L. Hachette et Cie (p. 94-97).

XXIX

ENFANTS DE JACOB — JALOUSIE DE LABAN

(1742 ans avant J.-C.)



Laban ayant enfin mené Rachel dans la tente de Jacob, celui-ci s’attacha à elle de plus en plus et négligea Lia. Le Seigneur voulut relever Lia de l’humiliation que lui causait la juste répugnance de Jacob et fit naître d’elle six fils, qu’on appela Ruben, Siméon, Lévi, Juda, Issachar, Zabulon, et une fille nommée Dina.

Rachel n’avait pas d’enfants ; elle s’en désolait, et, voulant absolument en avoir, elle demanda à Jacob d’épouser sa servante Bala. « De cette manière, lui dit-elle, je pourrai avoir des enfants par ma servante. » En effet, Bala eut deux fils, que Rachel appela Dan et Nephtali.

Lia, voyant à son tour que Rachel avait déjà deux fils par sa servante, eut peur qu’elle n’en eût d’autres, et elle demanda à Jacob de prendre pour femme sa servante Zelpha, Jacob y consentit, et Zelpha eut deux fils, que Lia nomma Gad et Aser.

Armand. Je trouve que Jacob n’aurait pas dû prendre tant de femmes ; il avait déjà assez d’enfants sans épouser la servante de Lia.

Grand’mère. Cher enfant, n’oublie donc pas que les Israélites de ce temps-là pouvaient avoir plusieurs femmes. Jacob consultait toujours le Seigneur dans les actions importantes de sa vie, et il suivit les inspirations de Dieu bien plus que les siennes. Ensuite il désirait contenter ses deux femmes, Lia et Rachel, et il ne craignait pas d’avoir beaucoup d’enfants, puisque leur nombre augmentait ses richesses en ajoutant au nombre de ses serviteurs.

Quelque temps après, Dieu exauça les prières de Rachel en lui donnant à elle-même un fils, qu’elle appela Joseph et dont la naissance la remplit de joie.

Après la naissance de Joseph, Jacob dit à Laban : « Vous savez quels services je vous ai rendus ; la bénédiction de Dieu est entrée avec moi dans votre maison ; depuis vingt ans que je garde vos troupeaux, ils se sont multipliés à l’infini ; vos richesses se sont accrues entre mes mains ; de pauvre que vous étiez, vous voici devenu riche ; maintenant donnez-moi mes deux femmes et mes enfants, et laissez-moi les emmener, afin qu’ils travaillent pour moi, et que je puisse devenir riche à mon tour. »

Laban lui répondit. : « Mon fils, je reconnais que Dieu m’a béni à cause de toi ; vois toi-même quelle est la récompense que tu désires ; je te la donnerai.

— Je ne veux rien de ce que vous avez, dit Jacob ; mais, si vous consentez à ce que je vais vous demander, je continuerai à vous servir comme par le passé, et la bénédiction de Dieu restera dans votre maison.

— Que veux-tu ? dit Laban.

— Voici ce que je veux. Visitez vos troupeaux. Mettez à part les brebis et les chèvres qui ne sont pas tout à fait blanches, c’est-à-dire celles qui sont tachetées de noir ou de couleurs différentes ; que ces bêtes et tout ce qui naîtra de tacheté à l’avenir, soient ma récompense, sans que personne puisse m’accuser d’avoir pris pour moi ce qui est à vous. »

Laban réfléchit qu’il pourrait gagner à cet arrangement en le changeant selon la quantité d’agneaux et de chevreaux qui naîtraient à Jacob ; il lui répondit :

« Je trouve bon ce que tu me proposes, et je te l’accorde. » Le même jour, Laban et Jacob visitèrent les troupeaux ; ils mirent à part les chèvres, les brebis, les boucs et les béliers tachetés et de diverses couleurs.

Laban donna ensuite à ses enfants la garde de ses troupeaux non tachetés, c’est-à-dire tout blancs ou tout noirs, et les sépara tout à fait de ceux de Jacob ; mais, comme les troupeaux se réunissaient le matin et le soir pour boire dans les mêmes canaux qu’on remplissait d’eau, Jacob, d’après l’ordre de Dieu qui voulait punir Laban de son ingratitude et de ses projets perfides, prit des branches vertes de différents arbres, et enleva l’écorce en plusieurs endroits, de sorte que les branches étaient de deux couleurs et paraissaient tachetés. Il planta ces branches le long des canaux où buvaient les troupeaux, pour que les brebis et les chèvres pussent les regarder en buvant ; il en résulta que leurs petits agneaux et leurs chevreaux naissaient tachetés de plusieurs couleurs, et que les troupeaux de Jacob devinrent très-nombreux.

Jacques. Grand’mère, je trouve que Jacob a fait une chose pas très-honnête, puisqu’il savait que les brebis et les chèvres devaient avoir des agneaux et des chevreaux tachetés en regardant les branches.

Grand’mère. Cher enfant. Jacob suivait l’ordre de Dieu en faisant ainsi : ensuite c’était une habileté permise, et non une tromperie, d’autant plus que Laban s’était mal conduit à l’égard de Jacob ; il l’avait trompé en profitant de l’obscurité et du voile de la mariée pour faire épouser à Jacob la laide Lia à la place de Rachel, qu’il lui avait promise. Il a ensuite profité de l’affection que Rachel avait inspirée à Jacob, pour se faire servir encore sept ans sans lui rien donner. Et enfin il cherchait à le tromper en se proposant de changer l’arrangement qu’il avait fait avec Jacob, comme tu le verras plus tard et comme nous l’apprend la Bible. Il devait donc beaucoup à Jacob ; celui-ci, qui était déjà vieux et qui ne possédait rien, a trouvé juste de se payer lui-même de ses services au moyen de cette ruse. De notre temps ce serait peut-être peu délicat, mais du temps de Jacob ce n’était que juste. Ce moyen lui réussit, car ses troupeaux augmentèrent au point d’inspirer une grande jalousie à Laban et à ses fils.