L. Hachette et Cie (p. 487-488).

CXCIV

FAVEUR DE MARDOCHÉE — ÉDIT POUR LES JUIFS

(Même année, 509 ans avant J.-C.)



Le même jour, le roi donna à Esther la maison d’Aman, avec tous les trésors qu’elle renfermait. Et Mardochée fut présenté au roi, car Esther lui avait avoué qu’elle était sa nièce. Le roi ordonna qu’on donnât à Mardochée l’anneau royal qu’avait eu Aman pour cacheter les édits. Esther nomma son oncle intendant de toute sa maison.

Esther avait encore à obtenir du roi la révocation de l’édit, qui condamnait tous les Juifs à périr le treizième jour du douzième mois de l’année. Elle alla donc encore une fois se présenter chez le roi ; il la toucha de son sceptre comme la première fois. Elle se jeta à ses pieds, et lui demanda de détruire, par de nouvelles lettres, l’ordre cruel d’Aman qui avait ordonné le massacre de tous les Juifs. Assuérus appela Mardochée, et lui ordonna d’envoyer partout de nouvelles lettres cachetées de son anneau royal, afin que personne n’osât y désobéir, et de faire les lettres comme il l’entendait pour sauver les Juifs de la mort et du pillage.

En même temps, il lui commanda d’envoyer dire à tous les Juifs qu’ils se tinssent prêts le treizième jour du douzième mois pour défendre leur vie, pour tuer leurs ennemis, piller leurs maisons et partager leurs dépouilles.

Mardochée sortit du palais, et parut dans un grand éclat, portant une robe couleur d’hyacinthe et blanche, ayant une couronne d’or sur la tête et un manteau de soie pourpre.

Paul. Quelle couleur est-ce, hyacinthe ?

Grand’mère. C’est une magnifique couleur jaune-orangé.

Toute la ville fut transportée de joie. On afficha dans Suse le nouvel édit du roi, et on envoya des courriers dans les villes de toutes les provinces pour faire connaître le triomphe des Juifs.

Partout on témoigna une joie extraordinaire ; beaucoup de provinces se firent circoncire, et adorèrent le vrai Dieu, le Dieu d’Israël.

Le troisième jour du douzième mois, les Juifs, suivant l’édit du roi, firent un massacre général de leurs ennemis les plus dangereux. Dans Suze même, ils tuèrent cinq cents hommes et les dix fils d’Aman.

Dans tout le royaume, on tua soixante-quinze mille hommes ; les Juifs ne touchèrent nulle part aux biens de leurs ennemis.

Les Juifs établirent une fête pour le treizième et le quatorzième jour du mois Adar ; par l’ordre de Mardochée, elle fut célébrée tous les ans en mémoire de la protection du Seigneur et du triomphe du peuple de Dieu sur ses ennemis.

Mardochée et la reine Esther expliquèrent, dans une lettre dont ils envoyèrent des copies dans toutes les provinces du royaume, les événements qui venaient de se passer, la grande reconnaissance que devait avoir le peuple d’Israël envers Dieu pour les avoir sauvés de ce grand danger, et envers le roi Assuérus, qui avait écoulé la voix du Seigneur. Ils recommandèrent à tout le peuple de conserver soigneusement cette fête dans les siècles à venir ; elle fut appelée les journées de Phurim, c’est-à-dire les journées des sorts.

Mardochée parla au roi avec tant de sagesse des affaires de son gouvernement, qu’il obtint sa confiance, et qu’il devint le premier du royaume après le roi. Il resta en faveur tant qu’il vécut, et gouverna si bien, qu’aucun désordre ne vint troubler le pays, et qu’il mourut regretté de tous.