L. Hachette et Cie (p. 372-374).

CXLV

LA REINE DE SABA

(986 ans avant J.-C.)



La renommée de Salomon, de sa sagesse et de ses grandes richesses, arriva jusqu’à la reine de Saba.

Armand. Qu’est-ce que c’était, la reine de Saba ?

Grand’mère. C’était la reine d’un des plus riches pays de l’Arabie ; elle était renommée par ses richesses et sa puissance. Elle entendait tellement vanter la sagesse et les trésors de Salomon, qu’elle voulut en juger par elle-même ; elle se mit donc en route avec une nombreuse suite et une multitude de chameaux chargés d’or, de pierres précieuses, d’étoffes, de broderies, de parfums les plus exquis et les plus rares…

Jeanne. Pourquoi emportait-elle tout cela ?

Grand’mère. Pour l’offrir au roi Salomon, afin de l’éblouir par la beauté de ses présents. La reine de Saba arriva à Jérusalem ; le roi la reçut dans son palais avec toute la magnificence qu’il aimait à déployer. La reine adressa au roi Salomon plusieurs questions sur des choses obscures de la science ; Salomon lui expliqua ce que la reine croyait impossible à comprendre. Il eut avec elle plusieurs entrevues, dans lesquelles la reine admira la sagesse, la science et l’esprit du roi. Elle en fut tellement surprise et enchantée, qu’elle en était comme hors d’elle-même.

Elle admira aussi le temple, les palais du roi, les mets de sa table, le nombre et l’ordre de ses serviteurs, la magnificence de leurs habits, les holocaustes qu’il offrait au Seigneur.

Elle lui dit avant de le quitter : « Ce qu’on m’avait raconté dans mon royaume de vos entretiens et de votre sagesse est véritable. Je n’ai pas cru néanmoins ce qu’on m’en disait, jusqu’à ce que je sois venue, et que j’aie vu de mes propres yeux et entendu de mes oreilles. Et j’ai reconnu qu’on ne m’avait pas dit la moitié de ce qui est. Votre sagesse et votre conduite passent tout ce que la renommée m’en avait appris.

« Heureux ceux qui sont à vous ! heureux vos serviteurs qui jouissent toujours de votre présence, et qui profitent toujours de votre sagesse ! »

La reine lui dit encore plusieurs choses pour lui exprimer son admiration. Elle lui offrit ensuite les présents qu’elle avait apportés : cent vingt talents d’or, une quantité infinie des parfums les plus exquis, tels qu’on n’en apporta jamais depuis à Jérusalem, et des pierres précieuses d’une beauté remarquable. Sa flotte avait aussi apporté une quantité considérable des bois les plus rares.

Le roi Salomon, de son côté, donna à la reine tout ce qu’elle semblait désirer et ce qu’elle lui demanda, outre les présents qu’il lui fit de lui-même, et qui étaient d’une magnificence royale digne d’un si grand prince. Après quoi la reine de Saba s’en retourna dans son royaume avec ses serviteurs et sa nombreuse suite.

L’or que l’on apportait tous les ans à Salomon était de six cent soixante talents, c’est-à-dire trois cent quatre-vingt-seize millions. Il avait de plus les impôts que lui payaient ses sujets et les pays conquis, et tous les tributs des rois arabes et des peuples qui lui étaient assujettis.

Paul. Combien cela lui faisait-il par an ?

Grand-mère. Cela lui faisait des milliards et des milliards, plus qu’on ne peut compter, et bien plus que ne possède actuellement aucun roi de la terre. Aussi faisait-il des dépenses énormes ; il rebâtit des villes entières entre autres, la ville de Palmyre dans le désert, connue par ses magnificences ; il fortifia toutes les villes de son royaume, et les fournit de chariots, de chevaux, de tout ce qui peut fournir à l’agrément d’une ville.

Il se fit faire un trône en ivoire, avec six marches pour y monter, tout revêtu d’or ; deux lions de grandeur naturelle, en ivoire, servaient d’appui pour les bras. Douze lions étaient posés sur les marches du trône, six de chaque côté. Il ne s’était jamais rien fait de si beau dans aucun pays du monde.

Tous les vases desquels se servait Salomon étaient d’or pur, ainsi que toute sa vaisselle ; partout enfin c’était une magnificence sans pareille.