L. Hachette et Cie (p. 253-255).

XCIV

RUTH VA GLANER CHEZ BOOZ

(1122 ans avant J.-C.)



Il y avait à Bethléem un homme très-riche, qui s’appelait Booz ; il était de la famille d’Élimélech, jadis mari de Noémi. Quand Noémi et Ruth arrivèrent à Bethléem, c’était le temps de la moisson. Ruth dit à Noémi : « Si vous le voulez bien, ma mère, j’irai dans les champs qu’on moissonne, et je ramasserai les épis qui tombent après les gerbes. Nous aurons ainsi du pain pour nous nourrir. — Va, ma fille, » lui dit Noémi.

Ruth alla donc dans les champs et se mit à glaner les épis tombés et oubliés. Il se trouva que ce champ appartenait à Booz, parent d’Élimélech.

Et Booz, étant venu dans la journée surveiller sa moisson, remarqua Ruth, et demanda au chef des moissonneurs : « Qui est cette jeune fille ? — C’est, répondit-il, la jeune Moabite qui est venue dans le pays avec Noémi, veuve d’Élimélech. Elle m’a demandé de lui permettre de suivre les moissonneurs pour glaner les épis tombés ; elle travaille depuis ce matin, et elle n’est pas retournée un instant chez elle, pas même pour manger. »

Booz, s’approchant de Ruth, lui dit avec bonté : « Écoute, ma fille, ne va pas dans d’autres champs que les miens, joins-toi à mes filles qui moissonnent, suis-les partout où on moissonnera ; car j’ai commandé à mes gens d’être bons pour toi, et même, quand tu auras soif, tu iras là où sont les vases remplis d’eau, et tu en boiras. »

Ruth, se prosternant devant Booz, lui dit : « D’où me vient ce bonheur que mon seigneur daigne me traiter si favorablement, moi qui suis une femme étrangère ?

— On m’a raconté, répondit Booz, ce que tu as fait pour ta belle-mère après la mort de ton mari ; tu as quitté mère, parents, demeure, fortune, patrie, pour la suivre et la servir dans un pays inconnu où tu es étrangère. Que le Seigneur te le rende et te donne le bonheur dans ce pays que tu es venue habiter… »

Ruth le remercia encore de la bonté qu’il lui témoignait, et Booz lui dit : « Quand l’heure du manger sera venue, viens ici, mange du pain, et de tout ce qu’on te donnera, et bois de l’eau et du vinaigre. »

Françoise. Comment, du vinaigre ? mais c’est très-mauvais !

Grand’mère. Chère petite, un peu de vinaigre versé dans l’eau est, au contraire, agréable et rafraîchissant ; et cela empêche l’eau froide de faire mal quand on a chaud.

Quand les moissonneurs se rassemblèrent pour manger, Ruth vint donc s’asseoir avec eux ; elle mangea de la bouillie, du pain, et elle garda le reste de la portion qu’on lui avait donnée.

Petit-Louis. Pourquoi la garda-t-elle ?

Grand’mère. Pour la porter à sa belle-mère, qui n’avait pas grand’chose à manger.

Booz ayant donné l’ordre à ses gens de laisser tomber beaucoup d’épis là où venait Ruth, en les suivant, elle en ramassa une si grande quantité, qu’à la fin du jour, voyant que ce paquet était trop lourd et trop gros pour qu’elle pût l’emporter, elle voulut, avant de s’en aller, battre ses épis avec une baguette ; et les ayant battus, elle eut trois boisseaux de grain. Elle les emporta chez sa belle-mère, et lui donna aussi le reste de son repas que la pauvre Noémi mangea avec grand plaisir. Ruth sur le champ de Booz.

Valentine. Comme elle était bonne, cette Ruth !

Grand’mère. Aussi, elle va en être bien récompensée.

Ruth raconta à Noémi tout ce qui lui était arrivé, et que ce vieillard si bon était Booz, leur parent. Noémi remercia le Seigneur et conseilla à Ruth de continuer à glaner dans les champs de leur parent et de ne pas quitter les servantes au service de Booz.