L. Hachette et Cie (p. 66-I).

XIX

NAISSANCE D’ISAAC
AGAR EST CHASSÉE AVEC ISMAËL.

(1859 ans avant J.-C.)



Peu de temps après, Abraham quitta ce pays pour aller plus au Midi.

Armand. Pourquoi quitte-t-il un beau pays où il était si bien ?

Grand’mère. On ne le sait pas au juste, mais il est probable que ce fut à cause des odeurs malsaines et détestables qui venaient de Sodome et des autres villes maudites ; elles devaient, en effet, être fort malsaines à respirer, et se faire sentir à une grande distance.

Aujourd’hui encore tout le pays est comme un désert, rien n’y pousse, rien ne peut y vivre ; au-dessus des ruines de Sodome, Gomorrhe et des autres villes détruites par le feu du ciel, s’est formé un lac qu’on appelle Lac Asphaltite ou Mer Morte ; les eaux en sont si salées et si infectes qu’on ne pourrait pas en boire sans mourir ; elles sont pourtant si transparentes qu’on distingue clairement au fond les ruines des villes brûlées.

Abraham alla donc s’établir à peu de distance. Dans le temps qu’avait annoncé le Seigneur, Sara eut un fils qui fut nommé Isaac. Abraham avait alors cent ans.

Isaac grandit, et quand il eut l’âge de raison, Sara vit un jour qu’Ismaël le maltraitait brutalement. Sara, justement indignée, dit à Abraham : « Chassez cette servante avec son fils ; car le fils de la servante ne sera pas votre héritier avec mon fils Isaac. »

Abraham s’affligea de ces paroles à cause de son fils Ismaël.

Louis. Je trouve Sara bien sévère ; à la place d’Abraham, je ne l’aurais pas écoutée.

Grand’mère. Sara avait le caractère un peu sévère, sans doute, mais elle voyait qu’Ismaël était méchant et dangereux pour Isaac ; elle ne devait pas souffrir que le fils de l’esclave maltraitât le fils de la maîtresse, l’enfant béni de Dieu et l’héritier du Patriarche. Au reste, avant de céder aux désirs de Sara, Abraham, dans son affliction, consulta le Seigneur.

Gaston. Et que lui répondit le Seigneur ?

Grand’mère. Il lui dit : « Que cette demande de Sara ne te paraisse pas trop dure ! Fais ce qu’elle te dit, parce que c’est Isaac qui doit être ton héritier, et le chef de ta race. Mais ne t’inquiète pas d’Ismaël ; je le rendrai père d’un grand peuple, comme je l’ai promis, parce qu’il est ton fils. »

Abraham se leva donc le lendemain au lever du jour, il prit du pain et une cruche d’eau, les mit sur l’épaule d’Agar, lui donna son fils Ismaël et les renvoya. Ismaël avait alors vingt-trois ans. Ils s’en allèrent et marchèrent dans le désert. Mais l’eau de la cruche étant épuisée, ils n’en trouvèrent plus et souffrirent de la soif. Ismaël, n’ayant plus de force, se coucha sous un arbre, et Agar s’éloigna en disant : « Je ne verrai pas mourir mon fils. » Elle s’assit en face de lui, et se mit à pleurer.

Dieu, entendant les pleurs de la mère, lui envoya un Ange qui lui dit : « Agar, que fais-tu là ? Ne crains pas, car le Seigneur a écouté ta voix et celle de l’enfant. Lève-toi, prends ton fils, parce que je le rendrai père d’un grand peuple. »

Au même moment, Agar aperçut un puits plein d’eau ; elle y alla, puisa de l’eau et la porta à son fils. Et Dieu protégea Ismaël ; il vécut dans le désert et il devint adroit à tirer de l’arc.

Marie-Thérèse. Mais comment Agar a-t-elle pu vivre dans un désert, sans avoir rien ?

Grand’mère. D’abord Ismaël avait plus de vingt ans ; il pouvait vivre de sa chasse, et l’eau ne leur manquait pas. Ensuite, ils étaient tout près de l’Égypte, où ils trouvaient ce qui leur était nécessaire. Agar, qui était Égyptienne, fit épouser à Ismaël une fille du pays d’Égypte, ce qui prouve qu’ils y avaient des relations.

Pendant ce temps, Abraham fit alliance avec Abimélech, roi du pays des Philistins, et il y demeura longtemps. Expulsion d’Ismaël et de sa mère