La Bonne aventure (Sue)/1/IX

Michel Lévy Frères, libraires-éditeurs (p. 245-274).
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IX

Le valet de chambre s’étant approché du prince lui présenta une carte, déposée sur un petit plateau d’argent, et lui dit :

— Prince, c’est la carte d’une personne qui désire vous parler.

Loiseau n’est pas de retour ? — dit M. de Morsenne à demi-voix en prenant la carte.

— Non, prince, je n’ai pas vu M. Loiseau rentrer, — répondit le valet de chambre, tandis que son maître, s’approchant d’une fenêtre, lisait à l’aide d’un lorgnon d’écaille le nom écrit sur la carte.

Ce nom était celui d’Anatole Ducormier.

— Qu’est-ce que c’est que ce monsieur ? — reprit le prince en interrogeant le valet de chambre, — je ne connais pas ce nom-là.

— Prince, ce monsieur dit qu’il vient pour affaires très pressées…

— Pour affaires ? Alors conduisez-le à mon intendant, si c’est pour affaires ! Je ne sais pas ce que c’est que M. Ducormier, moi ?

Puis au moment où le valet de chambre allait s’éloigner, le prince lui dit de nouveau à demi-voix :

— Vous me préviendrez dès que Loiseau sera rentré.

— Oui, prince.

Et le valet de chambre sortit.

M. de Morsenne alors se rapprocha du groupe, dont il s’était un moment éloigné.

— Mon père, c’est entendu, — dit la duchesse de Beaupertuis, — ce soir même, il faut écrire ces lettres… de faire part… ce sera d’un bon enseignement pour les femmes qui désormais pourraient songer à d’ignobles mésalliances.

— Ce soir même je les écrirai, — dit M. de Morsenne.

— Venez chez moi un peu plus tôt que de coutume, cher prince, — reprit madame de Robersac en s’adressant à M. de Morsenne. — Amenez Diane, nous vous aiderons à écrire ces lettres ; puis après cette digne et courageuse action, et en manière de récompense… nous ferons tous trois… une petite débauche… dont j’ai le projet.

— Que voulez-vous dire ? — reprit le prince en regardant madame de Robersac avec surprise. — Quelle petite débauche ?

— Tout le monde répète que cette année les bals de l’Opéra sont charmants et tout-à-fait de bonne compagnie ; — ajouta madame de Robersac en regardant fixement M. de Morsenne, qui parut un instant surpris et troublé. — Je meurs d’envie d’y aller, je suis certaine que Diane ne demandera pas mieux que de m’accompagner, et j’ai résolu que vous nous y conduiriez, cher prince.

— Le bal de l’Opéra ? C’est une excellente idée ! — dit madame de Beaupertuis. — Je m’y suis ennuyée l’année passée comme une morte ; mais c’est égal, si mon père veut nous y conduire, je suis des vôtres, ma chère madame de Robersac.

— Bravo ! Hector. Le bal de l’Opéra, cela nous rajeunit de vingt ans ! J’irai t’y conduire, dit en riant M. de Saint-Merry, en s’adressant au prince.

Celui-ci, malgré son habitude de dissimulation, ne put complètement cacher son embarras, encore augmenté par le regard fixe et pénétrant de madame de Robersac, et il répondit à M. de Saint-Merry :

— Ah ça, mon cher Adhémar, tu es fou ?

— Comment !

— Moi, au bal de l’Opéra !

— N’y sommes-nous pas allés cent fois ensemble ?

— Oui, autrefois, mais franchement notre place n’est plus là maintenant. Songes-y donc, à nos âges !… et puis enfin, quand on est dans une certaine position politique…

— Allons donc ! Hector ! Est-ce que, l’an passé, je n’y ai pas vu le duc de Mirecourt, l’ancien président du conseil ? Il est cependant de nos âges, comme tu dis. Et le marquis de Juvisy, vice-président de la chambre des pairs, autre jeune homme à peu près de nos âges ; n’est-il pas un des plus intrépides amateurs du bal de l’Opéra, un des habitués du fameux Coffre ?

— Il est vrai, mais…

— Comment ! mon cher, vous hésiteriez ? dit madame de Morsenne à son mari ; — je vous assure que si je ne craignais que le masque et la chaleur ne me causent une migraine affreuse, je serais de la partie, car voilà trois ou quatre ans que je ne suis allée au bal de l’Opéra.

— Sans doute, — répondit le prince en reprenant son assurance, — je serai toujours mille fois heureux de me mettre en toute occasion aux ordres de madame de Robersac et de ma fille ; mais, en vérité, par les raisons que je vous ai dites, et surtout après le malheur qui vient de frapper notre maison, ne serait-ce pas une grave inconvenance d’aller me montrer ce soir même au bal de l’Opéra, où je n’ai pas mis les pieds depuis dix années ?

— Et moi, je pense, au contraire, cher prince, — reprit madame de Robersac, — qu’il serait d’un très bon effet de témoigner par votre présence dans un lieu de plaisir, que vous ne ressentez aucune honte d’une indignité dont vous n’êtes en rien solidaire.

— Pourtant, ma chère madame de Robersac, reprit le prince, — vous me permettrez de vous faire observer…

— Je dirai plus, — reprit la baronne en interrompant M. de Morsenne, — comme un grand nombre des hommes de notre société se trouveront, selon leur habitude, au bal de l’Opéra, et que votre présence y causera une certaine sensation, il me paraîtrait excellent de profiter de cette occasion pour déclarer là, et bien haut, que vous avez écrit, au sujet de ce honteux mariage, la lettre de faire part dont nous sommes convenus.

— C’est évident ! — dit M. de Saint-Merry. — Ce soir et demain tout Paris le saurait.

— Madame de Robersac a parfaitement raison, mon cher, — ajouta madame de Morsenne en s’adressant à son mari — il faut l’écouter, son conseil est excellent !

— Je suis aussi de cet avis, mon père, — reprit à son tour la jeune duchesse. — Je ne vous dis pas cela pour vous engager à venir quand même au bal de l’Opéra, car, après tout, nous pourrions y aller, madame de Robersac et moi, avec M. de Saint-Merry, qui, j’en suis sûr, ne nous refuserait pas son bras.

— Pouvez-vous en douter, ma belle filleule ? — dit M. de Saint-Merry. — Mais ; Hector, — ajouta-t-il en regardant le prince, — se rendra, j’en suis certain, à toutes les bonnes raisons qu’on vient de lui donner.

— Sinon ! — ajouta madame de Robersac, en riant, mais en accentuant les paroles suivantes d’une façon qui parut à M. de Morsenne très significative : — l’on croirait que ce cher prince a vraiment quelque raison… quelque raison… d’État, je suppose… pour nous refuser…

— Allons, — reprit M. de Morsenne en souriant de l’air le plus gracieux, — je ne me sens pas le courage de résister plus longtemps à de telles instances. C’est dommage, il est si doux de se faire prier d’une manière si charmante !

— Ah ! mon Dieu, — dit la jeune duchesse en paraissant se rappeler un souvenir, — mais j’y songe maintenant !

— À quoi donc, ma chère ? — lui demanda sa mère.

— L’abbé Jourdan doit prêcher demain matin à Saint-Thomas-d’Aquin, — reprit Diane de Beaupertuis ; — on dit qu’il est délicieux d’indignation et de colère lorsqu’il tonne contre notre époque, et qu’il dit même des choses très marquées sur la licence des mœurs ; je me ferais une joie d’aller l’entendre. Or, si je rentre du bal de l’Opéra vers quatre ou cinq heures du matin…

— Il faut renoncer à l’abbé Jourdan.

— Soyez tranquille, ma chère, — dit la princesse à sa fille, — je me charge d’aller moi-même vous réveiller. Je compte bien ne pas manquer non plus l’abbé Jourdan. Je n’emmènerai cependant pas votre sœur Berthe, car ces sermons-là ne sont pas faits, à la rigueur, pour de petites filles… Mais nous irons toutes deux.

— Et je vous verrai là, chère princesse, — reprit madame de Robersac, — car je suis tous les sermons de l’abbé Jourdan. On dit que c’est le parti de Saint-Sulpice qui le pousse et le met en avant pour désoler et écraser ce pauvre abbé Marotin.

— Tout naturellement, — reprit le chevalier de Saint-Merry, qui semblait fort au courant de ces haineuses rivalités de sacristie, — l’abbé Marotin étant le toutou de l’archevêché, les Sulpiciens, qui sont à couteaux avec l’archevêché, sont comme des enragés pour faire mousser leur abbé Marotin et éreinter l’abbé Jourdan. Les journaux religieux échangent tous les matins des injures atroces, en soutenant qui l’un, qui l’autre, en sorte qu’il y a maintenant les Jourdanistes et les Marotinistes forcenés. Moi je suis, je le déclare, Jourdaniste ; ce garçon-là est impayable. Dimanche dernier, il a été effrayant dans sa peinture des peines éternelles, et irrésistible de logique lorsqu’il a prouvé comme quoi l’homme était né pour être à jamais misérable… et c’est parfait pour le peuple, ces démonstrations-là.

— Le fait est que dimanche, l’abbé Jourdan a été si merveilleusement bien, — reprit le prince, — qu’en sortant de l’église, j’ai été trouver monseigneur l’évêque de Ratopolis, qui a lancé l’abbé Jourdan, afin de lui demander l’adresse de ce digne prêtre, chez qui je suis allé aussitôt déposer ma carte avec un mot très flatteur ; car il est indispensable, par ces temps de dérèglement et d’impiété où nous vivons, d’encourager de toutes nos forces et par tous les moyens possibles les gens d’église qui prêtent une voix énergique et éloquente à la défense de l’ordre social tout entier.

À ces derniers mots, prononcés d’un ton pénétré par M. de Morsenne, sa fille ne put dissimuler un demi-sourire ironique dont madame de Robersac seule s’aperçut. Se levant alors pour prendre congé de la jeune duchesse, elle lui dit :

— Eh bien ! donc, à ce soir, ma chère Diane. À propos, je ne vous demande pas si le duc sera des nôtres ?

— Je vous avouerai, chère madame, — reprit la jeune femme, que depuis trois jours je n’ai pas vu M. de Beaupertuis.

— Pourquoi donc cela ?

— Il a reçu d’Alger trois nouveaux scarabées vivants d’une espèce très curieuse, dit-il, et sans doute depuis quarante-huit heures, il est, sauf quelques heures de sommeil, occupé, sa loupe en main, à noter ses observations sur les mœurs de ces scarabées.

— Quelle singulière et attachante passion que l’histoire naturelle ! — reprit madame de Robersac en souriant. — Il ne faut pas parler, il est vrai, de ce qu’on ne connaît pas ; mais, en vérité, je suis toujours à me demander quel plaisir ce cher duc peut trouver à vivre si solitaire et si intime avec ses scarabées.

— Il paraît, — reprit en riant la jeune duchesse, — que M. de Beaupertuis se livre principalement à l’étude des mœurs de ces vilaines petites bêtes, afin de faire une notice pour l’Académie des sciences, sur leur mode d’existence. Croiriez-vous qu’il me disait dernièrement qu’en présence des prodiges dont il est journellement témoin au moyen de sa loupe, il éprouve autant d’admiration pour les scarabées que de profond dédain pour notre pauvre humanité ! Il m’avait même, à l’appui de cette belle découverte, apporté l’autre matin une carte pointée par lui de coups d’épingle, en manière de mémorandum, et il voulait à toute force m’expliquer le pourquoi de ces coups d’épingle ; — mais je l’ai prié de me laisser tranquille, et il s’en est allé tout grondant, me reprochant mon indifférence. — Et la jeune duchesse se mit à rire de nouveau.

— Taisez-vous donc, écervelée ! — dit madame de Robersac, puis elle ajouta, en s’adressant à madame de Morsenne :

— Entendez, chère princesse… les folies que Diane me conte là…

Pendant que madame de Beaupertuis parlait des singulières et scientifiques préoccupations de son mari, le valet de chambre, entrant de nouveau, s’était approché de M. de Morsenne et lui avait dit à mi-voix :

— Prince, M. Loiseau vient de rentrer.

— Dites-lui d’aller à l’instant m’attendre chez moi, — avait répondu M. de Morsenne, sans pouvoir cacher son impatience et son anxiété ; ayant alors vu madame de Robersac s’apprêter à sortir, il s’était approché.

— À ce soir donc, cher prince, — lui dit madame de Robersac en serrant la main de la jeune duchesse en manière d’adieu, — nous ferons bonne et sévère justice de cette indigne marquise.

— Permettez-moi, madame, de vous offrir mon bras jusqu’à votre voiture, — dit M. de Morsenne à madame de Robersac, qui accepta ; puis se tournant vers sa fille, il ajouta :

— Diane, soyez prête à neuf heures.

— Oui, mon père, — répondit la jeune femme.

— Vous viendrez me dire adieu avant votre départ, n’est-ce pas, ma chère ? — dit la princesse à sa fille en la quittant également.

— Oui, ma mère.

Et madame de Morsenne, accompagnée du chevalier de Saint-Merry, remonta chez elle (elle occupait le premier étage de l’hôtel dont sa fille occupait le rez-de-chaussée), tandis que le prince de Morsenne conduisait madame de Robersac jusqu’au perron au bas duquel sa voiture devait l’attendre.

Pour arriver au vestibule qui donnait sur ce perron, il fallait, en sortant du salon de madame de Beaupertuis, traverser une galerie, un billard, un salon d’attente et une antichambre.

Pendant ce trajet assez long, interrompu d’ailleurs par une pause de quelques instants dans le billard, où ne se trouvait personne, le prince de Morsenne et madame de Robersac eurent l’entretien suivant :

— Hector, — dit au prince madame de Robersac avec un accent contenu, — vous me trompez…

— Olympe, que signifie… ?

— Depuis quelque temps, je vous l’ai dit, vous êtes auprès de moi distrait, préoccupé ; enfin hier, vous avez envoyé louer une loge pour le bal de l’Opéra de ce soir.

— Je vous assure, ma chère amie…

— Ne mentez pas, Hector ; je le sais.

— Encore une fois, vous êtes dans l’erreur.

— Je suis si peu dans l’erreur que tout à l’heure votre embarras était évident, lorsque je vous ai à dessein proposé cette partie d’Opéra, qui va sans doute, et j’y compte… contrarier certains projets.

— En vérité, chère Olympe, — reprit le prince d’un ton insinuant et tendre, vous ne m’aviez pas habitué à tant d’ombrage et de défiance. Comment ! après une intimité de dix ans, lorsque je passe ma vie chez vous, il y aurait, entre de vieux amis comme nous, de ces folles jalousies ! — Puis souriant d’un air gracieux et fin : — Me réduirez-vous donc à cette humiliation d’invoquer le bénéfice de mon âge pour me mettre à l’abri de vos soupçons ?… soupçons véritablement trop flatteurs.

— Je suis surtout jalouse, de votre confiance, Hector ; mais il me la faut entière, et à ce prix, mon Dieu ! vous le savez, vous me trouverez toujours indulgente… plus qu’indulgente.

— Ma confiance ! Franchement, Olympe, ne l’avez-vous pas ? N’est-ce pas dans votre salon et non dans celui de ma femme que je reçois chaque soir mes amis politiques ? N’est-ce pas enfin chez vous que je tiens ma cour, ainsi que vous le dîtes, à tort, car c’est plutôt votre cour à vous ? — ajouta le prince redoublant de coquetterie. — N’êtes-vous pas la divinité dont je suis l’humble pontife… trop heureux d’être le premier à vous offrir mes adorations ?

— Monsieur de Morsenne, — répondit sèchement madame de Robersac, — je vous connais trop et depuis trop longtemps pour me laisser prendre à des fadeurs. Écoutez-moi bien : je redoute pour vous du ridicule et du scandale, et par conséquent un double chagrin pour moi, Or, je suis très décidée, dans notre intérêt commun, à vous épargner ce ridicule, et…

Plusieurs domestiques, apportant des lumières afin d’éclairer les appartements, car la nuit était à peu près venue, interrompirent l’entretien de M. de Morsenne et de madame de Robersac ; ils arrivèrent bientôt dans l’antichambre, où se trouvaient plusieurs valets de pied ; les uns se levèrent respectueusement, tandis que deux autres ouvraient les battants de la porte vitrée qui donnait sur le perron au bas duquel attendait la voiture de madame de Robersac.

Celle-ci, en descendant les marches, trouva moyen de dire tout bas au prince, qui la conduisait :

— Je vous attends à neuf heures. Si vous n’y venez pas… j’irai de toute façon au bal de l’Opéra, et prenez garde…

Ces mots furent dits tout bas, avec l’accent du dépit et de la menace, durant la descente des marches du perron, au bas duquel attendait le valet de pied de la baronne, tenant ouverte la portière de sa berline.

Madame de Robersac, changeant alors d’accent et de physionomie, dit tout haut, et de l’air le plus affable, à M. de Morsenne, qui l’aidait à monter :

— Mille grâces de votre obligeance, et à bientôt, cher prince.

M. de Morsenne salua respectueusement, et ne quitta le perron pour rentrer chez lui que lorsque la voiture se fut dirigée vers la grande porte de l’hôtel.

Pendant que le prince reconduisait, comme nous l’avons dit, madame de Robersac, le chevalier de Saint-Merry accompagnait chez elle la princesse ; s’arrêtant un instant au milieu du grand escalier, M. de Saint-Merry dit à madame de Morsenne :

— Savez-vous, Armande, que tout à l’heure j’ai eu fort à contenir mon orgueil pour ne pas me jeter au cou de notre chère Diane, tant je trouvais admirable son idée de lettres de faire part.

— Oui. Et vous n’avez pas entendu cette vipère aux yeux doucereux, madame de Robersac, s’exclamer ironiquement sur la fierté du sang des Morsenne qui se révoltait chez ma fille ?

— Bah ! vous savez, Armande, que cette vipère-là siffle plus qu’elle ne mord, et d’ailleurs…

— Taisez-vous donc, Adhémar, voilà Berthe, — dit vivement madame de Morsenne en continuant de monter l’escalier, appuyée sur le bras de M. de Saint-Merry.

En effet, au moment où la princesse avait interrompu son chevalier, elle venait d’apercevoir sa seconde fille, Berthe de Morsenne (sœur de madame de Beaupertuis), qui descendait l’escalier accompagnée de son institutrice.

— Mademoiselle Berthe de Morsenne était une enfant de quinze ans à peine, grande, frêle et pâle, au regard froid, à la physionomie revêche et déjà hautaine malgré son jeune âge ; son institutrice, jeune Anglaise d’une figure douce, grave et un peu triste, l’accompagnait.

Mademoiselle de Morsenne, venant en sens inverse de sa mère et de M. de Saint-Merry, les eut bientôt rejoints.

— Où allez-vous donc, Berthe ? lui dit la princesse.

— Je vais voir ma sœur, ma mère.

— J’espère que miss Nancy est toujours contente des progrès de mademoiselle Berthe, qui n’est plus maintenant une petite fille ? — dit M. de Saint-Merry avec la familiarité d’un ancien ami de la famille.

— Il y aurait fort à faire pour contenter toujours mademoiselle, — reprit Berthe d’un ton sec et bref.

— Contenter miss Nancy doit être pourtant votre seul désir, ma chère Berthe, — répondit solennellement madame de Morsenne en baisant sa fille au front ; puis elle ajouta en s’adressant à l’institutrice : — N’oubliez pas, miss Nancy, de demander aux gens de madame de Beaupertuis si elle est seule, sinon vous remonteriez avec Berthe.

— Oui, madame la princesse, — répondit l’institutrice en suivant mademoiselle de Morsenne, pendant que la mère de celle-ci remontait chez elle.

Pendant que ces différents accidents se passaient sur l’escalier, M. de Morsenne était entré précipitamment dans son cabinet, où l’attendait M. Loiseau, son homme de confiance.