.

— J’y songe, — pensa-t-il. — Cette nuit, ce domino noir, obstinément attaché aux pas de madame Fauveau, et dont elle et Joseph se moquaient si fort… Est-ce que ce serait ?… Mais oui… plus de doute !… Quel trait de lumière !… C’était le prince !… Où veut-il en venir ?

M. de Morsenne reprit tout haut :

— Je vous approuve fort, mon cher monsieur, un goût difficile et délicat est toujours le symptôme d’une grande distinction de manières ; mais dites-moi, d’anciens amis comme vous et ce petit marchand, vous avez sans doute été ravis de vous retrouver ? Et puis, pour ces bonnes gens, vous devez être un très-gros seigneur, cher monsieur Ducormier ; votre parole doit être pour eux, comme on dit, parole d’Évangile.

— En effet, prince, mon ami a une grande confiance en moi, car c’est le cœur le plus loyal et le plus ingénu que je connaisse.

Ingénu !… c’est le mot poli, n’est-ce pas, mon cher monsieur ?

— Que voulez-vous, prince, souvent l’amitié vous aveugle.

— Entre nous, le petit boutiquier est un brave homme à mener par le nez, n’est-ce pas ? Et sa femme ? elle doit vous écouter comme un oracle, vous qui avez approché le grand monde ? Aussi, tenez, — ajouta le prince en jetant à son tour un regard perçant sur Anatole et accentuant lentement, et d’un ton significatif, les paroles suivantes, — tenez, je suis sûr que si vous vous mettiez dans la tête de persuader à cette charmante bourgeoise (car moi, moins difficile que vous, je la trouve… délicieuse… adorable), si vous vouliez, dis-je, vous donner la peine de lui persuader… de lui persuader… que vous dirai-je ? qu’il est du bel air de mettre sa robe à l’envers, et que les grandes dames n’en font jamais d’autres, je gage que vous finiriez par la convaincre… par lui faire faire, en un mot, grâces à vos conseils, tout ce que l’on voudrait ?

À ces paroles, dont il comprit le sens honteux et caché, les lèvres d’Anatole blanchirent légèrement, signe chez lui de rage et de haine contenues mais arrivées à leur paroxysme ; du reste, sauf un imperceptible tressaillement des mâchoires, un moment convulsivement serrées, ses traits restèrent impassibles, et il n’interrompit pas le père de la duchesse de Beaupertuis.

M. de Morsenne continua donc en accentuant de plus en plus ses paroles :

— Vous possédez, il paraît, cher monsieur Ducormier, et je le crois, un art prodigieux pour triompher des consciences les plus rebelles, des scrupules les plus enracinés, des préjugés les plus bourgeois, des vertus les plus revêches, car Morval m’écrit dans sa lettre que, lorsqu’il le faut, vous êtes le tentateur en personne. Or, cher monsieur Ducormier, si vous êtes le tentateur, la délicieuse petite madame Fauveau est une fille d’Eve ; me comprenez-vous ?

— Prince — répondit Anatole d’une voix imperceptiblement altérée ; — je ne sais si…

— Un dernier mot, mon cher monsieur, — reprit M. de Morsenne, en interrompant Anatole ; — vous êtes à la fois, un homme sérieux et un homme positif. Or, de deux choses l’une : ou nous nous entendons parfaitement à demi-mot, ou nous ne nous entendons point du tout ; dans ce dernier cas, vous n’attacherez aucun sens aux paroles suivantes : écoutez-les bien.

— Je vous écoute, prince.

— Voulez-vous assurer un protecteur puissant, qui, soutenu par un immense crédit, s’engagerait, à un moment donné (ce moment, il dépend de vous de le hâter ou de le reculer), s’engagerait, dis-je, à vous élever plus haut que vous n’avez jamais rêvé d’atteindre ! Voyons, est-ce clair ?

— Très clair, prince.

— Ainsi… vous me comprenez ?

— Parfaitement, prince.

— En un mot, vous comprenez par quel moyen vous pourriez acquérir cette toute-puissante protection ?

— Oui, prince, nous nous entendons à merveille, mais il y aurait une condition indispensable à la réussite de la tentation.

— Quelle condition ?

— Il me faudrait auprès de vous, prince, une position pour ainsi dire officielle, cette position donnerait, non seulement plus d’autorité à mes paroles, mais me permettrait surtout de parler incessamment de vous à madame Fauveau, de vanter votre générosité, votre puissance, et cela sans affectation ! et comme la chose la plus naturelle du monde ; car, je ne vous le cache pas, prince, il me faudrait procéder auprès de cette jeune femme avec une prudence, une réserve excessive, et encore je…

— Parfait ! — s’écria M. de Morsenne en interrompant Anatole, — votre idée est excellente, elle prouve un tact admirable, cher monsieur Ducormier ; dès demain, je vous installe ici comme mon secrétaire ; je me débarrasserai de l’autre en le plaçant dans une administration quelconque. Morval m’autorise à vous garder ici tant que j’aurai besoin de vous ; je vous garde et me charge de tout auprès de lui ; vous logerez donc ici et mangerez à ma table. Est-ce entendu ?

— C’est entendu, prince.

— Maintenant, cher monsieur Ducormier, vous avez votre avenir entre les mains ; vous pouvez être sous-préfet dans trois mois, dans deux mois, dans un mois ; cela dépend de vous ; ensuite (je vous en donne ma parole de galant homme), je vous fais nommer préfet dans deux ans ; et plus tard nous verrons… car vous ne savez pas comme je pousse ceux qui me servent.

La porte du cabinet du prince s’ouvrit en ce moment.

Madame de Morsenne, sa fille, madame la duchesse de Beaupertuis, revenant du sermon, entrèrent familièrement sans s’être fait annoncer.

À la vue de Ducormier qui, après avoir salué profondément les deux femmes, se dirigeait discrètement vers la porte, Diane de Beaupertuis rougit involontairement ; mais quelle fut sa stupeur en entendant son père rappeler Anatole et lui dire :

— Un moment, monsieur, un moment ; je désire vous présenter à ma femme et à ma fille.

Anatole s’arrêta et se retourna.

Le prince le montrant alors du regard aux deux femmes, leur dit en manière de présentation :

— M. Ducormier… mon nouveau secrétaire.

Anatole salua de nouveau et plus respectueusement encore madame de Morsenne et sa fille, tandis que le prince lui disait :

— À demain matin, monsieur Ducormier : votre appartement sera préparé.

Le jeune homme s’inclina, sortit et quitta l’hôtel de Morsenne.