L. Hachette et Cie (p. 255-258).

XCV

BOOZ ÉPOUSE RUTH

(1120 ans avant J.-C.)



Quand arriva le dernier jour de la moisson, Noémi dit à Ruth :

« Ma fille, j’ai prié le Seigneur, et je veux t’assurer un avenir qui te rendra heureuse. Booz est, comme tu sais, notre plus proche parent, et d’après la loi de Moïse, tu as le droit de te faire épouser par lui. Je sais qu’il est vieux. »

Paul. Quel âge avait-il ?

Grand’mère. Il avait un peu plus de cent ans.

« Mais, ajouta Noémi, tu auras peut-être plus de bonheur avec un homme âgé qu’avec un homme jeune. Fais donc ce que je vais te dire. Cette nuit, Booz fera vanner son grain dans sa grange, et il se couchera quand il sera fatigué.

« Lave-toi donc proprement, parfume-toi avec des senteurs, prends les plus beaux habits, et va dans sa grange. Prends garde que Booz ne te voie jusqu’à ce qu’il ait fini de boire et de manger. Quanti il s’en ira pour dormir, regarde bien l’endroit où il va ; vas-y quand il sera endormi ; découvre doucement la couverture du côté de ses pieds, tu te placeras là bien modestement, et tu dormiras. Quand il s’éveillera, tu lui diras qui tu es, et que lui étant ton plus proche parent, tu lui demandes de t’épouser. Après cela, il te dira lui-même ce que tu devras faire. »


Ruth lui répondit : « Je ferai tout ce que vous m’avez commandé, ma mère. » Elle alla donc à la grange sans que Booz la vit, et fit comme l’avait dit Noémi. Booz était tout heureux de sa belle moisson ; il alla dormir près d’un tas de gerbes et quand il fut endormi, Ruth leva la couverture et se coucha à ses pieds. Il s’éveilla vers minuit, et fut tout troublé et effrayé en voyant une femme à ses pieds.

« Qui êtes-vous ? dit-il. Et que venez-vous faire ici ? — C’est moi, seigneur, Ruth votre servante, répondit Ruth toute tremblante ; » et elle lui répéta ce que Noémi lui avait ordonné de dire et de faire. Booz lui dit : « Ma fille, que le Seigneur te bénisse ; tu as préféré un mari vieux comme je le suis, à un mari plus jeune. Ne crains rien ; je ferai ce que tu me demandes, car tout le monde de ce pays sait que tu es une femme bonne et sage. Il est vrai que je suis ton parent ; mais il y en a un plus proche que moi et dont je dois avoir le consentement pour t’épouser. Aussitôt que le matin sera venu, j’irai le lui demander, et je jure par le Seigneur que, s’il y consent, je te prendrai pour épouse. Dors là en paix jusqu’au matin, et repose-toi. »

Ruth se recoucha donc aux pieds de Booz et dormit jusqu’au petit jour. Alors, elle se leva pour qu’on ne la vît pas chez lui, et Booz remplit son manteau avec six boisseaux d’orge et lui dit de les emporter ; Ruth s’en alla sans qu’on l’eût vue ; elle retourna à Bethléem chez sa belle-mère et lui raconta ce qui s’était passé entre elle et Booz.

Aussitôt qu’il fit jour, Booz alla voir son parent et obtint de lui l’autorisation de prendre Ruth pour sa femme, car ce parent ne voulait pas se marier ; Ils appelèrent des témoins, devant lesquels il céda à Booz le droit d’épouser Ruth, et, selon la coutume du pays, il lui donna pour gage de son consentement un de ses souliers.

Armand. Quel drôle d’usage !

Grand’mère. Dans tous les pays, il y a des usages qui nous semblent drôles parce que nous n’en connaissons pas le motif, mais auxquels tiennent beaucoup les gens du pays.

Puis il alla chercher Ruth, l’épousa et l’emmena chez lui avec Noémi.

Peu de temps après, Ruth eut un fils qui s’appela Obed, qui fut père d’Isaï et grand-père du célèbre roi David, que le Seigneur choisit pour régner sur Israël. Et ainsi Booz et Ruth font partie des ancêtres de la sainte Vierge et de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Marie-Thérèse. Et Noémi, qu’est-elle devenue ?

Grand’mère. Elle vécut avec Booz et avec Ruth, qui lui avait témoigné une si grande tendresse. La sainte Bible dit que Noémi fut très-heureuse, qu’elle aimait le petit Obed et le soignait comme s’il eût été son propre fils.

Valentine. J’aime beaucoup Ruth et ce bon vieux Booz ; comme il a été bon pour Ruth !

Grand’mère. Aussi le bon Dieu l’a-t-il récompensé en lui donnant une femme excellente, qui l’a beaucoup aimé, malgré son grand âge, et qui l’a rendu très-heureux.

Henriette. Ruth méritait aussi une récompense pour sa belle conduite envers sa belle-mère.

Grand’mère. Ruth a eu également sa récompense par son mariage avec un homme très-bon, très-riche, qui avait une grande estime pour elle, et qui a fait tout ce qu’il a pu pour son bonheur et celui de Noémi.

Jeanne. Et moi, je trouve que toute cette histoire donne une très-bonne opinion de Noémi. Pour que Ruth l’ait tant aimée, il a fallu que Noémi ait toujours été très-bonne pour elle.

Grand’mère. Tu as raison, mon enfant ; aussi la sainte Bible ne sépare-t-elle pas les noms de Ruth et de Noémi.